PLFR décembre 2013 Un article de loi adopté le 29 décembre 2013 autorise l utilisation des créances du Crédit Impôt Recherche comme fonds de garantie pour les organismes de titrisation Le Crédit Impôt Recherche (CIR), première niche fiscale française, verra son coût augmenter au delà de 6 milliards d euros en 2014. Bien évidemment au détriment d autres budgets publics, en particulier ceux de la recherche publique. On savait déjà cela. Un fait nouveau est cependant passé plus inaperçu, créé par l adoption de l article de loi suivant : LOI n 2013 1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, Article 35 : «Au deuxième alinéa du I de l article 199 ter B du code général des impôts, après le mot : «articles», sont insérées les références : «L. 214 169 à L. 214 190 et».»??? Sous cette forme absconse se cache le fait que les «organismes de titrisation» pourront maintenant acheter la créance qu une entreprise a acquise auprès de l état au titre du CIR. «Le présent article [il s agit de l article 35 reproduit ci dessus] vise à autoriser les entreprises à céder leurs créances de crédit d impôt recherche (CIR) aux organismes de titrisation» résume le Sénat. L «exposé sommaire» des motifs de l amendement n 345, à l origine de cet article 35, donne plus de détails : «Lorsque le montant du crédit d impôt recherche (CIR) obtenu par une entreprise dépasse le montant de l impôt dû, l excédent constitue une créance sur l État. Sauf cas particuliers (notamment les PME et les entreprises en difficulté), cette créance n est pas immédiatement remboursable : elle s impute sur le montant de l impôt dû au titre des trois années suivantes, et c est seulement après ce délai que la fraction de créance non imputée est remboursée par l État. Les entreprises qui souhaitent obtenir un apport de trésorerie immédiat peuvent céder leur créance à des établissements bancaires, dans le cadre des dispositions dites «Dailly». Afin de faciliter les apports en trésorerie, le présent amendement permet de céder également la créance à des organismes de titrisation.» Quel est le bénéfice de cette opération pour l organisme de titrisation, peut on se demander? (pour l entreprise, on le comprend bien, cela permet de se procurer immédiatement des liquidités qui sinon ne lui seraient allouées par l État que dans plusieurs années) Avec la nouvelle règle du jeu, les créances du CIR peuvent, par définition d un organisme de titrisation, se transformer par anticipation en titres financiers émis sur le marché des capitaux. Autrement dit, cet argent peut être est investi sur les marchés financiers avant même d avoir été perçu. Il sert à réaliser des plus values par définition spéculatives. On a du mal à imaginer qu un organisme de titrisation décide d acquérir les créances du CIR pour des raisons philanthropiques. La créance du CIR sert donc ici de garantie à ces capitaux, au même titre que l actif constitué par une
maison d habitation par exemple, mais en plus fiable car il est certain que l État remboursera le CIR 1, alors que la valeur d une maison peut brusquement chuter (cf une certaine crise financière récente) Le CIR est donc utilisé ici, de par sa cession par l entreprise qui en bénéficie à l organisme de titrisation, pour garantir des capitaux spéculatifs, ce qui était auparavant interdit mais que rend possible le présent article de loi. On comprend aisément que ce type de garantie soit recherché car c est une valeur sûre : l État remboursera la créance CIR à l entreprise (ou plutôt en l occurrence à l organisme financier qui l a acquise), c est certain. En conclusion, les créances du CIR pourront dorénavant servir de fonds de garantie aux sociétés financières les plus spéculatrices qui soient, les organismes de titrisation. Parallèlement, Jean Marc Ayrault déclarait encore au journal Le Point le 16 janvier 2014 : «La finance qui spécule, la finance qui fraude, c est l ennemi». ANNEXES documents LOI n 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 Article 35 Au deuxième alinéa du I de l'article 199 ter B du code général des impôts, après le mot : «articles», sont insérées les références : «L. 214-169 à L. 214-190 et». Avant l «explication de texte» finale, quelques documents du Sénat et de L Assemblée Nationale sont nécessaires à la bonne compréhension du sujet : L Article 18 ter initialement proposé par le Sénat dans le PLFR de décembre 2013 1 D autant plus que le Conseil d État vient de proposer, pour sécuriser encore davantage le recouvrement des créances du CIR par les entreprises, un «agrément» qui vise à «[offrir] une protection juridique plus forte que le rescrit actuel".
Code Monétaire et Financier Article L313-23 [NDLR entre crochets : son application au cas du CIR] «Tout crédit qu'un établissement de crédit [les organismes de titrisation] consent à une personne morale de droit privé ou de droit public [la société bénéficiaire du CIR], ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire
du crédit, de toute créance [le CIR] que celui-ci peut détenir sur un tiers [l État], personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle.» Assemblée Nationale, nouvelle lecture. Commentaires sur l article 18 ter N 1652 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'assemblée nationale le 16 décembre 2013. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE, EN NOUVELLE LECTURE, SUR LE PROJET DE loi de finances rectificative pour 2013 REJETÉ PAR LE SÉNAT (n 1640), TOME I INTRODUCTION EXAMEN DES ARTICLES PAR M. CHRISTIAN ECKERT Rapporteur général, Député. «Article 18 ter Permission de céder les créances de CIR à d autres organismes que les établissements bancaires Le présent article, adopté à l initiative de M. Dominique Lefebvre, et sur avis favorable de la commission des Finances et du Gouvernement, a pour objet de faciliter la cession des créances de crédit d impôt recherche (CIR). Lorsque le montant de CIR obtenu par une entreprise dépasse le montant de l impôt dû, l excédent constitue une créance sur l État. Sauf cas particuliers (notamment les PME et les entreprises en difficulté), cette créance n est pas immédiatement remboursable : elle s impute sur le montant de l impôt dû au titre des trois années suivantes, et c est seulement après ce délai que la fraction de créance non imputée est remboursée par l État. Les entreprises qui souhaitent obtenir un apport de trésorerie immédiat peuvent céder leur créance à des établissements bancaires, dans le cadre des dispositions dites «Dailly», en application de l article 199 ter B du code général des impôts qui prévoit cette dérogation au principe général de la non-cessibilité des créances de CIR. Afin de faciliter les apports en trésorerie, le présent article permet de céder également la créance à des organismes de titrisation. L article L. 214-168 du code monétaire et financier définit ces organismes de la manière suivante : «Les organismes de titrisation ont pour objet : d une part, d être exposés à des risques, y compris des risques d assurance, par l acquisition de créances ou la conclusion de contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d assurance ;
d autre part, d assurer en totalité le financement ou la couverture de ces risques par l émission d actions, de parts ou de titres de créance, par la conclusion de contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d assurance, ou encore par le recours à l emprunt ou à d autres formes de ressources. Ils prennent la forme soit de fonds communs de titrisation, soit de sociétés de titrisation.». Cet article, qui vise simplement à élargir le champ des cessionnaires de la créance de CIR, n a aucun impact négatif sur les finances publiques. Il permettra en revanche aux entreprises de bénéficier plus facilement de l apport en trésorerie permis par la cession de créances, qui étant dues par l État, devraient trouver aisément acquéreur. Le rapporteur général propose d apporter une précision rédactionnelle à cet article, en listant plus précisément les dispositions du code monétaire et financier définissant les organismes de titrisation.» Fin de l histoire législative: l article est adopté le 29 décembre 2013 L article 18 ter est finalement adopté sous le n 35 : LOI n 2013 1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 Article 35 Au deuxième alinéa du I de l'article 199 ter B du code général des impôts, après le mot : «articles», sont insérées les références : «L. 214-169 à L. 214-190 et».