Item 281 : Insuffisance aortique (Evaluations) Auteur(s) TRIBOUILLOY Christophe GOISSEN Thomas Date de création du document 2008-2009
QCM QUESTION 1/1 : Parmi les signes suivants, lesquels appartiennent au tableau clinique de l insuffisance aortique? A - Un souffle diastolique. B - Une diminution de la différentielle tensionnelle. C - Une hyperpulsatilité artérielle. D - Une dyspnée d effort. E - Une cyanose. (Réponse : ACD )
CAS CLINIQUE Scénario : Monsieur C.T, 34 ans, est transporté aux urgences de votre hôpital pour une douleur thoracique. Cette douleur est survenue une heure auparavant, de manière brutale, alors qu il faisait un footing. Le patient vous décrit cette précordialgie comme un «coup de poignard» partant dans la poitrine et irradiant dans le dos. Il n existe aucun antécédent connu hormis une forte myopie et la notion d un souffle systolique ancien. L examen clinique retrouve une tension artérielle à 170/50 mmhg, un pouls à 100 BPM et une apyrexie. La taille est de 1.95 m pour 71 kg. Vous notez un souffle diastolique 4/6ème parasternal gauche accompagné d un souffle mésosystolique 2/6ème au foyer aortique. La radiographie de thorax vous est décrite comme normale. L ECG vous est fourni. ECG QUESTION 1/8 : Quel diagnostic précis évoquez-vous? Justifiez à partir des données présentes dans le texte. Quels indices présents dans le texte vous font suspecter une pathologie congénitale sous jacente ayant favorisé le tableau actuel? DISSECTION AORTIQUE AIGUE DE TYPE A, compliquée d une insuffisance aortique. Justifications : - terrain : homme jeune, sans antécédent cardiovasculaire notable. - morphotype : profil «marfanoïde» (1.95 m pour 71 kg). - caractère typique de la douleur : transfixiante, migratrice vers le dos, brutale. - insuffisance aortique associée (élargissement de la différentielle tensionnelle ; caractéristiques du souffle): évocateur d une extension de la dissection à l aorte ascendante donc dissection aortique de type A. Pathologie sous jacente : maladie de Marfan (morphotype, forte myopie).
QUESTION 2/8 : Il manque dans l énoncé une donnée importante de l examen clinique en faveur du diagnostic. Laquelle? Il manque un temps primordial de l examen clinique : la palpation-auscultation de tous les trajets vasculaires et notamment des pouls au niveau des 4 membres (fémoraux et radiaux principalement) à la recherche d une asymétrie des pouls et tensionnelle. QUESTION 3/8 : Interprétez l ECG. -rythme sinusal régulier à 100 BPM -axe de QRS entre -30 et -90 : déviation axiale gauche -espace PR normal -QRS fins -absence de trouble notable de la repolarisation Donc, tachycardie sinusale à 100 BPM et hémibloc antérieur gauche. QUESTION 4/8 : Quels sont les deux examens principaux les plus utiles pour affirmer en urgence le diagnostic? - scanner thoraco-abdominal, sans et avec injection de produit de contraste ; (IRM acceptée) - echocardiographie trans-thoracique et trans-oesophagienne. QUESTION 5/8 : Quel est, chez ce patient, le risque évolutif à court terme le plus redouté? Expliquez. Mort subite par tamponnade aiguë (rupture aortique intrapéricardique), hémomédiastin ou hémothorax. (cf : dissection aortique aiguë, souffle d IA en faveur d une extension du processus de dissection jusqu à la base de l aorte ascendante).
QUESTION 6/8 : Quel traitement urgent proposez-vous à ce patient? Justifiez votre choix thérapeutique. Chirurgie cardiaque, en urgence, de remplacement de l aorte ascendante par un tube prothétique avec réimplantation des coronaires associée à un remplacement valvulaire aortique à priori mécanique (homme jeune). QUESTION 7/8 : Le traitement urgent a été réalisé. Quel est ensuite le traitement recommandé pour prévenir les récidives? Pourquoi? β-bloquants au long cours, en prévention des récidives de dilatation de l aorte et de dissection aortique. QUESTION 8/8 : Comment planifiez-vous le suivi au long cours, sachant que le patient est maintenant porteur d une prothèse mécanique aortique? -Surveillance clinique cardiologique : récidives de douleurs thoraciques ; symptômes habituels cardiovasculaires (dyspnée, malaise/perte de connaissance, palpitations) ; tension artérielle. -Surveillance du traitement, avec notamment surveillance du traitement anticoagulant : *clinique : allergies médicamenteuses (par exemple, thrombopénie à l héparine) dépistage des saignements extériorisés ou des signes cliniques de déglobulisation *biologique : INR régulier, minimum un par mois lorsque l équilibre thérapeutique est trouvé zone thérapeutique cible dans ce contexte de valve mécanique aortique : INR compris entre 2 et 3 dosage de l hémoglobine si suspicion de saignement *patient porteur d une carte et d un carnet de surveillance des antivitamines K. -Surveillance de la valve mécanique aortique : *clinique : bruits de valve ; signes évocateurs d accident embolique périphérique *imagerie : échocardiographie : fonctionnement valvulaire IRM (ou scanner) aortique : diamètres de l aorte thoracique
CAS CLINIQUE Scénario : Monsieur T.G, 51 ans se présente aux urgences de votre hôpital pour une altération de l état général évoluant depuis plusieurs mois, associée à un essoufflement. Il vous explique qu il a perdu plusieurs kilos en 8 mois. Il est désormais essoufflé au moindre effort, et a du ajouter récemment deux oreillers pour dormir la nuit. Il a été traité à trois reprises par des antibiotiques pendant ces 8 mois pour des tableaux étiquetés bronchite aiguë fébrile. A l interrogatoire, notion de souffle cardiaque connu. La température est à 38 6 et la saturation en oxygène en air ambiant à 88%. La tension artérielle est à 160/50 mmhg. A l examen, vous constatez un très mauvais état bucco-dentaire, un souffle holodiastolique 3/6e maximal au bord gauche du sternum accompagné d un souffle mésosystolique 2/6ème au foyer aortique, une hyperpulsatilité artérielle, des crépitants bilatéraux pulmonaires des bases jusqu à mi-champs, et deux petites nodosités rougeâtres des 3e et 4e doigts de la main gauche, douloureuses à la palpation. La gazométrie artérielle en air ambiant : po2=52 mmhg ; pco2=37 mmhg, ph=7,38. La radiographie de thorax montre une cardiomégalie et des opacités alvéolaires bilatérales et symétriques des deux champs pulmonaires. QUESTION 1/9 : Quel est le diagnostic principal complet à évoquer devant ce tableau? Justifiez à partir des éléments présents dans l observation. Insuffisance cardiaque gauche par insuffisance aortique sévère mal tolérée consécutive à une probable endocardite infectieuse (EI) sub-aiguë d Osler. Les arguments évocateurs de ce diagnostic sont : -Pour l EI sub-aiguë d Osler : Terrain : *la notion d un souffle cardiaque ancien connu, évocateur d une valvulopathie sous-jacente (les EI surviennent plus fréquemment sur un cœur lésé) Anamnèse : *durée d évolution des symptômes (8 mois) (les EI sub-aiguës sont souvent diagnostiquées tardivement, avec un retard diagnostique lié en particulier à des antibiothérapies intempestives venant «abâtardir» le tableau clinique initial) *épisodes étiquetés «bronchite aiguë fébrile» : ce tableau correspond à des épisodes d insuffisance ventriculaire gauche fébrile
Signes fonctionnels : *altération de l état général d installation progressive Signes cliniques : *hyperthermie *mauvais état bucco-dentaire évocateur d une possible porte d entrée dentaire au germe *présence de probables faux panaris d Osler sur les 3e et 4e doigt de la main gauche -Pour l insuffisance aortique : Signes cliniques : *caractéristiques auscultatoires du souffle : holodiastolique au foyer aortique accessoire avec souffle systolique aortique d accompagnement en rapport avec une augmentation du volume d éjection systolique *sévérité de l insuffisance aortique donnée par l hyperpulsatilité artérielle et la tolérance hémodynamique mauvaise avec poussée d insuffisance cardiaque gauche -Pour l insuffisance cardiaque gauche : Anamnèse : dyspnée d augmentation progressive Signes fonctionnels : dyspnée au moindre effort et orthopnée nocturne (rajout de 2 oreillers pour dormir) Signes cliniques : désaturation à 88 % en air ambiant ; crépitants bilatéraux pulmonaires jusqu à mi-champs (importance du caractère bilatéral) Signes paracliniques : hypoxie à la gazométrie artérielle ; OAP à la radiographie de thorax. QUESTION 2/9 : Quel diagnostic portez-vous sur les lésions cutanées des doigts? Quelles autres lésions cutanéo-muqueuses auraient pu être trouvées dans ce contexte? Quelle est l explication physiopathologique à ces lésions? Présence de 2 faux panaris d Osler Les autres lésions cutanéo-muqueuses rencontrées dans l EI sub-aiguë d Osler peuvent être : -les placards érythémateux de Janeway : placards indurés au niveau de la plante des pieds et des mains. -l hippocratisme digital. -le purpura pétéchial. Ces lésions cutanéo-muqueuses sont des manifestations immunologiques par relargage dans la circulation d antigènes et de complexes immuns circulant qui se déposent à distance
pour créer des lésions de vascularite. QUESTION 3/9 : Quels sont les deux examens diagnostiques à réaliser dans ce contexte? Comment les réalisez vous et qu en attendez-vous? Les deux examens diagnostiques principaux à réaliser dans ce contexte sont : - les hémocultures - l échocardiographie. Les hémocultures doivent être répétées, et prélevées avant toute antibiothérapie. Elles permettent d isoler le germe responsable dans 80-90 % des ET. Elles fournissent également, en plus du typage du germe, un antibiogramme avec CMI afin d adapter l antibiothérapie la plus efficace. L échocardiographie a pour but de : -rechercher, caractériser et suivre l évolution des lésions infectieuses: *végétations : masse appendue sur une structure valvulaire, sessile ou pédiculée, volontiers mobile, et dont la mobilité est indépendante de la structure valvulaire à laquelle elle est appendue *destructions valvulaires par ulcération *abcès paravalvulaires -évaluer la sévérité des dégâts valvulaires en quantifiant les éventuelles fuites valvulaires -évaluer le retentissement hémodynamique, avec notamment évaluation des dimensions et de la fonction ventriculaire gauche QUESTION 4/9 : Un interrogatoire plus poussé retrouve la notion de soins dentaires il y a 14 mois. Cet élément apporte-t-il des renseignements quand à l origine de la pathologie actuelle? Expliquez. Le germe responsable de l EI actuelle est probablement un germe «oral» (porte d entrée dentaire). Ce germe a diffusé par voie hématogène et c est fixé sur la valve native pathogène probablement pendant des soins dentaires pratiqués sans couverture antibiotique prophylactique. Le germe responsable dans ce cas est le plus souvent un streptocoque. L antibiothérapie probabiliste initiale pourra être orienté sur ce type de germe. Il ne faudra pas oublier de traiter la porte d entrée dentaire.
QUESTION 5/9 : Quels traitements mettez-vous en route dans l immédiat (citer les classes médicamenteuses sans les posologies)? Justifiez. Le traitement initial va comporter deux grands «volets» : - un traitement symptomatique de l insuffisance cardiaque gauche - un traitement étiologique du germe de l EI Le traitement symptomatique de l insuffisance cardiaque gauche comprend : - hospitalisation du malade en USIC - oxygénothérapie adaptée aux saturations en oxygène - pose d une voie veineuse périphérique - diurétique de l anse (ex : Lasilix en IV, associé à une supplémentation potassique) - éventuellement, dérivés nitrés en IV, sous surveillance de la TA Le traitement étiologique du germe de l EI consiste en une antibiothérapie précoce, débutée après les prélèvements bactériologiques et sans en attendre les résultats, probabiliste et secondairement adaptée à l antibiogramme. Il s agira d une association d antibiotiques, synergique, bactéricides, initialement administrée de manière continue par voie parentérale. Dans notre contexte (valve native), et au vu de la forte probabilité de streptocoque (porte d entrée dentaire), l association probabiliste sera : Péni G ou Amoxicilline + aminoside. QUESTION 6/9 : Votre traitement initial est instauré. Le patient reste malgré tout dyspnéique au moindre effort, et il présente brutalement une violente douleur de l hypochondre gauche. Quel diagnostic le plus probable évoquez-vous pour expliquer cette douleur? Citez un examen qui vous permet de confirmer cette hypothèse? Embole infectieux splénique à point de départ cardiaque (végétation), responsable d un infarctus splénique. Pour confirmer ce diagnostic, on réalise un examen d imagerie de la rate : préférentiellement le TDM abdominal, qui permettra de visualiser les autres organes abdominaux à la recherche d éventuels autres emboles passés inaperçus (échographie abdominale ou IRM abdominale acceptées). QUESTION 7/9 : Quel type de traitement curatif à visée cardiaque proposez-vous? Citez dans ce contexte les arguments pour un tel traitement?
Chirurgie cardiaque de remplacement valvulaire prothétique. Les arguments pour réaliser le traitement chirurgical sans délai dans ce contexte sont doubles : - insuffisance cardiaque réfractaire au traitement médical - embolie périphérique à point de départ cardiaque. QUESTION 8/9 : Le patient a bénéficié de la mise en place d une valve mécanique et de soins dentaires appropriés. Quel traitement médicamenteux doit être systématiquement instauré au long cours? Par quel examen biologique surveille-t-on ce traitement? Quelle est la fourchette de valeur de l objectif thérapeutique recherché? Traitement anticoagulant oral par antivitamine K (ex : Previscan ). Ce traitement se surveille par l INR. La valeur cible dans le cas d une prothèse mécanique en position aortique est entre 2 et 3 (2,5-3,5 accepté). QUESTION 9/9 : Quelles mesures de prévention préconisez-vous à votre patient sur le plan dentaire? Les mesures de préventions sont : - une hygiène bucco-dentaire rigoureuse - une antibioprophylaxie systématique avant tout geste de soins dentaire, par 3 grammes d Amoxicilline 1 heure avant les soins (en l absence d allergie à l amoxicilline).
VRAI-FAUX Enoncé 1/7 : L insuffisance aortique chronique est responsable d une surcharge volumétrique sur le ventricule gauche. (Réponse : Vrai) Enoncé 2/7 : L insuffisance aortique chronique est longtemps bien tolérée. (Réponse : Vrai) Enoncé 3/7 : La dyspnée d effort est le principal signe fonctionnel rencontré dans l insuffisance aortique chronique. (Réponse : Vrai) Enoncé 4/7 : L électrocardiogramme et la radiographie de thorax peuvent être normaux en cas d insuffisance aortique. (Réponse : Vrai) Enoncé 5/7 : Le traitement curatif de l insuffisance aortique est médical. (Réponse : Faux)
Enoncé 6/7 : L echocardiographie-doppler est l examen complémentaire clé dans l évaluation et la surveillance d une insuffisance aortique. (Réponse : Vrai) Enoncé 7/7 : L apparition de symptômes justifie l indication opératoire dans l insuffisance aortique volumineuse. (Réponse : Vrai)