Note d actualité L hôpital public lorrain dans le cadre de la Grande Région Bureau du 18 novembre 2015 18/11/2015 1
Cette note n a pour seule ambition que de poser la problématique du devenir des établissements de soins publics au regard de la situation actuelle de la Lorraine à moyen terme. Constats Le tissu hospitalier de la Lorraine est éclaté, suivant en cela l évolution historique de la région. Une région marquée par les guerres qui ont séparé les territoires annexés de ceux qui étaient restés français. La Lorraine du Nord, plus industrielle et commerçante, et la Lorraine du Sud, plus tertiaire et universitaire. Les clivages, même s ils sont anciens, pèsent encore aujourd hui très fortement sur les tentatives de réformes ou de coopérations. Une grande diplomatie est nécessaire pour mener à bien des changements qui restent au final marginaux, tant les sensibilités locales et le souci d éviter les clivages freinent ou retardent les coopérations. La démographie médicale vient percuter l organisation hospitalière des établissements de soins. Le nombre de médecins qui s installent ou qui restent en Lorraine est inférieur à ceux qui cessent leur activité ou qui quittent la région. Certaines disciplines hospitalières (anesthésie, urgentistes, réanimateur, chirurgiens cancérologues, etc.) sont certes plus en difficulté que d autres, mais toutes les disciplines sont plus ou moins affectées par la raréfaction des professionnels. Cette situation fragilise non seulement les hôpitaux de proximité qui ne peuvent maintenir certaines de leurs activités que grâce à la mise à disposition de personnels soignants par les grands centres hospitaliers (CHRU de Nancy et CHR de Metz-Thionville), mais elle est susceptible également de fragiliser à moyen terme les deux grands établissements hospitaliers lorrains. La Lorraine a le triste privilège de compter le plus grand nombre d établissements en situation financière délicate. Quelques établissements sont néanmoins proches de l équilibre, ou légèrement excédentaires, comme le CHR de Metz. Les restructurations entamées depuis de nombreuses années et l augmentation de l activité depuis l ouverture de l hôpital de Mercy ont permis au CHR de faire des économies de gestion significatives qui expliquent cet excédent de gestion. Mais, malgré des plans de retour à l équilibre, beaucoup d établissements ne doivent leur embellie financière qu à des aides conjoncturelles dans le cadre des divers plans gouvernementaux ou des missions d intérêt général et à l aide à la contractualisation (Migac). La situation du CHRU reste en revanche préoccupante. Pour retrouver l équilibre, il doit poursuivre sa réorganisation. Bénéficiant du pacte de confiance pour l hôpital public lancé par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, l établissement devra mettre en œuvre des réformes profondes de ces différentes directions avec les écueils inhérents à toute conduite du changement, tant pour les praticiens que pour le reste de son personnel. 18/11/2015 2
L offre transfrontalière, tant sur la Sarre que sur le Luxembourg voire la Belgique, attire non seulement les patients mais également les professionnels lesquels convoitent de bien meilleures rémunérations. La construction envisagée d un hôpital à Esch sur Alzette fragilisera non seulement Briey et Mont-Saint-Martin, mais également Thionville. L hospitalisation privée, quant à elle, s est développée en Lorraine sur les faiblesses des hôpitaux de Metz et de Nancy. Elle a su développer des activités de recours sur des domaines stratégiques (cardiologie, cancérologie, gynécologie) ainsi qu une activité ambulatoire de qualité. L attractivité de Strasbourg n est pas non plus à négliger pour ce qui concerne l est mosellan. Profitant de la qualité de ses équipes et de sa position géographique, elle peut susciter une crainte légitime, en termes de concurrence, pour les hôpitaux lorrains de proximité. L est mosellan, après plusieurs années de discussions et de luttes intestines, dispose enfin d un projet médical. Le projet Médical pour la Moselle Est (PMME) mis en place en 2014 par l Agence Régionale de Santé de Lorraine, après concertation avec les communautés médicales, les équipes de direction et les élus concernés, a profondément modifié l offre sanitaire et médico-sociale afin de répondre aux besoins de santé des habitants du BHL et du territoire de Sarreguemines. Le PMME s articulent autour de : 3 établissements de proximité polyvalents autour des activités Médecine-Chirurgie- Obstétrique (HOSPITALOR à Saint-Avold, CH Marie Madeleine à Forbach et CH Robert Pax à Sarreguemines) ; 4 pôles de référence : pôle Mère-Enfant et cardio neuro-pneumo (CHIC Unisanté + de Forbach), pôle oncologie-dialyse (Hospitalor Saint-Avold et CH Sarreguemines), pôle gériatrique (CHIC Unisanté site de Lemire et CH Sarreguemines), pôle rééducation (Freyming-Merlebach) ; Une communauté hospitalière de territoire entre les hôpitaux de Sarreguemines et le CHIC Unisanté (axes de coopération : pôle mère-enfant, cancérologie, permanence des soins, filière USC réanimation, laboratoires et stérilisation, imagerie). La création du nouvel hôpital d Epinal, venant compléter le dispositif hospitalier du sillon lorrain devrait permettre d imaginer une répartition différente des équipements et des compétences entre les différents sites majeurs du sillon. La Grande Région, la future loi de santé : des opportunités pour consolider la place des hôpitaux lorrains? La qualité de ses structures hospitalières et hospitalo-universitaires conforte la vocation de notre région en matière de recherche et d innovation médicale. Pour autant, l objectif est bien de répondre aux besoins de la population. 18/11/2015 3
La population lorraine réside majoritairement au nord de la région, au-dessus d une ligne entre Bar-le-Duc et Sarrebourg. Cette population est principalement active et jeune, travaillant souvent hors des frontières de la Lorraine. Mais elle doit également cohabiter avec une population âgée et socialement en difficulté. Cette configuration n est pas neutre en matière d organisation des soins, car la natalité y est plus élevée qu ailleurs, et pour les plus anciens pour lesquels se posent des difficultés de santé liées à l âge, des difficultés d accès aux soins, non seulement du fait des conséquences d une démographie médicale déficitaire, mais aussi de freins liés à la mobilité. La future loi de santé prévoit l obligation pour chaque établissement public de santé d adhérer à un groupement hospitalier de territoire qui va se substituer aux communautés hospitalières de territoire créées par la Loi HPST de 2004. Conçu avec la volonté d impulser un nouveau souffle aux coopérations sanitaires et médicosociales territoriales, le groupement hospitalier de territoire a «pour objet de permettre aux établissements de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge du patient commune et graduée dans le but d assurer une égalité d accès à des soins sécurisés et de qualité. Il assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d activités entre établissements. Dans chaque groupement, les établissements élaborent un projet médical partagé garantissant une offre de proximité ainsi que l accès à une offre de référence et de recours» 1. En termes de gouvernance, un établissement dit «support» assurera pour le compte des établissements membres la gestion d un système d information, celle d un département de l information médicale de territoire, la fonction achats ainsi que la coordination des instituts et écoles de formation paramédicale et des plans de formation continue et de développement professionnel continu des personnels des établissements du groupement. Enfin, tous les groupements hospitaliers de territoire s associent à un centre hospitalier universitaire au titre des activités hospitalo-universitaires. Cette association est traduite dans le projet médical du groupement hospitalier de territoire ainsi que dans une convention d association entre l établissement support du GHT et le CHU. Ces innovations en termes de gouvernance sous-entendent qu il est nécessaire de réfléchir dès à présent au repositionnement des activités hospitalières au sein de ce grand espace régional. Dans cette perspective, le CESE Lorraine en appelle à la responsabilité des élus lorrains. Le temps est venu de bâtir en Lorraine un projet ambitieux pour l hospitalisation en laissant de côté les égos, les craintes du lendemain et les mini solutions inscrites dans le court-terme, qui nous mènent à une impasse. 1 Article 27 du projet de loi 18/11/2015 4
Pour ce faire, le CESE Lorraine entend attirer plus particulièrement l attention sur les éléments suivants : La réflexion sur la répartition des équipements et des compétences devra s apprécier en tenant compte d une vision transfrontalière sur le nord lorrain avec les hôpitaux d Arlon et d Esch sur Alzette, mais également avec la Sarre dans le cadre de l Eurodistrict SaarMoselle au sein duquel des coopérations hospitalières ont déjà vu le jour entre les hôpitaux de Forbach et de Volklingen ; Le tissu hospitalier doit être organisé afin de répondre aux besoins de la population, là où elle se trouve. Concentrer au sud les activités de recours, et ne pas répondre aux besoins du nord lorrain, ne peut qu être néfaste à l ensemble du dispositif hospitalier. L enjeu est bien d organiser une communauté hospitalière publique solide au centre de cette nouvelle région, entre Paris et Strasbourg ; Le caractère universitaire des activités hospitalières devrait amener à s interroger sur une «universitarisation» des sites de Metz et Thionville. Cela devrait permettre de créer des liens étroits et forts entre équipes et professionnels universitaires de même discipline. En faisant cela, la région pourrait se doter d une meilleure répartition des activités de recours à haute compétence médicale, développer la recherche en lien avec l université de Lorraine et les industriels pour une meilleure valorisation de celle-ci. Ce qui fait la force d une activité hospitalo-universitaire est bien la notoriété des laboratoires, des chercheurs et des professionnels, les coopérations internationales, la qualité des publications... La recherche hospitalière est essentiellement une recherche clinique. Celle-ci a notamment pour but, à travers des protocoles, d améliorer la prise en charge des patients. Augmenter la taille des cohortes sur plusieurs sites pour mener des études est primordial. Cela positionnerait plus qu aujourd hui la Lorraine nationalement, mais aussi internationalement, dans la compétition que se livrent les universités. L exemple ne vient-il pas des centres de lutte contre le cancer fédérés dans UNICANCER qui viennent d entamer des discussions approfondies pour regrouper les centres de Reims, Nancy, Strasbourg et Dijon? Le leadership de cette entité pourrait être assuré par Nancy compte tenu de son activité de recherche clinique et de ses liens privilégiés avec le CHRU (dans la mutualisation de moyens techniques et humains). Le statu quo actuel n est-il pas préjudiciable non seulement à l hospitalisation publique, mais au-delà à toute la médecine de la région, et in fine à des soins de qualité pour la population? Il est plus que temps que les décideurs renoncent à leurs luttes picrocholines pour faire des choix politiques majeurs pour l avenir de la Lorraine, qui plus est dans ce qui nous est de plus cher à savoir notre santé. ******************************* 18/11/2015 5