Le kinésithérapeute face à sa main



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Transcription:

M elle TORELLI Cécile Masseur-kinésithérapeute Le kinésithérapeute face à sa main Mémoire de fin de formation pour l obtention du Diplôme interuniversitaire de rééducation et d appareillage de la main. A Grenoble ; Le jeudi 2 mai 2013 Années de formation 2012 / 2013

SOMMAIRE INTRODUCTION p.1 I) L étude p.3 II) Comparaison des résultats p.8 1. L activité professionnelle au quotidien p.9 2. Les techniques de prise en charge p.10 III) L articulation trapézo-métacarpienne p.11 1. L anatomie p.11 a) Les asymétries p.12 2. La cinésiologie p.13 3. Mécanisme d apparition de l arthrose p.15 4. Lien avec la pratique de la kinésithérapie p.16 a) Le massage thérapeutique p.16 b) La mobilisation passive p.19 IV) Les tendinites chez le kinésithérapeute p.21 1. Définition d une tendinite p.21

2. Rappels anatomiques p.21 3. Mécanisme d installation de la pathologie p.23 4. Lien avec le métier de rééducateur p.24 a) Les maladies professionnelles p.25 V) Prévenir et soigner les pathologies chez le kinésithérapeute p.29 1. Les tendinites p.29 a) Eviter la survenue des tendinites p.30 b) Soigner la tendinite p.31 2. La rhizarthrose p.32 a) Eviter l apparition de l arthrose du pouce p.32 b) Soigner la rhizarthrose p.33 VI) Conclusion p.34

INTRODUCTION La masso-kinésithérapie est apparu au milieu du XIXème siècle sous le nom de «gymnastique suedoise» grâce à un maitre d arme, monsieur Pehr Henrik Ling. Son apparition a débuté par la découverte du massage (du grec «massein» et de l arabe «matz» qui signifie "presser dans les mains") pratiqué par les rebouteux. En 1885, les médecins se l approprient. Ils prétendaient que le manque de connaissances du corps humain le rend dangereux. Mais ils manquaient de temps pour le pratiquer et le trouvaient trop pénible physiquement. Ils ont créé ainsi des auxiliaires médicaux. Pendant la première guerre mondiale, le métier se développe. Le massage était utilisé sur des soldats blessés, ainsi que la rééducation dans le but de les rétablir. Ce n est qu à la seconde guerre mondiale où le massage et la rééducation sont réunis pour former le métier de masseur-rééducateur. [1] La Kinésithérapie (du grec "kinésis") soigne par le massage et par le mouvement. Elle consiste en des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale tel que les techniques de massage, et les mouvements gymniques qui lui sont propre. L outil principal du kinésithérapeute est sa main. Du latin «manus», elle est un organe extrêmement développée chez l homme. Elle permet la préhension et la manipulation d objets. Elle complète le langage et est utilisée pour la langue des signes. Elle est au quotidien un outil de sensibilité qui renseigne sur l environnement extérieur. Le thérapeute utilise ses mains pour toucher, masser, palper, mobiliser leurs sollicitation quotidienne est extrême. 1

Comme toute structure anatomique, une utilisation trop fréquente entraine des dégradations. Elles sont précises et localisées en fonction des actes réalisés. Le membre supérieur est donc une partie du corps majoritairement sollicité chez ces professionnels de santé. Pour découvrir les structures principalement atteintes, il faut dans un premier temps comprendre le métier de rééducateur dans son quotidien, sa manière de travailler, ses techniques utilisées Un auto-questionnaire est établi afin de mettre en avant les différentes pathologies dont se plaignent les kinésithérapeutes actuels. Ces résultats permettent d étudier la pratique de la masso-kinésithérapie, vu par ces professionnels. Le but est de déterminer la cause de survenue des pathologies décrites ; afin d émettre des hypothèses sur les modifications à effectuer dans le quotidien de ces thérapeutes. 2

I) L étude Un questionnaire est distribué aux kinésithérapeutes de la région grenobloise. Le but est de déterminer la vision du métier par les praticiens eux même. Ils répondent seuls aux questions. Aucune personne intermédiaire n oriente les réponses afin d obtenir un résultat le plus proche possible de la réalité. En effet, la présence d une tierce personne pourrait fausser le sondage. [2] Leurs réponses permettront de déterminer les difficultés du métier de masseurkinésithérapeute et ses limites sur la santé physique des praticiens. Sur 12 questionnaires remplis, on regroupe 6 femmes et 6 hommes. Ce groupe est composé de 6 kinésithérapeutes salariés (3 femmes et 3 hommes) et de 6 rééducateurs en secteurs libéral. (Fig. 1) Les praticiens qui exercent de l ostéopathie ne sont pas comptabilisés. L étude se concentre sur les rééducateurs généralistes. On parle ainsi de kinésithérapeutes qui prennent en charge toutes les pathologies (des troubles neurologiques, rhumatologiques et traumatologiques qui touchent aussi bien les membres supérieurs que les membres inférieurs et le rachis.) Chaque groupe est composé de 2 rééducateurs qui débutent le métier. C est-à-dire qu ils exercent cette profession depuis moins de 5 ans. Les autres participants ont plus de 40 ans et de l expérience dans le métier. Cela permet de mettre en évidence les différents ressenti physique et psychologique des praticiens. En ce qui concerne les kinésithérapeutes en secteur libéral : Le nombre de patient journalier est d environ 25 patients par jour. Ils travaillent en moyenne 45 heures par semaine (certains jusqu à 70 heures) sans compter le temps de gestion administratif. Ils sont en activité en moyenne 4 jours et demi sur sept. 3

Au niveau des vacances, ces praticiens ne prennent en moyenne que 5 semaines de vacances par an (Fig. 2). Ils sont libres d utiliser les techniques de rééducation qu ils souhaitent. Ils organisent eux même leurs emplois du temps. Ils sont soumis aux exigences des patients mais également à la nécessité d obtenir de bons résultats vis à vie des patients mais également des médecins prescripteurs. Kinésithérapeutes généralistes Secteur libéral (6) Secteur salarié (6) Moins de 5 ans d activité professionnelle (2) Plus de 15 ans d activité professionnelle (4) Moins de 5 ans d activité professionnelle (2) Plus de 15 ans d activité professionnelle (4) Fig. 1 : Schématisation des différents groupes de masseurs kinésithérapeutes Les kinésithérapeutes qui travaillent dans un établissement comptent 37 heures et demie de présence par semaine. Cela inclus le temps de travail auprès des patients mais également le temps de gestion annexe (dossiers administratif, réunion ). Ils comptent par jour une dizaine de patients pris en charge par leur soin ; avec une activité professionnelle de 5 jours sur sept. Les patients sont dirigés vers ces kinésithérapeutes par l établissement. Le nombre de patient pris en charge au quotidien varie en fonction de l établissement. L emploi du temps des rééducateurs est établi par un responsable. Les horaires ne sont pas aménageables. Ils sont fixent. 4

Les praticiens ne décident pas des techniques de rééducation. En effet, les centres de rééducation établissent des protocoles précis et exigent que les salariés les suivent. Ces thérapeutes ont un salaire mensuel fixe, avec une quantité de vacances de 7 semaines par an. (Fig. 2) Ces derniers sont déterminés par l établissement employeur. Les salariés ne décident ni de leurs horaires, ni de leurs salaires et prennent leurs vacances en fonction des autres praticiens et doit être validé par un responsable. Secteur libéral Secteur salarié Nombre de patient / jour 25 12 Heure de travail /sem. 45 à 70 37,5 Jour de travail /sem. 4,5 à 6 5 à 6 Vacance /an (en sem.) 2 à 5 5 Fig. 2 : Récapitulatif du quotidien professionnel des 2 différents groupes de masseurs kinésithérapeutes Les kinésithérapeutes répertorié sont tous des rééducateurs généralistes, qui travaillent essentiellement avec leurs main (et n utilisent que peu d appareilles médicaux). Ils évoquent quotidiennement : le massage, la mobilisation, la manutention, le drainage bronchique, les étirements musculaires. Les travailleurs libéraux comptabilisent la moitié de leurs temps de travail à traiter des patients avec des problèmes rachidiens. Les traitements sont longs et demandent beaucoup de massage dans leur prise en charge. Ils estiment que 35% de leur temps est utilisé à traiter des pathologies des membres inférieurs. Ainsi seulement 15% du temps de travail d un rééducateur généraliste est utilisé à traiter des problèmes du membre supérieur dans la région grenobloise. Les thérapeutes qui travaillent en établissement évoquent fréquemment l utilisation d instruments lourds qu ils doivent déplacer d une pièce à une autre. Ils sont également polyvalents en fonction de ce que les médecins et chirurgiens leurs 5

demandent. Certains exigent des résultats rapides car le temps d hospitalisation, qui varie en fonction des pathologies, est très court. Ils travaillent en générale sur plusieurs étages et donc prennent en charge différents secteurs. Leurs emplois du temps varient en fonction des entrées de patients dans l établissement. Ils estiment avoir des pathologies très variables en fonction des semaines et ne peuvent pas partager leur emploi du temps en fonction des patients traités. D après le questionnaire, de nombreuses pathologies du membre supérieur sont recensées chez les rééducateurs : Syndrome du défilé thoraco-brachial, Syndrome du canal carpien, Kyste synovial. Mais seulement deux pathologies sont systématiquement retrouvées : Les tendinites (essentiellement localisées au niveau de l épicondyle latéral, mais également face antérieure du poignet), L atteinte de l articulation trapézo-métacarpienne : - Douleurs en fin de journée au niveau de la base du pouce, - Rhizarthrose. Il est nécessaire de différencier les pathologies professionnelles, de celles liées à la pratique d une activité sportive intensive. En effet, les tendinites sont à l origine de mouvements répétitifs qui peuvent être réalisés lors de la pratique récurrente d une activité sportive. Le questionnaire étudie le lien entre le sport et les thérapeutes. 6

Les réponses des rééducateurs montrent que chacun d entre eux pratique un loisir. (Fig. 3) Ce qui est trop peu pour être responsable d une aussi importante pathologie. On compte 6 des rééducateurs qui pratiquent un sport une fois par semaine (ce ne sont quasiment que des libéraux). Ils estiment leurs temps d activité extra-professionnel à environ 1 heure. Il y en a 4 d entre eux qui en font 2 à 3 fois par semaine. On retrouve 1 rééducateur en libéral. Les 3 autres travaillent en tant que salariés. Ils comptabilisent leurs temps sportif de 45minutes à 1 heure pour chaque entrainement Les 2 derniers en pratiques plus de 4 fois par semaine dont un kinésithérapeute libéral qui pratique son activité de course à pied en compétition. Ce qui signifie que son entrainement est rude et éprouvant physiquement. De plus une activité en compétition nécessite une hygiène de vie surveillée (au niveau physique et alimentaire). Les sports décris sont essentiellement la pratique du vélo, la course à pied et la natation. Le seul sport susceptible de créer une réelle pathologie est le cyclisme. En effet, il peut être responsable de l apparition d un syndrome du canal carpien avec compression du nerf médian ou alors une compression du canal de Guyon avec une atteinte du nerf ulnaire. Cette activité sportive peut être également responsable de tendinites au niveau du poignet (atteinte des extenseur et fléchisseur ulnaire du carpe, long et court extenseur radial du carpe, long extenseur du pouce et fléchisseur radial du carpe.) Les kinésithérapeutes interrogés ne se plaignent que très peu de syndromes canalaires. Les autres activités sportives décrites ne sollicitent pas les membres supérieurs de manière spécifique. Cependant la natation peut tout de même être à l origine des tendinites du poignet dont ils témoignent des douleurs. 7

Pratique d une activité sportive 1 fois par semaine 2 à 3 fois par semaine 4 fois par semaine Les libéraux n ont pas de risque de déclencher une pathologie. Avec une activité telle : la natation, risque de tendinites du poignet Risques importants de tendinites du poignet Fig. 3 : Récapitulatif de la fréquence de l activité sportive des masseurs kinésithérapeutes interrogés. II) Comparaison des résultats Sur un bref échantillon de 12 kinésithérapeutes de tout âge, seule une jeune kinésithérapeute libérale ne présente aucune pathologie, ni sensation de fatigue au niveau de ses mains. Les 3 autres jeunes rééducateurs, c est-à-dire qui travaillent depuis moins de 5 ans ressentent des douleurs en fin de journées à la base de la colonne du pouce ainsi qu une fatigue musculaire au niveau du bras. Les 9 autres rééducateurs présentent tous des pathologies au niveau du membre supérieur. Entre ces quelques rééducateurs, on retrouve de nombreuses différences dans la pratique professionnelle quotidienne. 8

1. L activité professionnelle au quotidien Les rééducateurs en secteur libéral travaillent environ dix heures de plus par semaine qu un professionnel salarié. Ils comptent également le double de patients pris en charge. On comprend donc le rythme soutenu que les thérapeutes subissent au quotidien. Ils ont également une charge de travail physique importante. Ils doivent entretenir le bon fonctionnement de leur cabinet. Cependant, ils peuvent aménager leur emploi du temps comme ils le désirent. Ils sont libres de gérer leurs patients, leurs temps de travail, leur temps de repos mais également, libre dans leur choix de techniques rééducatives Ils possèdent donc un secteur d indépendance qui n est pas négligeable. Les rééducateurs salariés présentent beaucoup moins d heures de travail. Mais leurs quotidien est totalement différents au point de vu décisionnel. En effet, leurs horaires sont fixes et imposés par l établissement. Leurs périodes de vacances sont en quantité fixe et sont posé en fonction des autres rééducateurs et doivent être approuvé par les responsables hiérarchiques. Le salaire est fixe ce qui est sécuritaire en fonction des congés payés mais qui n est pas toujours en reflet avec l intensité du travail fourni. Ces kinésithérapeutes sont également soumis au respect des règles de leur établissement. En effet, ils ne peuvent établir eux-mêmes un plan de rééducation. Ils ont le plus souvent des ordres et des protocoles à respecter. Ces kinésithérapeutes sont donc soumis aux règles de l établissement et obéissent à une hiérarchie. Pour les deux groupes de rééducateurs, on peut mettre en avant l aspect psychologique qui est très important dans les deux cas. Les patients ont tendance à se confier à leur praticien. Les salariés sont confrontés aux patients hospitalisés. Les 9

patients sont souvent très angoissés, ils ont peurs, ils posent de nombreuses questions sur leurs pathologies, et surtout leurs guérisons. Pour les rééducateurs libéraux, les pathologies sont souvent moins importantes car l état des patients ne nécessitent pas une surveillance constante. Cependant, ils sont également soumis à la nécessité d obtenir des résultats satisfaisants pour le patient mais également pour le praticien lui-même. Les patients s inquiètent davantage car ils sont moins suivi et ne peuvent poser leurs questions qu au rééducateur qu ils voient fréquemment. Les kinésithérapeutes ont donc une pression physique par l important rythme quotidien mais également une pression psychologique. 2. Les techniques de prise en charge : Les méthodes de travail quotidiennes décrites sont quasiment identiques pour tous les praticiens interrogés. La principale différence est que les kinésithérapeutes libéraux travaillent en adoptant leurs techniques avec plus de forces : les massages qui sont réalisés avec davantage de pression, les étirements musculaires manuels et les mobilisations passives sont plus fréquents Malgré cette différence dans les manœuvres de prise en charge, la totalité des kinésithérapeutes (à l exception d un d entre eux) présentent des douleurs en fin de journée à la base de la colonne du pouce. Les plus expérimentés évoquent la rhizarthrose. Sur cet échantillon, huit d entre eux se plaignent de tendinites de l avant-bras au niveau des épicondyliens latéraux et au niveau des fléchisseurs du poignet. 10

III) L articulation trapézo-métacarpienne L articulation trapézo-métacarpienne fait partie de la colonne du pouce. Articulation reine de ce doigt, elle permet son orientation dans l espace. Elle est à l origine du mouvement d opposition, fondamentale dans la constitution de la pince pollici-digitale. Cette faculté de préhension représente l essentiel de la valeur fonctionnelle de la main ; permettant l exécution de nombreuses actions par des prises fines mais aussi par les prises de force. 1. L anatomie Cette articulation relie le carpe par la face inférieure du trapèze, à la face supérieure de la base du premier métacarpien. Facette articulaire inférieure (correspond avec M1) Facette articulaire inférieure (correspond avec M1) Facette articulaire avec M2 Fig. 4 : Vue inférieure du trapèze Issue du livre de M. DUFOUR, anatomie de l appareil locomoteur, membre supérieur [3] 11

Trapèze Premier métacarpien Post Lat. Fig. 5 : Surfaces articulaires de la trapézo-métacarpienne t Issue du livre de KAPANDJI, Physiologie articulaire ; Schémas commentés de mécanique humaine. Tome I. Membre supérieur. 6ème édition L image en selle implique une symétrie des deux surfaces articulaires. Mais elles présentent des irrégularités de courbures. a) Les asymétries Cette articulation à l aspect selon Tubiana, d une selle «de cheval scoliotique» du fait de l aspect curviligne en dedans de son axe antéro-postérieur. [4] La facette articulaire du trapèze présente des asymétries (Fig. 5) : - Elle est plus évasée du coté radial, - Elle est davantage située sur la face palmaire de l os, - La couche du cartilage hyalin est plus épaisse en avant qu en arrière. - La crête médiane de la selle trapézienne est incurvée suivant une concavité orientée en dedans et en avant. La partie dorsale est plus convexe que la partie palmaire qui est quasiment plate. 12

- Le bord médio palmaire est plus creux que le bord latéro-dorsal. [4] La facette articulaire de la base du premier métacarpien est plus étendue que celle du trapèze. Elle présente une forme triangulaire à base postérieure et a sommet antérieur. Elle est concave d avant en arrière et convexe transversalement Les moyens d unions sont des éléments passifs, entourant l articulation trapézométacarpienne. Ils sont lâche, responsables de la grande mobilité du pouce. [4] 2. La cinésiologie L articulation trapézo-métacarpienne place le pouce dans un plan oblique en bas et en avant à 45 par rapport au plan de la main. (Fig. 6) Il s agit de l articulation clé de la colonne du premier doigt de la main. Lors du mouvement d opposition, il y a perte de congruence mécanique. Ce mouvement entraine une rotation du premier métacarpien, sa base sort de la selle trapézienne ; ce qui déchausse l articulation trapézo-métacarpienne. Seulement 53% des surfaces articulaires seraient en contact pendant le mouvement d opposition du pouce. L articulation trapézo-métacarpienne est donc anatomiquement prédisposée à développer des lésions dégénératives. [6] 13

Rétropulsion IV III II Extension Axe de la main V Flexion Post Antépulsion Lat. Fig. 6 : Mouvements du premier métacarpien permis par l articulation trapézo-métacarpienne Issue du document de M. PILLU, Cinésiologie du pouce. ENKRE 2004 [5] Au niveau musculaire, les forces mises en présence sont considérables. Certaines sont en compression axiale, et d autres en cisaillement latérale. Les mouvements de pince et de préhension sont réalisés par contraction des muscles thénariens et les muscles extrinsèques (long abducteur du pouce, court extenseur du pouce et long extenseur du pouce. Les contraintes exercées sur l articulation trapézo-métacarpienne lors de la contraction musculaire montrent que lors d une prise pollici-latérale avec l index de 1kg, les forces déployées au niveau de l articulation sont de 5 à 12kg. (Fig. 7) [6]-[7] Ceci montre l importance des contraintes sur cette articulation. Le manque de congruence articulaire, l action excessif des contractions musculaire, et les contraintes imposées au quotidien à l articulation sont responsables du développement des lésions dégénératives de l articulation trapézo-métacarpienne. 14

Fig. 7 : Contraintes imposées à l articulation trapézo-métacarpienne lors d une prise pollici-latérale Issue de l article de Y, ALLIEU ; Classification des formes anatomo-radioligiques de la rhizarthrose [7] 3. Mécanisme d apparition de l arthrose : L arthrose est une altération du cartilage articulaire. Il y a deux mécanismes lors de la formation de l arthrose : Une réaction mécanique : la surface articulaire qui est normalement régulière se fissure progressivement et s effrite (Fig. 8). Ceci peut entrainer la disparition de segment complet du cartilage jusqu à atteindre l os sous-chondral. [8] Une réaction biologique : les chondrocytes deviennent hyperactifs ; ce qui entraine une augmentation du métabolisme cartilagineux avec une production à la fois de collagène et de protéines. Le but est de réparer les tissus mais des enzymes de destruction sont également sécrétées. Ces cellules finissent par mourir. [8] - [9] L arthrose de l articulation trapézo-métacarpienne est responsable de douleurs mécaniques diurnes. Elles deviennent nocturnes avec le temps. L articulation perd de la mobilité. 15

A long terme, l articulation se désaxe pour former un pouce en Z et l articulation scapho-trapézo-trapézoïde peut être atteinte. [7] 4. Lien avec la pratique de la kinésithérapie L arthrose de la trapézo-métacarpienne est une affection essentiellement féminine. On en trouve tout de même chez les hommes après 50 ans. Dans l étude réalisée, il n y a pas de différence significative au niveau du sexe. Tous les professionnels (sauf une d entre eux) se plaignant de cette articulation. Cela témoigne du surmenage fonctionnel de la profession dans sa globalité. Dans le cas de la pratique de la kinésithérapie, la rhizarthrose est à l origine d une grande utilisation articulaire, d une mauvaise utilisation des techniques kinésithérapique, d une importante sollicitation quotidienne des mains des rééducateurs dans leurs techniques thérapeutiques. Les rééducateurs estiment passer 50% de leurs temps de travail sur des traitements rachidiens. Ils disent utiliser essentiellement le massage. Ce qui signifie qu ils passent plus de la moitié de leur quotidien professionnel à masser leurs patients. a) Le massage thérapeutique : Le massage manuel est une technique qui demande un effort physique pour le thérapeute. Elle demande de la force, de l énergie et de la précision. «La friction moyenne cela aura lieu si les mains de celui qui frotte sont fortement appliqués, de sorte que la pression qu elles causent se rapproche en quelque sorte de la friction rude» Docteur Estradère [10] 16

Certaines techniques de massage demandent d être effectuées avec davantage de force que d autres. Dufour les décrit [11] : Les pressions glissées profondes, sollicitent l emploi d une pression marquée afin d obtenir de la profondeur dans le geste. (Fig. 8) Fig. :8 : Les pressions glissées profondes [11] Les pressions statiques qui consistent à exercer une pression locale. elles se caractérisent par un temps d accentuation de la pression manuelle, un temps tenu, et un temps de relâchement. Le massage transversal profond, est une friction exercée transversalement, c est à dire, qu il s agit d un placement fixe des doigts dans un secteur, qui se déplace transversalement aux tissus tout en restant solidaire au plan cutané. Cette manœuvre est réalisée par la pulpe des doigts, à un rythme rapide, pendant quelques minutes. Le décordage est un mouvement linéaire se traduisant par une poussée transversale contre une structure formant une corde. (Fig. 9) 17

Fig. 9 : Manœuvre de décordage [11] Le pétrissage qui comme son nom l indique a pour but de pétrir une masse musculaire. Il consiste à saisir un pli plus ou moins large de tissus, à deux mains, et d effectuer des mouvements de pressions alternées des mains, soit sur place, soit en progressant. Certains distinguent deux variantes : le pétrissage transversal (Fig. 10a) et le pétrissage longitudinal (Fig. 10b). Fig. 10a : Pétrissage transversal [11] Fig. 10b : Pétrissage longitudinal [11] La manœuvre de Wetterwald qui associe trois composantes : le roulement, le glissement et le pétrissage (Fig. 11). Le geste s effectue par les pinces pouceindex des deux mains. Elle consiste à former un pli cutané et d opérer un roulement c est-à-dire un mouvement entre les deux pouces, se déplaçant aux index. Le deuxième mouvement est un glissement simultané des deux pouces, parallèlement aux index. Le dernier mouvement est le pétrissage du pli cutané réalisé entre les deux mains. 18

Fig. 11 : Manœuvre de Wetterwald [11] Ces différentes techniques de massage thérapeutiques sont les principales utilisées en séance de rééducation. Le choix de ces différentes techniques de massage varie en fonction des rééducateurs, des patients, des pathologies traitées, Le détail des manœuvres de massage permet de comprendre la manière dont est sollicitée la main du kinésithérapeute pendant les séances de massage. Le pouce est le doigt majoritairement utilisé, essentiellement par pression mais également par prise pouce-doigt (s) long (s). Ce qui signifie que le pouce des masseurs est sollicité dans ces conditions durant la moitié de leurs temps de travail. La mobilisation passive est tout comme le massage, une manœuvre thérapeutique utilisée dans les prises en charge rééducatives. Davantage utilisé dans les traitements thérapeutiques des membres, elle associe force et précision des praticiens pour une efficacité optimale. Les thérapeutes estiment leurs temps de mobilisation passive à environ 20% de leur prise en charge journalière. b) La mobilisation passive La mobilisation passive est un mouvement physiologique réalisé par le masseur kinésithérapeute, autour des pivots articulaires par l intermédiaire des segments osseux, sans participation motrice du sujet. Ces mouvements intéressent les membres et le tronc. Ils sont souvent associés à des tractions (décoaptations). 19

Elle regroupe plusieurs types de mobilisation : - La mobilisation analytique segmentaire, - La mobilisation spécifique, - La mobilisation combinée segmentaire, - La mobilisation plurisegmentaire, - Les postures ostéo-articulaires. Cette technique nécessite l utilisation des deux mains du praticien : L une d elle réalise une prise. Elle permet de maintenir le segment et de le mobiliser. Elle est la plus précise possible. Elle peut effectuer une traction. L autre main réalise une contre prise forte et précise. Elle maintien fixe le segment de membre qui ne participe pas au mouvement. Ainsi, elle évite les compensations. Le massage thérapeutique, et la mobilisation passive sont des techniques de rééducation qui sollicitent la colonne du pouce avec force et qui demande de la précision. L apparition d arthrose trapézo-métacarpienne est donc parfaitement démontré de par l aspect anatomique de cette articulation mais également par son utilisation quotidienne. Le massage et les techniques de mobilisation passive sont les instruments principaux des praticiens et estiment leurs utilisations à 70% de leur temps de traitement. Cela implique avec une l importante sollicitation de la colonne du pouce. Le surmenage physique du pouce dans la profession est donc un acteur principal de la dégradation de l articulation. La pression, les prises en force continuellement répétées en sont la cause majoritaire. 20

IV) Les tendinites chez le kinésithérapeute La majorité des rééducateurs interrogés met en avant la présence de douleurs au niveau de la face antérieure du poignet et en partie latérale de coude. Ils utilisent le nom de tendinites des fléchisseurs et d épicondylites. 1. Définition d une tendinite On appelle tendinite un processus inflammatoire extra ou juxta-articulaire touchant les tendons, les gaines synoviales (ténosynovites) et les bourses séreuses (bursites) Elles sont habituellement causées par une utilisation excessive des structures anatomiques. [12] L inflammation est la réponse à la destruction de fibres tendineuses, afin de les régénérer. 2. Rappels anatomiques Sur l épicondyle latéral de l humérus s insèrent par un tendon commun les muscles (Fig. 12) (d avant en arrière) [3] : - le chef superficiel du muscle supinateur, - l extenseur commun des doigts, - l extenseur propre du 5 ème doigt, - l extenseur ulnaire du carpe, - Au-dessus de cette insertion et en prolongement du corps huméral se trouve celle du muscle court extenseur radial du carpe, - En partie postérieure de l épicondyle s insère le muscle anconé. 21

Hormis le muscle supinateur qui se termine sur le bord antérieur du radius et le muscle anconé qui a sa terminaison finale sur l ulna ; les autres prennent fin au niveau du poignet et des doigts : Tendon commun des épicondyliens latéraux Fig 12 : Epicondyliens latéraux d un membre suoérieur gauche Les muscles fléchisseurs du poignet sont nombreux [3] : - Le fléchisseur radial du carpe, qui part de l épicondyle médial pour se terminer sur la face palmaire du deuxième métacarpien. Il permet une flexion et une inclinaison radiale du poignet. - Le long palmaire. C est un épicondylien médial qui traverse l avant-bras et prend fin sur le rétinaculum des muscles fléchisseurs. il a une action de fléchisseur pur du poignet. - Le fléchisseur ulnaire du carpe s insère sur l épicondyle médial. Il a son insertion terminale sur le pisiforme avec des expansions sur le rétinaculum des muscles fléchisseurs, sur l abducteur du Vème doigt ainsi que sur la face palmaire de la 22

base du IVème et du Vème métacarpiens. il réalise une flexion et une inclinaison ulnaire du poignet. - Les fléchisseurs des doigts (muscle fléchisseur superficiel de doigts et le muscle fléchisseur profond des doigts) participent également à la flexion du poignet. 3. Mécanisme d installation de la pathologie Les tendinites et ténosynovites des muscles de l avant-bras sont observées lors de mouvements répétés et rapide de flexion et extension du poignet à faible charge ; ou des mouvements plus lents avec des charges lourdes. On parle de «troubles dus à des traumatismes cumulés» En effet les tendons subissent de microtraumatismes répétitifs. Ceux-ci entrainent des lésions. Le corps est donc agressé. Pour répondre à l altération de l intégrité du tendon, le corps crée une inflammation. Ce n est que lorsque 8% du tendon est altéré que l inflammation entraine une cicatrisation de la structure. [13] Lors de l apparition des lésions tissulaires, il se produit divers phénomènes à l origine de la survenu des symptômes visibles. La région affectée est envahie par un matériel transitoire appelé : «l exsudat inflammatoire aigue». Il est constitué : - De liquide contenant des sels et une concentration élevée de protéines (les immunoglobulines), - De la fibrine : une protéine filamenteuse, - De nombreux polynucléaires neutrophiles, - Quelques macrophages, - Quelques lymphocytes. 23

Cette étape de l inflammation est responsable de la tuméfaction. La douleur ressentie est la conséquence de la compression des terminaisons nerveuses par l œdème et par l action directe de certains facteurs chimiques libérés dans la région atteinte. Les cellules présentes dans l exsudat vont éliminer les éléments altérés pour reformer un tissu cicatriciel. [13]-[14] 4. Lien avec le métier de rééducateur Les résultats de l étude permettent de confirmer la répétitivité quotidienne des gestes professionnels des kinésithérapeutes. Les techniques utilisées en rééducation ne sont que peu variés. Le manque de temps de récupération physique, associé à des mouvements vigoureux et répétés accroissent le risque de survenu des tendinites. Toutefois, l étude des deux techniques (le massage thérapeutique et la mobilisation passive) utilisées à 70% du quotidien professionnel, montre que les épicondyliens latéraux ne sont pas sollicités de manière à entrainer des tendinites. En effet, les muscles de l avant-bras ne sont que très peu utilisés dans les mouvements majoritairement réalisés. Il est dans ce cas important de se demander ce qu il en est au niveau psychologique pour ces thérapeutes. Surmenage physique, douleurs en fin de journée, manque de temps personnel, dépendre des ordres supérieurs, nécessité d être efficace dans la prise en charge on peut y rajouter les problèmes d origines personnels (santé, problèmes familiaux, problèmes financiers ) Cela ramène aux maladies professionnelles. 24

a) Les maladies professionnelles La législation française a mis en place le tableau 57, qui répertorie les pathologies qualifiées de "maladies professionnelles" des salariés kinésithérapeutes. Elles sont organisées par segment de membre. Les maladies au niveau du poignet, de la main et des doigts sont : Les tendinites : caractérisées par des mouvements d extension et de flexion de la main et des doigts. Les ténosynovites Le syndrome du canal carpien : survient par l extension du poignet, la préhension de la main soit par un appui carpien, soit une pression prolongée sur le talon de la main Le syndrome de la loge de guillon Les maladies répertoriées, situées au niveau du coude sont : Les épicondylites : elles surviennent avec l extension de la main, avec des mouvements de supination et prono-supination répétés. Les épitrochléïtes : elles sont la conséquence de la flexion de la main associée à la prono-supination répétés. L hygroma aigu ou chronique : il apparait après un appui prolongé sur la face postérieure du coude. Ce tableau fait le lien entre un problème professionnel et la survenue de ces pathologies décrites, reconnu par la législation française. Mais la cause professionnelle n est jamais isolée. En effet, ces troubles musculosquelettiques sont dépendants de la sensibilité; ainsi que le contexte psychologique de chaque individu (Fig. 13). Ces facteurs sont également liés entre eux. 25

D après le tableau 57, les tendinites du poignet et les épicondylites mentionnées par les rééducateurs interrogés, sont définis comme des maladies professionnelles [15]. Ces pathologies seraient donc causées par 3 facteurs différents : Un facteur individuel qui dépend de chacun, Un facteur psycho-social qui est également propre à chaque individu, Un facteur biomécanique qui dépend de la profession. Facteurs biomécaniques Contraintes psychosociales Troubles musculo squelettiques Facteurs individuels Fig. 13 : lien entre les troubles musculo-squelettiques et les facteurs annexes. Cela met en évidence les trois aspects qui peuvent être à l origine des tendinites des rééducateurs : L aspect biomécanique avec une surcharge physique quotidienne. Le rééducateur sollicite ses tendons en leurs imposant une contraintes supérieures à celles qu ils peuvent supporter. L aspect psycho-social avec une pression intense qui est demandé aux rééducateurs pour obtenir de bons résultats. Le manque de flexibilité dans les techniques à utiliser. Une hiérarchie professionnelle qui prend les décisions avec les médecins et chirurgiens 26

continuellement présents. L inquiétude des patients qui est transférée sur le rééducateur ; leurs questionnements Les facteurs individuels avec des prédispositions à ce type de pathologie : mauvaise vascularisation des tendons, faible résistance aux sollicitations tendineuses Ces aspects sont reliés au tableau 57 qui ne prend en compte que les kinésithérapeutes salariés. Pour mettre en évidence ces aspects des professionnels libéraux, la CARPIMKO a mené une enquête auprès de ses professionnels de santé afin d évaluer la pénibilité de l exercice de la masso-kinésithérapie dans le secteur libéral. [16] D après les résultats, trois quart des rééducateurs en secteur libéral, travaillent plus de 50 heures par semaine ; auxquels se rajoute environ une heure quotidienne de gestion administrative. Ils évoquent le manque de temps de récupération (Fig. 14). Ainsi, pour ne pas surcharger leur emploi du temps, les thérapeutes refusent de prendre en charge des patients. Ils révèlent l impact négatif de leur profession sur leur vie et activités personnelles et particulièrement familiales. Les thérapeutes témoignent d une surcharge de travail. Ce qui rend le métier difficile et risqué pour leur santé. Les praticiens eux-mêmes considèrent donc leur métier comme difficile physiquement mais également psychologiquement : Manque de temps de récupération Travail dans l urgence Les patients qui ne règlent pas les séances 27

Calmer les patients en crise Gérer l agressivité des patients Cette étude montre que les risques pour la santé du kinésithérapeute sont importants. Elle met en évidence comme pour les salariés, la surcharge de travail quotidienne mais également les facteurs psycho-sociaux quotidiens des rééducateurs libéraux. Elle ne détermine aucune maladie susceptible d atteindre les praticiens. Cependant, on comprend que cette surcharge physique et psychologique décrites par les kinésithérapeutes peuvent être à l origine d une fatigue générale anormale, des problèmes psychologiques mais également des troubles musculo-squelettiques. Ces troubles musculo squelettiques recouvrent un large ensemble d affection peri-articulaires qui touchent les tissus mou tel que les muscles, les tendons et le cartilage. Ils se traduisent particulièrement par : Des douleurs, Une gêne fonctionnelle souvent quotidienne. Ces derniers varient d une personne à l autre mais également au cours du temps pour une même personne. Ces troubles ne sont pas spectaculaires mais leurs gravité est liée à leurs conséquence qui sont médicales de par leur chronicités ; et fonctionnelle car ils peuvent être responsable d une inaptitude à exercer le métier de rééducateur. 28

Résultats de l'enquête CARPIMKO auprès des kinésithérapeutes libéraux ont déjà refusé des patients metier dificile psychologiquement considèrent le metier dure physiquement estiment le metier risqué travail dans l'urgence manque de temps de récuperation temps de travail superieur a 50h/sem - 20 40 60 80 100 nbre des kinésithérapeutes Fig. 14 : Récapitulatif de l enquête CARPIMKO V) Prévenir et soigner les pathologies chez le kinésithérapeute Le développement de l arthrose trapézo-métacarpienne est due à des contraintes articulaires trop importantes. Différemment des tendinites qui ont 3 origines distinctes. Mais il est possible de limiter l apparition précoce de ces deux pathologies. Si toutefois des symptômes apparaissent, il est alors possible de les traiter afin d éviter leurs amplifications. 1. Les tendinites Les tendinites sont désignées comme des maladies professionnelles. Elles sont le témoin d une surcharge de travail corporel associé à un manque de récupération 29

musculaire. A cela se rajoute l aspect psychologique du métier différent d un rééducateur à l autre. Mais il est très important dans le développement des tendinites. Le facteur à ne pas négliger et l aspect individuel de la maladie sur lequel il est impossible d intervenir. Il est toutefois possible d agir quotidiennement pour lutter contre l apparition des tendinites. a) Eviter la survenue des tendinites La masso-kinésithérapie est une profession manuelle. Il est important de conserver ces techniques qui sollicitent l implication du rééducateur. Pour éviter la survenue des tendinites, le thérapeute peut modifier la position de ses mains, dans les techniques de rééducations. Travailler davantage avec les épaules Afin de limiter la surcharge de travail quotidienne, il est nécessaire de libérer du temps de repos. Cela permet de soulager les structures anatomiques du corps, mais également de se relâcher au niveau psychologique. Utiliser des techniques de relaxations pour détendre le corps. Evacuer le stress que les patients projettent sur les thérapeutes, ne plus penser à l activité professionnelle Pour cela, il est possible de réaliser des auto-étirements tout au long de la journée. Lors de mouvements répétés, ils permettent aux muscles qui travaillent en course interne, de retrouver de la longueur [18]. Ils permettent ainsi de décontracter les masses musculaires mais également de palier aux mauvaises positions prises durant l application des soins. Certains pratiquent un sport dans les premières heures de la journée. Cela dans le but de préparer le corps au quotidien difficile, mais également au surmenage psychologique qu ils subissent. 30

D autre préfèrent effectuer une activité sportive en fin de journée ; afin de soulager le corps de l activité professionnelle intense mais aussi du stress accumulé. En effet, la pratique d une activité sportive à une action anti-stress sur l Homme. Elle entraine la libération de l endorphine. Cette hormone est un neurorécepteur qui agit sur les récepteurs opiacés. Elle présente une capacité analgésique et procure une sensation de bien-être. Sa quantité corporelle augmente pendant l exercice et atteint 5 fois sa valeur de repos 30 à 45 minutes après l arrêt de l effort. Rapidement dégradé, sont effet est court dans le temps. [19] Les sports d endurances sont davantage endorphinogènes que les activités en force. «Le sport a donc une action sur les caractéristiques morphologiques et psychologiques des individus.» Cette approche permet de comprendre les bienfaits d une pratique sportive sur les facteurs physiques et psycholoiques, responsables de l apparition des tendinites. b) Soigner la tendinite Lorsque les douleurs au niveau des épicondyliens surviennent, le traitement médical préconisé est le suivant : - Le repos dans le but d inhiber l agent responsable de la surutilisation du tendon, - La prise d antiinflammatoire afin de diminuer l inflammation, - Glacer le tendon pour diminuer les douleurs. Ce traitement est conseillé dans le but de diminuer l inflammation du tendon. Mais en aucun cas il permet de le réparé. En effet, le tendon débute sa régénération à partir de 8% de dégradation des structures colagéniques. Sans traitement, cette cicatrisation spontanée est efficace en 24 mois. Mais durant ce laps de temps, d autres pathologies peuvent survenir causées par la douleur des tendons épicondyliens. 31

Pour activer cette cicatrisation et ainsi diminuer les risques d apparition d autres pathologies, il faut continuer à solliciter le tendon douloureux tel qu on peut le faire en rééducation [18] : - L utilisation du massage transversal profond réalisé 5 minutes toute les 2 heures. Très douloureux, ce type de massage permet de saturer les voies nociceptives et ainsi d augmenter le seuil de tolérance à la douleur. - Les techniques d étirement musculaire sont également efficaces. Elles permettent de diriger la cicatrisation du tendon pour une longueur adéquat des néofibres. Ces différentes techniques peuvent être réalisées seul tout au long d une journée, et permettent une cicatrisation tendineuse théorique en 3 mois. [18] 2. La rhizarthrose Cette usure est la conséquence de la surutilisation d une structure articulaire non congruente entre les deux surfaces articulaires et des forces intenses qui lui sont appliquées lors des différentes prises quotidiennes professionnelles. a) Eviter l apparition de l arthrose du pouce Pour les différentes prises, il est nécessaire de modifier les habitudes gestuelles dans un objectif d économie articulaire de la trapézo-métacarpienne. Il est indispensable d éviter les prises pollici-digitale, sources de fortes contraintes sur l articulation. En effet, l utilisation des doigts longs associés au pouce met en jeu des forces peu différentes que celles déployées lors d une prise distale. 32

A titre préventif, et quand cela est possible, il est donc préférable d utiliser la prise par les doigts longs sans le pouce. Au quotidien, les kinésithérapeutes doivent jouer avec l économie articulaire comme par exemple lors du massage thérapeutique, les techniques utilisant les mains peuvent être réalisées avec les avant-bras et les coudes du thérapeute. Cela permettrait de soulager l utilisation du pouce pour les massages qui demandent de la force. Utiliser les doigts longs plutôt que le pouce lors du massage transversal profond. b) Soigner la rhizarthrose L usure articulaire ne se soigne pas. Il est possible de soulager la douleur part un traitement médicamenteux, un traitement local et un traitement non médicamenteux. Le traitement médicamenteux agit sur la symptomatologie. Il s agit d une prise d antalgiques et d antiinflammatoire non stéroïdiens dans le but de lutter contre la douleur et l inflammation de l articulation. Pour le traitement local, trois interventions peuvent être effectuées : - Une ponction évacuatrice - Une infiltration d un produit dérivé de cortisone ou d acide hyaluronique. - Un lavage au sérum physiologique Le traitement non médicamenteux consiste à porter une orthèse. L orthèse de repos permet de placer l articulation en position de protection. Elle la stabilise dans cette position. Il s agit d un mécanisme d immobilisation articulaire. 33

Elle permet de maintenir centrée l articulation, avec un relâchement des muscles périphériques ainsi qu une diminution des douleurs. Intéressante pour le thérapeute manuel, elle permet d éviter la sollicitation du pouce en dehors de sa pratique professionnelle. Elle vise à réduire l inflammation et à prévenir les déformations. Elle peut être globale (pouce/poignet immobilisés) ou partielle (pouce immobilisé/ poignet libre) [20]. L orthèse de fonction permet de réduire les contraintes imposées à l articulation en évitant la luxation de la trapézo-métacarpienne lors des mouvements qui sollicitent des prises manuelles. Les deux surfaces articulaires restent donc en regard l une de l autre lors des mouvements. Cela permet une meilleure répartition des contraintes. L apparition des douleurs mécaniques sont donc diminuées. Elle améliore la fonction. Elle prévient ou corrige une déformation réductible. Elle facilite l apprentissage de l économie articulaire au quotidien. [20] Cette orthèse permet au kinésithérapeute de continuer son activité professionnelle. Avec le port d orthèses, la rhizarthrose est assez bien tolérée. Cependant il y a long terme le traitement chirurgical qui peut être envisagé en fonction de la demande mais également de l âge de l individu. VI) Conclusion La pénibilité de la masso-kinésithérapie est au préalable mise en avant au milieu du XIXème siècle par les médecins qui pratiquent le massage. Les kinésithérapeutes actuels témoignent de la difficulté d exercer ce métier tant par l importance de l investissement physique que l investissement psychologique. 34

L exercice de la kinésithérapie est responsable d un surmenage articulaire et musculaire ainsi que d un épuisement psychologique. Les manœuvres utilisées en rééducation demandent de la force, de la précision mais également de la répétition. Du massage, à la mobilisation, en passant par les postures, toutes ces techniques utilisées au quotidien sollicitent les mains des thérapeutes. Avec de telles contraintes, les thérapeutes jonglent entre ces différentes manœuvres qui ne laissent que peu de repos à leurs membres supérieurs. Le poids de la hierarchie, l efficacité de la prise en charge, l utilisation des bons gestes, le contentement des patients mais également celui des médecins sont des aspects cachés de la profession. Cependant leur impact sur le psychologique des praticiens est très important. A cela se rajoute la sensibilité individuelle propre à chaque thérapeute (prédispositions génétiques, malformations, résistance du corps à supporter les contraintes ) Le surmenage professionnel, la répétition des techniques de rééducations, l épuisement psychologique et les facteurs individuels sont à l origine du développement de ces pathologies chez les thérapeutes. Les facteurs individuels sont propres à chacun et ne dépendent pas de la gestion de la pratique de la kinésithérapie. Mais il est possible d agir sur les deux autres paramètres (les contraintes professionnelles et l atteinte psychologique). L apparition de ces deux pathologies a la même origine. La modification de certaines habitudes du quotidien professionnel peut permettre de limiter leur développement. Les kinésithérapeutes ont des contraintes quotidiennes importantes imposés par les patients, les médecins mais également que les rééducateurs s imposent eux-mêmes. Il est important que chaque praticien modifie ses habitudes thérapeutiques. 44

Les professionnels libéraux libres de leurs techniques, peuvent les modifier. Les salariés sont davantage encadré et ne peuvent modifier les techniques à utilisés cependant, ils peuvent modifier leurs position, solliciter d autres parties du corps. Pour ces derniers, l aspect psychologique est très important. Ils ne sont sans cesse guidés dans les gestes à effectuer. Leurs choix sont toujours très limités et doit souvent faire appel à des personnes davantage grader dans leur hiérarchie afin qu ils valident ou non leur décision. Ainsi, le stress psychologique est intense. L activité sportive agit sur deux domaines. Elle permet de solliciter les muscles d une manière différente que dans le quotidien professionnel. Elle agit également en apportant un bienfait psychologique grâce à la libération d endorphines. Ainsi, elle agit sur les facteurs psycho-sociaux responsables du développement des maladies professionnelles. La modification principale qui concerne tous les masseurs-kinésithérapeutes est la modification des habitudes dans la pratique des techniques professionnelles. Par exemple, il est préférable de solliciter les doigts longs (Fig. 15) que le pouce pour des pressions (tel que le massage transversal profond), des prises manuelles Ces simples modifications peuvent permettre aux rééducateurs de limiter l apparition précoce de ces deux pathologies. 36

Fig. 15 : Massage transversal profond réalisé avec le troisième doigt Issue de l article de DUFOUR [11] L apprentissage de l autonomie du patient peut également être envisagé. En effet, sans négliger l importance de l intervention manuelle du kinésithérapeute sur ses patients, et en en fonction des différentes prises en charge, ils sont capables de réaliser eux-mêmes les exercices d étirement et de mobilisation. Cette autonomie du patient permettrait au praticien de diminuer l effort imposé à son corps tout en surveillant son patient. Cela serait un complément de la prise en charge manuelle du rééducateur. 37