Objectifs : Infection urinaire Item 93 1. Diagnostiquer une infection urinaire chez le nourrisson, l enfant (et l adulte). 2. Argumenter l attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. Limites de la question : Le document ci-dessous ne concerne que les aspects pédiatriques de l infection urinaire de l enfant (adulte non traité). Sommaire Introduction Faq 1 - Etablir un diagnostic d infection urinaire Faq 2 - Niveau de l'infection Faq 3 - Traiter une infection urinaire Introduction L infection urinaire (IU) affecte 1% des enfants de moins de 2 ans, avec une prédominance masculine durant les premiers mois de vie et une prédominance féminine ensuite. L urine et l arbre urinaire sont normalement stériles et la colonisation microbienne suit le chemin inverse de l écoulement normal de l urine : périnée urètre vessie uretère bassinet - rein. Les trois premières étapes donnent lieu à une IU basse (cystite), les trois dernières à une IU haute (pyélonéphrite). Cela signifie que : - L infection est favorisée par : o Chez le nourrisson (propreté non acquise) : couches, immaturité vésicale, prépuce étroit, exonérations fréquentes ; o Chez l enfant (propreté acquise) : trouble mictionnel, vulvite, rétention stercorale, oxyurose, hygiène. - Toute pyélonéphrite aiguë (PNA) est a priori le fait d un reflux vésico-urétéro-rénal (RVU), permanent ou intermittent ; ainsi, le RVU ne crée pas la PNA, mais véhicule l urine infectée jusqu au rein. - La PNA correspond à une infection du bassinet («pyélo-») et du parenchyme rénal («-néphrite»), répondant ainsi à une contamination ascendante qui exclut les exceptionnelles infections parenchymateuses par voie hématogène. L infection peut être favorisée par un sondage vésical, un terrain immunodéprimé, une dérivation urinaire. Faq 1 - Etablir un diagnostic d infection urinaire Examen des urines L examen des urines commence par l aspect macroscopique, habituellement trouble. Modalités de recueil des urines: 1
Le recueil d urines s effectue après toilette locale, soit par recueil du milieu de jet chez l enfant qui contrôle sa miction, soit par recueil d urines dans un collecteur stérile changé toutes les 30 min chez le nourrisson et le jeune enfant (voire par ponction sus-pubienne). Les conditions de réalisation de l examen doivent être connues lors de l interprétation du résultat de la bandelette réactive ou l examen cytobactériologique des urines (ECBU). La positivité de l examen à la bandelette réactive confirme théoriquement le diagnostic clinique, mais la valeur prédictive positive de «leucocytes» et «nitrites» n est que de 70%. La notion de 2 bandelettes positives justifie la mise en route de l antibiothérapie probabiliste. La négativité autorise à se passer d ECBU (valeur prédictive négative de «leucocytes» ou «nitrites» = 100%), sauf chez le nouveau-né. Chaque fois qu un traitement est entrepris, l ECBU est indispensable pour confirmer le diagnostic et adapter l antibiothérapie. La confirmation du diagnostic d IU nécessite l association d une leucocyturie supérieure à 10 4 / ml (leucocytes altérés) et d une bactériurie supérieure ou égale à 10 5 / ml. Le contrôle de l ECBU sous traitement et après arrêt du traitement n est pas justifié. Autres examens Une échographie de l appareil urinaire, vessie pleine, doit toujours être réalisée lors d une première IU (cystite ou PNA), d autant plus rapidement que l enfant est jeune. Les marqueurs de l inflammation sont augmentés en cas de PNA et contribuent à l argumentation diagnostique. En pratique, c est le dosage de la protéine C réactive (CRP) qui est le plus répandu ; si ce dosage est normal ou bas, il faut savoir remettre en question la fiabilité de l examen d urine et donc le diagnostic de PNA. Une concentration élevée de procalcitonine serait associé à un risque accru d atteinte parenchymateuse. L hémoculture ne doit pas être systématique, car sa positivité ne modifie ni le traitement ni le pronostic. Faq 2 - Niveau de l'infection Le passage de l infection au-delà de la jonction vésico-urétérale est un peu théorique mais répond bien aux deux présentations cliniques que sont la PNA et la cystite. Le diagnostic repose sur des informations simples (Tableau I). Tableau I : Eléments permettant de localiser le niveau de l IU Renseignements PNA Cystite Cliniques Paracliniques Température > 38,5 < 38 Signes généraux + O Signes vésicaux + +++ Douleurs Lombo-abdominales Abdomino-pelviennes Palpation lombaire Douloureuse Indolore Hématurie + +++ Protéinurie +++ + Protéine C réactive Echographie urinaire Volume rénal Parois pyéliques épaissies Normale Reins normaux Paroi vésicale épaissie 2
Cystite La cystite est relativement rare chez l enfant. Généralement, elle révèle ou complique un trouble mictionnel, et est alors volontiers récidivante. La présentation est rappelée dans le tableau I. Prise en charge d un premier épisode Quel que soit l âge et le sexe, il convient de pratiquer une échographie urinaire, car cet épisode peut révéler une malformation ou une tumeur, même s il s agit d une éventualité rare. L antibiothérapie doit être entreprise sans tarder, par exemple avec cotrimoxazole (Bactrim, 1 mesure pour 5 kg, en 2 prises), à adapter secondairement selon l antibiogramme ; la durée du traitement est de 8 jours. Cystites récidivantes Il n y aucune raison pour qu une cystite récidive chez un enfant indemne de malformation. Cela incite à rechercher des éléments en faveur d un trouble mictionnel, qui peut générer ultérieurement un RVU et exposer au risque de PNA. L interrogatoire recherche alors des fuites diurnes d urine, un jet anormal, une encoprésie. Leur présence justifie souvent d associer un laxatif osmotique et un anticholinergique (oxybutinine). Une antibioprophylaxie (cotrimoxazole par exemple) est proposée chaque fois qu un cercle vicieux s est installé entre trouble mictionnel, rétention stercorale et infection. Ce traitement est institué au moins pour 3 mois. Cystites virales La plupart des cystites sont bactériennes, mais une cystite interstitielle d origine virale est possible (adénovirus, polyomavirus). La présentation est bruyante (douleurs mictionnelles intenses, hématurie macroscopique) et le diagnostic repose sur la notion d une leucocyturie aseptique et d un épaississement de la paroi vésicale. L évolution est spontanément favorable en quelques jours, mais l échographie doit être contrôlée à distance pour ne pas négliger une autre pathologie. Pyélonéphrite aiguë Toute PNA comporte à divers degrés un œdème interstitiel et un infiltrat de polynucléaires, ce qui explique la variété des aspects en échographie : augmentation globale du volume rénal, aspect de néphrite focale. En outre, la PNA comporte deux enjeux : la révélation possible d une malformation et le risque de séquelles. Présentation (Tableau I) Nouveau-né La PNA du nouveau-né est une infection sévère, comportant parfois une insuffisance rénale (IR) du fait d une atteinte bilatérale par reflux massif d urine infectée. Il existe souvent un syndrome infectieux grave, des troubles digestifs (vomissements, diarrhée), une déshydratation, des perturbations ioniques et parfois un ictère. La recherche d une IU (pouvant justifier une ponction sus-pubienne) fait partie du bilan systématique de toute infection néonatale. Nourrisson La moitié des PNA concerne des nourrissons. Il s agit alors volontiers d une hyperthermie isolée, plus ou moins bien supportée, parfois responsable de convulsions. La symptomatologie digestive (vomissements, douleurs abdominales, diarrhée) peut être au premier plan et ainsi retarder le diagnostic. 3
La notion d une douleur à la palpation rénale chez un enfant calme a une grande valeur sémiologique. En présence d une uropathie, l atteinte tubulaire associée à la PNA peut entraîner d importantes perturbations métaboliques (hyponatrémie, acidose). Enfant Les signes vésicaux sont au second plan derrière les douleurs abdominales (projection ombilicale fréquente) ou lombaires. La fièvre est volontiers élevée et accompagnée de frissons. Pyélonéphrite décapitée Cette situation n est pas exceptionnelle lorsque la PNA se présente comme une fièvre isolée et que l examen des urines à la bandelette n a pas été réalisé. La PNA est alors évoquée devant la persistance d une leucocyturie aseptique ou d une élévation de la CRP. L échographie n a de valeur que si elle montre un volume rénal augmenté ou un épaississement des parois pyéliques. Dans ce contexte, l examen le plus performant est actuellement la scintigraphie au 99mTc-DMSA (acide dimercaptosuccinique), à condition de la réaliser précocement. Faq 3 - Traiter une infection urinaire Une urgence thérapeutique Le traitement probabiliste associe une céphalosporine de 3ème génération et un aminoside pendant 48h : une injection quotidienne unique de ceftriaxone (Rocéphine 50 mg/kg) et de nétilmicine (Nétromycine 7 mg/kg) est efficace, bien toléré et réalisable en ambulatoire. Passé les 48 premières heures, le relais est assuré par une monothérapie adaptée à l antibiogramme, soit par voie parentérale pendant encore 24 à 48 heures avec relais per os, soit d emblée par voie orale. La durée totale de l antibiothérapie est de 10 à 15 jours. L hospitalisation s impose chez les enfants de moins de 3 mois en raison du risque de méningite associée, et elle reste recommandée jusqu à l âge de 6 mois ; au-delà, c est la tolérance clinique qui oriente. La stratégie antibiotique actuelle permet d obtenir rapidement la stérilisation des urines et l apyrexie, elle limite considérablement le risque de ré-infection à moyen terme et probablement le risque de cicatrices parenchymateuses à long terme. Place de l antibioprophylaxie Elle est justifiée chez le jeune enfant qui garde des couches et qui a présenté au moins deux épisodes de PNA ; il est alors logique de la maintenir jusqu à ce que les couches ne recueillent plus de selles. Elle peut aussi être proposée chaque fois qu un cercle vicieux s est installé entre trouble mictionnel, rétention stercorale et IU. Dans tous les cas, l antibioprophylaxie (céfaclor chez les enfants de moins de 2 mois, cotrimoxazole ensuite ; prise unique le soir, un tiers de la posologie curative) se heurte au risque de non-observance et au caractère empirique de sa prescription. Pyélonéphrites récidivantes La récidive d une PNA n est pas exceptionnelle et incite à rechercher scrupuleusement un trouble mictionnel. La cystographie est habituellement proposée même si l échographie ne montre pas d anomalie : elle est généralement normale ou n objective qu'un RVU de bas grade, souvent fonctionnel ; si le RVU est important et de type malformatif (ce que laisse souvent supposer l échographie), sa correction pourra être proposée. 4
Rôle du reflux vésico-urétéro-rénal Force est d admettre que la PNA est pratiquement toujours le fait d un RVU, permanent ou intermittent, qui n est d ailleurs visualisé par la cystographie que dans un tiers des cas. La classification des RVU en 5 grades ne présage pas du mécanisme du reflux, et on peut donc proposer une classification en deux catégories selon le mécanisme présumé (Tableau II). Tableau II : Deux types de RVU en fonction du mécanisme présumé RVU fonctionnel (secondaire à un dysfonctionnement vésical) RVU malformatif (primitif, par malfaçon de la jonction urétéro-vésicale) Fréquence +++ + Age Enfant Nouveau-né - Nourrisson Sexe Prédominance féminine Prédominance masculine Mode de révélation Grade radiologique PNA Faible (0 à 3) Echographie généralement normale PNA mais aussi diagnostic prénatal Elevé (3 à 5) Echographie généralement anormale Caractères du RVU Intermittent Permanent Jonction urétéro-vésicale Normale Anormale Troubles mictionnels +++ + Risque rénal + +++ (lésions dysplasiques) Traitement médical Antibioprophylaxie Traitement de l instabilité vésicale Traitement de la rétention stercorale Place de la chirurgie +++ + O + La croissance, en améliorant la maturation du fonctionnement vésico-sphinctérien (RVU fonctionnels) ou en allongeant le trajet intra-mural de l uretère (RVU malformatifs), permet d améliorer ou de faire disparaître bon nombre de RVU. La chirurgie du RVU est controversée ; elle est habituellement destinée aux RVU malformatifs sévères. Cette correction n influence pas le risque de cicatrices parenchymateuses, ni celui d hypertension artérielle ou d IR à long terme, mais réduit le risque de récidive des épisodes de PNA. 5