Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec



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Transcription:

Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec Alexis COUTURIER-STEINMAN 1 et Jean-François GENDRON 2 Lex Electronica, vol. 9 n 3, Été 2004 http://www.lex-electronica.org/articles/v9-3/couturiersteinman_gendron.htm 1. DESCRIPTION DU PROJET SI-RIL...2 A) ÉMERGENCE D UN RÉSEAU DE LA SANTÉ INFORMATISÉ À LAVAL...2 B) SI-RIL, SUITE DU PROJET SI-PRSA...3 C) OBJECTIFS DU PROJET SI-RIL...4 D) STRUCTURE ET GESTION DU PROJET...4 E) RÉACTION DE LA CLIENTÈLE...5 2. QUESTIONS JURIDIQUES LIÉES AU PROJET SI-RIL...5 A) CADRE JURIDIQUE...5 B) PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS...6 C) CONSENTEMENT...8 - Consentement libre, éclairé et spécifique...8 - Système de gestion du consentement par les formulaires...9 - Consentement limité dans le temps...10 3. REGARD COMPARATIF SUR L INTÉGRATION DES TECHNOLOGIES DANS LE RÉSEAU DE LA SANTÉ...11 A) AUTRES RÉSEAUX D INFORMATION SOCIOSANITAIRE...11 - MOXXI...11 - RIGIC...11 B) PROJET DE «CARTE SANTÉ» AU QUÉBEC...12 C) CARTE SANTÉ : VERS UN RÉSEAU DÉCENTRALISÉ ET UNE CARTE DE TYPE POINTEUR / CLÉ D ACCÈS?...14 D) DÉCENTRALISATION À L AIDE D UN «DOMAINE DE CONFIANCE»...15 1 2 Bachelier en droit, Université de Montréal. Bachelier en droit, Université de Montréal.

1. DESCRIPTION DU PROJET SI-RIL a) Émergence d un réseau de la santé informatisé à Laval En 1998, la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Laval (la «Régie») nouvellement Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux entreprenait le déploiement d un système d information pour la Programmation régionale des services ambulatoires (SI-PRSA). Dans le but d implanter une seconde phase d informatisation clinique à son réseau, la Régie a mis en place pendant 18 mois un projet pour expérimenter un système de gestion des requêtes et résultats : ce système permettrait aux médecins omnipraticiens, pratiquant en cliniques médicales, d accéder aux résultats de laboratoires et aux rapports d imagerie et de dictée centrale. 3 L idée étant jugée excellente par les paliers gouvernementaux, la Régie a donc soumis, en août 2000, le projet d un réseau électronique à l intérieur même du réseau médical lavallois. Elle a reçu un accueil favorable à sa proposition et a obtenu les 5,5 millions de dollars nécessaires au lancement du Système d'information du Réseau intégré de Laval, ou «SI-RIL». Ce projet a officiellement débuté en octobre 2001 et s est terminé en mars 2004. 4 Durant cette période, le projet a permis d informatiser plus de 30 000 dossiers médicaux. Aujourd hui, les créateurs et les utilisateurs sont à jauger l efficacité du projet pour l étendre à plus grande échelle et l implanter comme standard dans notre système de santé québécois. Le projet SI-RIL est une intégration multisystèmes composée des volets SI-PRSA et du volet «cliniques médicales virtuelles» (CMV). Il permet à 105 médecins omnipraticiens et à 80 employés de bureau exerçant dans 10 cliniques médicales lavalloises de recevoir des résultats cliniques en provenance de laboratoires, de l hôpital Cité de la Santé-CHARL ainsi que des services diagnostiques privés de Laval 5 Les résultats reçus par le médecin et la décision prise deviennent alors parties intégrantes du dossier clinique informatisé du patient. 6 Par exemple, le médecin de famille peut suivre, avec le dossier centralisé du patient, les traitements reçus lors d une visite à l urgence ou lors d une hospitalisation. Le médecin pourrait même commander les radiographies prises à l hôpital pour assurer un suivi des traitements reçus. Aujourd hui, la majorité des intervenants s accordent pour dire que la rapidité de l accès aux résultats du patient est effectivement l une des innovations les plus marquantes du projet SI-RIL. Lors du projet, il était d ailleurs possible pour les médecins de famille de prescrire des examens et des analyses à leurs patients et d'en recevoir les résultats presque aussitôt effectués. 3 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, Évaluation du programme des cliniques médicales virtuelles du SI-RIL, Janvier 2004, www.cai.gouv.qc.ca/05_communiques_et_discours/01_pdf/a021547.pdf. 4 SANTÉ CANADA, Programme des partenariats pour l infostructure canadienne de la santé (Projet: SI- RIL), http://www.hc-sc.gc.ca/ohih-bsi/about_apropos/chipp-ppics/proj/siril_f.html. 5 AGENCE DE DÉVELOPPEMENT DE RÉSEAUX LOCAUX DE SERVICES DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX, Cliniques médicales virtuelles, http://www.sssslaval.gouv.qc.ca/1_/conference_20040216_cm.pdf. 6 NEWSWIRE.CA, «A first in health in Canada - An information system that supports the continuity of services between the hospital, institutions and medical clinics in Laval», 16 février 2004, http://www.newswire.ca/en/releases/archive/february2004/16/c0440.html. Alexis COUTURIER-STEINMAN et Jean-François GENDRON, «Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec» 2

Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de Laval, Brochure SI-RIL, http://www.sssslaval.gouv.qc.ca/1_/brochure_si-ril.pdf. b) SI-RIL, suite du projet SI-PRSA Le SI-RIL constitue en fait une extension au système d'information de la Programmation régionale des services ambulatoires (SI-PRSA) mis en place depuis 1998. Ce projet, également implanté par la Régie, implique sept établissements. Il s agit d un dossier clinique informatisé, partageable régionalement, qui n est pas le dossier de l établissement mais plutôt un dossier de «l épisode de soins» accessible à tous les établissements intervenants. Son fonctionnement est simple : le patient se présente à l un des établissements reliés au Centre hospitalier ambulatoire régional de Laval (CHARL) et complète les formulaires d identification du patient et les formulaires de l épisode de soins contenant une synthèse de sa situation. Le patient doit donc être présent lors de cette inscription pour signer un consentement autorisant l'établissement d où il provient à communiquer de l'information au CHARL et ce dernier à communiquer cette même information aux dispensateurs de soins identifiés dans le cadre de l épisode de soins. Lorsqu une activité de soins est terminée, le formulaire est imprimé, signé et classé au dossier papier de l établissement. 7 Nous verrons que le projet SI-RIL s est largement inspiré de ce système au niveau de la gestion du consentement. 7 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, Évaluation du SI-PRSA de la région de Laval, http://www.cai.gouv.qc.ca/06_documentation/01_pdf/rap_05_02.pdf. Lex Electronica, vol.9 n 3, Été 2004, http://www.lex-electronica.org/articles/v9-3/couturiersteinman_gendron.htm 3

c) Objectifs du projet SI-RIL Le SI-RIL a pour but d élargir le principe d accès informatisé instauré par le SI-PRSA. En effet, les sous-objectifs visés par les créateurs du projet SI-RIL étaient les suivants: soutenir le réseau intégré de services en permettant l échange d information entre les établissements du réseau et entre le réseau de la santé et les médecins omnipraticiens des cliniques médicales; permettre l échange sécurisé des résultats de laboratoire, de radiologie et de consultation entre les établissements du réseau et entre le réseau de la santé, les cliniques médicales et les laboratoires; permettre l inscription des requêtes électroniques afin de permettre aux médecins d effectuer le suivi des requêtes dans les dossiers des patients; élaborer un dossier synthèse régional et en gérer l'accès contrôlé par des profils d'intervenant et par le consentement du patient. 8 On dégage de ces objectifs que la relation médecin-patient était la préoccupation au centre du réseau. Il était donc important d obtenir la contribution et la collaboration des tous les établissements et de tous les intervenants impliqués. L'objectif ultime était clair : donner les meilleurs services possibles, le plus rapidement, et par l'établissement le plus apte à le faire. 9 d) Structure et gestion du projet Pour répondre à ces objectifs, le projet SI-RIL a été organisé en trois volets. Le premier volet était d implanter l'infrastructure et de procéder à l'informatisation des cliniques médicales (représentant les omnipraticiens) de la région en offrant un système de gestion des requêtes et résultats. Le deuxième volet consistait à consolider cette infrastructure technologique requise pour l'échange de données cliniques par l'implantation d'un index régional, d'un service de consentement régional et d'un service de messagerie. Le troisième volet a finalement consisté en la consolidation de l'architecture de traitement du SI-PRSA en fonction de la nouvelle infrastructure 10 : certaines cliniques étaient effectivement «branchées», mais il fallait ajuster les anciennes plates-formes à la nouvelle étendue de commandes qu il était possible d atteindre avec SI-RIL. Ce n était donc plus seulement un «épisode de soin» pouvant être échangé électroniquement, mais le dossier complet du patient. C est ainsi que plusieurs établissements publics et privés se sont reliés sur un même réseau pour partager cette capacité incommensurable d informations. Le réseau s est appelé CMV, pour «cliniques médicales virtuelles». En font partie notamment : Hôpital juif de réadaptation Cité de la Santé CHARL Médi-centre Chomedey 8 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, précité, note 3 ; Dominic SAINDON, De Brome-Missiquoi à SI-RIL, Présentation faite à l Université de Montréal dans le cadre des entretiens organisés par la Chaire L.R. Wilson sur le droit des technologies de l information et du commerce électronique, 7 avril 2004, http://www.crdp.umontreal.ca/wilson/saindon_egvt_2004.pdf. 9 10 SANTÉ CANADA, précité, note 4. Id. Alexis COUTURIER-STEINMAN et Jean-François GENDRON, «Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec» 4

CLSC-CHSLD Ste-Rose de Carrefour Médical Physio + Laval CLSC-CHSLD du Marigot Centre médical Chomedey Polyclinique médicale Concorde CLSC-CHSLD du Ruisseau- Papineau Centre médical Laval Polyclinique médicale Fabreville CLSC des Mille-Îles + Centre médical Laval-Ouest Clinique médicale CHSLD de Laval Monteuil Clinique médicale Beauchamp/Tanguay & Ass. e) Réaction de la clientèle Une évaluation a été menée par le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé de l Université de Montréal pour connaître l opinion des patients 11. En général, les patients des médecins participant au SI-RIL qui ont été interrogés sur ce système d information en clinique médicale ont accueilli très favorablement l utilisation de l ordinateur par leur médecin de famille. Par exemple, 92 % des patients ont exprimé que «c était un plus pour eux» que le médecin puisse consulter leurs résultats d examens par ordinateur, et 82 % étaient d avis que le fait que leur médecin consulte les résultats à l ordinateur l aide à mieux les traiter. Par ailleurs, 6 % des patients ont plutôt été dérangés par l utilisation de l ordinateur lors de la consultation chez le médecin. 2. QUESTIONS JURIDIQUES LIÉES AU PROJET SI-RIL a) Cadre juridique Le cadre juridique québécois impose des contraintes au niveau de la confidentialité des dossiers médicaux et, de manière plus générale, de l information personnelle. De plus, sauf exceptions, tout accès aux informations concernant un usager du réseau de la santé doit faire l objet de son consentement. Les dispositions législatives suivantes traitent des notions de confidentialité, de vie privée et de consentement : Code civil du Québec : Art. 35 : Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise. Art. 1398 : Le consentement doit être donné par une personne qui, au temps où elle le manifeste, de façon expresse ou tacite, est apte à s'obliger. Art. 1399 : Le consentement doit être libre et éclairé. Charte des droits et libertés de la personne du Québec, L.R.Q., C-12 : Art. 5 : Toute personne a droit au respect de sa vie privée. Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., S-4.2, 11 Claude SICOTTE, Marie-Pierre MOREAULT, Pascal LEHOUX, Lambert Farand, Réseaux en convergence: Télécommunications de données cliniques et réseaux intérés de soins, Février 2004, http://gris.umontreal.ca/rapportpdf.r04_04.pdf; NEWSWIRE, loc. cit. note 6. Lex Electronica, vol.9 n 3, Été 2004, http://www.lex-electronica.org/articles/v9-3/couturiersteinman_gendron.htm 5

Art. 19 : Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas où la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas où un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2). Art. 19.1 : Le consentement de l'usager à une demande d'accès à son dossier à des fins d'étude, d'enseignement ou de recherche doit être donné par écrit ; il doit être libre et éclairé, et accordé pour une activité précise. À défaut, il est sans effet. [Nous avons souligné.] De plus, nombre d autres dispositions traitent indirectement du droit à la vie privée : la Loi sur l accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et certains codes de déontologie professionnels. À la lumière de toutes ces exigences législatives et réglementaires, il est clair que le législateur considère important la protection du droit à la vie privée. Et si demain, un dossier médical se trouvait informatisé, quelles en seraient les conséquences? Heureusement, l informatisation des dossiers médicaux ne change pas les règles traditionnelles en matière de consentement, de vie privée et de confidentialité. Seulement, les changements générés par un nouvel environnement technologique complexifient l application de ces règles. Pour qu un consentement soit valide, le Code civil du Québec impose qu il soit libre et éclairé. 12 Au fil des années, la Commission d accès à l information du Québec (la «Commission») a interprété la nature de ces deux exigences dans un contexte de protection de renseignements en milieu médical : un consentement doit être libre, éclairé, volontaire, manifeste, limité dans le temps, révocable en tout temps et à des fins spécifiques. 13 De plus, un consentement est établi pour un établissement spécifique ou pour un médecin dans le cas des cliniques médicales. 14 Ainsi, que le dossier soit sur support papier ou électronique, l accord du patient est donc (sauf exceptions) toujours nécessaire. Pour s assurer du respect de la conformité légale des initiatives technologiques prises par la Régie, l avis de la Commission a été sollicité à quelques reprises. De façon générale, et sous réserves de ses commentaires et recommandations, elle a émis des avis favorables au projet SI- RIL. 15 b) Protection des renseignements personnels Le réseau de la santé est en pleine évolution au plan de son développement technologique : on privilégie par exemple la continuité de services par la prise en charge successive d'un patient par 12 CODE CIVIL DU QUÉBEC, article 1399 13 SOCIÉTÉ DE GESTION INFORMATIQUE (SOGIQUE), Système de gestion du consentement - Projet expérimental, http://www.sogique.qc.ca/sysinfo/reponse.asp?pagew=150, p. 1 14 15 Id., p. 2 Id. Alexis COUTURIER-STEINMAN et Jean-François GENDRON, «Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec» 6

divers établissements et intervenants de la santé. Il en résulte donc un besoin d'échanger de l'information et d'intégrer des activités médicales. Vu la plus grande circulation d'information et le maintien des attentes des citoyens en matière de confidentialité de leurs renseignements médicaux, le déploiement du réseau intégré de Laval a nécessité une attention particulière à ce niveau. 16 D ailleurs, selon le président de l Association des médecins omnipraticiens de Laval (AMOL), le Dr Claude Saucier, la confidentialité des renseignements à l intérieur du projet SI-RIL est supérieure à celle du système basé sur le dossier papier. 17 Au niveau technique du projet SI-RIL, la circulation sécurisée de l information est supportée par l autoroute de l information de la santé et de services sociaux (Réseau de télécommunications sociosanitaire - RTSS). Chaque intervenant reçoit de plus un code d identification, un mot de passe ainsi qu une clé VPN (Virtual Private Network) pour accéder à la plateforme principale. À partir de là, tout dossier consulté est inscrit dans un historique avec l identité de l intervenant, la date et l heure de la consultation, ainsi que les sections consultées. Tous les postes de travail se verrouillent également de façon automatique après un certain temps d attente et toutes les données sont cryptées lorsqu elles circulent sur le réseau. Finalement, les données conservées sur les disques du serveur sont dénormalisées. 18 L accès aux informations est donc restreint aux seules personnes habilitées et toute consultation est systématiquement archivée dans un fichier. Le fonctionnement du réseau PRSA diffère de celui, plus complexe, du projet SI-RIL. À l époque (1998), toutes les données étaient centralisées dans une banque régionale unique (au CHARL), banque qui était toutefois répliquée physiquement dans chacun des établissements. Avec le réseau SI-RIL, les données sont entreposées sur un serveur du Technocentre de la Régie régionale de Laval, dont l Association des Médecins Omnipraticiens de Laval (AMOL) contrôle l accès. En fait, l AMOL a accepté d être fiduciaire des données des médecins participants sur le territoire de Laval. Donc l AMOL, pour et au nom des médecins inscrits au projet SI-RIL, demeure responsable et gardienne des données collectées dans le cadre du projet. Elle assure également la gestion, l archivage, la destruction ainsi que la protection des données, conformément aux lois et règlements en vigueur. Puisque les données sont conservées au Technocentre de la Régie, l AMOL a confié en partie l exécution de ses obligations à cette dernière. Il s en suit une relation de mandat entre l AMOL et la Régie. La Régie, mandataire, est responsable de la gestion et de la sécurité physique située dans ses locaux. Sauf pour des questions de soutien ponctuel, personne de la Régie n a accès à ces données. 19 En raison de ce partage de tâches, la Commission s est interrogée face à la responsabilité de l AMOL et des cliniques participantes. Il n est pas clair qui, de l AMOL ou des cliniques, aurait à donner son accord pour permettre à une personne d accéder aux informations situées dans le Technocentre. 20 16 17 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, précité, note 7, p. 3 (2003) 38-2 Le Médecin du Québec 2, http://www.fmoq.org/medecin_du_quebec/pdf/fevrier- 2003/001syndigraphies0203.pdf. 18 19 20 Id. COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, précité note 7, p.5 Id. Lex Electronica, vol.9 n 3, Été 2004, http://www.lex-electronica.org/articles/v9-3/couturiersteinman_gendron.htm 7

En conclusion, la Commission est d avis que le volet «cliniques médicales virtuelles» du projet SI-RIL apparaît conforme aux principes de protection de renseignements personnels. 21 c) Consentement Dans un cadre clinique traditionnel, le médecin reçoit généralement des résultats de tests de laboratoire par courrier ou par télécopieur. En acceptant de subir le test prescrit, le patient donne donc implicitement son consentement à la communication du résultat du test. Le projet SI-RIL (système CMV) constitue donc un moyen alternatif pour que le médecin puisse recevoir les résultats. Par souci de transparence, une campagne d information a d ailleurs précédé le déploiement du projet SI-RIL. En effet, la Régie a produit un dépliant et des affiches afin d informer toute personne qui recevra des services de santé dans une des cliniques médicales participantes sur le territoire de Laval de la possibilité de participer au projet SI-RIL. Dans ce dépliant, on y précise ce qu est SI-RIL, les avantages d y participer et la possibilité d exercer son droit de se retirer. «Depuis le 27 septembre 2002, un nouveau projet d expérimentation intitulé SI-RIL pour Système d information du réseau intégré de Laval a vu le jour à Laval. Il est le fruit d une étroite collaboration entre les médecins de votre clinique médicale et la Régie régionale de la santé et des services sociaux Laval. Ce projet consiste à mettre en place un système informatique afin que vos résultats de laboratoire et de radiologie puissent être transmis de façon électronique à votre médecin. Ces renseignements seront acheminés et entreposés dans le respect des règles de confidentialité qui sont applicables au Québec. [...] Les avantages pour vous sont multiples : Votre médecin pourra recevoir vos résultats de façon plus rapide et plus sécuritaire; [...] Le système informatique permet au médecin un meilleur suivi de votre état de santé, ce qui facilite la prise de décisions quant aux soins à prodiguer; Les informations contenues dans votre dossier électronique pourraient être accessibles à un médecin d une autre clinique en cas d urgence par exemple, et ce, en autant que vous y consentiez. Est-ce que je dois donner mon accord pour participer à ce projet? [ ] Tenant compte de ces explications, vous pourrez choisir de vous retirer du projet, et ce, en tout temps et sans conséquence sur les services de santé que vous êtes en droit de recevoir. Si vous décidez de le faire, veuillez adresser une demande sur le formulaire disponible et le présenter à votre médecin traitant qui devra le contresigner.» 22 - Consentement libre, éclairé et spécifique Dans son rapport de mai 2002 sur le volet PRSA, la Commission avait détaillé les critères relatifs au consentement comme suit : 21 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, SI-RIL, le réseau intégré de services en santé physique et mentale, 16 février 2004, http://www.laval.gouv.qc.ca/information_thematique/sante/si_ril_1_170204.htm 22 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, précité, note 7, p.7. Alexis COUTURIER-STEINMAN et Jean-François GENDRON, «Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec» 8

«Un consentement est libre dans la mesure où les patients peuvent refuser la transposition de leur dossier en format électronique ou exercent un choix quant à la communication des renseignements les concernant. Les patients réticents à ce que leurs résultats transitent par voie électronique peuvent ne pas participer, et ceci, sans conséquence sur les services de santé qu ils sont en droit de recevoir. De plus, un consentement est éclairé et spécifique lorsque le patient consent à la communication, à tous les établissements énumérés dans la formule de consentement, des données nécessaires à l ensemble des soins.» 23 [Nous avons souligné.] En effet, l intervenant ne peut collecter que l information nécessaire à son exercice, et n utilise cette information qu aux fins pour lesquelles elle est recueillie et ne la communique que dans les cas et selon les conditions et formalités prévues. De plus, chaque intervenant de la santé doit informer l usager des fins pour lesquelles il désire consulter ou alimenter son dossier. L usager doit alors être suffisamment en mesure de comprendre l information qui lui est communiquée pour décider, par lui-même, s il consent ou non à donner ainsi accès à son dossier. Évidemment, un professionnel de la santé ne peut donner un cours magistral à chaque usager pour chacune des données qu il désire verser au dossier. En ce cas, la compréhension du patient peut parfois devenir un obstacle important. En effet, le système est implanté pour accélérer le processus médical et l accès au dossier ne doit pas ralentir cet objectif. Légalement, un consentement est établi pour un établissement spécifique (ou pour un médecin dans le cas des cliniques médicales). Mais, le système de gestion du consentement est conçu pour permettre une gestion plus souple afin de refléter la réalité des programmes de continuum de soins inter-établissements. 24 Si plusieurs établissements s entendent entre eux à un niveau légal, il est possible pour le préposé aux consentements d enregistrer des consentements accordés à d autres établissements. Ainsi, le préposé prend note du consentement de l usager, en ce qui concerne la divulgation de ses données cliniques, et indique aussi dans le formulaire les établissements autorisés à consulter ces données. L usager n a alors plus à redonner son consentement chaque fois qu il se présente dans l un des établissements ciblés. - Système de gestion du consentement par les formulaires Le ministère de la Santé et des services sociaux souhaitait mettre en place un système de la Gestion du consentement, unique à l échelle du réseau et utilisable par l ensemble des établissements du secteur sociosanitaire. Ainsi, le ministère a mandaté la Société de gestion informatique (SOGIQUE) pour expérimenter un système de gestion du consentement commun aux deux projets Arc-en-ciel (réseau Mère-Enfant) et SI-RIL. D ailleurs, la solution mise au point pour le Réseau Communautaire d information de santé de McGill, laquelle a été retenue par SOGIQUE, repose sur un système de consentement à deux niveaux : 1) un consentement à un praticien ou à un établissement aux fins d une consultation de données d établissements externes et 23 24 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, précité, note 7. SOCIÉTÉ DE GESTION INFORMATIQUE, précité, note 13. Lex Electronica, vol.9 n 3, Été 2004, http://www.lex-electronica.org/articles/v9-3/couturiersteinman_gendron.htm 9

2) un consentement pour autoriser la divulgation d informations cliniques issues de l établissement fréquenté par l usager. 25 La gestion du consentement dans le projet SI-RIL peut être séparée en 3 volets : le consentement initial, la modification du consentement et la transmission du consentement lorsque l usager se présente à un établissement faisant partie du réseau. Tout d abord, c est au niveau de l accueil que le consentement initial est donné par l usager. Le préposé de la clinique, de l hôpital ou du CLSC utilise un formulaire Web qu il imprime, soumet à l usager pour être signé et qu il conserve dans les dossiers de l établissement. La même procédure doit être suivie lorsque l usager désire modifier les modalités de son consentement initial. En ce qui concerne le médecin, lorsque l usager se présente à un établissement, l application clinique entre alors en contact avec le Système de Gestion du consentement du réseau SI-RIL, qui lui transmet le statut du consentement de l usager propre à l établissement et à l application clinique utilisée. L application clinique affiche alors uniquement les données que cet intervenant est autorisé à consulter. La Commission s est penchée sur les formulaires distribués dans le cadre du projet SI-RIL. En plus du formulaire de retrait, le patient peut être invité par son médecin à signer jusqu à 3 autres formulaires pour permettre à ce dernier d accéder à des données autres que celles qu il a prescrites. Il s agit de formulaires de consentement ponctuel, de consentement pour médecin de famille et le formulaire d identification du médecin de famille. Le formulaire de consentement ponctuel permet au médecin de consulter des résultats antérieurs à l épisode de soin courant. Ensuite, le formulaire de consentement pour médecin de famille permet à ce dernier de consulter les résultats d examens qui auraient été demandés par d autres médecins. Finalement, le formulaire d identification du médecin de famille est utilisé pour une clientèle vulnérable et pour l examen médical périodique des enfants entre 0 et 5 ans ; il permet notamment d identifier le professionnel de la santé comme l unique médecin de famille ayant droit d avoir accès à l information nécessaire à la prestation des soins et des services sociaux requis par l état de santé. 26 Le système CMV intègre bien la variétés de formulaires de consentement puisqu il permet à tous les établissements impliqués de connaître rapidement la localisation de la preuve de ce consentement. Pour chacun de ces formulaires, la Commission est d avis qu il s agit d un consentement libre, éclairé et spécifique. Toutefois, elle émet certaines réserves face au formulaire d identification du médecin de famille, valide «jusqu à révocation». On voit mal comment est gérée l annulation de l identification, dans le système, de sorte qu il se pourrait que le médecin précédent continue de recevoir les résultats. 27 - Consentement limité dans le temps Tel que nous venons de le voir, en plus d être libre, éclairé et spécifique, le consentement doit être limité dans le temps puisque les épisodes de soins le sont. La Commission a donc recommandé que le formulaire de consentement précise la durée réelle entre l inscription et la 25 26 27 Id. COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, précité, note 7, p. 9. Id., p. 10 Alexis COUTURIER-STEINMAN et Jean-François GENDRON, «Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec» 10

date prévisible du congé, en fonction des activités à réaliser, puisque la communication ne sera nécessaire que durant cette période. Une mention «jusqu à révocation» n est pas satisfaisante aux yeux de la Commission. 3. REGARD COMPARATIF SUR L INTÉGRATION DES TECHNOLOGIES DANS LE RÉSEAU DE LA SANTÉ a) Autres réseaux d information sociosanitaire Depuis quelques années, d autres réseaux électroniques se sont développés dans le domaine médical. Ces projets, en partie financés par le gouvernement fédéral via le Programme de partenariats pour l infostructure canadienne de la santé (PPICS), visent à moderniser et à optimiser la prestation des soins de santé par le recours aux technologies de l information et des télécommunications. 28 En voici deux exemples. - MOXXI Dans cette vague d informatisation, le projet MOXXI (Medical Office of the 21st Century) a été développé par l Université McGill. Il s agit d un système de prescription électronique et de prise en charge des maladies qui relie des médecins, des pharmaciens, des malades et des sources externes d'information sur la recherche pharmaceutique, les rappels et les alertes. L objectif du projet est de réduire le risque de maladies reliées aux médicaments et de mieux gérer les maladies chroniques (ex : le diabète) qui nécessitent un usage régulier et approprié de médicaments. Par exemple, les médecins utilisent des prescriptions électroniques pour réduire le risque d'erreur d'interprétation chez les pharmaciens. Le projet comporte également un volet de vérification de la conformité à l'ordonnance. Aux conseils du pharmacien s'ajoute donc un système d'appel automatisé qui rappelle aux malades de prendre leurs médicaments quotidiens et de renouveler les ordonnances avant le temps. La technologie peut aussi servir à mettre fin aux ordonnances et à renseigner les malades sur la prise en charge de leurs maladies. 29 - RIGIC Lancé en février 2002 pour une durée de 22 mois, le projet RIGIC (Réseau intégré de gestion de l information clinique) visait à mettre en place un réseau intégré de gestion et d échange de données cliniques en cancérologie, entre le CHRTR et le Centre hospitalier du Centre de la Mauricie. Selon les coordonnateurs du projet, cette expérience-pilote se voulait le premier jalon de la mise en place d un vaste réseau d échange de données cliniques entre les établissements de la région, dans un contexte de continuum de soins, incluant à terme les cliniques privées. On a donc implanté les logiciels MédiIndex, MédiVisit et MédiPatient qui géraient un index régional des patients, les rendez-vous locaux et inter-établissements, les admissions et départs, les transferts, la gestion des lits, les inscriptions à l urgence, en cliniques externes et le suivi du dossier médical. 28 BEAULIEU, Ginette, Feu vert québécois pour les projets PPICS, http://www.sogique.gouv.qc.ca/magazine/archives/vol14no1/ppics.htm 29 MOXXI, Historique du projet MOXXI, http://www.moxxi.mcgill.ca/moxxihomefr.html. Lex Electronica, vol.9 n 3, Été 2004, http://www.lex-electronica.org/articles/v9-3/couturiersteinman_gendron.htm 11

b) Projet de «Carte Santé» au Québec En Octobre 2000, la Commission a rendue un avis sur l implantation d une «Carte d Accès Santé» à microprocesseur par le Ministre de la Santé et des Services sociaux. 30 L intégration de cette technologie dans le domaine de la santé avait pour but de moderniser le système de santé en favorisant une meilleure circulation de l information clinique grâce à la création d un Dossier Carte Santé et d un dépôt central d informations. Dans ce modèle, une carte à puce serait ensuite remise à chaque usager avec un index qui ne contiendrait que des informations qui caractérisent l usager et qui facilitent sa prise en charge par les intervenants : les allergies et intolérances ; les facteurs affectant la santé (conditions et habitudes de vie, orthèses ) ; certains diagnostics confirmés et certains antécédents médicaux ; les données sur les vaccins reçus ; la médication active ; une zone dite libre qui permet à l intervenant d y inscrire toute information qu il juge pertinente, notamment certains résultats d examen de laboratoire. L informatisation du secteur sociosanitaire est incontournable ; seulement, il ne faut pas perdre de vue la différence entre les applications administratives et l utilité clinique d un déploiement technologique. Selon la Commission, la Carte d Accès Santé aurait une portée davantage administrative. 31 Selon le Mémoire présenté à la Commission, la Carte d Accès Santé aurait pour but de vérifier l admissibilité d une personne ainsi que la couverture des services assurés. La Régie de l assurance maladie du Québec (la «RAMQ»), en tant qu assureur, doit exercer un certain contrôle auprès des usagers et des professionnels de la santé. Les nouvelles technologies ne font qu augmenter la capacité de la RAMQ à garder un contrôle auprès de sa clientèle, une activité que celle-là exerce déjà. Seulement, en principe, il y aurait aussi une cueillette d information lors de chaque communication électronique avec la RAMQ de façon à bâtir une banque de données concernant un secteur et l utilisation de ses ressources. On peut s interroger, entre autres, sur la nature de l information qui serait réellement recueillie, sa dénominalisation, son utilisation et son accès. Tel que mentionné précédemment, le volet clinique de la Carte d Accès Santé se traduirait donc par la création du Dossier Carte Santé. Les données seraient conservées dans une banque de données hautement sécurisée, à la RAMQ. Quant à celles contenues au dossier, elles pourraient être déchiffrées par l utilisation simultanée de la Carte d Accès Santé du patient et de la Carte d habilitation de l intervenant de la santé. La Commission est d avis «que ces mesures de sécurité sont une excellente garantie de protection des renseignements personnels». 32 30 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, Avis de la CAI concernant l implantation de la carte d Accès Santé à microprocesseur et la contribution de la RAMQ à la modernisation du système de santé et des services sociaux, http://www.cai.gouv.qc.ca/08_avis_de_la_cai/01_pdf/a021779.pdf. 31 32 Id., p. 3. Id., p. 8. Alexis COUTURIER-STEINMAN et Jean-François GENDRON, «Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec» 12

La Commission s interroge toutefois sur le statut juridique du Dossier Carte Santé. En effet, la caractérisation de ce dernier pourrait avoir des impacts au niveau de la confidentialité des informations contenues au dossier, selon qu il s agisse ou non du «dossier d'un usager» au sens de l article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Aussi, il appert que le Dossier Carte Santé ne remplacerait pas le dossier traditionnel tenu par l établissement de santé. 33 Celui-là n aurait jamais été conçu pour être un dossier complet. La Commission reconnaît que la carte à microprocesseur constitue un moyen intéressant pour permettre à un patient d exprimer son consentement. Seulement, la carte devrait conserver son but premier un outil d expression du consentement et non devenir un moyen pour contrôler la consommation de soins et de services. 34 Cette remarque s inscrit dans une série d inquiétudes face à l émission d une carte qui couvre des volets à la fois administratifs et cliniques. Des projets pilotes à opérés à Rimouski et à Laval ne comprenaient pas cette double dimension. Malgré que les principes directeurs édictés dans le Mémoire du Ministre puissent assurer une absence de confusion entre le volet administratif et clinique du projet, et que les renseignements personnels de nature médicale ne soient utilisés qu à des fins de dispensation de soins de la santé, la Commission suggère fortement que les garanties de confidentialité figurent dans un texte de loi. 35 Les appréhensions de la Commission se sont avérées justifiées lorsqu une «Note d information complémentaire au Conseil des ministres» a sensiblement modifié le rôle de la carte à microprocesseur. 36 En effet, la Carte ne serait plus utilisée pour valider des consentements ponctuels. Un Dossier Carte Santé serait créé en l absence d une manifestation de refus de la part de l usager. Par la suite, le consentement ne serait pas pris en compte lors de l inscription de données à son dossier. Comme le fait remarquer la Commission, si le consentement n est plus requis, la carte perdra sa vocation la plus importante : l expression d un consentement libre et éclairé. Inversement, accorder un pouvoir discrétionnaire au patient quant à l inclusion d informations à son dossier risquerait d en compromettre l intégrité, voire l utilité. Voilà des intérêts concurrents difficiles à concilier L arrivée d un système de cartes à microprocesseur et la centralisation de l information médicale augmenterait considérablement les responsabilités de la RAMQ. En effet, une concentration des rôles de cet organisme public risque de faire naître des conflits d intérêts importants au sein de la RAMQ. La Commission formule sa crainte ainsi : «Toutefois, malgré la reconnaissance de l expertise de la Régie en matière de gestion de fichiers de renseignements nominaux, la Commission invite le gouvernement à s interroger sur la pertinence de regrouper autant d informations en un seul endroit et de confier la gestion de ces informations à un seul organisme.» 37 Autrement dit, la «Régie peut-elle à la fois être un assureur et un gestionnaire ou 33 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, Avis de la Commission d accès à l information concernant la carte santé à microprocesseur, l assurance médicaments et l informatisation de réseau de la santé, 16 janvier 2001, p. 16. http://www.cai.gouv.qc.ca/08_avis_de_la_cai/01_pdf/a001926.pdf. 34 35 36 37 COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, précité, note 30, p. 8. Id. COMMISSION D ACCÈS À L INFORMATION DU QUÉBEC, précité, note 33, p. 5. Id, p. 16. Lex Electronica, vol.9 n 3, Été 2004, http://www.lex-electronica.org/articles/v9-3/couturiersteinman_gendron.htm 13

fiduciaire de banque de données nominales qui n ont aucun rapport avec son rôle d assureur?» 38 Il est raisonnable de craindre qu un assureur veuille consulter des renseignements recueillis à des fins de dispensation de soins et de services. La tentation est évidente : les données recueillies permettrait à l assureur, en occurrence la RAMQ, d exercer une surveillance accrue sur l utilisation des services. Le cadre légal actuel est déficient pour faire face à une telle éventualité. 39 Dans le cas du Projet SI-RIL, ni l Association des médecins omnipraticiens de Laval ni la Régie régionale de Laval n ont voulu que cette dernière ait le rôle de gardien des données. c) Carte santé : vers un réseau décentralisé et une carte de type pointeur / clé d accès? Dans un mémoire soumis à la Commission des affaires sociales dans le cadre de la consultation générale sur l avant-projet de loi 40 sur la carte santé du Québec, le professeur Claude Sicotte tente de démontrer qu il existe des failles importantes dans le projet d introduction d une carte à microprocesseur. 41 Elles ne sont pas insurmontables. La première difficulté se loge au niveau technologique : «En cette matière, l analyse des expériences étrangères et des derniers développements technologiques en matière de carte à microprocesseur nous apprend que l application la plus fréquente et la plus réussie au plan clinique d un système de carte santé à microprocesseur est de l utiliser comme un pointeur et une clé d accès. La fonction de pointeur permet de repérer, sur des systèmes d information mis en réseau, les différentes sources d information disponibles pouvant fournir une information clinique concernant le patient sous traitement alors que la fonction de clé d accès permet de sécuriser l accès à cette information. Ce concept technologique est absent du projet de loi.» 42 [Nous avons souligné.] Le concept initial de la carte santé serait donc désuet, en ignorant deux réalités modernes : la disponibilité importante de données cliniques informatisées et la possibilité de relier des banques d information via Internet, un réseau hautement décentralisé. La carte permettrait ainsi de localiser, sur un réseau sécurisé, toutes les informations relatives à un usager pour ensuite permettre leur déchiffrage pour fins de consultation. Le dossier médical serait un dossier virtuel reconstitué à partir des informations inscrites sur la carte et à partir de celles accessibles à distance. La carte permettrait également d assurer une gestion sécurisée de l accès à l information, de façon à protéger le respect professionnel et la vie privée des patients. 43 38 39 Id., p. 17. Id., p. 17. 40 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (2001) Avant-projet de loi : Loi sur la carte santé du Québec. Déposé par M. Rémy Trudel, Ministre de la Santé et des Services sociaux. Éditeur officiel du Québec. 41 CLAUDE SICOTTE, Vers une meilleure intégration entre la technologie et la clinique Mémoire soumis à la Commission des affaires sociales dans le cadre de la consultation générale sur L avant-projet de loi sur la carte santé du Québec, Janvier 2002, http://www.ircm.qc.ca/bioethique/francais/telesante/documents/cartesante_sicotte_doc.pdf. 42 43 Id, p. 3. Id, p. 3-4. Alexis COUTURIER-STEINMAN et Jean-François GENDRON, «Le Projet SI-RIL et l intégration de la technologie dans le réseau de la santé au Québec» 14

Qui plus est, le concept de système d information centralisé n est plus pertinent. Premièrement, il dédouble le dossier médical réel. Notons que le professionnel de la santé a une obligation légale et déontologique de tenir un dossier individuel pour chacun des patients qu il traite. Comme un fichier central serait un «Résumé de renseignements de santé», il semble peu probable qu il soit rigoureusement utilisé par les professionnels de la santé : ceux-ci doivent fonder leurs décisions cliniques sur les informations les plus complètes possibles. 44 Deuxièmement, une architecture construite autour d un fichier central risque de poser certaines difficultés techniques (ex. : temps de réponse lents, synchronisation entre des systèmes différents) qui risquent de se traduire directement en des problèmes cliniques (ex. : temps de réponse inacceptables). Selon le professeur Sicotte et nombre d experts, la carte à microprocesseur (ou carte à puce) est un «moyen technologique puissant apte à mieux sécuriser l'accès, l'entreposage et la confidentialité de données cliniques sensibles» 45. Elle se distingue notamment des cartes magnétiques ou optiques par sa capacité accrue à enregistrer des données chiffrées. À l opposé, un système d information centralisé présente une faille capitale au niveau de la sécurité des informations : il ne constitue qu une copie de données qui reposent toujours sur les systèmes locaux ou «sources». Bref, même en la présence d une base de données hautement sécurisée, le défi demeure la protection et la confidentialité des informations qui continuent de résider sur des supports dispersés dans le système de santé. Ce défi devrait être au centre de la réforme technologique. d) Décentralisation à l aide d un «domaine de confiance» Suivant le modèle décentralisé combiné aux cartes «à puce», il est également possible d avoir accès aux informations par la notion de domaine de confiance 46. En effet, ce domaine est caractérisé par le fait que les établissements du secteur de la santé et des services sociaux ont déjà en leur possession les renseignements personnels des usagers. Il n'est donc pas nécessaire de procéder à une nouvelle collecte lorsqu'un usager veut bénéficier d un épisode de soin, un établissement pouvant accéder aux renseignements des autres établissements faisant partie du domaine de confiance, de l aire de partage. Attention toutefois : il ne s agit pas d une mise en commun des renseignements dans un fichier central. Le système permet aux établissements qui possèdent l information d en rester détenteurs, et aux autres d y avoir accès suite au consentement de la part de l usager. Cette voie offerte aux établissements devra faire l objet d une entente soumise, pour approbation, à la Commission. Cette entente devra, entre autres, mentionner les finalités quant au traitement des renseignements personnels. Ainsi, par exemple, il serait possible de préciser que les renseignements collectés seront conservés en vue d être partagés dans le cadre d un épisode de soin, étant entendu que les patients pourront valider l information ainsi obtenue. Il s agit évidemment d une solution parmi tant d autres, mais en regard des critères de confidentialité, de vie privée et de consentement énoncés par la Commission d accès à l information, il vaudrait sûrement la peine d exploiter un tel système pour les futurs réseaux intégrés au domaine médical. 44 45 46 Id, p. 7. Id, p. 8. Pour plus de détails sur la notion, voir Pierre TRUDEL, Immobiliser ou protéger? Le droit et le développement de services en ligne, 25 février 2004, http://www.crdp.umontreal.ca/wilson/trudel_egvt_2004.pdf. Lex Electronica, vol.9 n 3, Été 2004, http://www.lex-electronica.org/articles/v9-3/couturiersteinman_gendron.htm 15

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