SYNDROME LOMBALGIQUE DU RAMEUR TOME 2 : LOMBALGIE DU RAMEUR



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Transcription:

D.U. Sport et Santé Faculté de médecine de Bobigny - ANNEE 2001 - SYNDROME LOMBALGIQUE DU RAMEUR TOME 2 : LOMBALGIE DU RAMEUR C- STRUCTURE DU RACHIS ET RACHIALGIES EN SPORT DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LA LOMBALGIE DU RAMEUR D- ENQUETE SUR LA LOMBALGIE DU RAMEUR E- DISCUSSION F- BIBLIOGRAPHIE Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de sport

STRUCTURE DU RACHIS ET RACHIALGIES EN SPORT DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LA LOMBALGIE DU RAMEUR

STRUCTURE DU RACHIS ET RACHIALGIES EN SPORT DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LA LOMBALGIE DU RAMEUR Résumé : L'étude bibliographique de la lombalgie du rameur avait pour objet de dégager les principales étiologies proposées par les auteurs cette pathologie. Au travers de l'analyse de 35 documents bibliographiques, elle a permis de dégager les caractéristiques suivantes : La lombalgie est une pathologie fréquente des rameurs de haut niveau et semble toucher davantage les rameurs seniors hommes. La pratique de la pointe est un élément déterminant. Le terme de lombalgie recouvre des pathologies variables dont les plus fréquentes sont : les hernies et les problèmes discaux, les dérangements intervertébraux et les sciatiques ou cruralgies, les lumbagos, les spondylolysthésis et les scolioses. Les étiologies proposées par les auteurs reposent sur trois origines : - des pathologies liées à des altérations discales, sources d'atteintes plus ou moins graves et dégénératives de l'ensemble des structures rachidiennes. - des pathologies liées à une mobilité anormale des articulations postérieures sources d'atteintes plus ou moins graves et dégénératives des structures osseuses (lyse isthmique) et des tissus nerveux (sciatiques ). - des pathologies musculaires de type contractures, spasmes liées à des activations réflexes ou des fatigues. Les analyses plus larges montrent que l'ensemble se ramène à un problème de protection des structures rachidiennes (disques, articulations, muscles) dans le cadre d'un mouvement répétitif en charge d'extension en position d'hyperflexion. L'incidence de la charge et des conditions d'entraînement se situe moins au niveau des structures du rachis qu'à celui des mécanismes de régulation et d'harmonisation des mouvements et des contraintes rachidiennes. Dans ce contexte, l'épuisement intervient en limitant ces mécanismes protecteurs ce qui occasionne des surcharges ou des stress des structures rachidiennes qui induisent les traumatismes rencontrés.

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 36 C- STRUCTURE DU RACHIS ET RACHIALGIES EN SPORT - DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LA LOMBALGIE DU RAMEUR Le chapitre précédent avait pour objectif d'étudier la biomécanique du geste d'aviron et de mettre en évidence les contraintes et les risques liés à ce geste. Dans le présent chapitre l'étude des données bibliographiques traitant de la lombalgie du rameur doit permettre de faire ressortir l'état des connaissances sur cette pathologie et de poser les bases de l'analyse des problèmes lombaires dans la pratique de l'aviron. Dans un premier temps, les structures rachidiennes seront brièvement décrites. Ensuite les données étiologiques sur les rachialgies en sport seront rappelées. Dans un troisième temps, les données bibliographiques sur la lombalgie du rameur seront analysées. Enfin, les différentes hypothèses étiologiques de cette traumatologie de l'aviron seront présentées. I- RAPPELS SUR LA STRUCTURE ANATOMO-BIOMECANIQUE DU RACHIS : Les références bibliographiques ayant permis la rédaction de ce chapitre de rappel sur la structure anatomo-biomécanique du rachis sont : Anatomie pour le mouvement (A) - Anatomie et physiologie humaine (B) - Initiation à l'anatomie du mouvement (C) : Le rachis fait le lien entre la tête, les membres supérieurs, les membres inférieurs et le torse en permettant le transfert des forces à travers le corps. Il peut être défini comme un empilement de structures osseuses (les vertèbres) reliées par des tissus de liaison (disques, ligaments) et haubanées par des tissus musculo-tendineux profonds et superficiels. L'ensemble intègre et protège des structures nerveuses et doit être à la fois rigide pour soutenir les contraintes et mobile pour pouvoir se déformer et permettre les mouvements. 1- Structures osseuses : L'ensemble du rachis comprend 24 vertèbres mobiles, mais la zone étudiée se situant entre le sacrum et la dernière cervicale (C7) en comprend 17 (figure 8). Les vertèbres sont des os complexes comprenant deux ensembles (figure 9) : - à l'avant, un tronc cylindrique "corps vertébral" présentant deux plateaux cartilagineux, supporte le poids du corps - à l'arrière, un ensemble d'apophyses constituant "l'arc postérieur", assure l'articulé intervertébral et la jonction avec les autres éléments du squelette (crâne, côtes, bassin). Les structures osseuses assurent l'insertion des différents ligaments et tendons et la protection des tissus nerveux (moelle épinière, nerf). Le rachis présente 4 courbures naturelles permettant une meilleure résistance aux contraintes et une plus grande souplesse (figure 8) : une lordose cervicale, une cyphose dorsale, une lordose lombaire, une cyphose sacro-coccygienne. Les 3 zones de courbure maximale sont considérées comme des zones de tension importantes, de même les 3 points d'inversion des courbures (charnières) sont des zones de contraintes maximales : la charnière cervico-dorsale (C7-D1), la charnière dorso-lombaire (D12-L1) et la charnière lombo-sacrée (L5-S1).

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 37 Figure 8 : STRUCTURE DU RACHIS Figure 9 : STRUCTURE DES VERTEBRES

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 38 2- Structures articulaires : (figure 10) Le rachis présente deux ensembles articulaires distincts : les articulations des corps vertébraux et celles des apophyses (articulations inter-apophysaires). Les premières assurent la stabilité d'ensemble et le transfert des contraintes et des mouvements, les secondes régulent la souplesse ou la raideur de la colonne et assurent les ajustements nécessaires. Figure 10 : STRUCTURES ARTICULAIRES DU RACHIS 1: Ligament vertébral commun antérieur ; 2 : Ligament vertébral commun postérieur ; 3 : Ligament surépineux ; 4 : Capsule de l'articulation interapophysaire et ligament interapophysaire ; 5 : Ligaments jaunes ; 6 : Ligament interépineux ; 7 : Racine nerveuse 8 : Corps vertébral 9 : Noyau du disque (nucleus pulposus) 10 : Anneau fibreux du disque (annulus fibrosus) 11 : Apophyse vertébrale a- Disque et corps vertébraux : A l'avant, les corps vertébraux sont articulés entre eux au niveau de leurs plateaux vertébraux. L'articulation se fait par glissement sur un disque à l'intérieur d'une gaine ligamentaire complexe. Selon le degré de souplesse de ces structures articulaires, la mobilité du rachis est plus ou moins importante et le déroulé vertébral plus ou moins harmonieux. + Le disque intervertébral joue un rôle d'amortisseur et de point de glissement permettant les mouvements des plateaux vertébraux. Il comprend un noyaux gélatineux (nucleus pulposus) et une structure périphérique (annulus fibrosus). La qualité du travail du disque intervertébral est étroitement liée aux limites d'élasticité et d'usure des fibres de l'annulus, et à l'hydratation du noyaux, c'est pourquoi elle diminue avec l'âge, la déshydratation et les contraintes (fatigue) et varie selon l'heure de la journée. * Le noyaux est composé d'eau (entre 70 à 88%), il est incompressible mais déformable, ce qui lui permet d'amortir les contraintes et de répartir une pression axiale constante entre les plateaux vertébraux tout en permettant leurs glissements. * L'anneau fibreux enveloppant le noyaux est une structure ligamentaire faite d'un ensemble de lamelles de fibro-cartilage concentriques entrecroisées et plus ou moins obliques, fixées aux cartilages des plateaux vertébraux. Son élasticité permet les mouvements de flexion, extension, rotation et inclinaison latérale des corps vertébraux (voir 5) tout en maintenant le noyaux. + La structure ligamentaire assure le maintien du disque dans l'espace intervertébral et la continuité des structures vertébrales. Elle limite l'hyperextension ou l'hyperflexion du rachis. Elle comprend deux ligaments longs (ligaments vertébraux communs antérieur et postérieur) qui descendent sur les faces antérieures et postérieures du rachis depuis le crâne jusqu'au sacrum en adhérant aux différents disques successifs et aux saillies des corps vertébraux.

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 39 b- Articulations inter-apophysaires : A l'arrière, les articulations inter-apophysaires relient les différentes apophyses des vertèbres successives. Ces articulations sont richement innervées et présentent des capsules avec du liquide synovial. Un ligament long (ligament surépineux) et un ensemble complexe de 5 petits ligaments (ligament inter-épineux, ligament interapophysaire, ligaments jaunes et ligaments intertransversaires à droite et à gauche) permettent le maintien de ces articulations. 3- Structures musculo-tendineuses : Le rachis est stabilisé et mobilisé par deux ensembles musculaires : - D'une part, au niveau des articulations inter-apophysaires, un ensemble de petits muscles intervertébraux courts (inter-transversaire, inter-épineux, transversaire épineux). En fixant les articulations intervertébrales successives, ils assurent l'ajustement postural, l'harmonisation des mouvements intervertébraux (déroulé intervertébral) et l'élongation axiale du rachis (autograndissement). Ces muscles paravertébraux jouent un rôle majeur dans l'allégement des contraintes discales en permettant de relâcher ou réguler les contraintes s'exerçant sur les disques. - D'autre part, de grandes chaînes musculaires à l'origine de la mobilité complexe du rachis et jouant le rôles de haubans. On distingue une chaîne antérieure (abdominaux, psoas, diaphragme ), une chaîne postérieure (spinaux, grand dorsal, petits dentelés, rhomboïde, trapèzes ) et des chaînes croisées (obliques, carré des lombes ). Ces muscles assurent la stabilisation du rachis (verrouillage des courbures et fixation des charnières) et la transmission des contraintes. 4- Structures nerveuses : La moelle épinière, localisée au niveau de l'arc postérieur vertébrale, est le lieu de l'interconnexion des structures nerveuses et des centres de commande spinaux. Les racines nerveuses, afférences sensorielles et efférences motrices, sortent de chaque étage vertébral. Sous l'effet de compressions par les structures osseuses ou discales, ces réseaux nerveux peuvent être altérés et donner lieu à des inflammations. Au niveau des articulations vertébrales, un très important réseau proprioceptif permet de contrôler la stabilité et la dynamique rachidienne (déroulé vertébral, rythme lombo-pelvien, dynamique lombo-sacré) tout en régulant l'intensité des contraintes et l'amplitude des mouvements articulaires. Cet ensemble comprend des capteurs sensoriels (au niveau des articulations inter-apophysaires, des tendons et des muscles profonds et superficiels), des centres spinaux de régulation proprioceptive et des mécanismes de contraction réflexe des muscles périarticulaires. 5- Mouvement et dynamique rachidienne : Le rachis peut avoir trois types de mouvements plus ou moins combinés : Tableau 6 : MOUVEMENTS RACHIDIENS Plan de mouvement Mouvement Amplitude totale Amplitude zone dorsale Amplitude zone lombaire plan sagittal Flexion 110 45 60 Extension 140 25 35 plan frontal Inclinaison latérale 80 20 20 plan transversal Rotation 90 35 <5 (*) en position assise avec flexion du rachis le rotation maximale est seulement de 45 (**) A chaque étage rachidien, les mouvements sont limités par les structures osseuses (facettes articulaires), l'élasticité des ligaments et des disques et la raideur musculaire (structure du tissu

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 40 musculaire et contrôle proprioceptif). Ainsi de part, la forme des apophyses des vertèbres lombaires, la rotation de la zone lombaire est extrêmement limitée (*), de même de par les tensions des chaînes musculo-tendino-ligamentaires la rotation du rachis en position assise est réduite de moitié (**). 6- Contraintes rachidiennes : + En position debout ou assise, les principales contraintes rachidiennes sont axiales (figure 11). Il s'agit du poids de la partie supérieure du corps qui exerce une pression sur les corps vertébraux et tend à écraser les disques. Ainsi les auteurs (85) montrent qu'un sujet de 80kg en position debout soumet le disque L4-L5 à une pression de 106kg, tandis que celle-ci est d'une tonne s'il porte une charge de 100kg et de 2 tonnes lors du soulèvement dynamique de cette charge. Les chaînes musculaires, notamment les muscles profonds, peuvent réduire les contraintes axiales en provoquant une élongation axiale de la colonne qui permet d'alléger la pression sur les disques. Figure 11 : CONTRAINTES AXIALES ET ELONGATION AXIALE DU RACHIS COMPRESSION AXIALE AVEC PROTRUSION DISCALE ELONGATION AXIALE + Le travail des muscles rachidiens et les mouvements de rotation ou d'inclinaison produisent des contraintes latérales cisaillantes qui s'exercent sur les ligaments et le disque et étirent les fibres de l'annulus fibrosus. + Le rachis reçoit également les contraintes des autres secteurs corporels : - La zone lombaire reçoit les contraintes provenants des membres inférieurs via la charnière lombo-sacrée et les insertions des muscles articulés au bassin ou aux membres inférieurs (psoas, abdominaux, carré des lombes ). - Le rachis reçoit les contraintes de la ventilation par l'intermédiaire des côtes articulées sur les vertèbres et des insertions des muscles ventilatoires (diaphragme, abdominaux, petits dentelés ). - Le rachis reçoit les contraintes des membres supérieurs par l'intermédiaire de la ceinture scapulaire (articulations des côtes, omoplates, clavicules) et des insertions des muscles (grand dorsal, trapèze, rhomboïde, dentelés ). - Enfin la face antérieur du rachis reçoit les pressions provenants des cavités thoraciques et abdominales.

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 41 II- RAPPELS SUR L'ETIOLOGIE DES RACHIALGIES CHEZ LE SPORTIF : Les références bibliographiques ayant permis la rédaction du chapitre suivant sont : Rachis et sport (Ed Masson - 1995) (D), Sport et appareil locomoteur ( Ed Masson - 1989) (E) et de l'étude de Christian Palierne (103). Les rachialgies en sport proviennent des différentes structures précédemment décrites. 1- Origine osseuse : Au niveau des vertèbres, on observe deux types de pathologie : - Des problèmes de croissance : maladie de Scheuermann, Lyse Isthmique, Spondylolisthésis - Des syndromes d'usure des cartilages et du périoste, dans les sports à forte sollicitation. L'ensemble aboutit à des micro-traumatismes : fêlures, micro-fractures, tassements, ostéoporose, ostéochondrose, apophysites et à des arthroses. Une densification des tissus osseux répond parfois aux contraintes excessives qui s'exercent sur les vertèbres. 2- Origine discale : Au niveau des disques, on observe des altérations : écrasement, pincement, micro-fractures... ayant quatre conséquences : - perte de l'amorti du disque, - augmentation des contraintes sur les plateaux vertébraux suite à la réduction de l'espace inter-vertébral, - réduction de la stabilité vertébrale suite à la perte de maintien de l'annulus, - migration du noyau pouvant aller jusqu'à l'expulsion du nucleus à travers l'annulus, L'ensemble aboutit à des instabilités, des micro-traumatismes sur les tissus vertébraux (impactions ) et des hernies. 3- Origine articulaire : Au niveau des articulaires postérieures, on observe un manque de stabilité des vertèbres à l'origine de Dérangements Intervertébraux Mineurs (DIM) ou de pathologies des articulaires postérieures (subluxations, luxations et entorses avec atteintes voir ruptures ligamentaires). Ces problèmes sont accentués par une hyperlaxité ligamentaire, des dysbalances musculaires, des rétractions ou insuffisances musculaires (abdominaux, lombaires) et des troubles proprioceptifs. L'ensemble excite les mécanorécepteurs et induit des blocages réflexes, des instabilités discales et vertébrales à l'origine de micro-fractures, de lyses isthmiques et de spondylolisthésis. Les dysrégulations lombosacrées ou anomalies sacro-iliaques et vertébrales accentuent ces problèmes. 4- Origine musculo-tendineuse : Le travail excessif des chaînes musculaires induit des myalgies dorso-lombaires aiguës, subaiguës ou chroniques. On retrouve les atteintes classiques des tissus musculo-tendineux : spasmes, contractures, courbatures, élongations, inflammations Les muscles les plus sensibles à ces pathologies sont le carré des lombes et l'ilio-costale. L'ensemble aboutit à des lumbagos. 5- Origine neurologique : Le système nerveux intervient à deux niveaux dans les douleurs lombaires : - D'une part, des compressions ou pincements du tissu nerveux, à la faveur d'autres problèmes (hernies, D.I.M, ), peuvent occasionner des inflammations et des lésions des racines nerveuses à l'origine d'irradiations douloureuses : sciatiques, lombalgies, cruralgies, névralgies (103) et de troubles moteurs (sciatiques paralysantes). - D'autre part, les perturbations du contrôle proprioceptif des muscles intervertébraux et lombaires aboutissent à des crispations, des contractures musculaires et des blocages des

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 42 articulations (lumbago). Ces problèmes mettent en jeux les arcs réflexes proprioceptifs et sont souvent liés à la fatigue musculaire, aux déséquilibres, au stress et aux conditions d'entraînement, de matériel ou de milieu (froid). 6- Pathologies rachidiennes et pratique sportive : + Les données bibliographiques sur les rachialgies et la pratique sportive sont très contradictoires : Burton (19) n'observe aucun effet de l'activité sportive sur la fréquence des lombalgies, à l'inverse Salminen (119) observe un effet protecteur du sport tandis que Kujala (77) note une augmentation de leur fréquence en fonction de l'intensité et de la durée de l'entraînement. Pour Palierne (103), le sport a globalement une action protectrice par le développement des muscles rachidiens, mais l'activité répétitive et prolongée de haute intensité conduit à un vieillissement prématuré des structures rachidiennes, surtout discales (dégénérescence), aboutissant à un tassement du disque avec protrusion discale (figure 11). + Outre les maladies de croissance, les auteurs identifient 5 grandes pathologies rachidiennes liées au sport : les arthroses, les hernies, les dérangements intervertébraux mineurs (DIM), les pathologies ligamentaires et les lombalgies d'origine musculaire. Snyder-Mackler (132) reconnaît essentiellement trois origines aux rachialgies du sportif : les problèmes discaux, l'hypo ou l'hypermobilité de certains segments et les problèmes musculaires, tandis que DR Kraus et D Shapiro (76) n'en retiennent que deux : les problèmes musculaires et les problèmes discaux. a- Maladies de croissance + Les dystrophies épiphysaires vertébrales de croissance (maladie de Scheuermann) touchent 20% de la population et 50% des pratiquants de certains sports. Elles correspondent à une altération des plaques cartilagineuses à la suite de contraintes anormales lors de l'apparition des points d'ossification vertébraux. + Les spondylolyses et spondylolisthésis touchent 5 à 7% de la population et 15 à 30% des sportifs de Haut Niveau. Il s'agit de fractures de fatigue (lyses isthmiques) dues à la répétition de micro-traumatismes notamment en position d'hyperlordose. Elles sont souvent en rapport avec la pratique de sports lordosants, et l'existence de discopathies dégénératives ou de malformations lombo-sacrées. Selon les auteurs (146), 60% des lyses isthmiques évoluent en spondylolisthésis. b- Etiologie des souffrances discales et hernies : + P Beraud (7) reconnaît deux niveaux de gravité dans les pathologies discales du sportif : - les incidents discaux mineurs (lésions micro-traumatiques périphériques du disque ou des plateaux vertébraux). - les incidents discaux majeurs liés aux déséquilibres proprioceptifs et aboutissant à la hernie. + Les problèmes discaux sont dûs à des mouvements de rotation et/ou de flexion avec compression axiale. Sous l'effet de surcharges axiales (haltérophilie, aviron, rugby, football, judo ) le disque tend à s'écraser entre les plateaux vertébraux (protrusion discale) (figure 11) ce qui met en tension l'anneau fibreux. Sous l'effet de mouvements de rotation flexion, les fibres de l'anneau vont être altérées. L'ensemble va provoquer des déchirures ou des micro-ruptures des fibres (fissurations radiales ou circonférentielles de l'annulus) par lesquelles le nucleus peut être expulsé (hernie). L'âge, les contraintes importantes et répétitives, les mouvements brefs et rapides ou les étirements extrêmes, les surcharges d'entraînement accentuent cette évolution. + La dégénérescence discale est d'apparition précoce et dépend de l'intensité des contraintes rachidiennes et du type de sport, du type d'entraînement, de la nutrition (le noyau s'écrase d'autant qu'il est déshydraté), du style de vie, et de l'existence d'anomalies vertébrales. Selon Maigne (85) les sportifs auraient plus d'altérations discales, mais celles-ci seraient de moindre gravité et avec une moindre incidence douloureuse. + Les auteurs admettent que l'haubanage musculaire abdominal et lombaire développé par l'activité physique explique la plus faible fréquence des hernies chez les sportifs.

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 43 c- Dérangements Intervertébraux Mineurs (DIM) et atteintes des articulaires postérieures : + Le dépassement du jeu articulaire lors d'exercices en positions extrêmes, d'efforts prolongés ou brusques, produit des Dérangements Intervertébraux Mineurs qui sont plus ou moins associés aux lésions discales, musculo-tendineuses, capsulo-ligamentaires ou ostéo-cartilagineuses. Leur répétition conduit à des lésions capsulo-ligamentaires dégénératives (atteintes chondrales), des réactions inflammatoires sur les structures articulaires (stress par contact au niveau des facettes articulaires), des microtraumatismes osseux et des instabilités chroniques. + Selon De Lecluse (31) quatre causes peuvent expliquer ces phénomènes : - L hyperlaxité des structures ligamentaires ou musculo-tendineuses (défaut de proprioceptivité), - le mauvais synchronisme neuromoteur ou proprioceptif lors de passages rapides de compression à étirement ou d'hyper-extension à flexion, - des chocs ou traumatismes directs, des étirements passifs contrariés, des contraintes sur des mouvements forcés entraînant des blocages des articulations ou des mobilisations réflexes à l'origine de contractures des muscles profonds, - enfin le maintien en position asymétrique ou en situation de contrainte avec des leviers importants provoquant des fatigues et des contractures des muscles vertébraux. d- Myalgies et souffrances musculaires : + Les déséquilibres musculaires, stress biomécaniques, surmenages musculaires par répétition de contractions excessives, induits par la croissance, l'augmentation intempestive des charges d'entraînement, les techniques ou équipements incorrects, les anomalies morphologiques (troubles de la statique rachidienne, différences de longueur des membres, hyperlordose, scoliose ), les attitudes incorrectes, les problèmes sacro-iliaques ou pelviens, les troubles du rythme lombo-sacré ou le manque de condition physique et la mauvaise hygiène de vie (hydratation, nutrition, stress, froid ), induisent une fatigue musculaire à l'origine de spasmes douloureux, de contractures, courbatures et lésions du tissu musculaire. + De même, les dysbalances musculaires entre extenseurs et fléchisseurs du rachis ou des membres inférieurs (psoas, quadriceps et ischio-jambiers ), ainsi que l'ensemble des problèmes d'insuffisance musculaire (manque de tonicité, hyperlaxité ou rétraction) et les défauts de proprioception, amènent des pertes de réactivités et de stabilité de la dynamique rachidienne à l'origine de surmenages musculaires. + Enfin Pelletier (106) souligne l'existence d'atteintes myofaciales dues à des étirements brusques des structures rachidiennes. III- DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LA LOMBALGIE DU RAMEUR : Les pathologies de l'aviron ont très peu été étudiées : 11 études épidémiologiques globales et 3 comptes rendus de suivi médico-sportif ont été trouvés dans la littérature. Aucune étude ne s'intéresse à l'ensemble de la population des rameurs, celles-ci sont essentiellement centrées sur des cas individuels ou des groupes très limités de rameurs de haut niveau dans le cadre de leur préparation spécifique. + Sur l ensemble, 10 études abordent l'épidémiologie de la lombalgie et 8 études sont consacrées à des recherches sur l'étiologie des lombalgies. 1- Données sur la fréquence des lombalgies en aviron : + La plupart des études mettent la lombalgie en tête des pathologies de l'aviron, toutefois selon les auteurs, celle-ci toucherait entre 50% et 95% des rameurs de haut niveau. + L'étude épidémiologique de Deverreaux (34), menées sur 2 années et 1186 sportifs de 16 à 25 ans, montre que la lombalgie représente 70% des traumatologies des jeunes pratiquants de différents sports dont l'aviron. L'étude de Koutedakis (74, 47) sur 84 rameurs élites, montre que 69% souffrent de lombalgie, tandis que dans la recherche de Howel (68) sur 17 rameuses PL élites

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 44 étudiées, 82% sont affectées. Boland (10) dans une étude sur les pathologies des rameurs vétérans sur 3 années, observe que 22% des blessures déclarées sont des lombalgies. Sur 39 cas : 29 sont d'origine mécanique, 5 sont des hernies et 5 des spondylolyses. + Selon l'étude de Budget (18) sur les prétendants à l'équipe nationale anglaise de 1987, 50% des blessures rencontrées sont des rachialgies ce qui représente un nombre important de jours d'arrêt d'entraînement et d'échec sportif. L'étude de Hickey (64) sur les pathologies des rameurs d'élite australiens de 1985 à 1994 confirme la faible traumatologie de l'aviron. Chez les hommes les lombalgies prédominent, représentant 25% des pathologies, 14% des traumatismes aiguës et 30% des traumatismes chroniques. Chez les rameuses ces chiffres sont beaucoup moins importants : 15% des pathologies avec respectivement 21 et 13% des traumatismes aiguës et chroniques. 2- Données qualitatives sur la lombalgie en aviron : a- Relations lombalgie et entraînement : + Toutes les études font la relation entre les lombalgies et l'entraînement. + Les études (12, 16, 38, 138, 128) indiquent que la traumatologie est d'autant plus fréquente que le volume ou les charges d'entraînement sont élevés. Les études de Karlson (24) et de Essam (38), montrent le rapport entre les crises lombalgiques et les erreurs d'entraînement (variations rapides des charges ou des volumes, réglages ou techniques incorrects). Pour Stephan (138) les crises sont liées au froid, au surentraînement ou aux réglages. Stallard (134) dans une étude sur 29 rameurs, confirme l'incidence de la technique, du style (amplitude du travail du dos), des réglages et du calendrier sportif (surcharges d'entraînement) sur l'apparition des crises. + L'étude de Roy (117) sur 23 rameurs, précise le lien étroit entre lombalgie et physiologie musculaire spinale tandis que l'étude de Reid (112) montre le rapport entre la lombalgie et l'hypermobilité lombaire, l'heure d'entraînement (sensibilité discale supérieure le matin), la fatigue musculaire et la charge. + L'étude de Budget (18) note un rapport étroit entre les rachialgies et le volume d'entraînement en footing (70% des cas). b- Relations lombalgie et caractéristiques neuro-musculaires : + La souplesse et la force des muscles lombaires sont souvent incriminées dans les lombalgies. + L'étude de Howel (68) montrent une corrélation étroite entre les douleurs et l'hyperlaxité lombaire nécessaire à la pratique de l'aviron à haut niveau. Cette hypermobilité est confirmée par Guinaudeau (53) dans une étude sur 12 rameurs de plus de 40 ans. + Koutedakis (47, 74) confirme l'importance de l'hyperflexibilité lombaire dans la réussite au plus haut niveau en aviron, mais n'observe pas de corrélation entre cette flexibilité et les douleurs lombaires. A l'inverse, il montre l'existence d'une relation entre le rapport de force des ischiojambiers et des quadriceps et la fréquence des lombalgies. Selon son étude, un rapport de force de 0.5 représente un seuil en deçà duquel les lombalgies sont sensiblement plus fréquentes. + L'étude de Dalichau (29) sur 31 rameurs, éclaircit la relation entre mobilité, tonicité et lombalgie en démontrant une relation entre les crises et l'existence d'une perte de proprioceptivité notamment sur les positions extrêmes d'extension ou de flexion. c- Relation lombalgie et pratique de la pointe : + La pratique de la pointe semble être un facteur fréquemment associé aux lombalgies. + L'étude de Timm (139) montre que 66% des rameurs de l'équipe américaine souffrant de lombalgie, pratiquent en pointe. + L'étude de Verhaegen (147) apporte une explication en démontrant que les 2/3 des rameurs de pointe ont une scoliose dorso-lombaire en C avec une déformation du rachis en fonction de leur bordée. Ce qui peut être mis en relation avec l'étude de Stallard (134) sur des rameurs de pointe qui montre que la lombalgie apparaît plutôt latéralisée à l'opposé de la bordée.

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 45 d- Caractéristiques de la lombalgie du rameur et facteurs d'évolution et de prévention : + L'étude de Stallard (134) indique que la lombalgie affecte la zone lombaire basse avec des irradiations dans les fesses et les jambes. L'étude de Essam (138) montre que 87% des lombalgies sont permanentes ou intermittentes et 13% aiguës. + Tous les auteurs indiquent que la majorité des crises s'atténue dès l'arrêt de l'effort et qu'elles disparaissent en 2 à 4 semaines de repos et des manipulations. Essam (138) montre qu'elles sont diminuées par la pratique du stretching, des échauffements corrects et une rééducation des muscles rachidiens. + Reid (112) montre l'importance du gainage réalisé par les abdominaux et les spinaux dans la prévention des crises. Guinaudeau (53) confirme l'importance de la tonicité lombaire, tandis que Frischknecht (47) préconise un travail de programmation neuro-moteur et l'entretien d'une bonne mécanique rachidienne et lombo-sacrée. + Coquisart (27) met en avant le rôle préventif de la fixation du rachis par un placement correct de la ventilation à l'effort. IV- ETUDES ETIOLOGIQUES SUR LA LOMBALGIE DU RAMEUR : + Stephan (38) identifie 7 causes de lombalgie des rameurs : les contractures des muscles paravertébraux ou sacro-iliaques (plus ou moins en rapport avec des déséquilibres musculaires), les souffrances disco-vertébrales, les problèmes lombosciatiques, les anomalies morphologiques (scoliose, lordose ), les arthroses vertébrales, les subluxations et (chez les jeunes) les problèmes de croissance. + Borg (16) et Karlson (72) reconnaissent 5 grands types de lombalgie chez le rameur : les contractures des spinaux, les problèmes des articulations intervertébrales (stress ligamentaires et DIM), les lyses isthmiques (surtout chez les jeunes), les hernies discales (généralement en S5- L1) et les lombosciatiques. + Les données de l'étude de Hickey (64) montrent que les stress des ligaments lombaires représentent 8% des pathologies des rameurs hommes, tandis que les douleurs lombaires mécaniques représentent 6%, les syndrômes facettaires 5% et les divers autres pathologies lombaires 6% (parmi lesquelles les problèmes discaux). + Deux grandes origines semblent pouvoir être dégagées de ces études : d'une part une origine ostéo-articulaire et d'autre part une origine musculaire. 1- Origine ostéo-articulaire : + Pour de nombreux auteurs, les désordres vertébraux semblent être à l'origine des souffrances lombaires. + L'étude de Morris (93) montre que lors du coup d'aviron le rachis lombaire en L4/L5 reçoit des contraintes axiales 4,6 fois supérieures au seul poids du corps et des contraintes cisaillantes élevées. L'ensemble est à l'origine d'une augmentation de la densité osseuse des vertèbres lombaires. L'étude de Endler (37) sur 45 rameurs autrichiens de haut niveau, montre que 68% ont une maladie de Scheuermann et 48% des dégénérescences des corps vertébraux en rapport avec les contraintes axiales. Guinaudeau (53) confirme la fréquence des anomalies morphologiques dans les lombalgies, sur 12 cas il recense : 7 attitudes scoliotiques, 5 hyperlordoses, 3 épiphysites, et 1 spondylolistésis. Les atteintes ostéo-articulaires sont également fréquentes : 10 arthroses, 6 pincements discaux et 5 empreintes nucléaires. L'étude de Soler (133) portant sur 3152 athlètes de haut niveau trouve 17% de spondylolisthésis chez les rameurs. + Bonacina (12) dans une étude sur 80 rameurs, montre que 47,5% présentent des désordres vertébraux radiologiquement identifiables : spondylolyse (12,5%), spondylolystésis (5%), dérangements interapophysaires (DIM) (30%) Il attribue les altérations articulaires à la composante cisaillante qui s'applique, notamment en pointe, sur la zone lombo-sacrée. Verhaegen (147) attribue l'origine des lombalgies aux déformations de la colonne dues à la

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 46 pratique de la pointe (scoliose). Simone (129) attribue les problèmes discaux au mécanisme de compression axiale associé au mouvement d'extension. Il explique la fréquence des atteintes isthmiques et des microtraumatismes des facettes articulaires par la répétition d'impacts des articulaires basses contre la partie supérieure de l'isthme de la vertèbre inférieure lors du mouvement d'extension du rachis lombaire. Les atteintes discales sont expliquées par le fait que le noyau poussé vers l'avant contre la partie antérieure de l'annulus soumet le ligament longitudinal antérieur et les fibres de l'annulus à un étirement maximal à l origine des traumatismes. + L'ensemble confirme la présence de désordres ostéo-articulaires fréquents chez les rameurs et leur relation étroite avec les douleurs lombaires. 2- Origine musculaire : + D'autres études montrent que les lombalgies sont liées aux souffrances des muscles spinaux. + L'étude de Koutedakis (74) montre le lien entre lombalgie et surcharge lombaire en rapport avec un déséquilibre entre quadriceps et ischio-jambiers responsable d'une perturbation du rythme lombo-pelvien. Frischkenech (47) montre comment le rythme lombo-pelvien, en régulant les sollicitations affectant le rachis lombaire, au travers des mouvements du bassin et des différents étages rachidiens, modifie les sollicitations compressives sur les disques et minimise l'activité musculaire. Une anomalie des équilibres musculaires peut expliquer l'apparition de lordoses et de traumatismes. Timm (139) montre que 54% des douleurs lombaires peuvent être mises en relation avec des disjonctions de l'articulation sacro-iliaque. + Howel (68) montre le rôle clef joué par l'hyperflexion lombaire en rapport avec une faiblesse musculaire ou une hypermobilité source d'instabilité rachidienne. L'hyperflexion est à l'origine d'un stress mécanique sur les tissus musculaires facteur de stimulations douloureuses et de stress sur les disques intervertébraux (surpression). + Chez les rameurs de pointe, l'asymétrie du développement des extenseurs du tronc (long dorsal et ilio-costal) plus épais du coté extérieur, peut expliquer la corrélation entre les douleurs lombaires et la faiblesse musculaire. Ainsi Roy (117) suggère une origine physiologique à la lombalgie en l'attribuant à l'incapacité des muscles à éliminer les métabolites et à poursuivre leur activité de façon satisfaisante. L'augmentation de l'acidose cellulaire à l'effort diminuerait les potentiels d'action des muscles long dorsal et ilio-costal et affecterait l'activité musculaire induisant des douleurs et des spasmes d'autant plus fréquents que les muscles sont peu conditionnés (débutants) ou que le rameur est spécialisé en pointe (asymétrie musculaire). Dans cette hypothèse, le développement et l'entretien musculaire sont des éléments de prévention essentiels. 3- Hypothèses globales : + Certains auteurs proposent une réflexion plus large ainsi, Essam (138) établit une relation entre force appliquée, micro-traumatismes (lyse isthmique, micro-fractures), souffrances discoligamentaires et stress des tissus musculaires. + Stallard (68) fait le lien entre lombalgie, spondylolyse et spasmes musculaires limitants les mouvements. Pour lui, le facteur essentiel est le mouvement de flexion - rotation lombaire (pointe) qui atteint les limites des amplitudes articulaires. Cette position extrême met en tension maximale les fibres de l'annulus et les ligaments spinaux, produit des contacts entre les facettes articulaires (traumatismes ostéo-ligamentaires) et crée des stress musculaires (spasmes). + Reid (112) dans sa synthèse propose une explication globale de la lombalgie du rameur : Le mécanisme traumatologique sur les structures vertébrales est dû à la sommation des contraintes de compression et de flexion, auxquelles s'ajoutent des contraintes de rotation en pointe. La charge s'exerce à la fois de façon compressive (3919N) et cisaillante (848N). Un pic de force compressive de 6066N est atteint pendant le coup d'aviron alors que le dos est en

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 47 position fléchie fixé dans un angle de 30 représentant 55% de la flexion lombaire maximale. L'ensemble génère des tensions sur l'anneau fibreux ce qui est facteur de lésions discales et crée un stress important sur les facettes articulaires. En outre, la répétition des glissements des facettes articulaires peut agir sur les mécanorécepteurs ligamentaires et activer des réflexes musculaires à l'origine de contractures. La fatigue influence la stabilité lombaire, réduit le gainage et augmente la charge sur le rachis en augmentant les contraintes ligamentaires et en affectant la proprioceptivité. De même les dysharmonies entre la force des Ischio-jambiers et celle des quadriceps, ainsi que les rétractions ou hypermobilités des chaînes musculaires affectent les mouvements pelviens et la stabilité lombo-sacrée. V- SYNTHESE DE L'ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DE LA LOMBALGIE : + Les données bibliographiques montrent que les lombalgies sont fréquentes en aviron de compétition. Elles permettent de dégager un certain nombre de caractéristiques : - La fréquence apparaît supérieure chez les hommes. - Les lombalgies sont majoritairement chroniques et liées à l'entraînement tant en matière de charge que de technique ou de conditions (froid, heures, matériel ) - La pratique de la pointe apparaît être un facteur déterminant. - La laxité, la tonicité et l'harmonie du développement musculaire de la ceinture lombopelvienne apparaissent avoir une incidence importante sur l'apparition ou la prévention des lombalgies. - Les désordres vertébraux (DIM, lyses isthmiques ) et les déformations de la colonne (scoliose, hyperlordose) semblent être fréquents chez les rameurs et généralement associés à la douleur. + Les études proposent 3 étiologies possibles des douleurs lombaires : - d'une part, des problèmes discaux (protrusions, altérations de l'annulus ou des ligaments ) - d'autre part des problèmes articulaires (DIM, impactions des facettes articulaires, subluxations, fractures ) - enfin des problèmes musculaires (spasmes, contractures, courbatures ) L'ensemble peut aboutir à des pathologies lourdes : lumbago, lyses isthmiques, hernies, sciatalgies, cruralgies, + Les données précédentes et l'analyse biomécanique effectuée dans la partie B permettent de proposer la synthèse étiologique suivante : - L'aviron est un sport soumettant le rachis à une répétition de mouvements de flexion et d'extension avec plus ou moins de rotation inclinaison en pointe (voir partie B). Ces mouvements prolongés et répétés en charge ont une incidence sur les disques en produisant un tassement à l'origine de protrusions et d'altérations des structures discales (fissurations), ou de sur-contraintes sur les plateaux vertébraux (impactions, tassements). L'ensemble constitue une première source de douleur. Ces phénomènes sont accentués par la déshydratation, l'heure de l'entraînement, un mauvais gainage musculaire du rachis (dysharmonie, hypermobilité ), des insuffisances ou des fatigues des muscles paravertébraux et de la ceinture pelvienne ou du gainage abdominal. - Les tassements du disque sont à l'origine d'instabilités vertébrales sources de perturbations des articulaires postérieures. Celles-ci aboutissent à des DIM, des syndromes facettaires, des altérations des structures articulaires (ligaments, capsules) et des structures osseuses (microfractures, lyses isthmiques ) susceptibles d'exciter les terminaisons nerveuses. L'ensemble constitue une seconde source de douleur rachidienne.

Franck BOUCHETAL PELLEGRI Professeur de Sport page 48 Ces phénomènes sont accentués par un mauvais contrôle proprioceptif (fatigue) ou des faiblesses des muscles paravertébraux, des anomalies morphologiques (scolioses) et des mouvements parasites (vagues, fautes techniques, manque de maîtrise ) - Les instabilités vertébrales perturbent les réflexes proprioceptifs chargés de stabiliser le rachis et de contrôler le déroulé vertébral. L'ensemble va induire une surcharge d'activité des muscles paravertébraux et lombaires, à l'origine de fatigues, spasmes, courbatures, contractures et lésions dues au surmenage musculaire. L'ensemble constitue une troisième source de douleur. Ces phénomènes sont d'autant plus fréquents qu'il y a surentraînement, notamment à haute intensité (charge lactique), surmenage notamment psychologique, manque d'hygiène de vie, déshydratation ou mauvaise nutrition, manque de protection contre le froid. Les dysharmonies musculaires, l'hyperlaxité et les anomalies morphologiques (scoliose, lordose ) jouent également un rôle majeur. La fatigue pourrait également intervenir sur la qualité du placement ventilatoire (coordination des muscles et manœuvre de Valsalva) source du développement d'une pression intrathoracique efficace pour la transmission des forces et la fixation du rachis (voir partie B). - Les troubles musculaires perturbent les régulations proprioceptives en limitant le gainage musculaire du rachis, la maîtrise du déroulé vertébral et du rythme lombo-pelvien, la fixation du bassin et des articulations sacro-iliaques. L'ensemble augmente les contraintes axiales sur les disques et les problèmes d'instabilité au niveau des articulaires postérieures (défaut de contrôle proprioceptif) ce qui accentue les problèmes discaux et articulaires et explique les déformations vertébrales observées.