FINANCE Les bonus en peau de chagrin Rien ne va plus à Wall Street



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Transcription:

Courrier international Presseurop Le Monde Télérama Le Monde diplomatique Le Huffington Post La Vie Boutique Courrier international VENDREDI 16 MARS 2012 À la une > Hebdo n 1114 - Amériques - Économie FINANCE Les bonus en peau de chagrin Rien ne va plus à Wall Street Moins de risques, moins de profits, moins de primes : les grandes banques américaines ressentent les premiers effets de la réforme financière. Et vivent une crise existentielle. 08.03.2012 Gabriel Sherman New York Magazine Dessin de Schot, Pays-Bas. Chaque année à la saison des bo nus, Wall Street est le théâtre d un rituel au terme duquel va leur nette et amour-propre sont élégamment réduits à un nombre. Pour un observateur extérieur, les primes à sept ou huit chiffres perçues par les stars du système peuvent paraître obscènes, voire immorales. Mais, vues de l intérieur, ces rémunérations extravagantes reflètent une logique stricte et quasiment morale. Wall Street est essentiellement une méritocratie, me disait récemment un cadre de Citigroup. Si quelqu un perçoit un bonus, c est parce qu il a créé de la valeur pour son établissement. Le caractère sacré du bonus est fondé sur une croyance : l argent gagné à Wall Street relève de l ordre naturel du capitalisme. C est pourquoi, parmi les nombreuses secousses subies par Wall Street depuis 2008, aucune n a été plus déstabilisante que l information qui s est affichée sur les terminaux Bloomberg le 17 janvier dernier : Morgan Stanley plafonnait les primes en espèces à seulement 125 000 dollars. Une semaine plus tard, Bank of America annonçait qu elle allait à son tour réduire de 75 % la part en espèces de ses bonus. Et Goldman Sachs, qui Page 1 sur 6

sortait d un quatrième trimestre médiocre, a baissé les rémunérations de 21 %. Des règles plus strictes Ces dernières semaines, je me suis entretenu avec plus d une vingtaine de dirigeants, traders, banquiers, gestionnaires de fonds spéculatifs et opérateurs en capital-investissement de Wall Street. L image qui émerge de ces conversations est celle d une industrie en proie à une crise qu il ne serait pas exagéré de qualifier d existentielle. Le crash d il y a quatre ans a fortement secoué la classe financière. Mais ce qui se passe actuellement est encore plus terrifiant pour Wall Street. Il ne fait aucun doute que l économie elle-même la crise en Europe, les conséquences du tsunami au Japon, la reprise souffreteuse aux Etats-Unis a contribué aux difficultés du secteur. Mais même les économies les plus têtues finissent par se redresser. En réalité, les principaux problèmes qu affronte Wall Street sont structurels. La loi Dodd-Frank [de juillet 2010] qui encadre la réforme financière a d ores et déjà remodelé le système. Pour se conformer à ces règles [dont beaucoup n entreront en vigueur qu en juillet prochain], les banques ont entrepris de se débarrasser des deux principaux boosters qui gonflaient leurs profits : l endettement et les opérations pour compte propre [et non pour le compte de leurs clients]. A la suite du crash, les banques d affaires Morgan Stanley et Goldman Sachs se sont transformées [en septembre 2008] en holdings bancaires, afin d avoir accès au guichet de l escompte utilisé par la Réserve fédérale pour prêter des fonds à bon marché. La stratégie des banques, qui leur permettait d obtenir des crédits d urgence, semblait astucieuse. Mais leur nouveau statut les soumet aussi à des règles plus strictes qui limitent considérablement leur marge de manœuvre. Le gouvernement a étranglé le système bancaire, affirme l analyste Dick Bove. On a émasculé ces entreprises. Elles ne peuvent plus emprunter autant qu elles le faisaient. Réduire le risque quitte à amputer les bénéfices des banques était précisément ce que souhaitait le gouvernement. Et les traders de Wall Street en ont fait les frais. Par le passé, quand les rémunérations baissaient, les banques risquaient de voir leurs meilleurs talents aller frapper à la porte des établissements concurrents ou des fonds spéculatifs. Aujourd hui, alors que l ensemble du secteur se serre la ceinture et que les fonds spéculatifs prolifèrent, les dirigeants ne s en laissent plus conter par leurs stars du trading. Si vous êtes si malheureux, partez donc, a sèchement lancé le PDG de Morgan Stanley sur Bloomberg TV, quelques jours après l annonce du plafonnement des bonus. Confrontés à cette nouvelle réalité, banquiers et traders se demandent quelle est leur place dans le New York de l après-crise. Celui qui sort aujourd hui du Massachusetts Institute of Technology avec un doctorat n ira jamais à Wall Street, assure un cadre d un fonds spéculatif. Il ira dans la Silicon Valley. Là au moins vous pouvez espérer faire beaucoup d argent, devenir le prochain Mark Zuckerberg [le patron de Facebook], qui a d ailleurs l air de s amuser bien plus que nous. Depuis le crash, et surtout depuis l occupation [par les militants d Occupy Wall Street] de Zuccotti Park, en septembre dernier, on commence à Wall Street à admettre que les banquiers doivent revenir aux principes fondamentaux, évaluer leur valeur dans l économie et participer à sa reconstruction. Personne n a apprécié d être le bouc émissaire de l administration Obama ou d Occupy Wall Street. Mais beaucoup reconnaissent que les dents de scie boursières des dernières décennies, une bulle succédant à l éclatement de la précédente, ne sont pas dans l ordre naturel du capitalisme et que le système de rémunération était détraqué. Dans aucun autre secteur vous ne pouviez être payé autant pour faire si peu, observe un ancien Page 2 sur 6

trader de Lehman. La finance était devenue une autojustification, ajoute Paul Volcker [directeur du Conseil pour la reconstruction économique et ancien président de la Réserve fédérale], l éponyme de la réglementation [the Volcker Rule] qui est au cœur des changements en cours. Ces types se sont fait énormément d argent en négociant les uns avec les autres, pour un bénéfice douteux sur le plan de l intérêt général. La manière dont il faut recadrer, par le biais des impôts ou de la réglementation, le capitalisme tel qu il est pratiqué à Wall Street fait l objet d intenses discussions qui alimenteront le débat économique tout au long de la campagne présidentielle. Et nombre d acteurs du marché affirment encore qu entraver les activités de Wall Street pourrait avoir de graves conséquences. Les changements en cours sont d une ampleur exceptionnelle et n affecteront pas seulement les personnes privées de bonus cette année, explique l analyste Dick Bove. En tant que nation, nous avons décidé de limiter la croissance du système financier en faisant l hypothèse que cela n affectera pas la croissance de l économie. Une loi vilipendée Réduire le risque a peut-être été une bonne chose pour l économie, mais s est révélé désastreux pour les banques, qui enregistrent leurs pires résultats depuis des années. En janvier, JP Morgan annonçait un bénéfice trimestriel en baisse de 1,1 milliard de dollars. Les résultats de Goldman Sachs ont diminué de 56 %, ceux de Bank of America de 38 % et ceux de Morgan Stanley de 26 %. Le plus étonnant dans cette histoire, c est que peu de gens pensaient que la loi Dodd-Frank aurait quelque effet. Dès sa présentation, en 2009, le texte a été vilipendé d un bout à l autre de l éventail politique. La gauche souhaitait ressusciter la loi Glass-Steagall [de 1933], qui avait maintenu la séparation entre banques d investissement et banques commerciales jusqu à son abrogation, sous Clinton [en 1999], et estimait que la loi Dodd-Frank n allait pas assez loin. Les grandes banques affirmaient de leur côté que ce pavé de 2 300 pages créerait un maquis réglementaire dans lequel les compétences de plusieurs autorités de tutelle allaient se chevaucher, et qu il les empêcherait de rivaliser avec leurs concurrents étrangers. Les principales dispositions du texte obligation pour les banques de réduire leur endettement, interdiction des opérations pour compte propre, transparence plus grande des marchés des produits dérivés et arrêt des tarifications abusives des cartes de débit ont déjà porté un coup sévère au modèle d affaires de Wall Street, alors que la loi n entrera pleinement en vigueur qu avec la mise en œuvre de la réglementation Volcker, en juillet prochain. (D autres dispositions, comme les exigences relatives aux fonds propres, seront progressivement mises en œuvre d ici à 2016.) Si un Martien débarquait sur la Terre, il constaterait que les banques doivent augmenter leur capital et sont en train de devenir des entreprises à faible marge, explique un banquier. Il leur sera difficile, sinon impossible, de préserver leur taille et leur structure de rémunération. L année dernière, l industrie financière a licencié 200 000 personnes. Autrefois, Wall Street réalisait des bénéfices de façon bien peu excitante en prêtant de l argent, en prodiguant des conseils à l occasion de fusions et en supervisant les émissions d obligations et les introductions en Bourse. L endettement de l économie américaine n a réellement commencé qu au début des années 1980. Les banques ont alors profité d une succession de bulles financières, chacune plus grosse que la précédente. Les gens de Wall Street ont su convaincre tout le monde que la finance était très compliquée, qu ils étaient les seuls à pouvoir s y retrouver et que cela justifiait qu ils soient payés plusieurs millions de dollars, analyse un ancien trader de Lehman. Des obligations pourries des années 1980 à la folie des subprimes en passant par la crise des marchés Page 3 sur 6

émergents au début des années 1990, Wall Street a développé de nouvelles façons de produire, d emballer et de vendre de la dette à des investisseurs empressés. Le jargon qui a caractérisé le crash de 2008 CLO, CDO, CDS renvoyait à autant de véhicules financiers complexes conçus pour vendre toujours plus de crédit. Au cours des vingt-cinq dernières années, l économie mondiale est entrée dans un processus d endettement croissant, souligne un cadre dirigeant de Citigroup. La croissance de la dette était supérieure à celle de l économie. L industrie bancaire se trouvait à l épicentre de la création de crédit. Toutes les entreprises en dépendaient. Après l introduction en Bourse des grandes banques d investissement, la prudence qui avait jusque-là empêché leurs partenaires privés de prendre des risques excessifs leur propre argent était en jeu a disparu. L augmentation des profits et de la valeur des actifs des banques leur a permis d emprunter toujours plus d argent, lequel générait des profits toujours plus juteux. En fait, les banques se sont peu à peu transformées en fonds spéculatifs géants. Mais le grand triomphe de Wall Street fut sa capacité à exploiter le boom immobilier : ce secteur a été le théâtre de la plus grosse bulle de crédit de l Histoire et certains traders avisés ont également su tirer profit de sa spectaculaire explosion. La crise du crédit a détruit le modèle d affaires de Wall Street, et les règles qui se mettent en place saperont sa capacité à créer une nouvelle bulle. L une des dispositions de la réglementation Volcker interdit aux banques d investir plus de 3 % de leurs capitaux propres dans des fonds spéculatifs et en capitalinvestissement. Alors qu elles ne peuvent déjà plus mener des opérations pour leur propre compte, elles ne pourront pas non plus prendre de risques dans des fonds extérieurs. En décembre, la Réserve fédérale a annoncé que, au cours des années qui viennent, les banques seront obligées de doubler le montant de leurs fonds propres. Cela devrait restreindre leur endettement et, à terme, faire baisser leurs profits. A l apogée du boom, le ratio d endettement de Lehman Brothers ou de Bear Stearns était de 30, voire de 40 pour 1. En vertu des nouvelles règles, une banque ne pourra emprunter que 12 dollars pour chaque dollar dépensé. En Europe, les règles sont encore plus strictes : les autorités britanniques ont annoncé que les banques pourraient être contraintes de détenir en fonds propres jusqu à 20 % de leur bilan. Tout cela signifie que les établissements bancaires ne seront plus en mesure d emprunter autant d argent que par le passé pour consentir des prêts ou vendre des produits financiers à leurs clients. Même les activités de base grâce aux quelles ils engrangeaient des profits réguliers sont mises à mal. Pendant que la loi Dodd-Frank était débattue au Congrès, les banques ont violemment contesté un amendement proposé par le sénateur démocrate Dick Durbin et visant à réduire les commissions imposées aux commerçants [pour les transactions par carte de débit]. Mais l amendement Durbin a été adopté. Du jour au lendemain, le secteur a perdu une ressource représentant 6,6 milliards de dollars par an. Bank of America a aussitôt annoncé qu elle ferait payer 5 dollars par mois aux consommateurs pour leur carte de débit. Mais en novembre dernier, face aux réactions furieuses de ses clients, elle a laissé tomber son projet. La disposition Durbin est la pire de toutes, affirme un dirigeant d une grande banque. Les cartes de débit n avaient rien à voir avec la crise. De fait, nous procurons des services gratuits à nos clients. Maintenant, nous devons endosser le rôle du méchant. Tel un toxicomane, Wall Street fait aujourd hui ses premiers pas sur la voie de la guérison en reconnaissant ses erreurs. Capables d identifier du premier coup d œil une position perdante, une bonne partie des Page 4 sur 6

acteurs de la place se disent d accord avec les réformes fiscales proposées par Barack Obama. Il faudrait taxer plus fortement les dividendes, les revenus de placement et les plus-values, affirme Jamie Dimon, le PDG de JP Morgan Chase. Le taux d imposition devrait être relevé. On pourrait fixer un taux donné pour les gens gagnant plus de 1 million de dollars par an et un taux plus élevé pour ceux qui se font plus de 10 millions. Je pense que l on ne devrait pas autoriser les gens à léguer des sommes illimitées à leurs enfants. Les républicains sont remontés Même le financier Ken Langone, fondateur de l entreprise spécialisée dans l équipement de la maison The Home Depot qui reconnaît fièrement être plein aux as, ne défend pas le statu quo. J accepterai une hausse d impôts avec enthousiasme, affirme-t-il. Je suis tout à fait prêt à payer des impôts. Ce que je dis, c est qu il faut prendre cet argent et l utiliser pour réduire la dette. Cela dit, il ne faut pas oublier que, cha que fois que Wall Street a été confronté à de nouveaux obstacles réglementaires, il a rapidement trouvé des moyens de les contourner. De nombreuses dispositions du texte Dodd-Frank sont toujours en discussion à Washington, et les républicains sont déterminés à en faire capoter le plus grand nombre possible. Mais jamais depuis les années 1930 le secteur bancaire n a été aussi strictement encadré. Grâce aux lois adoptées à l épo que, il était resté à l abri du risque jusqu aux années 1980 et 1990, lorsque la dérégulation forcenée a libéré la finance de toute entrave. Aujourd hui, le nouveau système est conçu pour que la croissance de Wall Street ne dépasse plus celle de l économie dans son ensemble. REPÈRE Primes L ensemble des bonus en espèces versés par les banques d investissement de Wall Street au titre de 2011 ne devrait baisser que de 14 %, note The New York Times, alors que les bénéfices dégagés par ces établissements ont plongé de 51 %. The Wall Street Journal voit les choses différemment. Selon le quotidien des affaires, le plus bas niveau depuis la crise financière de 2008. La prime moyenne serait de 121 150 dollars (92 000 euros). Ces estimations ont été publiées par le contrôleur de l Etat de New York, qui s appuie sur les déclarations fiscales. Elles n incluent pas les actions distribuées par les banques. Page 5 sur 6

cette chute de 14 % ramènerait l enveloppe à 19,7 milliards de dollars, soit à lire également Pourquoi je quitte Goldman Sachs - The New York Times Courrier international 2012 Fréquentation certifiée par l'ojd ISSN de la publication électronique : 1768-3076 Page 6 sur 6