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Transcription:

Parmi les nombreuses barrières pouvant expliquer les difficultés d accès à la santé, l obligation faite à l usager de payer les prestations de soins représente un obstacle de première ligne. Chaque année, plus de 100 millions d individus basculent dans la pauvreté du fait de dépenses catastrophiques de santé. Aujourd hui, cette politique de tarification aux usagers fait l objet d une remise en cause appuyée qui se manifeste notamment par l émergence, dans un nombre croissant de pays, de politiques nationales ayant vocation à lever ou atténuer les barrières financières auxquelles les patients sont confrontés. De nombreux bailleurs internationaux ont également pris leur distance vis-à-vis des politiques de recouvrement des coûts auprès des usagers. Convaincu que la levée de l obstacle financier constitue une étape décisive vers l accès universel aux soins de santé primaire dans les pays à faible revenu, Médecins du Monde s est engagé depuis près de deux ans dans plusieurs projets d amélioration de l accessibilité financière aux soins, en particulier au Niger et en Haïti. Ces expériences de terrain mettent en évidence l impact positif des politiques de gratuité en terme de couverture sanitaire de la population. Pour autant, le succès d une telle entreprise dépend largement de la possibilité de s appuyer sur une volonté politique forte et réelle des autorités nationales ainsi que sur des financements stables et pérennes. Dans les pays à faible revenu, les ressources propres des Etats ne pouvant suffire à couvrir le coût de la gratuité, il est essentiel que l effort budgétaire national puisse être accompagné d une aide internationale prévisible sur le long terme. Dans cette perspective et considérant le nombre croissant de pays ayant opté pour la gratuité, les membres du G8 ont aujourd hui une responsabilité accrue d accompagner les Etats dans la mise en œuvre efficace et pérenne de cette nouvelle politique. Le prochain sommet d Hokkaïdo doit être l occasion pour les pays du G8 de réaffirmer sans ambiguïté l engagement pris en 2005 de promouvoir l accès gratuit aux soins de santé primaire (dans les pays qui le souhaitent) et mentionner explicitement leur volonté d appuyer la suppression des mesures de paiement direct par les usagers («user fees»). AFD : Agence française de développement APD : Aide publique au développemnet CSI : Centre de santé intégré CPN : Consultation pré-natale DRSP : Direction régionale de Santé publique EMMUS : Enquête mortalité, morbidité et utilisation des services FMI : Fonds monétaire international GMR : Global Monitoring Report IB : Initiative de Bamako MEG : Médicaments essentiels génériques OMD : Objectifs du millénaire pour le développement OPS : Organisation panaméricaine de la santé PF : Planning familial PNUD : Programme des Nations unies pour le développement SNIS : Système national d informations sanitaires SSP : Soins de santé primaire UE : Union européenne WDR : World Development Report (rapport sur le développement dans le monde)

If you want to reduce poverty, it makes sense to help governments abolish user fees.» Dr Margaret Chan, directeur général de l OMS, 5 juin 2007 1 Depuis quelques années, les enjeux de santé mondiale ont refait leur apparition parmi les préoccupations majeures inscrites à l agenda international. 2008 ne fait pas exception et s annonce d ores et déjà comme une année décisive en la matière. Elle revêt par ailleurs une symbolique particulière puisqu elle marquera le trentième anniversaire de la déclaration d Alma Ata. Trente ans après cette conférence internationale historique, et devant le constat d échec des objectifs qu elle s était fixés, il est temps que la communauté internationale se remobilise pleinement en faveur de l accès universel aux soins de santé primaire. Les nouveaux engagements pris dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) n ont pas permis, jusqu à maintenant, d enregistrer des avancées réellement significatives. Aujourd hui, près de 10 millions d enfants à travers le monde - un enfant toutes les trois secondes - meurent tous les ans de maladies qui auraient normalement du être évitées ou soignées (paludisme, pneumonie, diarrhée, rougeole ) 2. Malgré des résultats prometteurs dans la lutte contre la rougeole, cette maladie, contre laquelle un vaccin existe depuis plus de quarante ans, continue pourtant d entraîner la mort d environ 300 000 enfants chaque année 3. La mortalité maternelle est également un défi majeur auquel des réponses concrètes et efficaces doivent être apportées. Environ 500 000 femmes décèdent tous les ans de complications liées à la grossesse, l accouchement ou le post-partum 4. L analyse des taux de mortalité maternelle révèle par ailleurs des inégalités flagrantes et inacceptables entre pays riches et pays pauvres, 99 % de ces décès maternels intervenant dans les pays en développement. Deux régions présentent une situation sanitaire particulièrement alarmante et accusent un retard très important dans la réalisation des OMD santé : l Asie du Sud et l Afrique sub-saharienne. Taux de mortalité maternelle en 2000 Source : World Bank staff estimates

Avec 11 % de la population mondiale, le continent africain supporte à lui seul 24 % de la charge de morbidité mondiale et ne représente pourtant qu un petit pourcent du budget global consacré à la santé à travers le monde 5. Parmi les nombreuses barrières pouvant expliquer les difficultés et inégalités d accès à la santé (éloignement des centres de santé, transport cher et difficile, accès payant, qualité des soins insuffisante, dysfonctionnement des structures sanitaires, facteurs culturels, discrimination sexuelle, etc ), l obligation faite à l usager de payer les prestations de soins, représente un obstacle de première ligne 6. La politique de paiement direct par les patients, introduite à la fin des années 80, a en effet largement amputé la capacité des populations à se protéger efficacement contre le risque maladie. Aujourd hui, ce constat est de plus en plus partagé et a abouti notamment en 2005 à un engagement fort et symbolique des pays du G8 en faveur de la gratuité des soins de santé primaire (SSP) 7. Depuis, plusieurs gouvernements du sud (majoritairement en Afrique) se sont engagés dans cette voie via la mise en œuvre de politiques plus ou moins extensives d accès gratuit aux SSP. Pourtant, malgré ces premières avancées, l élimination du paiement direct par les usagers se heurte encore à des résistances importantes, notamment au niveau opérationnel ; résistances qui s expriment parfois au sein même des institutions promouvant la gratuité. Les doutes quant à la réalité du soutien promis par les pays donateurs, de même que les préoccupations liées à la pérennité nécessaire des financements de ces politiques de gratuité, comptent parmi les principales raisons motivant ces résistances. C est pourquoi, 3 ans après le sommet de Gleneagles, il nous paraît essentiel que les Etats du G8 réaffirment avec force et conviction l engagement pris en faveur de l élimination des mesures de paiements directs par les usagers, en particulier pour les populations les plus vulnérables dont les femmes enceintes et les enfants. Devant le nombre croissant de pays ayant opté pour la gratuité, les membres du G8 ont aujourd hui une responsabilité accrue d accompagner ces Etats dans la mise en œuvre efficace et pérenne de cette nouvelle politique. De ce point de vue, le sommet d Hokkaido doit être l occasion de préciser les modalités d appui des pays du G8 - ainsi que des principaux bailleurs de fonds internationaux - en apportant la garantie d un soutien technique et financier réel, adapté et s inscrivant dans la durée. Sur la base notamment de ses projets de terrain menés en Haïti et au Niger, Médecins du Monde France est aujourd hui convaincu que la remise en cause des politiques de tarification des soins aux usagers et l introduction de mécanismes de financement plus équitables peuvent avoir un impact sanitaire positif (hausse significative de la fréquentation des structures de santé, prise en charge plus précoce, plus systématique et donc plus efficace des malades ) et peut dans certains cas participer au renforcement des systèmes de santé.

La remise en cause des «user fees» et l émergence de politiques de gratuité. «La politique de recouvrement des coûts n a ainsi jamais pu répondre de manière satisfaisante aux préoccupations d équité, comptant pourtant parmi les grands principes directeurs de l initiative de Bamako.» L idée de recouvrir directement auprès des patients une partie des coûts nécessaires au fonctionnement d un système de santé, s est imposée à la fin des années 80 à la fois sous l impulsion de la Banque mondiale 8 et, pour ce qui concerne le continent africain, de l initiative de Bamako initiée par l UNICEF et l OMS. Facilitée par le jeu des conditionnalités imposées par les institutions financières internationales (IFIs), la généralisation de ce paradigme s est opérée très rapidement. Au milieu des années 90, pratiquement l ensemble des pays africains avaient instauré le principe de participation financière des usagers. Si dans l esprit de l initiative de Bamako, la participation financière des usagers faisait partie intégrante d un plan d action plus global visant à répondre aux dysfonctionnements des systèmes de santé existants, il est toutefois important de rappeler que cette politique s inscrivait également à l époque dans un contexte international marqué par la dégradation des termes de l échange et la crise de la dette des pays en développement. L instauration de plans d ajustement structurel, imposés par les IFIs pour faciliter le remboursement de la dette des pays du sud, marquera le début d une période d austérité budgétaire très forte symbolisée par des coupes drastiques dans le budget des secteurs sociaux. Le recouvrement des coûts auprès des usagers est alors vu avant tout comme un moyen de compenser la baisse volontaire des financements publics alloués à la santé. Malheureusement, force est de constater que l obligation de payer pour accéder aux soins de santé a eu et continue d avoir des conséquences négatives importantes sur l état sanitaire et le niveau de vie des populations, en particulier dans les pays à faible revenu. De nombreuses études menées tout au long des années 90 ont mis en exergue la chute des taux de fréquentation des structures de santé suite à l instauration des «user fees» 9. Au Kenya par exemple, la mise en place de mesures de tarification aux usagers en 1989 a entraîné en moyenne une diminution des consultations de 45 % dans les hôpitaux de district et de 33 % dans les centres de santé 10. De même, une recherche menée au Burkina Faso dans le district sanitaire de Kongoussi, a mis en évidence une baisse de 15 % de la fréquentation des centres suite à l introduction de la tarification aux usagers 11. Atteindre les OMD santé - L importance de fréquenter les services de santé Taux de mortalité infantile vs fréquentation totale dans plusieurs pays 300 250 200 150 100 50 0 South Soudan DRC Somalia Rwanda Bukina Faso Zambia Mozambique Ouganda Malawi Botswana Tanzania Sudan 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 nombre de visites par personne et par an Rob Yates, DFID, Senior health adviser, Congrès IHEA, Copenhague, 9 Juillet 2007

Or, l accès aux structures de santé constitue souvent un déterminant clef de l état sanitaire des populations. Comme le montre le tableau ci-dessous, on peut en effet constater une corrélation étroite entre le taux de fréquentation des structures sanitaires et le taux de mortalité infantile. Dans le cadre d un article paru en 2005 dans la revue The British Medical Journal, plusieurs chercheurs ont également mis en évidence le lien existant entre accès payant et mortalité infantile. Utilisant un modèle de simulation appliqué à 20 pays africains, ces chercheurs ont estimé que l élimination des mesures de paiement direct par les usagers permettrait d éviter chaque année plus de 230 000 décès parmi les enfants de moins de cinq ans 12. Au-delà des effets directs sur la santé des populations, l accès payant aux soins constitue un facteur d appauvrissement très important pour de nombreux foyers. Devant un épisode catastrophique de maladie, les malades et leurs familles sont bien souvent contraints de procéder à des choix très douloureux tel que l arrêt de la scolarisation des enfants, la vente de tout ou partie de leurs biens ou encore l endettement auprès des autres membres de la communauté. Parfois, renoncer aux soins devient la seule option possible, faute de moyens pour faire face au coût de prise en charge de la maladie. L Organisation mondiale de la santé estime que près de 100 millions d individus basculent chaque année dans la pauvreté du fait de dépenses catastrophiques de santé 13. Fondée sur la capacité de chacun à payer pour accéder aux soins de santé primaire, la politique de paiement direct par les usagers a entraîné au cours des 20 dernières années un renforcement des inégalités entre riches et pauvres, malades et bien-portants. Le principe de solidarité, qui devait s exprimer à travers la mise en place de mécanismes d exemption pour les indigents, s est révélé impossible à mettre en œuvre sur le terrain. La politique de recouvrement des coûts n a ainsi jamais pu répondre de manière satisfaisante aux préoccupations d équité, comptant pourtant parmi les grands principes directeurs de l initiative de Bamako. «La perte subie en termes d équité d accès aux soins semble peser bien plus lourd dans la balance que le gain induit en termes de financement.» Si la contribution financière des usagers s est révélée être un facteur limitant l accès aux SSP, les expériences passées montrent par ailleurs qu elle n a pas été en mesure de constituer un mécanisme de financement efficace pour faire face aux dépenses du système sanitaire. La plupart des études réalisées sur ce point font en effet apparaître que le paiement direct par les usagers permet de couvrir à peine 5 à 10 % des dépenses totales nécessaires au fonctionnement du service public de santé. A titre d exemple, une analyse produite en 2004 par l agence britannique de développement (DFID) a relevé que dans les 19 pays africains étudiés, le paiement direct avait permis de couvrir en moyenne 6.9 % des coûts récurrents des systèmes sanitaires 14 15. Les mesures de recouvrement des coûts auprès des usagers ne représentent ainsi qu une part marginale de l ensemble des ressources financières nécessaires. De ce point de vue, la perte subie en terme d équité d accès aux soins semble peser bien plus lourd dans la balance que le gain induit en terme de financement. Aujourd hui, force est de constater que les politiques de recouvrement des coûts auprès des usagers participent bien plus à contenir la demande de soins (en conditionnant l accès à la capacité de payer) qu à renforcer l offre via l apport de ressources financières supplémentaires.

chapitre 1 - la remise en cause des «users fees» et l émergence de politiques de gratuité Upon client-country demand, the Bank stands ready to support countries that want to remove user fees from public facilities banque mondiale, stratégie «santé, nutrition et population», avril 2007 Depuis quelques années, les mesures de paiement direct par l usager font l objet d une remise en cause de plus en plus affirmée y compris au sein même des institutions qui en ont fait initialement la promotion. C est notamment le cas de la Banque mondiale qui en 2004, à l occasion de son rapport sur le développement dans le monde consacré à l accès aux services essentiels, a choisi de prendre ses distances avec la politique de recouvrement des coûts. Cessant de considérer cette politique comme solution unique, le rapport de la Banque considère au contraire qu elle ne constitue qu une modalité de financement parmi d autres 16. L institution de Bretton Woods est venue par ailleurs confirmer ce revirement dans le cadre de sa nouvelle stratégie «santé, nutrition et population», adoptée en avril 2007. Le paragraphe 105 de cette stratégie mentionne explicitement l intention de la Banque mondiale d apporter son appui aux pays bénéficiaires désireux d instaurer l accès gratuit aux soins dans les centres publics de santé 17. L Union européenne et ses Etats membres ont également affirmé à plusieurs reprises leur intention de promouvoir l accès gratuit aux soins de santé primaire. Ainsi, en décembre 2005, les Etats membres ont adopté un document stratégique intitulé «EU and Africa : towards a strategic partnership» dans lequel ils s engagent à «fournir une aide prévisible et pluriannuelle en direction des systèmes de santé en Afrique afin que tous les Africains puissent avoir accès aux soins de santé primaire, gratuitement lorsque les gouvernements en décideront ainsi» 18. Le plan d action 2008-2010, adopté au Sommet UE-ACP de Lisbonne (décembre 2007), mentionne quant à lui l abolition du paiement direct par les usagers parmi les actions à entreprendre en vue d atteindre les OMD santé. Le Secrétariat général des Nations unies s est aussi prononcé en faveur de la gratuité dans le cadre de son rapport «dans une liberté plus grande», publié en amont du sommet du Millénaire +5 (septembre 2005) 19. Le Royaume-Uni s inscrit de même dans cette tendance et s impose comme le bailleur bilatéral le plus favorable à l instauration de la gratuité d accès aux soins de santé primaire. Ainsi, il n est pas surprenant que la Commission pour l Afrique, instituée en amont du Sommet du G8 de Gleneagles (UK) et présidée par le Premier ministre Tony Blair, préconise, elle aussi, l élimination de la participation financière des usagers comme mécanisme de financement des systèmes sanitaires 20. Enfin, la déclaration finale du G8 de Gleneagles constitue sans aucun doute l engagement le plus fort et le plus symbolique dans la mesure où il émane des huit pays donateurs les plus riches et les plus influents. A l occasion de ce G8, les huit chefs d Etat et de gouvernement ont clairement exprimé leur intention de soutenir les initiatives nationales visant à instaurer la gratuité d accès aux soins de santé primaire pour les enfants 21. Au cours des trois dernières années et suite aux grandes déclarations d intention des principaux bailleurs internationaux, plusieurs pays ont décidé de se lancer dans l élaboration et la mise en œuvre de politiques d amélioration de l accessibilité financière aux soins de santé primaire. C est particulièrement vrai sur le continent africain. A titre d exemple, on peut mentionner le Kenya, le Niger, le Burundi ou encore plus récemment le Soudan.

Tous ces Etats ont instauré des politiques publiques visant à garantir l accès gratuit à un paquet minimum de soins de santé primaire pour les enfants de moins de cinq ans et/ou les femmes enceintes. La Zambie pour sa part a introduit en 2006 une politique de gratuité des soins de santé primaire pour l ensemble de la population vivant en zone rurale. L ensemble de ces politiques étant considéré comme un moyen d atteindre à terme les objectifs du millénaire en matière de santé. En tant qu acteur de terrain, Médecins du Monde se félicite de ces nouvelles initiatives nationales s inscrivant dans une logique d introduction ou d extension de la gratuité d accès aux soins de santé primaire. Soucieux d appuyer des systèmes de santé fonctionnels et accessibles en particulier aux plus défavorisés, Médecins du Monde considère la levée des barrières financières comme une étape indispensable vers l accès universel aux soins de santé primaire dans les pays à faible revenu. Depuis près de deux ans, notre association s est investie sur plusieurs projets d amélioration de l accessibilité financière aux soins, notamment au Niger et en Haïti. Les deux chapitres suivants en présentent les principaux enseignements. De manière générale, il ressort que la remise en cause des politiques de tarification aux usagers constitue une expérience positive pour l amélioration de la santé des populations. Pour autant le succès d une telle entreprise dépend largement de la possibilité de s appuyer sur une volonté politique forte et réelle des autorités nationales ainsi que sur une véritable planification en amont intégrant autant les enjeux liés au financement pérenne de la gratuité que les aspects techniques relatifs à la gestion de l impact de la gratuité sur les populations, sur les ressources humaines en santé ainsi que sur l approvisionnement en médicaments essentiels.

Exemption de paiement pour femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans, le cas du Niger Classé par le PNUD au 174ème rang mondial (sur 177) en matière de développement humain 22, le Niger doit faire face à des défis majeurs sur le plan sanitaire. Aujourd hui, l espérance de vie ne dépasse pas 56 ans. Un enfant sur quatre n atteint pas l âge de 5 ans. Une femme enceinte sur trois est anémiée et la mortalité maternelle frappe une femme sur dix-sept au cours de sa vie féconde. Cette situation est par ailleurs exacerbée par une croissance démographique très importante rendant très difficile l extension de la couverture en services de base. A noter que l état sanitaire de la population présente des écarts importants entre zones rurales et zones urbaines de même qu entre les divers groupes socioéconomiques. L accès au système de santé au Niger est très limité et marqué par de profondes inégalités (géographiques, structurelles, financières et culturelles). Le taux de fréquentation des services de santé disponibles s est largement dégradé depuis le milieu des années 90 et l instauration du paiement direct par les usagers. La qualité des soins et l accès payant aux services de santé sont identifiés comme les principaux obstacles pouvant expliquer ces difficultés d accès aux structures sanitaires 23. Dans le cadre d une enquête de population menée par MdM en 2006 dans le district de Keita, 45 % des personnes interrogées ont affirmé ne pas avoir accès aux soins par manque de liquidités 24. > Recouvrement des coûts et mise en œuvre des exemptions au Niger Suite à l initiative de Bamako, la participation financière des usagers a été introduite au Niger en 1994 et étendue à l ensemble du territoire en 1997 sous la forme d un «forfait épisode maladie». Contrairement à d autres pays de la sous région où le patient doit s acquitter du coût de la consultation d un côté et du prix des médicaments essentiels génériques (MEG) de l autre, le Niger a choisi la mise en place d un forfait unique par catégorie d acte de soins (couvrant donc la consultation + les médicaments). Même si plus équitable que la logique à l acte, le principe du forfait épisode maladie a eu les mêmes apports et les mêmes contraintes en termes budgétaires et d accès aux soins. Au niveau local, les contributions des usagers permettent de couvrir 25 à 50 % des frais de fonctionnement des structures, hors salaires. En revanche, au niveau du système sanitaire dans son ensemble, la participation financière des usagers ne contribue qu à hauteur de 5 % des dépenses nationales de santé. Une des réussites de l initiative de Bamako a été la mise à disposition effective des MEG au niveau des structures de soins, ce qui était l un des principaux facteurs limitant le recours aux services dans les politiques antérieures. Pour autant, le taux de recours aux soins a baissé de 50 % après quelques années. Les populations les plus fragiles ont été les premières exclues des soins du fait de l absence de politique effective de prise en charge des indigents Devant ce constat et suite notamment à la crise alimentaire qu a connue le pays en 2005, la décision politique a été prise d aménager les modalités de financement du système de santé afin d y introduire plus d équité au profit des femmes enceintes et des enfants de moins de 5 ans. Ainsi, entre novembre 2005 et avril 2006, une série de textes de loi a été adoptée, prévoyant la prise en charge gratuite des césariennes et des ruptures utérines, la gratuité des moyens de contraception, ainsi que l exemption de paiement pour les consultations prénatales (consultations/traitements) et les soins portés aux enfants de 0 à 5 ans (préventifs et curatifs) 25.

Médecins du Monde est intervenu dès octobre 2006 dans le district rural de Keita, en lien étroit avec l équipe cadre du district, afin de contribuer concrètement à la mise en œuvre technique de cette nouvelle politique de gratuité pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. En tant qu opérateur sur le terrain, notre association a pu participer activement à la réflexion autour des grands enjeux relatifs à l application de la gratuité (définition des procédures de prise en charge, mise en place de forfaits uniformes sur l ensemble du territoire, refonte de l approvisionnement et de la facturation des MEG, formation des agents de santé, information des populations quant à l existence de cette nouvelle politique, préparation des circuits de remboursement et implication des bailleurs internationaux). L objectif d amélioration de l accès aux soins est atteint par les exemptions. Sur les districts de Mayahi, Téra et Keita, une hausse du recours aux services de +147 % a été constatée, consultations payantes comme exemptées 26. Entre 2005 et 2007, le volume annuel de prise en charge assuré par le système de santé, est passé de 253 796 à 628 238 consultations. a) Les exemptions renforcent la couverture géographique des services sanitaires Les données fournies par le système national d information statistique (SNIS) permettent d analyser l incidence des exemptions sur la répartition géographique de l accès aux soins dans le district de Keita. Avant la mise en place des exemptions, 64 % des consultations étaient issues de la zone 0-5 km du CSI, 36 % dans le rayon 5-15 km et 0 % issues des zones au delà de 15 km 27. Comme le montrent les tableaux ci-dessous, la politique de gratuité a entraîné une extension de la couverture géographique. Les exemptions ont permis de diminuer le coût d opportunité occasionné par l accès au CSI et de ce fait a permis pour certains soins l accès des populations situées au delà de 15km de la structure. L exemple des recours pour les consultations de santé reproductive est symptomatique : l attraction du CSI au delà des 15km est effective pour les cas pathologiques (grossesse à risque) plus que pour la prévention (CPN et PF), confortant l hypothèse que la politique d exemption doit continuer à s appuyer sur une offre de service et une couverture géographique améliorée. «La politique de gratuité a entraîné une extension de la couverture géographique.» Evolution du dépistage des grossesses à risque selon la zone de provenance des patients Niger district de Keita Evolution CPN par zone de provenance des patients Niger district de Keita 140 120 100 80 60 40 20 1200 1000 800 600 400 200 0 0-5 6 à 15 km 15 et plus 0 0-5 6 à 15 km 15 et plus avant exemptions après exemptions Source : Système national d information sanitaire - Niger, agrégé par MdM

chapitre 2 - Exemption de paiement pour femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans, le cas du Niger «La politique d exemption de paiement a entraîné une multiplication par 4 du nombre de consultations pour les moins de 5 ans.» b) Un recours des moins de 5 ans aux soins curatifs quadruplé La mise en œuvre de l initiative de Bamako avait conduit à une diminution de 50 % du nombre de consultations. A l inverse, la politique d exemption de paiement a entraîné une multiplication par 4 du nombre des enfants de moins de 5 ans pris en charge dans le cadre des services de soins curatifs. En chiffres bruts, le système de santé des 3 districts est passé d une prise en charge annuelle de 107 774 cas en 2005 à 390 819 cas en 2007. Les normes OMS pour les 0-60 mois sont de 2 contacts par enfant et par an. Les résultats enregistrés au Niger avant 2005 étaient de l ordre de 0,5 contact par enfant et par an (0,47 dans les zones de Keita, Mayahi et Téra). La mise en œuvre de la politique d exemption a fait passer, en moins de 2 ans, ce chiffre à 1,6 contact par enfant par an, sur des modalités viables et pérennes. Consultations - 5 ans/trimestre Évolution du nombre total de consultations des moins de 5 ans Source : Système national d information sanitaire - Niger, agrégé par MdM c) Un doublement des recours aux services préventifs de consultation prénatale Plus encore que les consultations curatives, les activités préventives ont souffert de la participation des usagers. Les activités préventives ne peuvent être facturées sans connaitre une baisse forte de leur recours. L exemple des CPN est à ce titre parlant. Les CPN permettent la prévention des accès de paludisme au cours de la grossesse, la prise de la tension, la prévention de l anémie, le dépistage des grossesses à risque, la prise en charge des cas de malnutrition maternelle Au Niger, le nombre de CPN recommandé pendant la grossesse est de 3. Avant la mise en œuvre de la politique, on comptait une moyenne de 1,07 consultations par grossesse. Après moins de deux ans de mise en œuvre, on compte désormais 2,18 CPN par accouchement attendu. De la même façon, en 2005, seules 36 % des grossesses faisaient l objet d une première consultation prénatale, contre 76 % aujourd hui. Au final le recours aux services de CPN a plus que doublé (+117 %) Hamsatou, qui ne doit pas avoir plus de 16 ou 17 ans, est mariée depuis 2 ans. Elle vient faire ausculter son petit Mahamoud d un an qui souffre de déshydratation liée à de fortes diarrhées. Interrogée sur l impact de la gratuité des soins, elle répond : «Grâce à la gratuité des vaccinations et des soins, j ai pu faire suivre mon petit garçon très régulièrement depuis la naissance. «12

La prise en charge des complications obstétricales a également été améliorée suite à la mise en place de la gratuité. Dans la maternité de Tassigui (niveau de référence), le nombre de prise en charge est passé du simple au double. Au niveau périphérique, on constate une multiplication au minimum par 5, comme c est le cas par exemple à Téra. d) Précocité des prises en charge : une rapidité de recours pour des pathologies à potentiel invalidant largement améliorée. Nous prenons ici l exemple de la conjonctivite pour illustrer l impact direct des exemptions de paiement sur la santé. Pour rappel, la conjonctivite est une infection oculaire fréquente et banale qui se prévient par des sensibilisations sur l hygiène, et se traite par des soins d hygiène et des pommades antibiotiques. Le nombre d épisodes de conjonctivites non ou mal traités est corrélé positivement avec le risque d apparition du trachome, l une des principales causes de cécité en Afrique sub-saharienne. Avec la mise en place des exemptions de paiement, on note une forte augmentation des consultations pour conjonctivite. Sur 100 consultations d enfants de moins de 5 ans, 5,02 ont pour motif une conjonctivite avec les exemptions, contre 2,55 avant la mise en œuvre de cette politique. En chiffres bruts, les prises en charge de conjonctivites d enfants de moins de 5 ans sont passées de 692 en 2005 à 3 559 en 2007 sur le district de Keita, soit une variation de +213 %. Les exemptions sont donc un facteur direct de prévention du trachome. e) Une systématisation du recours aux soins Au delà des exemptions, on constate un recours aux soins plus systématique des populations. De 2005 à 2007, sur les 3 districts sanitaires retenus dans l exemple, on note une hausse de 28 % du recours aux soins payants. Ce recours accru aux soins payants peut s expliquer par différents facteurs qui mériteraient des études plus approfondies. Parmi les principales hypothèses, on peut avancer notamment les points suivants : Le développement d une habitude de recours aux soins au niveau des structures suite à un premier contact dans le cadre des exemptions ; Une amélioration de la disponibilité financière du fait des exemptions, la part du revenu consacrée aux soins des enfants peut être réinvestie pour la prise en charge des adultes ; Une logique d opportunité dans le cadre d une visite gratuite : le temps de déplacement et les coûts corrélés étant déjà supportés, un accompagnant peut avoir recours à un service payant. Dans le cas du Niger, il semble que le passage à la gratuité ciblée pour les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes, n ait pas eu d effet déstabilisant pour le système sanitaire dans son ensemble. Par exemple, on constate, en terme d impact sur le personnel de santé, que le passage à la gratuité a pu s opérer, tout au moins dans le district de Keita, à ressources humaines constantes. Le faible niveau de fréquentation préalable à la mise en œuvre des exemptions explique qu il n y ait pas eu besoin de recruter de personnel supplémentaire. D autre part, il est probable que l instauration de la gratuité des SSP ait un effet structurant positif sur le système sanitaire nigérien. En effet, le fait que l Etat soit à nouveau positionné comme «tiers payant» conduit le gouvernement à chercher une plus grande efficacité dans la gestion du système et notamment dans le contrôle des coûts. Ainsi, l Etat est appelé naturellement à vérifier la bonne organisation du système dans son ensemble (implantation des

chapitre 2 - Exemption de paiement pour femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans, le cas du Niger structures de soins, affectation et management du personnel soignant, modes de prescription, accueil des patients, ou encore gestion des MEG). Chargé de rembourser in fine les centres de santé, l Etat est directement intéressé par l amélioration du fonctionnement des structures sanitaires. On peut également considérer que la politique d exemption mise en place par le gouvernement nigérien participe à une logique économique rationnelle devant aboutir sur le long terme à une diminution du coût global de la santé. Par exemple, la précocité des recours, qu implique la gratuité, s inscrit directement dans cette logique. Les données de fréquentation fournies plus haut illustrent le phénomène d un recours précoce aux soins débouchant sur une prise en charge de pathologies moins complexes. Grâce à ces pathologies plus simples à prendre en charge par le personnel des structures périphériques, le nombre de transfert et de prise en charge au niveau supérieur devrait diminuer. Les soins sont donc moins onéreux pour les patients comme pour les structures de manière directe (intrants, coût en personnel) et indirecte (coût d évacuation, journées d activité perdues ). Enfin, du point de vue financier, la politique d exemption pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans est aujourd hui financée via une nouvelle ligne budgétaire «gratuité» intégrée dans le budget national du Niger. Le montant inscrit dans la loi de finance 2008 sur la ligne gratuité est de 3 milliards de francs CFA (4,5 millions d euros). L agence française de développement (AFD) octroie pour sa part une aide budgétaire de 1.5 million d euros 28. Au regard de ces montants, il semble que le financement des exemptions ne représente pas un investissement inaccessible. Pour autant, si le démarrage de cette nouvelle politique est aujourd hui assuré par ce financement, il est primordial d obtenir la garantie que la ligne «gratuité» pourra être abondée de manière pérenne avec une diminution dans le temps de la dépendance vis-à-vis de l aide internationale.

Gratuité des soins de santé primaire, l expérience de MdM en Haïti En Haïti, l espérance de vie à la naissance se situe autour de 59 ans contre 72 pour le reste des pays de la région de l Amérique latine et les Caraïbes (ALC) 29. L indice synthétique de fécondité pour les femmes en âge de procréer (15 49 ans) est de 4,0 (EMMUS IV, 2007) contre 2,0 en ALC (OPS/OMS, 2006). La dernière enquête mortalité, morbidité et utilisation des services de 2005-2006 (EMMUS IV) faisait état d une mortalité maternelle en hausse, le taux passant de 523 pour 100 000 naissances vivantes (pour la période 1995-2000) à 630 pour 100 000. Or, il faut noter que près de 80 % des accouchements ont lieu à domicile, avec l aide d accoucheuses traditionnelles, majoritairement peu formées. Le taux de mortalité infantile, bien qu en baisse depuis 2001, est encore le plus élevé de la région des Amériques et l un des plus élevés au monde : il se situe autour de 57 pour 1000 (EMMUS IV). Les raisons de cette situation sont nombreuses, mais force est de constater que les difficultés d accès aux soins de base, surtout en milieu rural, en est la principale. Les difficultés financières d accès aux soins constituent une barrière particulièrement prégnante sur l ensemble du territoire. Selon l enquête EMMUS III, 41 % des personnes sérieusement blessées ou malades n ont pu être amenées à des institutions de soins en raison du coût très élevé. 40 % des malades ont par ailleurs déclaré que le choix de la structure de santé avait été déterminé par le coût des soins. Cette situation est cohérente avec le fait qu en Haïti, le revenu par habitant est à peine de 450 dollars US par année 30 et que 76 % des Haïtiens vivent avec moins de 2 dollars US par jour 31 dans un contexte où les dépenses de santé par rapport au produit intérieur brut ne sont que de 2,7 %. «Selon l enquête EMMUS III, 41 % des personnes sérieusement blessées ou malades n ont pu être amenées à des institutions de soins en raison du coût très élevé.» a) Le recouvrement des coûts auprès des usagers Le financement du système national de santé repose en grande partie sur le principe du recouvrement des coûts auprès des usagers, c est-à-dire le «paiement à l acte «de la consultation et des médicaments prescrits au cours de la visite médicale. En l absence de politique nationale fixant le coût exact d une consultation, les prix varient en fonction des lieux entre 0,2 et 0,5 euro. Le patient doit par ailleurs s acquitter ensuite du prix des médicaments, le plus souvent correspondant au prix de gros majoré d une marge cumulée à chaque échelon (dépôt central, dépôt périphérique, dispensaire). Les plus pauvres ne bénéficient d aucun système d exemption, sauf au cas par cas et pour quelques indigents connus. Aujourd hui, de nombreux acteurs du développement intervenant en Haïti dressent un constat d échec de cette politique. Outre le constat qu elle a favorisé le désengagement de l Etat dans la prise en charge du système de soins, plusieurs critiques soulignent le fait que les objectifs initiaux de la politique n ont pas été atteints 32 et que la participation financière des usagers apparaît comme le principal frein à l accès aux soins de base b) L introduction de la gratuité par Médecins du Monde dans le département de la Grande Anse MdM intervient dans le département de la Grande Anse de façon continue depuis 1989. Ce département est très enclavé du reste du pays par la présence de plusieurs chaînes montagneuses : il faut 11 à 12 heures de route pour parcourir les 285 km qui séparent Jérémie, la principale ville de la Grande Anse à Port-au-Prince, la capitale. MdM a mené plusieurs projets en cohérence avec la philosophie et les objectifs de l association : actions de santé communautaire ; projets latrines ; éducation pour la santé ; appui direct aux structures de santé A partir de 2002, MdM s est engagé dans des projets de développement pour appuyer la mise en œuvre du plan national de santé dans le département de la Grande Anse : réalisation d un diagnostic socio sanitaire dans l unité communale de santé N 2 (UCS 2) ;

chapitre 3 : Gratuité des soins de santé primaire, l expérience de MdM en Haïti projet d appui à la mise en place d un système de santé intégré et décentralisé (UCS 2) ; projet de «Réhabilitation et redynamisation de l UCS 2 de la Grande Anse» en appui à six structures sanitaires. «Dans le centre de Lopineau, le nombre de consultations prénatales par mois a en moyenne été multiplié par cinq.» Suite à une évaluation de ce dernier projet, MdM a décidé, conjointement avec la direction départementale sanitaire de la Grande Anse, de réorienter son action en se recentrant sur deux dispensaires (Carrefour Charles et Lopineau) et en mettant en place un programme d accessibilité financière aux soins de base, axé sur deux mesures concrètes : instauration de la gratuité pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans 33 et forfait de 25 gourdes (1/2 euro) pour le reste de la population. Localisé dans la commune de Roseaux (16 000 à 18 000 personnes), ce projet repose essentiellement sur l octroi de la gratuité pour les trois consultations prénatales et les consultations des enfants de moins de cinq ans ainsi que la prise en charge gratuite des médicaments essentiels délivrés au cours de ces consultations médicales. Cette réorientation fait suite notamment à la publication en juillet 2005 d un arrêté au journal officiel haïtien annonçant des mesures d exemptions en faveur des femmes enceintes. Toutefois, issue du gouvernement transitoire et faute de moyens financiers pour l appliquer, cette décision politique n a pas été suivie d effets. Le projet de MdM s inscrit donc dans un effort d appui à la mise en œuvre effective de cet arrêté et vise par ailleurs à obtenir l extension des mesures d exemption au profit des enfants de moins de cinq ans. a) Une hausse sensible de la fréquentation des populations cibles Depuis la mise en œuvre de la gratuité dans les deux dispensaires concernés, on constate une nette augmentation de la fréquentation des femmes enceintes et des enfants de moins de cinq ans. Dans le centre de Lopineau, le nombre de consultations prénatales par mois a en moyenne été multiplié par cinq tandis que la fréquentation des enfants de moins de cinq ans est passée de 13 consultations par mois à 87 consultations mensuelles. Les tableaux cidessous présentent l évolution de la fréquentation mensuelle dans les deux dispensaires : Fréquentation CPN avant et après la gratuité - Lopineau (données cumulées)

Enfants <5 ans, avant et après la gratuité - Lopineau (données cumulées) Enfants <5 ans, avant et après la gratuité - Carrefour Charles (données cumulées) source : Médecins du monde France Témoignage d une femme enceinte : Wesh Elodie cultivatrice, 24 ans, mère de 2 enfants, en est à sa troisième grossesse «J ai marché plus de 6 heures pour arriver au dispensaire. Je suis partie de chez moi, la localité de Miya, à midi pour arriver à Carrefour Charles à 18 heures, où j ai passé la nuit. Avant, je portais mal mes grossesses on m a dit que la consultation prénatale est très importante, alors je suis venue. J avoue que s il fallait payer, je ne serai pas venue. Durant mes 2 premières grossesses, je faisais 1 seule CPN ; je payais 200 gourdes (4 euros) que j économisais en 2 mois, en attendant la saison de récolte des haricots. Maintenant avec ce programme, j en suis à ma troisième CPN. Ce programme est à encourager car, il sauve la vie des gens. Malheureusement, toutes les femmes enceintes de ma localité ne sont pas aussi courageuses que moi. Il y en a, au terme de leur grossesse, qui n ont jamais consulté à cause de la distance à parcourir pour arriver au dispensaire de Carrefour Charles. Si les autres centres de santé avaient ce programme, nous serions comblées!»

chapitre 3 - Gratuité des soins de santé primaire, l expérience de MdM en Haïti Aujourd hui, l effet d attraction des deux dispensaires pilotes est très important à tel point que le personnel soignant éprouve aujourd hui quelques difficultés à faire face à la demande de soins. Selon Miss Marie Odie Jean Félix, auxiliaire infirmière en poste depuis trois ans au centre de santé de Carrefour Charles, l affluence des patients est telle que le staff est obligé d inviter une dizaine de patients, moins graves et n habitant pas trop loin, à rentrer chez eux et à revenir le lendemain au centre de santé. Cette situation s explique notamment par la forte proportion de patients venant de zones géographiques non rattachées aux dispensaires en question. A Carrefour Charles par exemple, la part des patients «out-zone» représente plus d 1/3 des femmes enceintes et des enfants de moins de cinq ans venant consulter. Ceci souligne le besoin d étendre ce programme d amélioration de l accessibilité financière aux soins aux autres structures sanitaires afin que toute la population du district puisse bénéficier d un service de santé équivalent et équitable. b) L amélioration de l organisation des dispensaires, un effet indirect de la gratuité Comme indiqué dans le paragraphe précédent, l introduction du programme de gratuité dans les deux centres de santé a entraîné une hausse de la fréquentation qui a posé un certain nombre de défis dans la gestion des dispensaires. L accueil de nouveau personnel soignant (la direction départementale sanitaire ayant accepté d affecter des infirmiers en service social), l aménagement d une salle de consultation supplémentaire ou encore la mise en place d un outil de planification pour l exécution des tâches quotidiennes, constituent autant de mesures d accompagnement nécessaires qui ont contribué à l amélioration de l organisation interne des centres de santé. Aujourd hui, MdM est en mesure de constater que le programme d instauration de l accès gratuit aux soins de santé primaire pour les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes, a permis d effectuer un saut qualitatif dans la gestion et la planification interne. Ainsi, l enregistrement des patients ou encore le classement des dossiers s est beaucoup amélioré. Avant la gratuité, certains patients se retrouvaient avec 2 ou 3 dossiers. Depuis, l archiviste a pu être formé, encadré et bénéficier d un suivi. Désormais, tous les patients ont un seul dossier et la recherche se fait avec plus d aisance. Plusieurs outils de gestion ont dû par ailleurs être élaborés afin de collecter avec précision un certain nombre de données telles que le nombre de patients enregistrés par jour, le nombre de femmes enceintes, le nombre d enfants de moins de 5 ans, le nombre d indigents exonérés ou encore le nombre de consultations réellement payantes. Ces outils sont aujourd hui fonctionnels et permettent d assurer un meilleur suivi de l évolution et des principales caractéristiques des consultations délivrées dans les deux centres. Enfin, la gestion des médicaments et des intrants s est également trouvée améliorée suite au passage à la gratuité. Les commandes de médicaments sont passées, en moyenne de 15 000 gourdes avant gratuité à 80 000 gourdes après introduction de la gratuité, la différence étant due à la hausse de la fréquentation et au stockage des médicaments qui n existait pas avant l application de cette mesure. Il a donc fallu former le personnel de santé au classement et au stockage des médicaments, à la gestion de stock et à l inventaire.

En 2006, une enquête 34 commanditée par MdM qui avait pour but de comprendre les mécanismes d accès aux soins des populations de la Grande Anse et d identifier les besoins ressentis comme étant prioritaires, a révélé les résultats suivants : La consultation médicale et les médicaments appauvrissent les foyers En prévision du coût de la consultation et des médicaments, les personnes interrogées déclarent prévoir consacrer : moins de 50 gourdes...9,7 % entre 50 et 100 gourdes...45,2 % plus de 100 gourdes...41, 9 % n ont pas donné de réponses...3,2 % Par rapport au temps mis pour réunir l argent de la consultation, 71 % des personnes interrogées affirment mettre plus de quatre jours. Lorsque qu une consultation en urgence est nécessaire : 32,3 % utilisent leur économie, 45,2 % empruntent cet argent à des personnes de leur entourage, et 35 % se retrouvent dans l obligation de vendre un bien (L ensemble est supérieur à 100 % parce que la plupart des personnes utilisant leurs économies doivent également utiliser un autre mode de financement). L absence d argent est un obstacle majeur à la consultation médicale 83,7 % des personnes interrogées déclarent ne pas aller consulter systématiquement au dispensaire lors d un épisode de maladie ; 80 % invoquent l absence d argent disponible nécessaire à la consultation pendant l épisode de maladie. Ces résultats illustrent parfaitement les mécanismes de dépenses caractéristiques de la politique de recouvrement des coûts qui font que les personnes vulnérables sont, soit dans l obligation de trouver une solution difficile pour se faire soigner (souvent source d appauvrissement), soit de ne pas se faire soigner. Cette conséquence constitue une des raisons pour lesquelles le recouvrement des coûts est un obstacle à l atteinte des OMD, notamment ceux relatifs à la lutte contre l extrême pauvreté et à la réduction de la mortalité materno-infantile. On peut considérer, dans ces conditions, que le programme d accessibilité financière avec gratuité pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, est une alternative au recouvrement des coûts et un moyen important, à grande échelle, de favoriser l atteinte des OMD, car il permet de lever la barrière financière, principal obstacle à l accès aux soins en Haïti. Sur le plan individuel ou familial, la gratuité des soins favorise l épargne ou l utilisation de l argent à d autres fins, notamment à l alimentation.

chapitre 3 - Gratuité des soins de santé primaire, l expérience de MdM en Haïti Actuellement, la mesure de gratuité pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, mise en place par MdM au dernier trimestre 2006 est un véritable succès et attire les populations de toutes les localités avoisinantes. Il est fréquent de voir des femmes enceintes et des enfants marcher plus de trois heures pour venir en consultation. Certaines localités sont situées à plus de six heures de marche. Cependant, si cette mesure n est pas étendue à l ensemble du pays, l organisation géographique du système de santé sera complètement déstabilisée en raison du non respect, par les populations, du découpage sanitaire. En fait, nous assisterons à un système de santé à deux vitesses, avec d une part, des services gratuits pour les groupes cibles habitant les localités proches des centres de santé où se pratique la gratuité, en général mis en place par les ONG et, d autre part, des soins payants pour les localités situées autour des structures de santé ne bénéficiant pas de la gratuité des services. Dans ce dernier cas, les malades seront obligés, soit de trouver l argent pour se faire soigner (souvent il s agit d une cause d appauvrissement : emprunt, vente de bétail ), soit de marcher plusieurs heures pour atteindre les centres de santé pratiquant la gratuité, ce qui est, actuellement le cas dans nos deux dispensaires où 30 % de nos consultations femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans sont «hors zone». Dans le cadre de sa contribution à la stratégie de réduction de la pauvreté, le ministère de la Santé publique et de la population (MSPP) a réaffirmé sa volonté de mettre en place de manière progressive, un schéma de protection sociale en santé en commençant par les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. Tout au long de l année 2007, le ministère de la Santé s est fortement mobilisé dans un important processus de construction de dialogue social pour replacer le secteur santé au centre de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté. Il existe par ailleurs aujourd hui une réflexion sur la réforme du secteur santé. Ce processus s articule autour du Forum pour le réalignement de la réforme du secteur santé (FRRSS), espace de dialogue national initié en décembre 2007 et qui se poursuivra tout au long de l année 2008. Il s agit là d une opportunité majeure pour le peuple haïtien d obtenir un meilleur accès aux soins de santé via la levée des barrières financières.