Les interventions de l AFD dans le secteur de la microfinance



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1 Janvier 2000 Les interventions de l AFD dans le secteur de la microfinance Note d orientation

2 TABLE DES MATIERES SYNTHESE 1) Politique sectorielle 1 2) Stratégie d intervention 2 3) Questions opérationnelles 4 LES INTERVENTIONS DE L AFD DANS LE SECTEUR DE LA MICRO-FINANCE INTRODUCTION 1 A. Le contexte initial des interventions en micro-finance 2 B. Une nouvelle problématique 3 C. La situation actuelle 3 I. JUSTIFICATION ET OBJECTIFS DE LA MICRO-FINANCE 4 A. Micro-finance et lutte contre la pauvreté 4 B. Populations-cibles et segments de marché 5 1) Une logique de soudure 5 2) Une logique de bancarisation 5 3) Une logique d investissement 6 II. LA VIABILITE FINANCIERE DES IMF 7 A. Viabilité financière versus contre la pauvreté : un faux dilemme 7 B. Les conditions de la viabilité financière 8

3 1) Le niveau des marges d intérêt 8 2) La maîtrise des impayés 9 3) La maîtrise des coûts 10 4) Système d information et de gestion et contrôle interne 11 5) La constitution des fonds propres 12 C. Implications pour l AFD de la recherche de viabilité financière des IMF 12 III. LA QUESTION DES RESSOURCES : MOBILISATION DE L EPARGNE, REFINANCEMENT BANCAIRE, ROLE DU BAILLEUR DE FONDS 13 A. La combinaison des ressources 13 1) IMF à logique de soudure 13 2) IMF à logique de bancarisation 14 B. Le rôle de l épargne 14 1) Les IMF de soudure 14 2) Les IMF de bancarisation 14 3) Les risques liés à l épargne 15 C. Implications pour l AFD 15 IV. VIABILITE INSTITUTIONNELLE ET CADRE NATIONAL DE LA MICRO-FINANCE 17 A. Le montage des projets 17 B. L appui à la définition de politiques nationales de la micro-finance 18 C. La gouvernance 19 1) Une diversité de schémas cohérents 19 2) Des éléments d appréciation 19 3) La forme juridique 20 D. Le cadre légal et réglementaire 21 ANNEXE 1 : CONCOURS DE L AFD ET DU MAE A LA MICRO-FINANCE (1987-1999) 23 ANNEXE 2 : LES ACTEURS DU SECTEUR DE LA MICRO-FINANCE : ROLE ET EVOLUTION 26

S Y N T H E S E Les orientations de l AFD dans le secteur de la micro-finance L AFD accorde depuis plus d une dizaine d années une grande importance au financement des activités de micro-finance. Elle y a consacré entre 1987 et 1999 un montant d engagements de 672 millions de FF (102 millions d Euros) concernant plus de trente projets ou institutions répartis dans une vingtaine de pays et touchant plus d un million de personnes, avec des totaux d encours de crédit et d épargne respectivement d environ 450 millions et 600 millions de FF. Cette contribution s ajoute à celle de la DGCID au cours de la même période, d abord en appui direct à des projets puis en actions transversales d appui aux opérations, et porte le volume cumulé sur 12 ans des interventions françaises à 865 MF En matière de micro-crédit, l approche a d abord été expérimentale, visant à tester des formules qui permettent d obtenir les meilleurs taux de recouvrement, s inspirant d une part de l expérience de crédits solidaires lancée avec succès par la Grameen Bank, d autre part de celle des mouvements de crédit mutuel en Europe. Les projets étaient des projets pilotes, la capitalisation des expériences, la confrontation des approches étant appuyées par un programme transversal cofinancé par la DGCID et l AFD, le PRAOC 1. Ces efforts, ainsi que ceux des autres grands bailleurs de fonds internationaux, ont entraîné l apparition et le développement de multiples opérations de micro-finance sous des formes diverses, au point que dans le cours de la décennie on a vu émerger ce secteur d activité comme un sous-secteur du système financier. La préoccupation de sécurisation et de pérennisation de la micro-finance est devenue centrale pour les différents partenaires (bailleurs de fonds, Etats, autorités monétaires, ONG et autres opérateurs de micro finance) entraînant celle de la structuration du secteur (politique nationale de la micro-finance, réglementation et supervision des autorités monétaires) et celle de la viabilité des institutions de micro-finance. Pour sa part l Aide française a intégré cette préoccupation dans ses opérations dès le milieu des années 1990 : tous les projets de micro-finance financés par l AFD ont annoncé leur objectif de transformation en institution juridiquement, techniquement, et financièrement autonome, et le PRAOC dans sa deuxième phase (1994-1997) puis l actuel PAFID 2 ont été construits autour de cette problématique. Une série d évaluations rétrospectives menées conjointement par l AFD et le MAE en 1996-1997 a mis en lumière les points forts et les marges d amélioration de nos projets d appui à la micro-finance. La présente note s inscrit dans le prolongement de la «synthèse des évaluations rétrospectives de SFD» présentées au Conseil de Surveillance le 28 juin1999 et vise à systématiser les acquis de ce bilan en termes de politique sectorielle, d orientations stratégiques et d aménagements opérationnels. 1 Programme régional d appui aux opérations d épargne-crédit décentralisé. 2 Programme d appui au financement décentralisé, qui a pris la suite du PRAOC

1) Politique sectorielle La distribution de micro-crédits et la possibilité de sécurisation de la petite épargne sont des instruments puissants de développement et de lutte contre la pauvreté. Ils permettent à des populations tenues à l écart par le secteur bancaire d avoir accès à des possibilités de développer une activité rémunératrice et de sécuriser leur épargne, si faible soit-elle. L appui à la microfinance entre donc pleinement dans la mission de l AFD en tant qu instrument de financement du développement. Cependant la réalisation de ces objectifs dans le long terme implique que les groupes-cibles aient accès à ces services financiers de façon pérenne, et cette pérennité des services nécessite celle des institutions de micro-finance. L enjeu majeur est donc de compléter le système financier des pays aidés pour permettre un développement économique et social de l ensemble de la population. La micro-finance est un compartiment nouveau du secteur financier permettant l accès aux services financiers de catégories sociales non «bancarisés» du fait du risque propre à cette clientèle et du coût élevé de sa bancarisation. Elle s inscrit dans le cadre général du secteur financier, et à ce titre relève du contrôle des autorités monétaires, mais doit faire l objet d une politique particulière de soutien et de régulation. L AFD, par ses concours, vise la pérennité des IMF, c est-à-dire leur viabilité financière, technique et institutionnelle. Elle vise l intégration dans les secteurs financiers des IMF qu elle soutient. Elle contribue, aux côtés du MAE, à l élaboration concertée d un cadre juridique et réglementaire rigoureux mais prenant en compte les spécificités de la micro-finance. L AFD situe ses interventions dans le cadre d une approche «pays» fondée sur une analyse commerciale des besoins (clientèle et produit), une analyse de la situation du système financier dans son ensemble et des possibilités d articulations financières et techniques, ainsi qu une analyse des contraintes et opportunités offertes par l environnement et les acteurs du secteur. L AFD n écarte a priori aucun type de clientèles (pauvres et moins pauvres), de produits (épargne, crédit court et moyen terme) ni de mécanismes. Elle veille, en revanche, à déterminer les conditions minimales nécessaires à son intervention ainsi que les résultats attendus. Elle peut, selon les cas, se trouver face à trois logiques répondant à trois niveaux de besoin : Un besoin de «soudure» pour les populations les plus pauvres, encore peu monétarisées, très vulnérables aux aléas, auxquelles la micro-finance apporte un moyen de lissage des risques et de sécurisation de leurs conditions de vie. Un besoin de bancarisation de la plus grande partie des populations de nos pays d intervention, jusqu alors exclues de l accès aux services bancaires. Un besoin de financement de l investissement des petites et moyennes entreprises et des exploitations agricoles. L AFD situe ses appuis dans le moyen terme, avec la recherche d une évolution de l intervention d une phase de construction visant à asseoir la viabilité du système, à une phase où l investissement réalisé permet un effet de levier technique ou financier.

2) Stratégie d intervention 1. L AFD appuie la consolidation d institutions de micro-finance existantes. Ce type d intervention est adapté dans les pays où la micro-finance est déjà développée, et pour répondre à des besoins spécifiques de l IMF ou d un groupe cible identifié. La stratégie peut être triple : appuyer et sécuriser l extension d institutions ayant fait leur preuve vers d autres clientèles ou régions. appuyer la diversification des produits ou des types d activité financés par les institutions. Cela concerne notamment le développement d une épargne longue, du crédit moyen terme ou du crédit à l agriculture ; appuyer la mise en place de mécanismes financiers favorisant notamment l articulation et la coopération entre institutions ou avec le système bancaire mais aussi l amélioration de la structure financière et de la sécurité de l exploitation des institutions (accès à des ressources en monnaie locale, développement de fonds de garantie, dotations en fonds propres, participation au capital ) ; En outre, dans la mesure où elle permet de mieux maîtriser le risque technique, l appui à une IMF existante est également adapté dans des contextes moins bien connus (pays d intervention récents ou ne disposant pas d une agence permanente) ou présentant un cadre institutionnel en construction. 2. L AFD appuie la création d institutions de micro-finance, Les situations où il existe un cadre institutionnel minimum et une volonté politique d appuyer le développement de ce secteur doivent être privilégiées pour la création d une institution de microfinance. Au plan commercial, il s agit de déterminer la cible commerciale que l on désire privilégier par rapport au panorama des besoins existants et de choisir les situations les plus favorables pour démarrer. Au plan financier, il convient de rechercher un équilibre financier de la structure à partir d un portefeuille d activité minimum (plutôt que de rechercher un impact géographique et commercial rapide) et d assurer la constitution régulière des fonds propres. La maîtrise des charges et en particulier celles de personnel, la maîtrise des risques interne (sécurisation des prêts mais aussi structure du bilan) ainsi que l accès durable aux ressources (épargne, refinancement, etc.) sont des éléments fondamentaux de cette viabilité. Au plan technique et organisationnel, la création d institutions gérées régionalement est privilégiée pour des raisons de capacité de gestion, même si certains services peuvent être regroupés ultérieurement au niveau national. Au cours des premières années des instruments de gestion simples mais professionnels doivent être mis en place. Ceux-ci doivent être évalués périodiquement pour s'assurer qu'ils restent adaptés au développement des activités et de l institution. Au plan juridique et institutionnel, même si l institution en cours de création ne peut rentrer immédiatement dans les dispositions juridiques et réglementaires nationales ou lorsque celles-ci

sont incomplètes, le projet doit démarrer avec la reconnaissance des autorités de contrôle de l activité financière. Son institutionnalisation juridique, même sous une forme transitoire (c est à dire appelée à évoluer), doit être recherchée rapidement et en tous les cas en fin de phase projet pour permettre la rétrocession des actifs. Enfin, si la professionnalisation de l institution est un processus long (formation et responsabilisation des cadres et administrateurs locaux), il convient de favoriser le positionnement rapide de l opérateur en appui à l institution et non en poste de direction. Les durées nécessaires à un transfert sécurisé dépendent du type d institution mais aussi de l environnement et du risque porté par l IMF. L appui apporté doit promouvoir au maximum le développement d une logique d entreprise au sein de l institution. L extension et la diversification des activités, ne sont envisagées qu une fois atteinte l autonomie de l IMF. Par cette stratégie l AFD privilégie la recherche d une autonomie de l institution. Une telle logique peut conduire à une forte spécialisation de l institution sur un marché durant sa phase de construction et en conséquence à faire supporter un risque environnemental fort (catastrophe naturelle locale, difficultés économiques de la clientèle-cible). La nécessité d une phase de diversification et d extension et/ou la recherche d une articulation avec le système financier et d un renforcement de la structure financière de l institution sont donc à considérer comme une suite logique et indispensable de l intervention. 3. L AFD appuie la création d entités spécialisées dans la micro-finance par des banques commerciales ou des banques de développement. Certaines banques ont pris conscience que la micro-finance représente un marché d avenir et souhaiteraient y intervenir, mais manquent de la compétence nécessaire. L AFD peut leur apporter un appui en finançant, par des moyens appropriés, l expertise nécessaire à la mise en place de filiales spécialisées dans la micro finance. 4. L AFD appuie la mise en place de services financiers aux plus pauvres par des institutions viables. Lorsque la rentabilisation d une IMF n est pas possible sur un groupe cible, notamment lorsqu il s agit de régions à faible densité démographique, l AFD cherche une articulation avec une institution viable. Dans certains cas l articulation peut se faire avec une banque commerciale ou une banque de développement. Dans d autres cas l AFD peut appuyer l extension des activités d une IMF viable vers les groupes cibles. 5. Dans les situations où il n existe pas de cadre institutionnel minimum, l AFD renonce à se lancer dans la construction d institutions financières sophistiquées ou susceptibles de porter un risque important Lorsqu il n y a pas de volonté politique pour faire face aux risques du secteur, l AFD accompagne la constitution de petits réseaux de caisses d épargne et de crédit autogérés ainsi que l appui, plus ponctuel, de groupements professionnels, de coopératives, d associations, pour qu ils puissent accumuler des fonds propres, autogérer des micro crédits, développer une culture de prévoyance. 6. L AFD poursuit ou entame des diagnostics approfondis sur les institutions de microfinance qu elle appuie depuis plusieurs années. Ces diagnostics portent sur leurs perspectives de pérennisation, et le cas échéant doivent permettre de réévaluer, avec les promoteurs, une réorientation, une articulation avec d autres institutions et

si nécessaire d envisager une clôture. En revanche, quand les perspectives d'une institutionnalisation et de consolidation sont claires à court terme, il est possible d aborder la diversification des services. 3) Questions opérationnelles Ces orientations stratégiques ont des implications sur les conditions d intervention de l AFD, ses relations avec la DGCID, ses collaborations avec les autres intervenants et les instruments de financement mis en œuvre. 1. Conditions d intervention Avec 600 millions FF. d épargne collectée et 450 millions FF. d encours de crédit, les 30 réseaux de micro-finance soutenus par l AFD font courir à celle-ci des risques de suite non négligeables : risque financier, mais aussi risque politique important. L analyse de ces risques doit être au centre de l instruction des projets et du suivi de leur réalisation. Un premier élément de maîtrise du risque réside dans une application rigoureuse de six conditions de base : - la vérification de l existence d un marché, d une clientèle et d un espace géographique maîtrisable, - l existence de règles locales, assorties de mécanismes de surveillance. Lorsque le cadre juridique et réglementaire de la micro-finance n est pas encore établi, l AFD sécurise son intervention en obtenant la reconnaissance des activités du projet par les autorités de contrôle, - l existence d un maître d ouvrage local, clairement identifié et porteur du projet, - la mobilisation d un opérateur engagé contractuellement sur des critères de performance précis, - la mise en place d un système de suivi rapproché des performances et de surveillance des risques au cours de la réalisation du projet. - un montage juridique écartant tout risque pour l AFD de se voir impliquée dans une opération de comblement de passif. Le respect de ces conditions de base implique que le nombre de projets de micro-finance lancés par l AFD reste dans la limite des capacités d instruction et de suivi des équipes des agences et du siège. 2. Relations avec le MAE/DGCID Les projets de micro-finance ont besoin, pour la sécurisation des opérations et le développement du secteur sur des bases saines, d un environnement politique, juridique et réglementaire adéquat ; S agissant d un domaine institutionnel, les actions de coopération à ce niveau relèvent du MAE/DGCID. L AFD apporte à ce dernier sa connaissance concrète des projets ou IMF et lui fournit un appui technique dans ses discussions avec les autorités compétentes. Elle participe à la mise en place d un environnement favorable et sécurisé pour la micro-finance, notamment dans le cadre du PAFID. A ce titre, elle contribue à : l appui à la définition de cadres légaux et réglementaires adaptés et à leur application. La réglementation doit bien entendu être liée au niveau de risque des institutions au plan

économique et social et nécessite, dans la plupart des cas, des aménagements voire des compléments aux cadres de réglementation existants (ratios prudentiels, niveau de capital ). l appui à la définition par les Etats de politiques sectorielles capables de favoriser le développement du secteur (en particulier par des dispositions fiscales et monétaires adaptées) mais aussi de définir la nature et les moyens de la régulation du secteur. l appui aux Associations Professionnelles de Micro-finance et aux cadres nationaux de concertation pour la mise en place de normes professionnelles, de normes de régulation, du suivi-évaluation du secteur et de son impact économique et social ; l appui au développement de prestataires de service nationaux privés en formation, en appuiconseil et en audit, permettant progressivement le transfert de savoir-faire au Sud. 3. Collaboration avec les autres intervenants - Les opérateurs ou ONG de micro-finance L Aide française s est appuyée sur un petit groupe d opérateurs français pour tester des méthodologies et mettre en place des opérations de micro-finance. Sur la base des résultats observés, elle peut désormais choisir ses opérateurs en fonction de leurs références de réussite et de leur compétence sur le segment de marché visé, ce qui peut impliquer de ne pas toujours se situer dans une logique de concurrence. En outre, l étroitesse du marché des opérateurs français ainsi que leur plus ou moins grande spécialisation sur des segments de clientèle peut amener l AFD à financer l appui d IMF par des opérateurs étrangers. Enfin, pour réaliser l objectif stratégique de faire émerger ou de consolider des opérateurs et structures de service au Sud, il peut être nécessaire de mettre au point des formules d association en «compagnonnage» avec des opérateurs du Nord. Les autres bailleurs de fonds L intervention en cofinancement permet, non seulement de démultiplier les ressources disponibles pour un projet, mais aussi d avoir recours à des financements plus concessionnels dans les pays ou l AFD ne peut intervenir en subvention. L AFD recherche donc, lorsque c est nécessaire, des cofinancements avec des bailleurs bi-latéraux (notamment la KFW, l ACDI..) ou multilatéraux (Banque Mondiale, Union Européenne). Lorsque c est possible, elle fait valoir son avantage comparatif dans le domaine de la microfinance (instruction, suivi, procédures de décaissement) pour agir en délégation de gestion (cas des cofinancements avec l Union Européenne). Les banques commerciales La collaboration avec les nouveaux acteurs que sont les banques commerciales dans le domaine de la micro-finance revêt deux aspects : L appui à celles d entre elles qui cherchent à développer des activités dans ce secteur, consistant à les aider à se doter du «savoir-faire» nécessaire,

La recherche de collaboration et de cofinancement avec des fonds de type éthique de certaines banques ou organismes financiers internationaux soucieux de développer leur image en terme de lutte contre la pauvreté et de bancarisation des plus pauvres. L AFD pourrait leur proposer la mise en œuvre, en cofinancement, de leurs fonds, accompagnée de la réalisation de produits «publicitaires» assurant la visibilité de leur intervention. 4. Instruments financiers A un certain stade de développement d une IMF, et une fois atteint son équilibre d exploitation, ses besoins, comme ceux de toute institution financière, portent sur le renforcement de sa solvabilité, de sa liquidité et de son actionnariat. Le groupe AFD doit pouvoir participer à ce renforcement en développant des instruments financiers adaptés. Solvabilité Il s agit de renforcer la structure financière des IMF par la mise au point de schémas sécurisés de dotations en fonds propres et de fonds de garantie pour répondre à des risques hors de portée de institutions (assurances agricoles, garanties contre les risques de catastrophes.). Ces besoins, bien que distincts des besoins initiaux en subventions nécessaires à l arrivée de l équilibre d exploitation, peuvent nécessiter la mise en place de ressources concessionnelles. Ce type de ressources peut aussi répondre à un besoin de financement public en faveur d IMF performantes dans le cadre d une politique macro-économique claire des Etats (bonifications d intérêts pour l agriculture, dotation de fonds de calamités ). Liquidité Il s agit d assurer aux IMF un accès durable à des ressources financières en monnaie locale et sur des durées adaptées à celles de leurs produits. L AFD peut favoriser le développement d'instruments d'épargne plus stables de type "plans d'épargne", et faciliter, notamment en apportant sa garantie : le recours à des instruments financiers plus longs tels que des emprunts à moyen terme auprès des banques, voire même des émissions obligataires auprès du public l'obtention auprès des banques de facilités de financement à vue pour pallier l'absence d'accès au marché monétaire. Renforcement de l actionnariat Cela concerne, en particulier, des interventions sous forme de capital-risque notamment par un partenariat avec des fonds d'investissements régionaux ou avec des opérateurs spécialisés. A l instar de la SFI ou de la CDC britannique qui se sont récemment lancées sur ce créneau, le groupe AFD dispose des outils professionnels d intermédiation financière nécessaires à ces deux derniers types de besoins et entend les utiliser en respectant les principes de complémentarité et de subsidiarité qui fondent l articulation de ses composantes. Ainsi, pour sa part, le Conseil d Administration de PROPARCO du 15 décembre 1999 consacré au Plan d Orientation Stratégique 2000-2002, a affirmé le principe d une intervention plus déterminée de PROPARCO dans la micro-finance.

Sur le plan des principes, la répartition des modes d intervention entre les deux composantes du groupe devrait assigner à l AFD les opérations en garantie et à PROPARCO les opérations en capital-risque. Dans la pratique cette répartition devra aussi tenir compte de la rentabilité attendue des investissements et pour les investissements à rentabilité faible ou différée de leur poids relatif dans le portefeuille de l une ou l autre. 5. Capitalisation régulière sur les bonnes pratiques et les modes opératoires Le travail réalisé pour la constitution de cette note de stratégie a permis une capitalisation intéressante des pratiques et modes opératoires de l AFD. Ce travail sera poursuivi et fera l objet de points réguliers. Même si la diversité des méthodes d intervention nécessaires dans ce secteur ne permet pas une standardisation trop poussée, il paraît nécessaire de constituer des références méthodologiques (termes de références d audit, contrats types ).

LES INTERVENTIONS DE L AFD DANS LE SECTEUR DE LA MICRO-FINANCE INTRODUCTION A. Le contexte initial des interventions en micro-finance Depuis les années 80, la problématique de développement du système financier s articule autour de deux objectifs : le soutien aux initiatives privées et la lutte contre la pauvreté. Or, force est de constater l incapacité des institutions financières classiques à répondre efficacement à ces deux préoccupations majeures dans les pays d intervention de l AFD. Le système financier de ces pays est en effet caractérisé par une faible diversification des produits, des institutions et des clientèles. De fait, il se concentre essentiellement sur du financement de court terme et plus particulièrement sur l import-export. Le taux de bancarisation de la population est très faible, la clientèle des établissements financiers étant constituée d entreprises importantes et de particuliers aisés. Le risque, ainsi que les coûts de transaction élevés associés à l offre de services financiers en faveur de populations à faibles revenus ou de petites activités économiques, représentent des coûts d opportunité trop importants pour justifier une intervention sur ces franges de marché. Parallèlement, des mécanismes d intermédiation financière spécialisés en faveur des populations non bancarisées se sont mis en place et se sont structurés, la plupart du temps sous l impulsion de bailleurs de fonds internationaux. Ces initiatives consistaient à tester des approches permettant d offrir des services financiers à ces populations. Elles demeuraient souvent le fruit d expérimentations isolées, prenant appui soit sur des mécanismes de solidarité préexistants localement, soit sur la formalisation d expériences communautaires ou coopératives ayant cours dans les pays du nord ou développés avec succès au Sud (crédits solidaires du modèle Grameen Bank). Les interventions des bailleurs de fonds n étaient que rarement l objet de concertation, et l absence d une véritable capitalisation ne permettait pas, en outre, d identifier clairement les clefs de succès des opérations financées (en terme de méthodologie, de procédures, de construction institutionnelle). Dans ce contexte, L AFD accorde depuis une dizaine d années une grande importance au financement des activités de micro-finance. Elle y a consacré entre 1987 et 1999 un montant d engagements de 672 millions de FF ( 102 millions d Euros) concernant plus de 30 projets ou institutions répartis dans une vingtaine de pays et touchant plus d un million de

personnes, avec des totaux d encours de crédit et d épargne respectivement d environ 450 millions et 600 millions de FF. (voir annexe I) Parallèlement le MAE a engagé dans ce secteur 193 millions FF, au cours de la même période. Une partie de ses concours, surtout jusqu au milieu des années 1990, appuyait directement le développement d institutions ou projets de micro-finance, une autre partie était consacrée à des actions transversales de renforcement du secteur et d appui aux opérations : le programme PRAOC 3 (Programme d appui aux opérations d épargne-crédit) à partir de 1991, relayé depuis 1998 par le PAFID 4 (Programme d appui au financement décentralisé). Pour l Aide française, le démarrage des opérations de micro-finance, à la fin des années 1980, a répondu également à la nécessité de pallier la défaillance générale des systèmes de financement ruraux, et notamment celle des banques de développement et des caisses de Crédit Agricole (CNCA ou autres) ainsi qu aux résultats insuffisants des volets crédit des projets de développement rural. Il a correspondu aussi à une période où l on est passé, en particulier dans le domaine du développement rural, d une approche fondée sur le développement de la production à une approche fondée sur la réponse aux besoins globaux de la population. Le besoin de petits crédits était reconnu au même titre que le besoin d équipements hydrauliques, d aménagements fonciers, etc.. En matière de micro-crédit, l approche a d abord été expérimentale, visant à tester des formules qui permettent d obtenir les meilleurs taux de recouvrement, s inspirant d une part de l expérience de crédits solidaires lancée avec succès par la Grameen Bank, d autre part de celle des mouvements de crédit mutuel en Europe. Les projets ont toujours été des projets pilotes, la capitalisation des expériences, la confrontation des approches étant appuyées par la première phase du PRAOC (1991-1994). B. Une nouvelle problématique Dès le milieu des années 1990, on a commencé à enregistrer de manière systématique le résultat de ces approches et l impact significatif des opérations de micro-finance. On a commencé aussi à percevoir, pour certaines d entre elles, de réelles perspectives de viabilité financière. La microfinance a émergé comme un sous-secteur du système financier dont elle contribue à élargir la portée et à diversifier les services, entraînant des changements de perspectives pour les intervenants. les bailleurs de fonds - ils conceptualisent leurs approches et s accordent sur le souci de privilégier la viabilité financière, technique et institutionnelle des opérations en cours ; - ils interviennent de manière plus concertée et recherchent une complémentarité dans leurs appuis. La création du CGAP en 1995, symbolise cet effort : le Groupe Consultatif d Assistance aux plus Pauvres rassemble 27 bailleurs de fonds, il est destiné à coordonner les interventions dans le secteur, à diffuser les pratiques de référence et à systématiser les 3 PRAOC : 12 Millions FF du MAE, plus un expert détaché de l AFD pendant 3 ans. 4 PAFID : 20 Millions FF du MAE.

outils et les approches. La France en est un membre fondateur et siège actuellement à son Comité exécutif. les initiatives de microfinance Elles ont à relever un triple défi : - s inscrire dans un cadre juridique permettant de sécuriser leurs opérations et de responsabiliser les dirigeants ; - réussir le processus de privatisation en maintenant les objectifs initiaux en terme de clientèles et de produits ; - poursuivre des objectifs de viabilité financière, gages de leur pérennisation, tout en développant la portée des services offerts. les Etats - Ils sont amenés à organiser leur désengagement progressif tout en inscrivant le développement et la consolidation des initiatives de microfinance dans le cadre d une politique sectorielle cohérente prenant en compte les enjeux des différents acteurs. Dans ce contexte en mutation, où les préoccupations de tous les partenaires convergeaient vers la construction d un secteur financier viable, la préoccupation de la pérennité est devenue centrale pour les opérations de micro-finance appuyées par l Aide française. Tous les projets financés par l AFD à partir du milieu des années 1990 ont annoncé leur objectif de transformation en institution juridiquement, techniquement, et financièrement autonome, et la deuxième phase du PRAOC (1994-1997) puis l actuel PAFID ont été construits autour de cette problématique. C. La situation actuelle La micro-finance a donc connu en dix ans un essor très important sur tous les plans, qui se traduit par l émergence d un secteur économique à part entière. L évolution de la terminologie a d ailleurs accompagné cette évolution : les termes de micro-finance et d institution de micro-finance (IMF) largement utilisés au niveau international tendent à se substituer aux dénominations de réseau ou de systèmes financiers décentralisés (SFD). En terme quantitatifs, on observe une multitude d opérations de micro-finance, portées par le concept de lutte contre la pauvreté, mais aussi en «réaction», ou en accompagnement, parfois endogène, des processus de libéralisation de l économie et de restructuration du système financier. Les IMF, dans leur diversité, occupent aujourd hui dans le paysage financier d un certain nombre de pays une place significative et en croissance rapide. Ainsi dans l UEMOA on recensait, en 1997, près de 2.700 institutions de base (caisses, coopératives, mutuelles, ONG) regroupant 1,4 million de bénéficiaires. Dans certains pays la micro-finance occupe déjà une place significative dans le paysage financier : les montants d épargne collectés par des IMF représentent 18% des dépôts dans les banques au Bénin, 14% au Togo, 10% au Burkina. Au Congo un réseau de coopératives d épargne-crédit, les MUCODEC, constituait en 1986 la cinquième institution financière du pays, collectant 6%

des dépôts totaux et octroyant 1% des crédits à l économie, et reste la seule à fonctionner actuellement. En terme d impact la croissance exponentielle de l activité des institutions les mieux structurées, montre qu elles répondent à un réel besoin des populations. Cette croissance s accompagne d une diversification des services financiers et des marchés (rural/urbain, crédits aux particuliers et crédits aux micro-entreprises, crédits allant du très court terme à parfois 2 ou 3 ans). En termes d acteurs, enfin, on assiste progressivement à la constitution et à la responsabilisation des différents partenaires nécessaires au développement d un secteur financier (gouvernements, autorités monétaires et de contrôle, Associations professionnelles) ainsi qu au développement, encore limité d expertises au Sud 5. Dans ce contexte, les investissements de l Aide française sur dix ans lui ont permis de s affirmer comme l un des principaux intervenants dans ce secteur. Elle appuie dans un grand nombre de pays des institutions très significatives en termes d impact (pays d Afrique francophones, mais aussi Cambodge, République Dominicaine ) Ainsi, en Afrique de l Ouest, l AFD appuie une quinzaine d institutions, projets ou ONG qui représentent à eux seuls 40% des encours de crédit et 50% des encours d épargne du secteur de la microfinance. Toutefois, du point de vue de la pérennisation, les résultats des projets de micro-finance soutenus par l AFD comme ceux des projets soutenus par tous les autres bailleurs de fonds sont contrastés. Certains projets approchant, voire dépassant, les 10 ans d existence sont encore loin de couvrir leurs coûts de fonctionnement par leurs produits d activité, ne trouvent pas de schéma d institutionnalisation crédible, ou ne sont pas en mesure d assurer la relève d une direction par une assistance technique expatriée. D autres ont été interrompus ou semblent devoir l être prochainement. En revanche, de nombreux projets de micro-finance sont devenus, ou sont en passe de devenir, des institutions financièrement viables, juridiquement reconnues et dirigées par des équipes de cadres nationaux. Les exemples sont de plus en plus nombreux à l échelle mondiale, y compris dans les pays africains. Certains d entre eux ont été, ou sont encore, appuyés par l AFD. Ces réussites montrent qu il est possible d atteindre l objectif de pérennité des IMF dans le cadre d une politique sectorielle tirant les enseignements des réussites et des échecs de plus d une décennie. Dans une très large mesure, cette politique est déjà passée dans les faits et une série d évaluations rétrospectives menées conjointement par l AFD et le MAE en 1996-97 a mis en lumière les points forts et les points faibles de nos projets. La présente note s inscrit dans le prolongement de la «synthèse des évaluations rétrospectives de SFD» de juillet 1998 et vise à systématiser les acquis de ce bilan dans les interventions de l AFD en matière de micro-finance. 5 cf. Annexe II sur le rôle des différents partenaires du secteur.

I. JUSTIFICATION ET OBJECTIFS DE LA MICRO-FINANCE A. Micro-finance et lutte contre la pauvreté L importance accordée à la micro-finance par l ensemble des bailleurs de fonds repose sur l idée qu elle constitue un moyen efficace de lutte contre la pauvreté. Cette affirmation mérite d être explicitée. En effet, si l on s en tient à une définition de la pauvreté uniquement par référence au revenu (les personnes disposant d un revenu inférieur à 1$ par jour) il n est pas évident que les IMF constituent le meilleur moyen pour accroître les revenus de cette population «des plus pauvres parmi les pauvres». Les études montrent au contraire que l accroissement du revenu consécutif à un micro-crédit est d autant plus important que le revenu initial est élevé. Ce phénomène tient au fait que les emprunteurs en situation d extrême pauvreté ont plutôt recours à des prêts à la consommation, faute d opportunité d investissement, et à la grande vulnérabilité de leur revenu qui peut les amener à devoir vendre leur patrimoine pour rembourser un crédit. Si par contre on se réfère à une approche de la pauvreté en terme d inégalités et plus particulièrement d inégalités structurelles (inégalités de potentialités, d accès aux ressources, de droits et de pouvoirs) la micro-finance, dont l objet est de fournir des services bancaires à des populations qui n ont pas accès au secteur bancaire, constitue bien un moyen de réduire la pauvreté. En effet les études d impact confirment que les IMF apportent aux bénéficiaires un élément de sécurité, sécurité des activités face aux aléas, sécurité par rapport aux relations de dépendance vis à vis des usuriers mais aussi des autres sources de financement traditionnel (tontine, famille..), sécurité de l épargne. En même temps, l intervention d IMF introduit l apprentissage d une meilleure gestion et un changement de comportement face à la consommation et aux dépenses. Enfin les principes de fonctionnement d une IMF concourent au développement de la vie démocratique à la base par la responsabilisation des acteurs, par le sens de l appartenance à une structure ou par l émergence de leaders. A cet égard, en considération de la marginalisation des femmes dans la vie économique et en particulier de leur accès limité à des ressources financières, certaines IMF ont été conçues spécifiquement à leur bénéfice ou ont fait d elles une cible privilégiée. Elles s appuient généralement sur des solidarités préexistantes qui se trouvent ainsi renforcées et qui permettent de sécuriser le crédit sans l apport d une épargne de garantie. On observe aussi que les effets de la micro-finance sont d autant plus marqués qu il existe en même temps d autres actions de développement qui peuvent les conforter et réciproquement. Ces effets peuvent en outre être différents selon la situation de départ des populations et la méthodologie de l IMF. La croissance du secteur, la diversification des IMF, l ampleur des besoins amènent maintenant à la nécessité d éclairer nos choix de financement de la micro-finance par une meilleure connaissance de leur impact. C est pourquoi il convient de prévoir, dès le commencement d un projet, des outils de mesure de l impact qui serviront aux prises de décision futures. Ainsi la micro-finance trouve sa pleine justification dans la contribution qu elle apporte au renforcement de dynamiques de développement. Encore faut-il pour ce faire que les services

financiers offerts soient pérennes, au delà de l intervention des bailleurs de fonds et de l assistance technique extérieure, en terme d équilibre emplois-ressources, en terme de couverture des charges et en terme d organisation et de fonctionnement. Ceci implique une démarche prenant en compte simultanément : d une part la nature de l activité des IMF qui exige une approche de type bancaire et une intégration de l IMF dans le système financier du pays, d autre part les caractéristiques socio-économiques de la clientèle visée qui, elle, ne répond pas aux normes habituelles du secteur bancaire. B. Populations-cibles et segments de marché Dans un sens très large, la micro-finance s adresse à l ensemble des catégories socioéconomiques non servies par le secteur bancaire, qui représentent 80 à 90% des populations des pays de la ZSP. La pérennité des IMF implique leur adéquation commerciale (produits, taux d intérêts, modalités de remboursement etc..) et financière (coûts de transaction, équilibre emplois-ressources) avec les besoins et capacités des populations ciblées, et leur stratégie d intervention se décline différemment selon le «marché» dont il s agit. Au cours de leur croissance et de leur diversification les IMF peuvent être amenées à envisager successivement différents segments de marché, mais chacun d eux doit être abordé selon une logique particulière. 1) Une logique de soudure C est la logique à laquelle répond la «finance informelle» constituée par les tontines, les garde-monnaies («banquiers ambulants»), les usuriers. Les populations concernées sont les catégories les plus défavorisées, qu elles soient rurales (villageois des régions sans culture de rente) ou urbaines (tout petits commerces, commerces ambulants, activités de production domestique). Elles sont peu monétarisées, ont un faible potentiel d accumulation économique et sont les plus vulnérables aux «chocs» de toute nature (climatique, économique mais aussi événements familiaux) ; leurs besoins sont essentiellement des besoins de «soudure» c està-dire de sécurisation de leurs conditions de vie et de revenu vis-à-vis de ces aléas. Leur demande de crédits, de montants unitaires très modestes (souvent inférieurs à 500 FF) et de courte durée (quelques mois) porte sur le financement de fonds de roulement pour le petit commerce de détail, la pluri-activité rurale de contre-saison, la couverture de besoins médicaux ou «sociaux». Dans la perspective de «lissage des risques», ces populations ont aussi un besoin de sécurisation de leur épargne, si petite soit-elle. Ces populations sont celles qui sont plus particulièrement visées par les campagnes pronant l allègement de la pauvreté par le micro-crédit (cf. le Sommet du micro-crédit, cf. aussi l intitulé du CGAP «to assist the poor») et, de fait, la grande majorité des programmes qui s adressent à elles privilégient largement l octroi de crédit sur les services d épargne (on reviendra sur ce point).

En ce qui concerne la problématique de la pérennité, le faible montant unitaire des prêts, la tenue de multiples petits comptes et l absence de toute garantie matérielle, auxquels s ajoutent en milieu rural les coûts des transactions liés à l éloignement de la clientèle, appellent des réponses spécifiques. 2) Une logique de bancarisation A la différence de la logique précédente, les populations visées ici ne sont pas les plus pauvres, mais - si l on peut oser ce parallèle - des catégories sociales dont les «homologues» en pays développés ont normalement accès aux services du secteur bancaire pour toutes leurs opérations d épargne et de crédit. Il s agit des petits salariés (employés, ouvriers, fonctionnaires etc ), des agriculteurs des régions de cultures de rente et des TPE (très petites entreprises) du secteur informel. Leur niveau de revenu monétaire et leur potentiel économique sont supérieurs à ceux de la catégorie précédente, mais insuffisants pour leur ouvrir l accès aux banques commerciales (manque de garantie formelle, prêts et dépôts unitaires de montant trop faible pour intéresser les banques). Comme sur le segment de marché précédent (logique de soudure), la demande de services d épargne est forte, particulièrement en milieu urbain. La demande de crédit porte sur des crédits de court terme à la consommation des ménages ou des crédits «sociaux» (frais de scolarité, frais médicaux, petit équipement domestique) et, concernant les TPE ou les exploitants agricoles, sur des crédits de court terme pour les besoins en fonds de roulement et l acquisition ou la réparation de petits équipements. De même, les spécificités des populations-cibles appellent des aménagements de la pratique bancaire habituelle en matière d analyse des dossiers de prêts (épargne préalable, profil de l emprunteur, gestion mutualiste ), de décision d octroi et de mise en place de garanties (simplification de la formalisation des garanties, solidarité villageoise et mutualisme ). Cependant, le montant unitaire des prêts des IMF qui s adressent à ce segment de marché est largement supérieur à celui des IMF de la catégorie précédente (et peut aller jusqu à quelques milliers de FF.) tandis que leurs coûts opérationnels sont comparativement plus faibles, du fait d un ancrage urbain plus développé. Aussi, l atteinte de l équilibre financier peut être plus rapide que pour les précédents. 3) Une logique d investissement Entre les IMF, qui offrent des financements de court terme aux TPE, et les banques commerciales, qui réservent leurs prêts aux grandes entreprises, le financement de l investissement des PME et des exploitations agricoles dans nos pays d intervention constitue un chaînon manquant. Les AIPB ont été une tentative de réponse à ce besoin avec des financements à moyen terme (5 ans en général), de montants unitaires moyens de 100.000 à 300.000 FF. Depuis leur disparition, l AFD est restée absente sur ce segment de marché, sauf lorsqu elle a pu poursuivre son appui à certains établissements de crédit agricoles (BND Mali, CNCA Burkina ) qui continuent à financer des investissements liés aux productions agricoles d exportation et aux cultures intensives de produits vivriers.

De façon générale, à la différence des deux segments de marché précédents, celui des investissements des TPE et des PME, qu elles soient urbaines ou rurales, est encore très peu exploré et les bailleurs de fonds y interviennent peu, en proportion de leur appui aux deux catégories d IMF précédentes. Les observations qui suivent sont donc partielles, voire provisoires. Il ne semble pas que l on puisse parler, à propos des investissements des TPE/PME, ou des petits investissements agricoles, d un «marché» au sens où des établissements spécialisés dans le financement à moyen terme de ces entreprises pourraient y trouver leur équilibre financier. Le tissu des PME dans les pays de la ZSP est peu dense, les entreprises sont instables et, à la différence des deux catégories d IMF évoquées plus haut, on n a pas de success story sur ce créneau. Le financement de l investissement des TPE/PME a été abordé de deux façons complémentaires : Du bas vers le haut : Certaines IMF dont la clientèle est composée de TPE accordent des prêts à moyen terme (2 ou 3 ans), pour des montants correspondant à une dépense d investissement (150.000 FF.) à ceux de leurs clients qui ont remboursé sans incident plusieurs crédits successifs à court terme. L AFD contribue à cette extension de la micro-finance vers le financement de l investissement en refinançant ces IMF (ex : ACEP au Sénégal, ADEMI en République Dominicaine). Du haut vers le bas : L approche la plus classique de ce segment de marché a été de fournir des lignes de crédit et/ou des fonds de garantie aux banques commerciales pour financer l investissement des PME. Or l expérience montre que, plus que de ressources disponibles, les banques commerciales manquent de savoir-faire pour approcher l investissement des TPE/PME. Dans les cas où elles accordent ce type de prêt, elles utilisent, pour l instruction des dossiers et le suivi des remboursements, les méthodes adaptées à la clientèle de grandes entreprises du secteur formel. Le coût unitaire élevé du traitement des dossiers, et le faible taux de recouvrement qu elles en obtiennent justifient, à leurs yeux, le peu d intérêt qu elles portent à ce secteur. L approche de l AFD pourrait être de renforcer la capacité des banques commerciales à travailler sur ce segment de marché, par une combinaison de garantie partielle des prêts et d apport de savoir-faire «importé» du secteur de la micro-finance. L objectif n étant pas ici la création et la pérennité d une nouvelle institution, mais la pérennité du financement à moyen terme des PME par les banques commerciales existantes. Les expériences de l AFD dans ce domaine, comme celle des autres bailleurs de fonds, n ont pas encore fait l objet d une analyse systématique, comme cela a été le cas pour les deux segments de marché précédents. Des études plus approfondies seraient nécessaires, en

particulier celles de quelques dispositifs d appui aux banques commerciales, pour tirer les enseignements des expériences passées ou en cours, et en déduire une stratégie sectorielle. Le financement de l investissement agricole reste un problème très peu abordé par les IMF. Celles-ci ne sont pas adaptées en effet aux besoins de financement des agricultures des PVD en recherche de compétitivité, compte tenu des faibles rentabilités financières de ce secteur, des risques climatiques et des aléas de marché. Jusqu à présent, dans les pays qui le peuvent, ce type de financement est la plupart du temps resté dans le secteur étatique. En conséquence, et bien que le financement de l investissement des TPE, des PME, et des exploitations agricoles soient le prolongement naturel de la micro-finance, la présente note ne propose des orientations sectorielles que pour les deux premiers segments de marché. II. LA VIABILITE FINANCIERE DES IMF L objectif de la viabilité financière des IMF est intégré dans les buts que poursuit l AFD dans ses interventions en micro-finance. Il implique d examiner les moyens et de définir les directives que se donne l AFD dans le choix de ses interventions. A. Viabilité financière versus lutte contre la pauvreté : un faux dilemme Du point de vue du bailleur de fonds, l atteinte de la viabilité financière d une IMF représente la possibilité de laisser, à l issue de ses financements, un outil performant et de donner à ses concours initiaux un effet de levier : l IMF peut désormais continuer et élargir son activité de micro-crédit sur les ressources du refinancement bancaire et/ou de la mobilisation de l épargne locale. Cependant, le fait que de multiples petits crédits soient plus difficiles à sécuriser et plus coûteux à gérer que des crédits unitaires plus élevés peut amener à se poser la question de la compatibilité entre la viabilité financière et les autres objectifs assignés à la micro-finance, en particulier celui du financement de la petite production agricole et celui d allègement de la pauvreté. Divers éléments montrent que ces objectifs ne sont pas nécessairement incompatibles. En ce qui concerne le financement de la petite production agricole, les IMF qui financent ce type d activité dans des régions déshéritées obtiennent de bons taux de recouvrement en faisant des crédits à la pluri-activité. Un petit agriculteur peut ainsi financer des intrants agricoles en prenant un crédit dont le remboursement sera sécurisé par ses activités (notamment commerciales) de contre-saison. L objectif d allègement de la pauvreté n est pas, lui non plus, incompatible avec la viabilité financière. Il existe, en effet, des IMF financièrement viables bien que s adressant à des populations rurales très pauvres, non seulement dans certains pays asiatiques (notamment la Grameen Bank mais aussi une IMF appuyée par l AFD : EMT au Cambodge) mais aussi dans des régions africaines où les coûts des facteurs sont plus élevés et les coûts d approche renchéris par la faible densité de la population (Caisses Villageoises autogérées du Pays Dogon, au Mali).