SITUATION PASTORALE DANS LES REGIONS DU NORD ET DANS LA BANDE DU SAHEL OCCIDENTAL Source: Photo mission FEWS NET, Troupeau bovins à Fassou Débé Mai 2018
Contexte Les conditions générales d élevage au sortir de la campagne 2017-18 étaient jugées globalement moyennes dans l ensemble avec toutefois, des zones de déficit plus ou moins prononcés particulièrement dans les zones pastorales du Gourma de Tombouctou et de Gao, dans le Sahel Occidental (Nord des régions de Kayes et Koulikoro), dans la bande nord de la région de Ségou, par endroits dans les zones exondées des régions de Mopti, Tombouctou, Gao et Ménaka. En plus des poches de déficit fourrager, on notait le faible niveau de remplissage des mares et lacs qui constituent des sources d abreuvement pour le bétail. Des concentrations inhabituelles de troupeaux autochtones et des pays voisins du Burkina Faso, du Niger et de la Mauritanie qui connaissent les mêmes difficultés dans la bande frontalière ont été observées au niveau de la vallée du fleuve et au niveau des grands points d eau. L insécurité résiduelle dans les zones pastorales du Nord continue de perturber les mouvements habituels des troupeaux ; ce qui n a pas permis une exploitation adéquate de certains parcours. La situation préoccupante dès octobre a amené les différents acteurs à prévoir une soudure pastorale précoce et difficile pour le bétail dans les localités signalées plus haut. Le présent bulletin a été initié pour informer davantage les acteurs du monde rural de la situation qui prévaut actuellement en milieu pastoral. 1. Alimentation du bétail Pâturage, aliment de bétail : Les pâturages exondés ou dunaires en raison des concentrations inhabituelles et précoces dont ils ont fait l objet connaissent une dégradation très avancée par rapport à une année moyenne, voire une absence totale par endroits notamment dans les cercles de Diéma, Nioro, Yélimané, Nara, Goundam, Gourma Rharous, Bourem et Gao. Une surexploitation des pâturages ligneux (feuille d arbre) est observée pour les besoins de nourriture des animaux notamment des petits ruminants. Le recours à l aliment de bétail est plus intense qu en année normale pour soutenir les plus faibles et les laitières. Le prix de l aliment de bétail industriel (tourteau de coton, Bu Nafama, etc ) à cause de la forte demande connait une hausse de plus de 45% par rapport au prix habituel à Diéma et Nioro et de 18% à Tombouctou et 12% à Gao. Les distributions gratuites et les ventes subventionnées d aliments de bétail dans les régions de Gao, Tombouctou et de Kidal ont limité la hausse des prix de cette denrée. Quant au prix de la paille, il est supérieur à celui de l année dernière dans l ensemble ; ce qui limite les capacités de certains ménages à entretenir convenablement leurs animaux. Les pâturages inondés jugés moyens dans l ensemble en dépit d une faible crue a permis la disponibilité du bourgou qui a fait l objet de fortes transactions commerciales se retrouvant jusqu au Niger voisin. Les fortes exploitations pour vente en dehors des zones de concentration et la descente précoce des troupeaux dans les bourgoutières ont engendré une dégradation Vue de la mare de Gossi précoce de ce disponible ; ce qui a contribué à la hausse de son prix par rapport à une année moyenne de 15 à plus de 30%. Conditions d abreuvement : Le faible niveau de remplissage des mares et lacs par rapport à une année normale a engendré un tarissement précoce de la plupart des points d eau de surface et une baisse importante de la nappe phréatique au niveau des puits voire des forages dans les zones concernées. L assèchement précoce des points d eau a rendu l abreuvement du bétail très difficile qui se fait actuellement au niveau des puits, les puisards dans les lits des mares, le fleuve et les bras de fleuve. Tas de Bourgou à vendre à Rharous Rapport conjoint SAP-FEWSNET 1
Les fortes sollicitations au niveau des puits engendrent des querelles entre les populations et les transhumants à cause du faible débit des puits et forages ; certains puits et forages étant à sec. Les difficultés d exhaure et la faiblesse du débit plus marquée cette année, rendent très difficile l abreuvement des animaux qui sont obligés par endroits de parcourir de grandes distances pour atteindre les zones de pâture; ce qui les épuise davantage. Le manque d eau n a pas permis aussi l exploitation de certains parcours pastoraux. Quelques grandes mares comme celles de Gossi, Benzena, Anderamboukane, Agoufou contiennent encore de l eau pour l abreuvement des animaux et qui font l objet de grande concentration. 2. Mouvement des animaux Les difficultés d alimentation du bétail couplées à l insécurité résiduelle dans les régions du Nord ont entrainé des mouvements Transhumants mauritaniens à Kita Pâturage autour de la mare de Gossi inhabituels de troupeaux vers des zones mieux fournies en fourrage et en eau comme la bande du fleuve et les lacs dans la région de Tombouctou, le sud de N Tillit, et de Tin Hama, la bande du fleuve dans la région de Gao. Par ailleurs, de fortes concentrations sont signalées dans les bourgoutières à Mopti, au sud de la région de Kayes et dans celle de Sikasso. En plus des troupeaux locaux, la forte descente des transhumants mauritaniens dans le sahel occidental qui a été précoce a contribué à la dégradation précoce des pâturages. 3. Situation du bétail et des productions animales La perte d embonpoint du bétail plus marquée que pour une année moyenne est observée dans les zones concernées citées plus haut. Des cas de misère physiologique sont observés particulièrement dans la bande du sahel et dans le Gourma de Rharous. La dégradation de l embonpoint des animaux et la hausse inhabituelle des offres par rapport à une demande en baisse ont réduit le niveau des prix par rapport à une année moyenne particulièrement pour les bovins. La baisse des prix de la chèvre qui est l animal le plus vendu atteint 11% à Goundam, 23% à Bourem et 28% à Gao par rapport à la moyenne. Même si, une légère amélioration est de plus en plus observée grâce à la mouvance de la fête de Ramadan, des besoins de bœufs de labour et du début de la saison des pluies favorable à la reconstitution des conditions d élevage, les prix restent en dessous de la moyenne. Quant aux productions animales, le lait et les produits laitiers, elles sont très faibles par rapport à une année moyenne. 4. Situation zoo-sanitaire : Bovins de Nara au marché de Kati La situation épizootique est marquée par des foyers de fièvre aphteuse dans les cercles de Kayes (commune de Liberté Dembaya), de Douentza (Boni, Douentza, Hombori, N Gouma et Mondoro) et Mopti (Korientzé). Des mesures de police sanitaire ont été prises notamment les traitements Rapport conjoint SAP-FEWSNET 2
symptomatiques et l isolement des animaux malades. La campagne de vaccination contre les principales maladies s est bien déroulée avec l appui de certains partenaires comme le CICR. 5. Stratégies en cours pour atténuer les difficultés Les conditions d élevage difficiles amènent les ménages à recourir à des stratégies d adaptation pour atténuer les difficultés et sauvegarder le bétail. Ainsi, le recours à l achat d aliment de bétail (tourteau de coton, bourgou, paille, son de riz, etc ) plus que d habitude, aux pâturages aériens préjudiciable pour l environnement avec les mutilations d arbres s est amplifié dans les différentes zones. La descente précoce des troupeaux dans les zones de concentration de saison sèche et vers de nouvelles zones mieux fournies a permis d atténuer la situation pour le gros du troupeau; ce qui explique l absence de mortalité inhabituelle comme en 2014 en cette période. Par rapport à la faible disponibilité en eau, le recours aux puisards (puits peu profonds au niveau des mares et lacs de retenue) est en cours depuis mars contre mai-juin en année normale. Les éleveurs nantis dans les régions du nord ont recours aux services des véhicules qui transportent de l eau des mares vers les zones de pâturage dépourvues de points d eau. Cette stratégie, en plus de soulager les besoins en eau permet l exploitation de ces parcours. L arrêt de la traite des laitières est également une stratégie pour ne pas abuser davantage les animaux en attendant la reconstitution des conditions d élevage en juin-juillet à la faveur de l installation des pluies. Les distributions gratuites d aliment de bétail par le Gouvernement et certains partenaires dans les régions de Gao et de Tombouctou permettent l accès de certains ménages à cette denrée afin de sauvegarder le capital animalier. 6. Impact sur la situation alimentaire des ménages pasteurs La baisse du prix du bétail de 20% voire plus sur les marchés des zones pastorales à cause de la perte d embonpoint et la faiblesse voire l arrêt des productions de lait et de produits laitiers réduit les revenus pastoraux. La baisse du pouvoir d achat qui en résulte notamment pour les ménages pauvres qui n ont pas les moyens d entretenir les animaux, incite à plus de vente que d habitude pouvant aboutir à la décapitalisation. La baisse du niveau de reproduction des femelles à cause des difficultés d alimentation affectera négativement les capacités de reconstitution du capital animalier. La baisse des disponibilités en produits animaliers en plus de réduire le revenu pastoral affecte négativement la consommation alimentaire pour les ménages éleveurs. La dégradation des termes de l échange chèvre/mil par rapport à la moyenne d environ 35% à Gao, 31% à Nara, 28% à Goundam, 22% à Rharous et 17% à Nioro, réduit les capacités d accès des ménages aux marchés pour satisfaire convenablement leurs besoins alimentaires. 7. Perspectives d évolution de la situation pastorale Bovins au pâturage dans la forêt du Baoulé à Kita La soudure pastorale difficile que traversent les animaux dans les régions du nord, centre et dans le sahel occidental de Kayes et de Koulikoro ne connaitra une amélioration significative qu à la deuxième décade de juin grâce à l installation des pluies qui permettra la reconstitution des points d eau et des pâturages. Les productions animales n interviendront qu à partir de juillet dans les régions du nord et de juin ailleurs dans le pays. A cause de la soudure difficile qui prolonge le temps de récupération pour le bétail, on ne devrait pas s attendre à un niveau moyen de production de lait. Le taux habituel de mortalité en année normale pourrait connaitre une légère hausse à cause de la misère physiologique du bétail dans certaines zones. Rapport conjoint SAP-FEWSNET 3
8. Conclusion La situation pastorale dans la bande du sahel occidental et dans le Gourma des régions de Tombouctou et de Gao reste une préoccupation à cause des difficultés alimentaires que le bétail connait présentement et qui affecte négativement les productions et les revenus des ménages pasteurs. Les appuis multiformes (distribution gratuite, vente subventionnée, déstockage) en aliment de bétail et en soins vétérinaires par le Gouvernement et certains partenaires atténuent de peu les difficultés d entretien des troupeaux en attendant l amélioration des conditions d élevage à partir de la deuxième décade de juin. Si des cas de mortalité inhabituelle ne sont pas encore enregistrés en dépit des cas de misère physiologiques, tout retard dans l installation des pluies au-delà de la première décade de juin dans la bande du sahel et en fin juin dans les régions nord compliquerait davantage la situation. Aussi, la reprise des activités agricoles dans les zones de concentration au Sud des régions de Kayes et de Koulikoro, Sikasso risque de créer des conflits entre agriculteurs et éleveurs transhumants qui seront réticents à remonter dans leurs terroirs avant l installation des conditions favorables au retour. Rapport conjoint SAP-FEWSNET 4