La gestion de l offre dans le secteur laitier, un mode de régulation toujours pertinent



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Transcription:

La gestion de l offre dans le secteur laitier, un mode de régulation toujours pertinent MISE À JOUR DE L ANALYSE DU CAS AUSTRALIEN MARS 2008 2014, rue Cyrille-Duquet, bureau 307, Québec (Québec) G1N 4N6 Tél. : (418) 527-4681 Téléc. : (418) 527-7101 www.groupeageco.ca

RAPPORT PRÉSENTÉ À LA Fédération des producteurs de lait du Québec ÉQUIPE DE RÉALISATION Responsable du mandat Daniel-Mercier Gouin Réalisation du mandat Valérie Lamarche Catherine Brodeur Correction linguistique Annie Brochu Groupe AGÉCO

TABLE DES MATIÈRES 1. Un changement de politique laitière en Australie... 1 2. Après la réforme?... 6 2.1 Évolution structurelle... 6 2.2 Prix aux producteurs... 9 2.3 Situation financière des producteurs...11 2.4 Prix aux consommateurs...14 3. Conclusion...17 Bibliographie...18 LISTE DES TABLEAUX Tableau 1.1 Tableau 2.1 Production totale de lait et répartition entre le lait de consommation et le lait de transformation, par État, Australie, 1999-2000...3 Évolution du prix à la production par État en Australie, 1997-1998 à 2006-2007, en cents australiens par litre... 10 LISTE DES FIGURES Figure 2.1 Évolution du nombre de fermes laitières en Australie, 1980-1981 à 2006-2007...7 Figure 2.2 Évolution de la production laitière en Australie, 1981 à 2006...8 Figure 2.3 Évolution de la taille moyenne des fermes laitières en Australie, 1980-1981 à 2006-2007...9 Figure 2.4 Évolution du prix du lait à la production en Australie et du prix international 1, 1997-1998 à 2006-2007... 11 Figure 2.5 Recettes monétaires, revenu net et bénéfice d exploitation 1 moyens des fermes laitières australiennes, 1995/96 à 2005/06... 12 Figure 2.6 Revenu net des fermes laitières australiennes des États de Victoria, New South Wales et Queensland, 1995/96 à 2005/06... 13 Figure 2.7 Évolution de l indice des prix à la consommation des produits laitiers 1, Australie, juin 1981 à juin 2007 (indice 100 = juin 2000)... 14 Figure 2.8 Évolution de l écart entre le prix du lait de consommation au détail et l'ensemble des produits laitiers, Australie, juin 2000 à septembre 2007... 15 Groupe AGÉCO

Figure 2.9 Figure 2.10 Prix au détail versus prix payé à la ferme par les transformateurs, Australie, 1998 à 2007, en $ AUS / 2 litres... 16 Répartition de la part du dollar du consommateur pour un contenant de 2 litres de lait, Australie, 1997, 2000 et 2003... 16 Groupe AGÉCO v

1. UN CHANGEMENT DE POLITIQUE LAITIÈRE EN AUSTRALIE Historiquement, la juridiction du secteur laitier australien a été partagée entre le gouvernement central 1 pour le lait de transformation et les gouvernements des six États qui composent le pays pour le lait de consommation. Les deux types de lait étaient encadrés par des politiques différentes. La politique laitière australienne progressivement mise en place au cours du vingtième siècle a subi deux changements majeurs au cours des vingt dernières années : une réforme du secteur du lait de transformation à partir de 1986 suivie d une réforme du secteur du lait de consommation à partir de l année 2000. LE LAIT DE TRANSFORMATION Avant d être réformé en 1986, le système de régulation du secteur du lait de transformation était composé des outils d intervention suivants : un soutien des prix sur le marché intérieur, un contrôle des importations, des subventions aux exportations et à la production et une restriction sur la commercialisation de produits substituts (Edwards 2003, p. 79 et Whetton 2000, p. 3). À partir de 1986, le soutien des prix des produits laitiers a été progressivement démantelé et le prix du lait de transformation à la production a été soumis entièrement aux conditions du marché et donc aux fluctuations des prix sur le marché international. Pour compenser partiellement les producteurs de lait de transformation pour leur prix moyen à la production nettement plus faible une subvention à la production pour le lait de transformation le «Domestic Market Support Payment» a été alors instituée. Ce paiement était financé par deux taxes. Une taxe à la production sur toutes les livraisons de lait pour le marché du lait de consommation et une taxe payée par les transformateurs sur leurs réceptions de lait destiné à la transformation (Whetton 2000, p. 3). Dans un premier temps cette taxe était prélevée sur toutes leurs réceptions. Par la suite, elle l était uniquement sur les produits destinés à l approvisionnement du marché domestique. Dans les faits, ces deux taxes étaient transférées dans le coût des produits vendus aux consommateurs australiens (Edwards 2003, pp. 80-81). Ce soutien des marchés a eu pour conséquence de rendre le marché domestique australien très attirant pour les pays voulant exporter en Australie. Les exportations néo-zélandaises à destination de l Australie, avec le système néo-zélandais d exportation à canal unique alors pratiqué par le New Zealand Dairy Board, pouvaient facilement entrer sur le marché domestique australien étant donné l accord de libre-échange entre les deux pays (Edwards 2003, p. 82). De fait, ces modifications à la politique laitière australienne adoptées à compter de 1986 ont constitué le premier pas vers la déréglementation du secteur laitier. Mais ce système de régulation transitoire, étant donné les contradictions qu il comportait, devait être revu. 1 Pour des raisons constitutionnelles, c est le gouvernement central du pays qui détient les pouvoirs de taxation et qui a juridiction sur le commerce international. Groupe AGÉCO 1

LE LAIT DE CONSOMMATION Le 1 juillet 2000, l Australie a entrepris la déréglementation de son secteur du lait de consommation après plusieurs décennies d intervention publique. Comme mentionné, avant l année 2000, le mode de régulation du secteur du lait de consommation relevait principalement de chacun des six États qui composent le pays. La production de lait de consommation était réglementée tant du point de vue des volumes autorisés que des prix à la production. Les autorités de chaque État fixaient un prix au producteur pour le lait de consommation et ce, à un niveau nettement plus élevé que celui payé pour les livraisons destinées au marché du lait de transformation. En moyenne, le prix du lait de consommation était d environ 20 cents le litre plus élevé que le prix du lait de transformation (Edwards 2003, p. 77), ce dernier étant depuis 1986 étroitement dépendant du prix à l exportation des produits laitiers sur le marché international. Le prix moyen du lait à la production variait donc d un État à l autre, en fonction de l importance relative qu avait le secteur du lait de consommation dans chaque État. Ainsi, le prix moyen du lait variait de 25 cents australiens par litre en Tasmanie à 40 cents par litre au Queensland en 1998/1999 (Whetton 2000, p. 2). Les moyens utilisés pour gérer l accès au marché du lait de consommation différaient d un État à l autre. Les États de Victoria, Tasmania et South Australia avaient opté pour une mise en marché «équitable» (Edwards 2003, p. 78). Ce système était équitable en ce sens qu il permettait à tous les producteurs laitiers de ces trois États de bénéficier de la prime sur le lait de consommation. Chaque producteur était donc payé au prorata des livraisons totales de l État concerné sur chacun des deux marchés. Ainsi, dans l État de Victoria, chaque producteur était payé comme si 6 % de ses livraisons allait au marché du lait de consommation et 94 % allait à la transformation. À noter que la part de lait de consommation dans la production totale de ces États était la plus faible de tout le pays, soit respectivement 6 %, 8 % et 26 % pour Victoria, Tasmania et South Australia contre 43 % à 46 % pour les autres États (cf. Tableau 1.1). Les États du Queensland et du Western Australia utilisaient plutôt des quotas individuels de production de lait de consommation liés à la terre. Le New South Wales, quant à lui, disposait de quotas commercialisables depuis le début des années 90. Dans les deux cas, les producteurs devaient détenir des quotas de lait de consommation pour avoir droit au prix à la production plus avantageux de ce marché. Groupe AGÉCO 2

Tableau 1.1 Production totale de lait et répartition entre le lait de consommation et le lait de transformation, par État, Australie, 1999-2000 Lait de Lait de consommation transformation Production totale Part du lait de consommation Milliers de tonnes New South Wales 597 798 1 395 43 % Victoria 440 6 430 6 870 6 % Queensland 383 465 848 45 % South Australia 185 528 713 26 % West Australia 190 222 412 46 % Tasmania 48 561 609 8 % Total Australie 1 933 8 914 10 847 18 % Source : Dairy Australia, Australian Dairy Industry in Focus. La révision de la politique laitière australienne en 2000 s est inscrite dans une démarche plus large du gouvernement central australien et des gouvernements des États visant une déréglementation de l ensemble de l économie du pays. Cette démarche, entamée au début des années 1990, a été concrétisée par le Competition Principles Agreement (CPA) qui stipulait : «que la compétition ne devait pas connaître d entrave à moins qu il ne puisse être démontré que : - les bénéfices de la restriction pour la communauté entière soient plus grands que les coûts; - les bénéfices apportés par une législation ne pouvaient être atteints que par une restriction à la compétition.» 2 (Edwards 2003, p. 84) Les conclusions des groupes de travail chargés de revoir les systèmes de régulation du secteur laitier furent divergentes selon les États. L État de Victoria prônait une déréglementation avec pour argument un plus grand bénéfice pour le bien-être de la société en général alors que l État du New South Wales, préoccupé par les impacts potentiels d une remise en cause du système de régulation sur la vitalité économique des régions laitières, proposait de conserver le soutien des prix et les quotas. Les autres États se rangèrent finalement derrière Victoria, le plus important producteur de lait du pays mais proposèrent de retarder l introduction de la déréglementation. LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DE LA RÉFORME DE JUIN 2000 Finalement, l Australie a éliminé les derniers éléments de sa politique laitière traditionnelle en juillet 2000. Les prix de soutien au lait de consommation ont ainsi été abolis et les quotas de production démantelés. Afin de faciliter l adaptation du secteur laitier à une telle déréglementation, le gouvernement central a mis en œuvre un 2 Traduction libre. Groupe AGÉCO 3

programme d assistance aux producteurs laitiers, le Dairy Industry Adjustment Package (DIAP). Le Dairy Adjustment Authority a été créé pour administrer ce programme qui est composé de trois principales mesures (Whetton 2000, pp. 4-5) : - le Dairy Structural Adjustment Program (DSAP), des versements directs destinés aux producteurs présents dans l industrie au 28 septembre 1999 pour faciliter la transition et leur permettre de s ajuster à la nouvelle réalité de l industrie; - le Dairy Exit Program (DEP), un programme destiné aux producteurs qui choissent de se retirer de la production et qui sont en grande difficulté financière; - le Dairy Regional Assistance Program (DRAP), des fonds destinés à aider la diversification économique dans les communautés relativement dépendantes de l industrie laitière. Le DSAP constitue l essentiel des sommes versées en vertu du DIAP, soit 1,6 milliard $ AUS. L aide prend la forme d un versement de 46,23 AUS par litre pour le lait de consommation et de 8,96 AUS par litre pour le lait de transformation, basé sur les livraisons totales de lait de chaque ferme en 1998/1999. Le versement de cette aide est étalé sur 32 trimestres, soit sur les huit années d application du programme de 2000 à 2008 (Whetton 2000, p. 5 et Harris 2005) 3. Toutefois, les banques australiennes ont offert aux producteurs de percevoir le montant d aide sous forme d un paiement forfaitaire correspondant à la valeur actualisée des versements trimestriels. Plus de 80 % des producteurs touchant des paiements DSAP auraient choisi cette option, notamment pour leur permettre de consolider leur dette ou de réaliser des améliorations ou des investissements à la ferme (Harris 2005). Après un an d application de la réforme, les autorités ont constaté que l impact de la déréglementation sur le prix du lait à la consommation s avérait avoir été significativement sous-estimé. Une aide supplémentaire, le Supplementary Dairy Assistance (SDA), destinée aux producteurs pour qui le lait de consommation représentait une part importante (plus de 25 %) des livraisons ont donc été ajoutées à celle du DSAP en mai 2001 pour un montant de 102 millions de $ AUS. Les producteurs sont éligibles à ce paiement qu ils choisissent de rester ou de quitter la production. Pour sa part, le programme de retrait de la production (DEP), qui est demeuré en vigueur de juin 2000 à juin 2002, visait à fournir une assistance financière immédiate aux producteurs en grande difficulté financière qui faisaient le choix de quitter la production. Ces producteurs pouvaient choisir de troquer leur paiement DSAP contre un versement unique non imposable pouvant atteindre 45 000 $ AUS 4. Les conditions d éligibilité très restrictives et le plafond d aide relativement faible en comparaison des versements DSAP ont grandement limité la participation à ce programme. En juin 2002, seulement 134 producteurs sur les 1840 s étant retiré de la production ont reçu des versements en vertu de ce programme, pour un total de 6 millions $ AUS. Il s agit principalement de petits producteurs de lait de transformation situés dans l État de Victoria. 3 4 L aide est disponible que le producteur reste ou non impliqué en production laitière afin que la décision de produire du lait ne soit pas influencée par l existence du programme (Whetton 2000, p. 5). Par opposition, les versements DSAP et SDA sont imposables, même s ils sont perçus sous forme d un versement unique (Harris 2005). Groupe AGÉCO 4

Le programme DRAP fait l objet d un financement de 65 5 millions de $ AUS. Le coût total du programme d ajustement et d assistance se chiffre donc à 2 milliards de dollars australiens sur 8 ans, dont plus de 90 % prend la forme de versements directs aux producteurs. Ce programme d aide est financé par une taxe à la consommation de 11 AUS prélevée sur chaque litre de lait frais vendu au détail. Il est prévu que la taxe demeure en vigueur jusqu à ce que la totalité des montants versés en vertu du DIAP aient été récupérés, soit jusqu en 2010. Hormis ce programme transitoire, les producteurs laitiers australiens fonctionnent maintenant dans un environnement complètement déréglementé exception faite des normes sur les standards de qualité liés à la sécurité alimentaire. Les prix mondiaux sont donc les principaux déterminants du prix du lait reçu par les producteurs. 5 Le premier montant alloué au Dairy RAP était de 45 millions $. Mais 20 millions $ ont été ajoutés car les prix du lait ont diminué plus que prévu, particulièrement dans les États qui avaient des quotas de lait de consommation. Groupe AGÉCO 5

2. APRÈS LA RÉFORME? Cela fait maintenant plus de sept ans que l Australie a déréglementé son industrie laitière. Avec ce recul de quelques années, certains impacts de la réforme peuvent être analysés, en gardant toutefois à l esprit que le secteur est encore sous l effet des mesures de transition. Les effets de la réforme sur l évolution structurelle du secteur laitier, sur le niveau des prix payés aux producteurs, sur leur situation financière et sur les prix payés par les consommateurs sont analysés dans les sections qui suivent. 2.1 ÉVOLUTION STRUCTURELLE La déréglementation de l industrie laitière semble avoir eu un impact immédiat sur l évolution structurelle du secteur de la production, c'est-à-dire sur le niveau de production agrégé, sur le nombre de fermes et sur la taille de celles-ci. La réforme de 2000 a entraîné une accélération de l évolution structurelle de la production. Le rythme de diminution des fermes, qui avait été constant au cours des années 1990, variant entre 0,8 et 2,7 % par année, s est accéléré à partir de l année 2001 ( Figure 2.1). Le taux de diminution du nombre de fermes laitières a varié entre 3,6 et 9,8 % depuis l entrée en vigueur de la réforme, si bien que, de 1999 à 2006, l Australie a perdu 38 % de ses fermes laitières. L impact a été plus grand sur les producteurs de lait de consommation mais les deux secteurs ont été affectés (Harris et Rae 2004). Même sept années après la déréglementation de l industrie, l Australie aura encore perdu 8,9 % de ses fermes laitières entre 2005 et 2006. Groupe AGÉCO 6

Figure 2.1 Évolution du nombre de fermes laitières en Australie, 1980-1981 à 2006-2007 22 000 20 000 18 000 16 000 14 000 12 000 10 000 8 000 6 000 80/81 82/83 84/85 86/87 88/89 90/91 92/93 94/95 96/97 98/99 00/01 02/03 04/05 06/07 Source : Dairy Australia 2008, commande spéciale. Avant la réforme, la production laitière en Australie était en augmentation constante depuis le début des années 1980 et plus particulièrement depuis le début des années 1990 (cf. Figure 2.2). Après avoir atteint un premier plafond de près de 11 milliards de litres en 1999/2000, la production laitière australienne a diminué en 2000/2001 pour une première fois depuis deux décennies. Par la suite, elle a rebondi en 2001/2002 pour reprendre une courbe descendante après ce nouveau sommet de production de plus de 11,3 milliards de litres. La diminution de la production qui a suivi cette année record traduit les effets de la diminution du nombre de fermes et de la sécheresse qui a affecté les rendements des cultures dans toutes les régions de l Australie. Bien qu elle semblait se stabiliser par la suite, elle a subi une nouvelle diminution importante en 2006 encore une fois dû à des conditions climatiques difficiles 6 et à la diminution du nombre de fermes (8,9 %). Même en tenant compte de la sécheresse, la production laitière n a pas retrouvé son niveau d avant la réforme et semble plutôt engagée dans un mouvement de contraction, reflétant ainsi l impact de la diminution rapide du nombre de fermes. 6 Lors de sécheresses, les producteurs laitiers australiens adoptent différentes stratégies pour faire face à la diminution de rendement en fourrages. Ils peuvent soit compenser par des aliments achetés, soit réduire la taille de leur troupeau pour l ajuster à la quantité d aliments disponibles sur la ferme. En 2006, c est cette dernière option qui a été principalement retenue par les producteurs étant donné le prix très élevé de l alimentation animale (ABARE, Australian Dairy Financial performance of farms to 2006/07, 07.2, juin 2007). Groupe AGÉCO 7

Figure 2.2 Évolution de la production laitière en Australie, 1981 à 2006 12 000 Millions de litres 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 0 80/81 82/83 84/85 86/87 88/89 90/91 92/93 94/95 96/97 98/99 00/01 02/03 04/05 06/07 Source : ABARE, Summary of Australian statistics for dairy products. Toutefois, la diminution de la production demeure inférieure à la diminution du nombre de fermes, ce qui signifie que plusieurs producteurs qui ont pris la décision de demeurer en production malgré la réforme ont choisi d augmenter la taille de leur troupeau et/ou d intensifier la production en donnant davantage de concentrés énergétiques aux vaches en complément des rations de fourrage (Harris 2005). Toutefois, cette intensification de la production a été freinée par les deux périodes de sécheresse très importantes comme en témoigne l évolution irrégulière du nombre de vaches par ferme entre 2001 et 2006 présentée à la Figure 2.3. En effet, alors que le nombre de vaches par ferme avait été en croissance très régulière dans les années précédant la réforme de 2000, on note depuis ce temps des paliers suivis d accélérations brusques de la taille moyenne des fermes. Ces paliers s expliquent par les périodes de sécheresse qui limitent l alimentation disponible pour les troupeaux laitiers. Groupe AGÉCO 8

Figure 2.3 Évolution de la taille moyenne des fermes laitières en Australie, 1980-1981 à 2006-2007 250 Vaches/ferme 225 200 175 150 125 100 75 80/81 82/83 84/85 86/87 88/89 90/91 92/93 94/95 96/97 98/99 00/01 02/03 04/05 06/07 Sources : Dairy Australia, commande spéciale et ABARE, Summary of Australian statistics for dairy products. 2.2 PRIX AUX PRODUCTEURS L impact de la réforme sur les prix à la production doit être considéré distinctement pour les producteurs de lait de transformation et les producteurs de lait de consommation. Le prix du lait de transformation, qui représente plus de 80 % de la production laitière australienne, était déjà soumis aux fluctuations des prix du marché international depuis la réforme de 1986. Le prix du lait de consommation était pour sa part un prix administré, fixé par chaque État au début de l année laitière. La réforme a supprimé la distinction entre les deux laits et donc, l administration des prix du lait de consommation. Puisque la part du lait produit pour le marché frais ou pour la transformation différait grandement d un État à l autre, les effets de la réforme sur les prix reçus par les producteurs diffèrent d un État à l autre. Le Tableau 2.1 montre l évolution des prix du lait à la production avant et après la réforme dans chacun des États ainsi que pour l ensemble du pays. Groupe AGÉCO 9

Tableau 2.1 Évolution du prix à la production par État en Australie, 1997-1998 à 2006-2007, en cents australiens par litre NSW VIC QLD SA WA TAS AUST Part relative du lait de consommation et de transformation (%C / %T) 99/00 43/57 6/92 45/55 26/74 46/54 8/92 18/82 Lait de transformation 97/98 25,1 22,7 24,0 21,8 25,6 20,4 22,9 98/99 25,3 23,0 23,7 23,1 24,7 21,8 23,2 99/00 21,8 20,7 21,9 22,2 24,6 18,9 20,9 Lait de consommation 97/98 49,6 43,1 55,3 43,8 45,1 45,0 47,9 98/99 47,0 43,4 55,7 44,2 44,4 45,7 47,4 99/00 47,7 42,7 54,9 44,6 45,5 44,3 47,2 Lait total pondéré en fonction de la proportion de lait de consommation 97/98 37,1 24,2 38,4 28,7 35,1 22,6 28,0 98/99 35,6 24,4 38,5 29,1 34,1 23,7 27,8 99/00 32,9 22,1 36,8 28,0 34,2 20,9 25,6 Lait total après déréglementation 00/01 29,1 29,3 30,6 27,7 26,6 25,0 29,0 01/02 32,5 33,3 34,5 31,5 28,7 32,7 33,0 02/03 32,8 24,8 34,8 30,3 28,2 25,9 27,1 03/04 30,9 26,7 33,8 28,2 27,4 27,2 27,9 04/05 32,9 31,5 35,0 30,1 27,2 30,9 31,5 05/06 34,3 32,9 36,6 32,0 29,0 33,6 33,1 06/07(p) 35,7 32,0 38,8 32,6 32,0 36,5 33,2 (p) Provisoire. Sources : Dairy Australia, Australian Dairy Industry in Focus et nos calculs. Pour l ensemble de l Australie, le prix moyen à la production a augmenté de 13,3 % après la déréglementation en 2000-2001 par rapport au prix moyen pondéré de l année précédente. Cette augmentation du prix moyen à la production témoigne du fait que la réforme s est effectuée à un moment relativement favorable dans l évolution du prix des produits laitiers sur le marché international. D ailleurs, le prix moyen à la production de l année 2002-2003 a été en baisse, comme le prix mondial, montrant là la sensibilité du prix à la production en Australie aux conditions du marché international (cf. Figure 2.4). De la même manière, la reprise des prix depuis 2003-2004 reflète l augmentation des prix sur le marché international. Pour les États individuels, seuls deux d entre eux, Victoria (VIC) et Tasmania (TAS), ont profité de cette embellie des prix, soit ceux dont la proportion de lait de consommation dans les livraisons totales était la plus faible et qui, donc, étaient déjà les plus liés à l évolution des prix du marché international. Pour les trois États dans la situation inverse, New South Wales (NSW), Queensland (QLD) et West Australia (WA), le prix moyen à la Groupe AGÉCO 10

production en 2000-2001, après déréglementation, a été inférieur au prix pondéré de 1999-2000 respectivement de 11,6 %, 16,8 % et 28,6 %. Ainsi, l impact de la déréglementation sur les producteurs de lait de consommation est sans équivoque. Pour eux, la déréglementation a signifié une diminution drastique du prix reçu pour leur lait entre 1999-2000 et 2000-2001 variant entre 31 et 44 % selon leur État d appartenance. Et ce n est que grâce à une augmentation soutenue des prix sur le marché international que les producteurs du New South Wales et du Queensland ont pu retrouver à compter de 2005/2006 un niveau de prix moyen équivalent ou supérieur à celui qu ils avaient en 1999/2000. Quant à ceux du West Australia, ils n y sont pas encore rendus. Figure 2.4 Évolution du prix du lait à la production en Australie et du prix international 1, 1997-1998 à 2006-2007 34,0 AUS/litre $US/tonne 2 500 32,0 30,0 2 000 28,0 1 500 26,0 1 000 24,0 22,0 500 20,0 97/98 98/99 99/00 00/01 01/02 02/03 03/04 04/05 05/06 06/07(p) 0 Prix australien Prix mondial 1 Moyenne des prix du beurre, du cheddar et de la poudre de lait écrémé et entier. Sources : Dairy Australia, Australian Dairy Industry in Focus ; FAO, International Commodity Prices et nos calculs. La situation de chaque producteur a varié en fonction de la proportion exacte de son quota individuel de lait de consommation dans ses livraisons totales. De plus, comme il n y a ni négociation collective des prix du lait à la production ni contrôle gouvernemental de leur niveau dans un contexte de déréglementation, le prix payé peut varier d un transformateur à l autre, d autant plus que des primes peuvent être versées sur les livraisons de lait de consommation afin de garantir un approvisionnement à l année (Harris 2005). 2.3 SITUATION FINANCIÈRE DES PRODUCTEURS La diminution des prix perçus par les producteurs de lait de consommation devait en principe être partiellement compensée par un versement direct trimestriel jusqu en 2008. Groupe AGÉCO 11

Toutefois, comme mentionné, la grande majorité des producteurs demeurés en production ont choisi de percevoir l aide en un seul versement. L impact des sommes perçues sous forme d aide de transition n est donc pas significatif dans l évolution des revenus annuels des fermes laitières, présenté à la Figure 2.5, surtout lorsque l on considère que plus de 80 % de la production laitière australienne est destinée au lait de transformation. Figure 2.5 Recettes monétaires, revenu net et bénéfice d exploitation 1 moyens des fermes laitières australiennes, 1995/96 à 2005/06 500 000 $ AUS Vaches/ferme 300 400 000 250 300 000 200 200 000 150 100 000 100 0-100 000 95/96 97/98 99/00 01/02 03/04 05/06(p) 50 0 Recettes monétaires Revenu net Bénéfice d'exploitation Vaches par ferme 1 : Recettes monétaires : Revenus agricoles bruts totaux, incluant les paiements gouvernementaux. Revenu net : Recettes monétaires moins les dépenses d exploitation. Bénéfice d exploitation : Revenu net moins les amortissements et la rémunération de l exploitant. Source : ABARE, Australian Farm Survey 1998 à 2007 et ABARE, Summary of Australian statistics for dairy products. Ainsi, l impact de la réforme sur la situation financière moyenne des fermes laitières australiennes ne semble pas significatif. Au cours des années récentes, les résultats moyens des fermes laitières australiennes ont été davantage affectés par les effets de la sécheresse et l augmentation de certains coûts (aliments achetés, combustibles) que par l évolution du prix des produits laitiers (ABARE 2007). Cependant, le maintien des revenus bruts en dollars courants n a pu se faire que par une augmentation marquée du nombre moyen de vaches par ferme. Et si l on tient compte de l inflation, le pouvoir d achat en termes réels des producteurs laitiers australiens a diminué. La Figure 2.6 présente l évolution du revenu net des entreprises laitières de trois régions laitières : les États de Victoria (6 % de lait de consommation), de New South Wales (43 % de lait de consommation) et de Queensland (45 % de lait de consommation). On constate, dès la première année suivant la réforme, la diminution du revenu net des fermes du Queensland et du New South Wales, deux États où le lait de consommation représentait une part importante des livraisons. À l opposé, le revenu net est en augmentation dans l État de Victoria, conséquence de l amélioration des prix internationaux des produits laitiers. Pour les années suivantes, l importance des sécheresses consécutives qui ont affecté Groupe AGÉCO 12

l Australie complique l analyse de l évolution de la situation financière. Les résultats moyens des fermes laitières ne semblent pas toutefois avoir été affectés de manière beaucoup plus importante dans les États à forte proportion de lait de consommation. Ce résultat peut par contre s expliquer en partie par la plus forte proportion de fermes qui ont choisi de quitter la production dans ces États. Or, les fermes qui ont choisi de se retirer sont en majorité des fermes de plus petite taille et/ou dans une situation financière plus difficile. Figure 2.6 Revenu net des fermes laitières australiennes des États de Victoria, New South Wales et Queensland, 1995/96 à 2005/06 140 000 $ AUS 120 000 100 000 80 000 60 000 40 000 20 000 0 95/96 97/98 99/00 01/02 03/04 05/06(p) New South Wales Victoria Queensland Source : ABARE, Australian Farm Survey 1998 à 2007. Le montant de l aide perçu par les producteurs varie grandement d un État à l autre, selon l importance que représente le lait de consommation dans les livraisons et selon la taille des fermes. D après les prévisions du programme, il devait s élever à 98 000 $ AUS en moyenne pour les fermes de l État de Victoria et 384 000 $ AUS en moyenne pour les fermes du New South Wales. En moyenne pour l Australie, le montant moyen des versements pour les fermes admissibles devait s élever à 136 000 $ AUS, ce qui équivaut à une perte de 2 ou 3 ans de revenu moyen (Harris 2005). Des suites de la réforme, les producteurs qui ont fait le choix de demeurer en production ont dû procéder à des ajustements pour s adapter à la nouvelle réalité de revenu à laquelle ils étaient confrontés. Ainsi, la grande majorité des producteurs de lait de consommation ont dû soit augmenter les superficies en culture et améliorer la gestion des pâturages, soit réviser le programme alimentaire du troupeau afin d améliorer les performances ou soit encore diversifier leur agriculture en ajoutant de nouvelles activités, incluant des activités hors-ferme (Harris 2005). Groupe AGÉCO 13

2.4 PRIX AUX CONSOMMATEURS Mise à jour de l analyse du cas Australien Enfin, la déréglementation du secteur laitier aura eu des impacts sur le prix à la consommation des produits laitiers. La Figure 2.7 montre l évolution des différents indices de prix en dollars australiens courants sur une base d indice 100 au moment de la mise en œuvre de la déréglementation du secteur du lait de consommation en juin 2000. On peut y constater que le prix au détail du lait de consommation a effectivement diminué pour les deux trimestres suivant la déréglementation du secteur, entraînant dans sa chute le prix moyen au détail de l ensemble des produits laitiers. Au niveau du fromage et des autres produits laitiers, incluant le beurre, la baisse des prix à la consommation a été à peine perceptible, et dans le cas du fromage, qui accapare une importante part de la production de lait (38 % en 2001-2002, Spencer 2004), le niveau des prix est en hausse constante depuis mars 2003. Figure 2.7 Évolution de l indice des prix à la consommation des produits laitiers 1, Australie, juin 1981 à juin 2007 (indice 100 = juin 2000) 150 130 110 90 70 50 30 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 Lait Fromage Autres Produits laitiers 1 La catégorie Autres inclut le beurre. Source : Australian Bureau of Statistics. À partir de juin 2000, la reprise de l augmentation de l indice des prix au détail de l ensemble des produits laitiers est plus marquée que celle du lait de consommation jusqu en décembre 2001. Cependant, à partir de cette date, l écart entre les deux indices qui atteint alors un maximum de 5,2 % commence à se réduire pour atteindre 3,2 % en mars 2004, et il se stabilise à ce niveau jusqu en juin 2006 (cf. Figure 2.8). Depuis, la forte hausse du prix des fromages sur le marché international semble avoir été répercutée au consommateur australien, ce qui a conduit a augmenter à nouveau l écart entre les deux indices. Mais il ne s agit plus d un effet de la déréglementation du marché du lait de consommation. Groupe AGÉCO 14

Figure 2.8 Évolution de l écart entre le prix du lait de consommation au détail et l'ensemble des produits laitiers, Australie, juin 2000 à septembre 2007 0,0% -1,0% -2,0% -3,0% -4,0% -5,0% -6,0% 2000 mars- 2001 déc- 2001 sept- 2002 2003 mars- 2004 déc- 2004 sept- 2005 2006 mars- 2007 1 La catégorie Autres produits laitiers inclut le beurre. Source : Australian Bureau of Statistics. Les consommateurs australiens semblent donc avoir bénéficié d une diminution relative du prix au détail du lait de consommation, mais de très faible amplitude, ou plus justement d une moindre progression. Ce gain relatif doit être mis en perspective avec les baisses de prix à la production beaucoup plus importantes subies par les producteurs de lait de consommation et la restructuration du secteur de production que cela a provoqué. Pour obtenir une diminution relative du prix à la consommation de l ordre de 3 %, valait-il la peine de couper les prix à la production du lait de consommation de plus du tiers? et de perdre en cinq ans plus du quart des exploitations laitières du pays? À la Figure 2.9, on constate qu à la suite de la réforme, le prix moyen du lait payé par les transformateurs à la sortie de la ferme a diminué, de même que le prix au détail. Toutefois, bien qu après avoir augmenté légèrement en 2002, le prix payé par les transformateurs, qui suit le marché mondial, a subi en 2003, une autre baisse. Le prix de détail quant à lui a aussi diminué lors de la mise en place de la réforme mais a tout de même repris son ascension par la suite. Ainsi, on constate que la marge (transformation et distribution) a grandement augmenté suivant la déréglementation de l industrie. Aussi, depuis la déréglementation, les producteurs ont vu diminuer la part qu ils accaparaient du dollar du consommateur dépensé pour acheter un contenant de deux litres de lait frais au détail (cf. Figure 2.10). Ce sont les détaillants qui ont pu, par le pouvoir de marché qu ils détiennent, augmenter leur part du dollar dépensé à la consommation. Groupe AGÉCO 15

Figure 2.9 Prix au détail versus prix payé à la ferme par les transformateurs, Australie, 1998 à 2007, en $ AUS / 2 litres 3,50 $AU / 2l 3,00 2,50 2,00 1,50 1,00 0,50 0,00 juil-98 juil-99 juil-00 juil-01 juil-02 juil-03 juil-04 juil-05 juil-06 juil-07 Prix au détail Prix à la ferme Source : Dairy Australia, adapté de Spencer 2004. 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% Figure 2.10 Répartition de la part du dollar du consommateur pour un contenant de 2 litres de lait, Australie, 1997, 2000 et 2003 30% 20% 10% 0% 1997 2000 2003 Producteur Transformateur Gouvernement Détaillant Source : Spencer 2004. Groupe AGÉCO 16

3. CONCLUSION L Australie a fait le choix de réformer sa politique laitière et de soumettre son secteur laitier aux règles du libre marché. La totalité des mesures d intervention sur les prix ont été abolies et une aide de transition a été offerte aux producteurs sans égard à leur choix de demeurer en production ou de quitter le secteur. Cette réforme a sans contredit provoqué une évolution structurelle importante et, près de huit ans après l entrée en force de la réforme, le niveau de production agrégé n a pas retrouvé son niveau d avant la réforme. Le nombre de fermes lui, a diminué de près de 40 %. L impact de la réforme sur la situation financière des producteurs laitiers australiens ne semble pas catastrophique si l on regarde les résultats moyens. L amélioration des prix des produits laitiers sur le marché international a favorisé une transition en douceur, entraînant même une augmentation des recettes des producteurs la première année. Par contre, la situation des producteurs de lait de consommation est moins reluisante. Ces derniers ont en effet dû accuser un recul important de leurs recettes laitières et de leur revenu net en plus d avoir à absorber la perte en capital causée par l élimination de leur quota. Huit ans après l entrée en vigueur de la réforme, les ajustements apportés par les producteurs de lait de consommation ne leur ont toujours pas permis de retrouver le niveau de rentabilité d avant la réforme. L impact ressenti au niveau de la ferme ne semble toutefois pas s être transmis dans les prix à la consommation. En effet, après une diminution significative dans les premiers mois suivant la réforme, les prix au détail du lait de consommation ont rapidement retrouvé et même dépassé leur niveau d avant la réforme alors que le prix à la ferme demeurait nettement inférieur. Le bénéfice escompté pour le consommateur ne semble donc pas s être matérialisé et semble avoir plutôt atterri dans les coffres des intermédiaires sous forme de marges plus élevées. Groupe AGÉCO 17

BIBLIOGRAPHIE GERMAN MARSHALL FUND OF THE UNITED STATES (GMF). «Life After Reform? Australia s Dairy Deregulation», mai 2007, http://www.gmfus.org/event/detail.cfm?parent_type=e&id=392, consulté en janvier 2008. HARRIS, David. Australian Dairy Market Deregulation: Coping with Policy Change, WCDS Advances in Dairy Technology, vol. 19, pages 121-133, 2007, http://www.wcds.afns.ualberta.ca/proceedings/2007/manuscripts/david.pdf, consulté en décembre 2007. HARRIS, David. Industry Adjustment to Policy Reform : A case study of the Australian dairy industry, RIRDC Publication No 05/110, August 2005, http://www.rirdc.gov.au/reports/glc/05-110.pdf, consulté en décembre 2007. HARRIS, Davis et Allan RAE. Agricultural Policy Reform and Industry Adjustment in Australia and New Zealand, International Agricultural Trade Research Consortium, juin 2004, http://ageconsearch.umn.edu/bitstream/123456789/20305/1/cp04ha01.pdf, consulté en janvier 2008. SPENCER, S. Price Determination in the Australian Food Industry: A report, Australian Government, Department of Agriculture, Fisheries and Forestry, Canberra, 2004. http://www.daff.gov.au/ data/assets/pdf_file/0003/182442/food_pricing_report.pdf, consulté en janvier 2008. Groupe AGÉCO 18