Pharmacologie des anti-inflammatoires non stéroïdiens UE Appareil Locomoteur 2013/2014 Dr. Youssef Bennis Service de Pharmacologie Clinique CHU d Amiens
Physiopathologie de l inflammation et cibles thérapeutiques
Physiopathologie de l inflammation Infection, Trauma, Hypoxia Lee HN & Surh YJ. Biochem Pharmacol. 2012;84(10):1340-50
Physiopathologie de l inflammation aiguë : les 3 phases
Physiopathologie de l inflammation aiguë : les 3 phases Alessandri AL et al. Pharmacol Ther. 2013;139(2):189-212 Phase 1 : phase productive activation des cellules résidentes (endothéliales, épithéliales, dendritiques ) expression de molécules d adhésion, libération de facteurs pro-inflammatoires recrutement des polynucléaires neutrophiles et des monocytes qui secrètent à leur tour de nombreux facteurs Phase 2 : phase de transition libération de médiateurs anti-inflammatoires («signaux de résolution») apoptose des polynucléaires neutrophiles qui sont phagocytés par les macrophages diminution du recrutement des PNN mais augmentation du recrutement des monocytes se transformant en macrophage et poursuivant le processus de phagocytose des PN Phase 3 : phase de résolution les macrophages sécrètent des facteurs anti-oxydant et anti-fibrotiques limitant la nécrose et la fibrose du tissu sont éliminés par voie lymphatique
Physiopathologie de l inflammation aiguë : de très nombreux médiateurs Lee HN & Surh YJ. Biochem Pharmacol. 2012;84(10):1340-50
Inflammation aiguë: intérêt des lipides pro et anti-inflammatoires Cibles thérapeutiques actuelles Lipoxins Cibles thérapeutiques futures? Serhan CN & Savill J. Nat Immunol. 2005;6(12):1191-7.
Synthèse des prostanoïdes pro-inflammatoires Lipoxines (LX) Leukotrienes (LT) LOX 5, 15 Glucocorticoïdes AINS Thromboxane (TX) Prostaglandines (PG) Ricciotti E. & FitzGerald GA. Arterioscler Thromb Vasc Biol. 2011;31:986-1000
Effets des prostanoïdes pro-inflammatoires Serhan CN et al. Nat Rev Immunol. 2008;8(5):349-61.
Effets des prostanoïdes pro-inflammatoires AINS Funk CD. Science. 2001 Nov 30;294(5548):1871-5.
Différences entre cyclo-oxygénases 1 et 2 Remarque : existe aussi COX-3, mais rôle encore mal compris
Inhibition des cyclo-oxygénases 1 et 2 : effets et méfaits Jouzeau JY et al. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:C7-C17 Botting RM. J Physiol Pharmacol. 2006;57(S5):113-24.
Inhibiteurs de cyclo-oxygénases : plus d une vingtaine de molécules Salicylés (ex: aspirine) Dérivés arylcarboxyliques (ex: Ibuprofene) Dérivés indoliques (ex: Indométacine) Oxicams (ex: piroxicam) Coxibs (ex: celecoxib) Warner TD et al. Proc. Natl. Acad. Sci. USA. 1999;96:7563-7568
Activation des médiateurs de la «résolution» inflammatoire Acide gras polyinsaturés «Omega 3» Serhan CN. Am J Pathol. 2010;177(4):1576-91
Activation des médiateurs de la «résolution» inflammatoire Serhan CN. Et al. Nat Rev Immunol. 2008;8(5):349-61.
Effet anti-inflammatoire et antalgique des résolvines Modèle d arthrite aiguë chez le rongeur (injection intraplantaire d adjuvant de Freund = CFA) Evaluation de la douleur mécanique (test de von Frey) +/- 17(r)HDoHE = Précurseur de Résolvine D 30 mn après induction 3 jours après induction 14 jours après induction Lima-Garcia JF. Br J Pharmacol. 2011;164(2):278-93.
Effet anti-inflammatoire et antalgique des résolvines Diminution de la sensibilité à la douleur (MPE = maximum possible effect) Nat Med. 2010;16(5):592-7 Arthrite aiguë chez le rongeur Injection intra-plantaire : - d adjuvant de Freund (CFA) - de carraghénane (CRG) Diminution de l œdème Diminution du recrutement de PNN (activité myéloprexoxidase MPO) Diminution de la sécrétion de facteurs pro-inflammatoires
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Voie orale: absorption rapide et quasi complète. Parfois prodrogue Existence de formes LP, parfois association forme immédiate et LP (Bi-profenid, Chrono-indocid ) Voie rectale résorption irrégulière Voie parentérale IM, + Aspégic IV et Profénid IV (douleurs postopératoires) Voies locales nombreuses: collyres, gels percutanés avec cependant possibilité de passage systémique
Propriétés pharmacodynamiques des AINS Action antipyrétique essentiellement les salicylés. Les AINS réduisent la fièvre d origine infectieuse, inflammatoire ou néoplasique, en inhibant la synthèse de PGE2 (induite par des cytokines, notamment l interleukine-1), dans l aire préoptique de l hypothalamus (centre de la thermorégulation) Action antalgique (antalgiques du palier I) s exprime à faibles doses. Action importante périphérique au niveau du site inflammatoire quand les douleurs sont dues à un excès de nociception où les PG jouent un rôle pathogène: douleurs de l appareil locomoteur, céphalées, douleurs postopératoires, douleurs dentaires, dysménorrhées, colique hépatique, colique néphrétique... Action anti-inflammatoire souvent à posologies plus élevées, agissent surtout sur la composante vasculaire de l inflammation, responsable de la classique tétrade : œdème, douleur, rougeur et chaleur. Leur action est rapide, mais simplement suspensive. L action anti-inflammatoire disparaît rapidement après l arrêt de l AINS. Ne modifient pas l évolution des rhumatismes inflammatoires chroniques. Action anti-agrégante. Tous les AINS anti-cox-1 interfèrent avec les fonctions plaquettaires. Cependant, les anti-cox-2 sélectifs présenteraient moins d interférences. L effet anti-agrégant de l aspirine ne nécessite que de faibles doses (75 à 250 mg/jour) et persiste une semaine après l arrêt du traitement, du fait de l inhibition irréversible de la cyclooxygénase plaquettaire
Propriétés pharmacodynamiques des AINS Faure S. Actual Pharm. 2009;489:53-58
Propriétés pharmacocinétique des AINS Absorption digestive rapide et importante (biodisponibilité 70-90 %) Fixation à l albumine importante (>95%) pour la plupart des AINS, d où risque d interactions (AVK, sulfamides hypoglycémiants, phénytoïne) Distribution large et diffuse incluant les tissus articulaires, diffusion facilitée dans les tissus inflammatoires Passage BHE, placenta, lait Métabolisme hépatique fréquent et important (90%) Excrétion rénale sous la forme de métabolites Compétition possible au niveau des phénomènes de sécrétion et de réabsorption rénale Demi-vie variable : Courte 2 à 6h : ibuprofène, flurbiprofène, kétoprofène, acide niflumique, diclofénac) moyenne 10-18h: diflunisal, sulindac, fenbufène, naproxène longue 1-4 j : oxicams, phénylbutazone AINS LP pour effet prolongé d AINS à courte demi-vie (Chrono-Indocid, BiProfenid, Cebutid LP, Voltarène LP, Lodine LP)
Indications thérapeutiques des AINS Les AINS sont indiqués dans de très nombreuses pathologies, en particulier dans les spécialités suivantes : En rhumatologie, en cas de rhumatismes inflammatoires chroniques, d arthroses douloureuses et invalidantes, d affections abarticulaires (tendinites, lombalgies, périarthrite), d arthrites microcristallines (goutte). En neurologie, contre les céphalées. En ORL et stomatologie, en cas de douleurs dentaires. En traumatologie, pour calmer les douleurs. En gynécologie, en cas dysménorrhées. En urologie, en cas de colique néphrétique. En cancérologie, contre les douleurs et les hypercalcémies. En cardiovasculaire pour prévenir les accidents ischémiques (action antiplaquettaire).
Effets indésirables des AINS Digestifs Cutanés, muqueux, «intolérance» Rénaux Hématologiques Neurosensoriels Gynéco-obstétricaux Infectieux
Effets indésirables digestifs des AINS Thiéfin G & Bannwarth B. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:C96-C102
Effets indésirables digestifs des AINS Fréquents, généralement dose-dépendants, communs à tous les AINS anti-cox-1 et à toutes les formes galéniques et voie d administration (orale, rectale, parentérale). Liés à l inhibition de la synthèse des PG dont certaines ont un rôle protecteur sur la muqueuse digestive (PGI2). Les effets digestifs mineurs comprennent épigastralgies, nausées, douleurs abdominales, troubles du transit (10 à 40 % des cas traités avec 5 à 10 % d arrêts de traitement). Intérêt des Anti-Cox2 sélectifs (coxibs)? Silverstein FE et al. JAMA. 2000;284(10):1247-55. Bombardier C et al. N Engl J Med. 2000;343(21):1520-8
Effets indésirables cutanéo-muqueux des AINS Retrouvé assez fréquemment avec les AINS, en particulier l acide méfénamique (fréquence de 10 à 15 %) et le sulindac (fréquence de 5 à 10 %). Prurit, éruptions variées parfois sévères (toxidermies bulleuses), stomatites, bronchospasme, rhinite, œdème de Quincke = Hypersensibilité de mécanisme immunoallergique ou terrain particulier (excès de leucotriènes ou sensibilité excessive de leurs récepteurs) syndrome de Widal = asthme + polypose nasosinusienne, hypersensibilité (oedème de Quincke et/ou urticaire) à l aspirine et aux AINS Lésions de phototoxicité avec gels cutanés de kétoprofène (éviter exposition solaire même modérée)
Effets indésirables rénaux des AINS Insuffisance rénale aiguë (IRA) d origine hémodynamique (fonctionnelle) liée à la perte d autorégulation de la filtration glomérulaire Facteurs favorisants: Insuffisance cardiaque, déshydratation, diurétiques, traitement concomitant par inhibiteur de l enzyme de conversion, syndrome néphrotique, cirrhose décompensée Inhibition de la biosynthèse des prostaglandines (PGE2, PGI2) intervenant dans le maintien du flux sanguin rénal, et plus particulièrement dans la vasodilatation compensatoire produite par la PGE2 en réponse à l action de la noradrénaline ou de l angiotensine II. Néphrites interstitielles, Hyperkaliémie La durée de traitement et la dose n interviennent que peu dans ce cas, habituellement réversible après arrêt de l AINS, mais parfois de manière incomplète. Les deux isoformes de la COX sont exprimées dans les reins sous forme constitutive et inductible. Les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 peuvent causer une rétention sodique et réduire le débit de filtration glomérulaire comme les AINS non sélectifs.
Effets indésirables cardiovasculaires des AINS Complications à type d infarctus du myocarde ou d accident vasculaire cérébral ischémique (coxibs +++ justifiant, mais risque au long cours avec tous les AINS, risque moindre pour le naproxène, plus important avec le diclofénac?) Cause : déséquilibre dans la production du thromboxane A2 (TXA2) et de la prostacycline (PGI2) L aspirine, à faibles doses, inhibe sélectivement la formation du TXA2 à partir des plaquettes sans inhiber la synthèse endothéliale de la PGI2
Effets indésirables cardiovasculaires des AINS
Effets indésirables cardiovasculaires des AINS
Autres effets indésirables des AINS Risque infectieux Masquage des symptômes d une infection Diminution des défenses immunitaires Les IM favoriseraient les nécroses tissulaires: fasciites nécrosantes, abcés Hématologiques Anémie hypochrome microcytaire amenant à découvrir un saignement digestif Très rarement, accidents médullaires: neutropénies, thrombopénies, agranulocytoses, anémies érythroblastopéniques (phénylbutazone +++) Neurosensoriels Surtout avec l indométacine et l aspirine céphalées, vertiges, acouphènes, pfs troubles du sommeil ou du comportement Gynécologiques Effet tocolytique: augmentation de la durée de gestation, ralentissement du travail risque de fermeture prématurée du canal artériel IRA néonatale, majoration du risque d hémorragies puerpérales et néonatales CI à partir du 6 ème mois Hépatotoxicité surtout avec le nimésulide (Nexen ) hépatites plus fréquentes et plus sévères qu avec les autres AINS
Contre-indications Ulcère digestif en évolution Insuffisance hépatique ou rénale sévère 3ème trimestre de la grossesse Allaitement ATCD syndrome de Widal Varicelle limitation d utilisation des autres «coxibs» si facteurs de risque CV (HTA dyslipidémie, diabète et tabagisme, CI si antécédent d accident de thrombose artérielle Certaines interactions
Interactions médicamenteuses
Interactions médicamenteuses
Omega 3 et dérivés
Rev Prescrire 2013;33(355):368-369 Apport alimentaire en DHA/EPA Prévention cardiovasculaire Inefficace Maladies inflammatoires (PR, Crohn, Asthme ) Données cliniques insuffisantes (cf. Yates CM et al. Pharmacol Ther. 2013 Nov 4) Nombreux compléments alimentaires sur le marché mais pas de preuves d efficacité clinique! Intérêt des métabolites de DHA/EPA (resolvines, protectines) dans l inflammation? Evaluation chez l Homme? Dose? Modalités d administration? Affaire à suivre
Pharmacologie des anti-arthrosiques UE Appareil Locomoteur 2013/2014 Dr. Youssef Bennis Service de Pharmacologie Clinique CHU d Amiens
Définition de l arthrose Définie selon l OMS par «la résultante des phénomènes mécaniques et biologiques qui déstabilisent l équilibre entre la synthèse et la dégradation du cartilage et de l os sous-chondral» Caractérisée par une dégradation du cartilage associée à des remaniements de l os sous-chondral, une production d ostéophytes et des épisodes limités d inflammation synoviale. C est donc une maladie de l articulation et pas seulement une maladie du cartilage
Physiopathologie de l arthrose Source : Collège Français des Enseignants en Rhumatologie
Traitements pharmacologiques de l arthrose Antalgiques simples au long cours (paracétamol jusqu a 4g par jour) au cours de poussées plus douloureuses (AINS sur une durée la plus courte possible en tenant compte des risques digestifs et cardiovasculaires, notamment chez la personne âgée) Anti-arthrosiques à action lente Glucosamine sulfate, Chondroïtine sulfate, Diacéréine, Insaponifiable d avocats et de soja le but est de «reconstituer» un liquide synovial efficace Effet antalgique nulle à modeste au long cours selon les essais cliniques (par cures de 3 mois répétées deux fois par an) Effet préventif sur la destruction du cartilage non démontré Intérêt pour réduire la consommation d AINS car meilleure tolérance Injections intra-articulaires Se pratiquent sous contrôle scopique ou échographique. Bonne efficacité d 1 injection de corticoïde sur 3 mois. Contre-indiquées en cas d infection locale ou générale, de matériel intra-articulaire. Injections d'acide hyaluronique en cours d'évaluation mais les premiers essais randomises montrent des résultats plutôt décevants. Biothérapie : anti-tnfα, anti-il-1 Evaluation en cours