Chapitre 50 Appels pour céphalées V. VIG 1 Le «mal de tête» est un motif de consultation fréquent en médecine générale. Le recours au SAMU-Centre 15 est une solution de facilité pour la population, permettant l accès permanent à une plateforme médicale gratuite afin d obtenir un conseil ou l envoi d un effecteur adapté. C est une alternative au déplacement chez le médecin. En conséquence, l appel pour céphalée (1) est un motif de recours de plus en plus fréquent dans les centres de réception et de régulation des appels des SAMU-Centres 15. La céphalée est un symptôme banal qui, selon le mode d apparition, son évolution, le contexte et les antécédents, peut être un des signes cliniques d un processus grave nécessitant une prise en charge rapide du patient. La régulation du SAMU-Centre 15 est organisée selon un schéma strict où interviennent le Permanencier Auxiliaire de Régulation Médicale (PARM) puis le médecin régulateur. 1. Rôle du Permanencier Auxiliaire de Régulation Médicale Le CRRA assure la réception des appels en provenance du 15 et du 18/112 par interconnexions avec les structures pompiers ainsi que d autres numéros réservés aux professionnels de santé. Correspondance : Praticien hospitalier, Hôpital de la Timone, SAMU 13, 264, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille. Tél. : 04 91 38 58 20. Fax : 04 91 38 69 43. E-mail : veronique.vig@ap-hm.fr APPELS POUR CÉPHALÉES 549
Le PARM crée alors un dossier de régulation dans lequel figurent les données administratives nécessaires au bon déroulement de l affaire. Selon l origine de l appel (un particulier ou un professionnel de santé) une approche différente du dossier sera envisagée. Après un court interrogatoire, défini en fonction des protocoles de service, le PARM oriente l appel vers la filière médecine générale ou vers les médecins hospitaliers en fonction de critère d urgence de régulation P0, P1, P2 (2). L orientation par le PARM vers la médecine hospitalière est impératif si il existe des signes de détresse vitale ou potentielle : coma brutal, signes neurologiques à type d hémiplégie ou de trouble du langage, convulsions ou syndrome fébrile avec signes cutanés (petites tâches rouges) ou neurologiques (torpeur, position en chien de fusil, gêne à la lumière). L existence de plusieurs personnes dont la symptomatologie est identique doit également faire orienter l appel vers la médecine hospitalière. Les appels pour céphalée simple sans aucun autre signe sont orientés vers la médecine générale. Cependant, d autres éléments comme l angoisse de l appelant, le ressenti du PARM font parfois orienter l appel vers la médecine hospitalière. Le passage de la médecine hospitalière vers la médecine libérale, ou inversement, se fait de façon quasi instantanée lorsqu elles sont situées dans les mêmes locaux. Le conseil médical par le PARM n a pas de raison d être. Mais son rôle est essentiel dans la mise en œuvre des gestes de premier secours. Le PARM engage lse moyens demandés par le médecin régulateur, assure le suivi de la mission (horaires, vérifications du placement...). Par sa vigilance, il est garant des informations inscrites dans le dossier et joue un rôle fondamentale dans la cohérence du dossier. 2. Rôle du médecin régulateur 2.1. Démarche diagnostique par téléphone La démarche diagnostique effectuée par le médecin soit hospitalier soit libéral, doit être la même (3). Il importe peu de faire un diagnostic précis, l intérêt de la régulation réside dans la capacité du médecin régulateur à envisager le degré de gravité dans un temps le plus court possible afin de faire bénéficier aux patients d une prise en charge rapide et adaptée. Une bonne connaissance sémiologique (4) et une recherche des signes de gravité (Tableau 1) permettent d effectuer, la plupart du temps, une approche diagnostique satisfaisante. La décision du médecin régulateur se répartit en niveaux R1, R2, R3, R4 correspondant à des degrés de gravité permettant de déclencher le bon effecteur dès cette catégorisation. Organiser l accueil du patient dans un service de réanimation, une filière de soins ou orienter le patient 550 RÉGULATION : APPELS POUR SYMPTOME NEUROLOGIQUE
Tableau 1 Critères de gravité d une céphalée Début brutal. Âge. Pathologie évolutive : immunodépression, néoplasie, VIH. Contexte de survenue : accouchement, neurotraumatisme, ponction lombaire. Céphalée d effort. Céphalée lors de changement de position de la tête, nocturne ou matinale. Céphalée récente d installation brutale. Céphalée d aggravation rapidement progressive. Céphalée de caractéristique inhabituelle chez un céphalalgique connu. Céphalée s accompagnant de signes cliniques tels que : troubles de la conscience, confusion ; nausées, vomissements sans prodrome en jet ; altération de l état général ; signes neurologiques focaux, convulsions ; palpation douloureuse du cuir chevelu ; œil rouge (glaucome aigu). Hypertension artérielle non maîtrisée ou inhabituelle. vers les urgences disposant d un plateau technique permettant d effectuer les examens complémentaires nécessaires au diagnostic font partie aussi des missions du médecin régulateur. Ce transfert s effectue sans délai dans les cas les plus graves. Dans les autres cas, l envoi d une ambulance, d un médecin ou un simple conseil peut être suffisant mais ce dernier est consommateur de temps. La recherche des caractéristiques sémiologiques de la céphalée est un élément fondamental de l interrogatoire. L interrogatoire médical débute par la connaissance du sexe et de l âge du patient. Le médecin s attache à recueillir : Les caractéristiques de la douleur : son apparition brutale (Tableau 2), explosive en coup de tonnerre comme dans l hémorragie méningée, rapidement progressive, insidieuse voire chronique évoquant parfois l abus de thérapeutique. Sa localisation peut avoir une valeur d orientation : temporale comme dans la maladie de Horton, occipitale dans certaines céphalées dites de tension, périorbitaire dans les glaucomes ou frontale dans la sinusite. Le mode d évolution est aussi un élément à prendre en compte : l apparition récente d une céphalée, un caractère récidivant chez le migraineux, mais attention à la modification de douleur chez un migraineux : le caractère inhabituel permet d évoquer l apparition d une autre pathologie modifiant le caractère de la céphalée. Par exemple : la thrombophlébite cérébrale de la jeune femme fumeuse, céphalalgique et sous œstro-progestatif. APPELS POUR CÉPHALÉES 551
Tableau 2 Classification des céphalées selon le mode de survenue et l évolution Céphalées aiguës Hémorragie méningée. Méningite. Hypertension intracrânienne aiguë Première crise de migraines, algie vasculaire de la face. Ischémie ou hémorragie cérébrale. Dissection d une artère cervicale. Poussée d hypertension artérielle. Glaucome aigu à angle fermé. Sinusite aiguë. Céphalée d aggravation progressive Hypertension intracrânienne (tumeur, abcès, HED). Trombophlébite cérébrale. Maladie de Horton. Continues : céphalées de tension ; céphalées post traumatiques ; céphalées par abus d antalgiques ; cervicalgies chroniques. Par accès avec intervalles libres : migraines ; malformation artério-veineuse ; névralgie d Arnold ; céphalées essentielles diverses. Céphalées chroniques Le caractère continu ou au contraire l existence de périodes d accalmie peut orienter le diagnostic, il faut connaître les critères de l International Headache Society (IHS) (Tableau 3). Dans tous les cas, une recherche du contexte d apparition est effectuée, les céphalées de repos ou déclenchées par un effort, survenant pendant des actes de la vie quotidienne comme l acte sexuel, la défécation, pendant un entraînement sportif peut évoquer une céphalée essentielle mais également en fonction de l évolution le premier signe d une fissuration d anévrysme. Les céphalées aussi peuvent être déclenchées par le froid. Chez la femme enceinte, la céphalée peut évoquer le premier signe d une prééclampsie. Bien sûr, on n oubliera pas devant le caractère collectif de la symptomatologie une intoxication au monoxyde de carbone. La recherche de certains signes d accompagnements a une certaine valeur diagnostique : signes à type de troubles neurologiques focalisés ou généralisés (déficit à type d hémiplégie ou d hémiparésie ou de crise convulsive pouvant évoquer un accident vasculaire cérébral (AVC) (5) ou une première crise de migraine avec aura) ; 552 RÉGULATION : APPELS POUR SYMPTOME NEUROLOGIQUE
Tableau 3 Critères modifiés de la migraine sans aura d après l IHS A 5 crises répondant aux critères B à D. B Crises durant de 4 à 72 heures (sans traitement). C Céphalées ayant au moins 2 des caractéristiques suivantes : unilatérale au moins au début ; pulsatile ; modérée à sévère (limitant ou interdisant l activité habituelle) ; aggravée par les activités de routine. D Durant les céphalées, au moins l un des caractères suivants : nausées ou vomissement ; photophobie ou nosophobie ; E Examen clinique normal entre les crises. signes d hypertension intracrânienne comme des troubles visuels (flou, diplopie), des signes digestifs à type de nausées, vomissements, des troubles discrets de la vigilance à type de bâillement, torpeur ; syndrome méningé avec ou sans fièvre, signes cutanés (pétéchies). La présence de troubles visuels peut évoquer d autres diagnostics, devant un œil rouge avec céphalée on se doit d évoquer le glaucome aigu : véritable urgence ophtalmologique dont le pronostic fonctionnel est sévère ; une photophobie dans un contexte fébrile évoque une méningite. L existence d un syndrome de Claude Bernard Horner (myosis, ptôsis, enophtalmie) associé à la céphalée et une douleur cervicale évoque une dissection carotidienne. Rechercher un torticolis chez l enfant. Ne pas oublier la recherche de signes généraux dont une fièvre, une altération de l état général avec amaigrissement. La recherche des antécédents et des traitements en cours est un élément fondamental à recueillir comme la prise de tabac, l existence d une hypertension artérielle, les antécédents de migraines, de néoplasie ainsi que l existence d un traumatisme crânien récent. L étude des thérapeutiques en cours est intéressante, on retrouve des céphalées induites par certaines thérapeutiques ou des céphalées chroniques par abus d antalgiques. Recherche systématique de la prise d oestro-progestatif, d un inhibiteur calcique tel que la nifédipine, la prise d antiinflammatoires non stéroïdiens : indométacine, d un antagoniste des récepteurs h2 de l histamine (cimétidine ou ranitidine), les bêtabloquants, les antibiotiques comme les tétracyclines, les vasodilatateurs de type nitré et la prise d anticoagulants. C est la capacité d associer des signes qui permettra l évocation d un diagnostic de gravité réelle ou potentielle et amènera à prendre un certain nombre de décisions. APPELS POUR CÉPHALÉES 553
2.2. Qui doit-on hospitaliser? L indication d hospitalisation se fait chaque fois qu il existe une urgence vitale avérée ou potentielle mais également lorsqu il y a nécessité d effectuer des examens complémentaires en urgence (PL, IRM, TDM) dans un but diagnostique ou thérapeutique. Entre autres, on hospitalisera l enfant de moins de 6 ans, les céphalées brutales en coup de tonnerre, les céphalées récentes qui s aggravent, les céphalées avec une modification de leur rythme ou dont les caractéristiques sont inhabituelles, les céphalées accompagnées de signes neurologiques focaux ou d un syndrome méningé, les auras atypiques, les céphalées persistantes. 2.3. Choix de l effecteur Le choix de l effecteur varie en fonction de la symptomatologie clinique et des critères de gravité retrouvés (Tableau 1). Si l envoi du SMUR est systématique à chaque fois qu il existe des signes neurologiques avec altération de la conscience, il s impose sur certains diagnostics évoqués par la nécessité de mise en place de thérapeutique adaptée. L envoi d un autre vecteur VSAV ou une ambulance privée (conventions locales) dépend de la nécessité d avoir un bilan et une surveillance adaptée pendant le transfert. Ex : Accident vasculaire cérébrale (AVC) avec déficit moteur sans trouble de conscience. Le médecin généraliste peut être le premier intervenant, appelé par la famille ou envoyé par le Centre 15 pour vérifier l absence d éléments cliniques imposant une hospitalisation. L envoi d un médecin est souhaitable pour confirmer le caractère bénin de certaines céphalées, pour effectuer la prescription d un traitement antalgique ou en attente de consultation spécialisée. 2.4. Le conseil médical Celui-ci est succinct en attendant les secours et propose la mise au repos, la mise en position latérale de sécurité lorsque des troubles de la conscience sont présents. Lorsque l appel provient d un médecin, le conseil est plus spécifique et il est parfois nécessaire de demander la réalisation d une antibiothérapie devant l existence d un purpura fulminant. Si l appel provient d un enfant, il peut être nécessaire de garder l appelant au téléphone. Le conseil médical avec maintien à domicile et surveillance familiale peut se concevoir dans le cas où la céphalée est isolée et évoque un caractère bénin La prescription d antalgiques mineurs peut soulager le patient momentanément 554 RÉGULATION : APPELS POUR SYMPTOME NEUROLOGIQUE
mais le patient doit être invité à rappeler le C 15 en cas d apparition de signes nouveaux ou d aggravation de la symptomatologie. Le suivi de ce type d appel est particulièrement conseillé. Le traitement proposé est le paracétamol (antalgique de niveau 1) en respectant les contre indications comme l allergie ou l insuffisance hépatique décompensée aux doses recommandées 1 g toutes les 6 heures (maximum 4 g/j) seul ou en associations avec des AINS. Éviter l acide acétyl salicylique pour ses effets antiplaquettaires. 2.5. Le placement vers l établissement de santé Il doit s effectuer en fonction de l hypothèse diagnostic et doit être adapté à l état du patient. Le patient peut être dirigé vers un service d urgence de proximité pour réaliser des examens paracliniques en urgence dans un but diagnostic. Ex : céphalée semi récente rebelle de caractère invalidant avec vomissement pouvant évoquer un processus intracrânien mais sans évocation de diagnostic précis. À chaque fois que cela est possible, on préférera l admission directe dans une filière de soins. Ex : filière hémorragie méningée, filière AVC, caisson hyperbare... Le médecin régulateur se met en contact avec le médecin référent (ligne téléphonique dédiée) du service de spécialité qui acceptera le patient et organisera la prise en charge du patient, il préviendra les équipes soignantes et organisera l ouverture du plateau technique : IRM, salle d embolisation, bloc opératoire. Si nécessaire, une conférence téléphonique à trois permet d obtenir des renseignemens pour orienter au plus juste les patients. Cette technique de placement direct permet un gain de temps appréciable en particulier pour les pathologies dont l efficacité thérapeutique est dépendante du facteur temps. Le placement en service de réanimation concerne les patients dont la mise en condition a nécessité des techniques de réanimation ou dont le potentiel de décompensation peut être brutal. 2.6. Le suivi des missions Chaque dossier de régulation bénéficie d un suivi spécifique : la clôture du dossier ne se fera qu après collecte de tous les éléments assurant une traçabilité des différentes étapes du parcours médical du patient (horaires, placement, bilans...). Ce dossier pouvant être fourni en cas de plainte. L équipe SMUR engagée sur une mission passe systématiquement un bilan à la régulation. Ce bilan permet de confirmer l hypothèse diagnostic, la mise en condition et de confirmer le placement du patient. APPELS POUR CÉPHALÉES 555
Le rappel du requérant sur certains dossiers permet de connaître l évolution des symptômes et de connaître le devenir du patient ; il n est malheureusement pas systématique. 3. Conclusion L appel pour céphalée ne doit pas être considéré comme un appel banal car derrière ce symptôme se cachent des diagnostics qui peuvent être d une extrême gravité. Une démarche systématique permet d éviter certains pièges. L orientation adaptée des patients est fondamentale. Une meilleure information de la population serait nécessaire afin de permettre des appels plus précoces en fonction de certains signes cliniques. Bibliographie 1. Société Française de Médecine d Urgence, Paris, SFEM éditions 2007, Urgence et Neurologie 69-98. 2. Bagou G, Berthier F, Bertrand C, Comte G et al. Guide d aide à la régulation au SAMU-Centre 15. 2 e édition, SFEM Paris 2009 : 520. 3. Michelet P. La régulation des céphalées aiguës par le SAMU. Urgences Pratiques 2008 ; 91 : 13-6. 4. Russo P. Migraines et Céphalées. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris) Akos Encyclopédie pratique de Médecine 5-2002 : 6. 5. Recommandations de la HAS sur la prise en charge de l accident vasculaire cérébral. 2009. 556 RÉGULATION : APPELS POUR SYMPTOME NEUROLOGIQUE