MINISTERE DE LA JUSTICE SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES PARIS LA MEDIATION FAMILIALE ET LES ESPACES DE RENCONTRE FAMILIALE NOTE DE SYNTHESE ESPAGNE, ITALIE, PAYS-BAS, PORTUGAL, SUISSE Juillet 2009
LA MEDIATION FAMILIALE ET LES ESPACES DE RENCONTRE FAMILIALE LES CADRES LEGAUX, LES FINANCEURS, LES COMPETENCES, LES LIEUX, LES RESULTATS OBTENUS ESPAGNE, ITALIE, PAYS-BAS, PORTUGAL, SUISSE NOTE DE SYNTHESE I. LA MEDIATION FAMILIALE La pratique de la médiation s'est affirmée au Portugal, aux Pays-Bas et en Espagne, grâce à l'intervention expresse des pouvoirs publics. En 1997, se mettait en place au Portugal, un projet expérimental de médiation publique gratuite dont les coûts étaient pris en charge par Ministère de la Justice, limité à certains conflits familiaux et à la seule circonscription judiciaire de Lisbonne ; son application fut élargie par la suite. Aux Pays- Bas, les procédures de médiation introduites à titre expérimental auprès de cinq tribunaux de district en 2000, ont conduit à l adoption d un système permanent de médiation institué à partir de 2005 auprès de l ensemble des tribunaux et des cours d appel. En Espagne, dans un contexte d'absence de dispositions nationales à même d'assurer l'uniformité des pratiques, sept communautés autonomes sur les dix sept que compte le pays ont adopté, entre 2001 (Galice et Valence) et 2008 (Pays Basque), des lois régissant la médiation familiale. En Italie, la première association de médiation familiale est née à Milan en 1987. La prolifération des activités de médiation a été par la suite essentiellement le fruit d initiatives privées de ce type ; plus tard et, dans une bien moindre mesure, la médiation sera utilisée par les services sociaux publics qui ont plusieurs fois financé une formation des opérateurs à la médiation. En l'absence de loi spécifique qui traiterait de la médiation sous tous ses aspects, la légitimité de la médiation est néanmoins unanimement reconnue, notamment par le système judiciaire qui y renvoie certaines affaires. En Suisse, la médiation familiale s est développée dès les années 1980, en particulier sous l influence de personnes qui se sont formées en Amérique du Nord ou
en Allemagne. Malgré l existence de certaines dispositions légales qui consacrent la médiation familiale, cette dernière ne jouit que d un soutien financier très limité de la part des cantons et demeure à ce jour presque confidentielle. La situation est toutefois en train de changer avec l'adoption du Nouveau Code de procédure civile unifié qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011 et réserve un chapitre entier à la médiation (en général), tout en y consacrant pour l'essentiel, les solutions actuellement en vigueur dans le canton de Genève. Définition. La médiation familiale est présentée partout comme une modalité non judiciaire de résolution des conflits, faisant intervenir un tiers (le médiateur) sans pouvoir de décision, qui accompagne les parties afin qu'elles parviennent à dialoguer et à trouver elles-mêmes une solution à leur conflit (l'accord de médiation). Champ d'application. La médiation est, dans certains lieux, réservée à la résolution des conflits issus du divorce et de la séparation (certains cantons suisses et la pratique italienne dominante malgré quelques dispositions législatives de principe plus larges). Partout ailleurs, la médiation traite des conflits portant sur le droit de la famille, les successions, tous conflits personnels ou économiques surgissant entre les personnes vivant sous un même toit (Espagne) et même les relations d'affaires entre les membres d'une même famille (Pays-Bas) ou les conflits de voisinage (Suisse). La médiation peut intervenir hors du contexte judiciaire ou pendant qu'une procédure judiciaire est en cours, hypothèse dans laquelle elle entraîne la suspension du cours de la procédure. Initiative du recours à la médiation. La médiation est une procédure volontaire : on ne peut l imposer aux parties. Mais le juge, les avocats, les services sociaux invitent souvent les parties à la médiation. Un renvoi obligatoire à la médiation serait notamment contraire aux règles idéologiques et déontologiques des associations des médiateurs, généralement hostiles à toute tendance à faire de la médiation une obligation. Néanmoins, le fait que la médiation soit proposée aux parties par le juge lui-même induit chez ces dernières un a priori positif face à la médiation. Le législateur néerlandais fait obligation au juge saisi d une procédure de divorce de proposer la médiation aux parties. Il le fait à l audience (25% des propositions de médiation faites par le juge) ou après l audience, par courrier (35%), par ordonnance ou jugement provisoire (35%), suite à une sélection des dossiers dans lesquels il estime que la médiation serait utile. Les parties peuvent également avoir l initiative de la médiation (elles l ont dans 5% des cas). Est à signaler le fait que les juges néerlandais sont spécialement formés à la recommandation de la médiation (c est-à-dire à l'identification des affaires où la voie de la médiation serait à même de faire émerger une meilleure solution dans l'intérêt de toutes les parties) ; ils sont, en outre, aidés, tout
comme les parties, par des «responsables de médiation» qui sont des agents judiciaires chargés de faciliter le la mise en place des processus de médiation. En Suisse, le nouveau Code de procédure civile unifié dispose que, dans les affaires impliquant des enfants, le juge peut exhorter les parties de s'engager dans une procédure de médiation. Une véritable exception à la règle du caractère volontaire de la médiation semble exister en Catalogne où le Code de la famille dispose le renvoi obligatoire à la médiation, sous l'ordre du juge, lorsque ce dernier constate que des aspects personnels et patrimoniaux de la séparation ou du divorce peuvent encore trouver solution grâce à un accord entre les parties. Le médiateur. Dans tous les pays étudiés, les professionnels qui exercent en tant que médiateurs satisfont généralement à une double condition : premièrement être titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur dans des domaines tels que le droit, la psychologie, le travail social ou avoir une expérience professionnelle préalable dans un de ces domaines et deuxièmement avoir suivi avec succès une formation spécifique en médiations (généralement de type master, comportant des cours théoriques et des stages pratiques) organisée par les universités ou les organismes professionnels (associations de médiateurs, barreaux), voire une formation agréée par le Ministère de la Justice (Portugal). Dans certains pays, la réunion de ces conditions est attestée par une autorité publique (les services locaux chargé de la tenue du Registre des médiateurs en Espagne, l'institut national de médiation ou l'association des avocats spécialisés en affaires familiales/médiateurs de divorce aux Pays-Bas). Pour pouvoir conduire une médiation relative à un litige dont les tribunaux ont déjà été saisis, certains systèmes exigent que les médiateurs se soient spécialement formés pour ce types d'affaires et que leur spécialisation soit expressément reconnue (476 médiateurs ainsi spécialisés et inscrits sur une liste spéciale parmi les 4145 médiateurs affiliés à l'institut néerlandais de médiation ; des médiateurs reconnus «auxiliaires de justice» et «accrédités» par l'une des trois fédérations et associations nationales de médiateurs suisses). En Italie, il n'existe pas de Registre ou de listes nationale ou régionales de médiateurs, ni d exigence légale impérative quant à leur formation. Néanmoins, les médiateurs suivent généralement des cours de type master ; pour y être admis il est généralement demandé d'être en possession d'un diplôme de droit, psychologie ou médecine. La procédure de médiation. Généralement, les entretiens de médiation durent environ une heure et demie. Il y a 4 à 6 séances (Portugal, Suisse, Espagne), sur une période de 2 (Portugal et Pays-Bas) à 4 mois (en Espagne).
L'accord de médiation. L'aboutissement de la médiation est constitué par l'accord des parties qui peut demeurer contractuel : ceci est possible dès lors que l accord traite de droits et obligations dont les parties ont la libre disposition. Même dans cette hypothèse les parties peuvent préférer le soumettre à l'homologation du juge ou au sceau du notaire afin de lui faire acquérir force exécutoire. L'homologation est, en revanche, obligatoire et, à ce titre, nécessaire pour la validité de l'accord lorsque ce dernier porte sur des droits et obligations dont les parties n'ont pas la libre disposition (dispositions relatives au fait même de divorcer, ou encore relatives aux droits des enfants). Financement. Les services de médiation sont gratuits pour les usagers au Portugal (dans le secteur public qui constitue l'essentiel de l'offre de médiation du pays) et en Espagne (dans le secteur des services de médiation offerts par les organismes d'assistance sociale). Les frais afférents sont à la charge des ministères de tutelle. Partout ailleurs, les services de médiation sont payants, selon des tarifs horaires qui connaissent toutefois certains aménagements. Ainsi, les honoraires du médiateur sont couverts par l'aide juridictionnelle (dans le canton de Genève et aux Pays-Bas). Certaines communautés autonomes espagnoles assurent la gratuité des services de médiation offerts par les organismes qui dépendent de la Justice (en principe payants) pour les personnes dont les revenus sont en dessous d'un certain seuil. Dans le canton de Genève, dans certaines affaires familiales, la médiation est gratuite pour les parties dépourvues de moyens, dès lors que la médiation a été recommandée par le juge. Bilan des pratiques. L ensemble des pays étudiés font état de la satisfaction des usagers des services de médiation : au Portugal et aux Pays-Bas, 80% des personnes ayant été engagées dans une médiation seraient prêtes à recommander la médiation ou, le cas échéant, à y recourir à nouveaux pour elles-mêmes. La «note» moyenne accordée aux médiateurs est de 4 sur une échelle de 5. Un accord mettant fin au conflit est conclu dans 70 à 80% des procédures de médiation familiale en Espagne et dans 55 % des procédures aux Pays-Bas (soit, dans ce dernier pays, le même taux que celui des affaires civiles dans leur ensemble et des affaires relevant du droit du travail, tandis que les affaires administratives enregistraient un taux de réussite de la médiation de 75 % et les affaires fiscales de 84 %). Dans l'ensemble, de l'avis des praticiens, y compris dans les pays où il n'existe pas de statistique permettant d évaluer les divers aspects de la médiation (comme en Suisse), la médiation ferait émerger des solutions novatrices, bien plus satisfaisantes pour toutes les parties que les solutions habituellement proposées par le système judiciaire, elle contribuerait grandement à l'amélioration des relations entre les membres de la famille, ainsi qu'à une meilleure prise en compte et protection des droits de l'enfant. Est également à noter l existence d un système de sanctions disciplinaires en Espagne et aux Pays-Bas, ainsi que d une obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile à la charge des médiateurs néerlandais.
II. LES POINTS DE RENCONTRE FAMILIALE Définition. Les points de rencontre familiale existent dans l ensemble des pays étudiés, à l exception du Portugal. Il s agit de lieux destinés à permettre le maintien de la relation de l'enfant avec l'un de ses parents (ses deux parents pour les enfants placés), au-delà de la séparation de ces derniers et malgré les évènements ou circonstances qui mettent en danger cette relation, dans des conditions de sécurité et de bien-être pour l'enfant. Si le recours à l'espace de rencontre est conçu comme temporaire (le temps nécessaire aux intéressés pour retrouver l'aptitude à exercer normalement l'autorité parentale), la plupart des pays signalent la multiplications des cas difficiles, pour lesquelles la fin du droit de visite aménagé au sein de l'espace de rencontre n'est pas vraiment envisageable. Cadre législatif. Ces lieux s'organisent partout (Italie, Espagne, Pays-Bas, Suisse) en absence de dispositions législatives spécifiques, en raison des pratiques et notamment de la reconnaissance implicite que leur accorde les systèmes judiciaire et d'assistance sociale qui y renvoient certains cas. Types de situations accueillies. Face à des situations conflictuelles graves telles que violence, alcoolisme, toxicomanie, enlèvement d'enfant, maltraitance ou suspicion de maltraitance, maladie mentale, perte de contact pendant plusieurs années, placement de l enfant en famille d accueil, un suivi est souvent organisé pour la protection de l'enfant et le droit de visite du parent concerné se trouve aménagé au sein du point de rencontre. Initiative du recours au point de rencontre. En Suisse et en Italie les intéressés sont adressés aux points de rencontre par le juge ; en Espagne, et au Pays Bas, également par les services sociaux. Partout, le financement de ces espaces est public, la gratuité étant assurée pour les usagers.