Service de Neurologie Étiologie des déficiences intellectuelles : démarche diagnostique Gaël NICOLAS
Définitions Plusieurs définitions, AAMR 1992 puis actualisations (AAIDD 2010) la plus utilisée aux USA DSM IV 1994 et révisions CIM 10 1994 la plus utilisée en dehors des USA Points communs : Mesure de l efficience intellectuelle Comportement adaptatif Âge de début <18 ans / développement Retard de développement global / Déficiences intellectuelles
Épidémiologie 1/2 Prévalence estimée : 1-3% (Harris, 2006) Méta-analyse 52 études mondiales (Maulik et al., 2011) : Prévalence : 10.37/1000 Plus élevée chez les garçons ratio adultes : 0.7-0.9 ratio enfants/ados : 0.4-1.0 Prévalence plus élevée quand étude faite Pays pauvres : 16.41/1000 vs 15.94 revenus intermédiaires et 9.21 revenus élevés Bidonvilles et population mixte rurale-urbaine : 21.23/1000 Enfants-adolescents : 18.30/1000 vs études chez adultes seulement : 4.94/1000
Épidémiologie 2/2 Par degré de sévérité : Cans et al., 1999, profonds, sévères, modérés 0,38 % légers 2,5 % Par causes : Maulik et al., 2011 Inconnue : ½ Parmi la moitié de causes connues : 1/3 périnatales (anoxie, trauma, ) 1/3 anté- (dont T21++) 1/3 post- (infections, «developmental disorders»)
Efficience intellectuelle à 18 ans Naissance Développement cérébral post-natal Gènes Environnement : - Lésions cérébrales : traumatiques, vasculaires, etc. - stimulations intellectuelles Gènes Développement cérébral intra-utérin Environnement : Perfusion, nutriments, infections, toxiques
Anomalies génétiques responsables de DI Chromosomes : Aneuploïdies Anomalies structurales Échelle cytogénétique : caryotype http://burgues.svt.pagesperso-orange.fr/troisieme/unite_diversite/caryotypes.html Cryptiques http://www.xtraordinaire.org/genetique.html
Anomalies génétiques responsables de DI A l échelle du gène : Mutations ponctuelles «faute d orthographe» AR AD Liées à l X Anomalies de nombre de copie du gène Anomalies d empreinte génomique Maladies génétiques métaboliques Mutations sur gène qui a une fonction enzymatique (ou transporteur ) dépistage biochimique Composé A Enzyme = protéine codée par un gène Composé B
DI d origine génétique : maladies toujours familiales? 3 situations : 1. Anomalie favorisée par une anomalie familiale, portée par un ou les 2 parent(s) asymptomatique(s) AR, liée à l X, chromosomique (ex. translocation parentale pouvant favoriser un déséquilibre sévère) 2. Anomalie de novo = accident génétique Absente chez les 2 parents risque de récurrence ~ 0 pour le couple Mosaïques germinales Mutations dominantes, anomalies chromosomiques 3. Anomalie héritée (DI légères surtout) Dominantes le plus souvent Variabilité, pénétrance
Anomalies chromosomiques visibles sur le caryotype : 4-28% des DI (médiane 10%) dont T21 (~15% DI) «idiopathique» 30-50% Anomalies chromosomiques cryptiques 4-18% WP/Angelman ~1-2% Williams ~1-2% Déficiences intellectuelles Anomalies géniques? - dont lié à l X 10-25% des causes génétiques (dont X-fra 0,5-4% de ttes les DI) - Anomalies métaboliques / endocriniennes ~ 1% - ADN mitochondrial Évènements pré et péri-nataux : Évènements post-nataux : 5-13% 8%? infection, toxiques, souffrance fœtale, carences (B9) dont médicaments et alcool (SAF ~ 2% des DI), traumatisme,infection, désordre HE, tumeur, AVC 20 %? Leonard, et al.2002. Curry et al., 1997. Zahir et al., 2007. Ropers et al., 2010, Hochstenbach et al., 2011, Topper et al., 2011
Diagnostics étiologiques : pour quoi faire? Intérêts chez l enfant : Modifier/adapter la prise en charge médicale rares traitements / maladies métaboliques enfants, paramédicale et éducative Évaluer les risques évolutifs, le pronostic Conseil génétique +++ Risques de récurrence dans la famille? Donner un nom à une maladie Sensation de «perte de contrôle» quand diagnostic inconnu pour les familles (Shevell) Protocoles de recherche Intérêts chez l adulte : Probablement moins d impact sur la prise en charge du fait de la longue évolution passée Mais les autres aspects sont aussi valables Evaluation of MR : Recommendations of a consensus conference, Curry C., AMJMG, 1997
Démarche(s) diagnostique(s)
Diagnostic positif Évaluation neuropsychologique Diagnostic + et sévérité Définitions
Diagnostic étiologique Champ étiologique très large, Maladies très variées Pas de possibilité de «screening général» : variété d'examens trop grande, inutilité de certains en fonction du contexte, «évidences» cliniques Arbres décisionnels Examens nécessairement orientés par la clinique Plusieurs revues aboutissant à des algorithmes et/ou des recommandations chez l enfant : - Evaluation of MR : Recommendations of a consensus conference, Curry C., AMJMG, 1997 - Practice parameter : Evaluation of the child with global developmental delay Report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology and The Practice Committee of the Child Neurology Society, Shevell M, Neurology 2003 - Diagnostic investigations individuals with mental retardation : a systematic literature review of their usefulness, Van Karnebeek C, EUJHG, 2005 - Clinical Genetic Evaluation of the child with MR or DD, Moeschler J, American Academy of Pediatrics, 2006 Genetic Evaluation of Intellectual Disabilities, Moeshler J., Seminars in Pediatric Neurology, 2008
Shevell et al., Practice parameter: evaluation of the child with GDD, 2003
Clinical Genetic Evaluation of the Child With Mental Retardation or Developmental Delays John B. Moeschler, American Academy of Pediatrics, 2006
1) Importance de l évaluation clinique : éléments majeurs d orientation Antécédents familiaux : arbre généalogique Modes de transmissions, phénotypes Anamnèse Évolution : fixé-régression-progression-accès Sévérité Signes particuliers (comportement, tr. spectre autistique, pathologies associées ) Examen physique La dysmorphie fait parfois le diagnostic Rechercher des signes d orientation Exemple anomalies chromosomiques Exemple maladies métaboliques Malformations Examen neurologique Mensurations
1 ère intention : quels examens complémentaires? Hypothèse clinique : Confirmation si test diagnostique disponible Chromosomique Génique Biochimique Ou diagnostic clinique seul parfois ex. NF1, ex. sd reconnaissable d étiologie inconnue Ou recherche d arguments paracliniques pour étoffer le dg
1 ère intention : quels examens complémentaires? Si pas d hypothèse Toujours caryotype X fragile : indications larges Anomalies chromosomiques cryptiques fréquentes : Selon les centres, possibilité de screening Bilan métabolique? Non recommandé dans bilan initial systématique chez l enfant Mais causes parfois curables Examens de dépistage sanguin/urinaire Garder indications larges, mais favoriser indications selon anamnèse/examen/consanguinité Certaines maladies métaboliques sont peu spécifiques Ex. métabolisme créatine
2 nde intention Bilan négatif : la clinique prime toujours : Si éléments évocateurs d un syndrome génétique particulier mais gène(s) testé(s) normaux : Existe-il d autres gènes impliqués? Diagnostics différentiels? Ex. DI sévères Angelman-like Si éléments en faveur anomalie chromosomique mais caryotype standard normal : CGH array Attention prévoir l interprétation potentiellement difficile, prévenir
CGH array (hybridation génomique comparative sur puces) Détection de CNV : Copy number variant Microdélétions / microduplications Pb = interprétation Anomalie causale? Base de données Littérature Nature / fonction des gènes impliqués Ségrégation ADN du patient http://fr.wikipedia.org/wiki/puce_d%27hybridation_g%c3%a9nomique_comparative
2009
Place de l imagerie cérébrale Indications larges IRM>TDM Sauf recherche de calcifications (ex. Cockayne ), craniosténoses Mais réalisation parfois difficile Comportement, Autistes Sédation Favoriser quand Anomalies de contour crâne (craniosténose, anomalie de PC) Anomalie à l examen neurologique Épilepsie Indication spectro-irm Rendement très variable selon études Anomalies fréquentes ~30 % Mais diagnostic ou cause : 0-3,9% Ex. lissencéphalie, double cortex Curry et al., 1997. Shevell et al, 2003.
Place de l EEG Indications certaines : Sd épileptiques Certaines maladies métaboliques avec anomalies spécifiques Champ étiologique estimé à 0,4% des GDD Données insuffisantes pour recommander EEG systématique
L avenir : approches pangénomiques Bilan exhaustif = impossible NGS = possibilité de séquencer en parallèle de nombreux gènes Phénotype = préalable indispensable Rôle des mutations privées À explorer, probablement majeur dans les DI Familiales, de novo (Vissers et al., 2010) Exome : Whole exome sequencing: Exon = partie codante, fonction ~ 1% génome 85% maladies monogéniques (exons + splice sites) (Cooper et al., 1995) Toutes les variations dans les exons L écrasante majorité = polymorphisme Hypothèse = 1 causale Stratégies Intrafamilial trios
Particularités : exploration de l adulte Évolution des techniques / connaissances Valeur d un caryotype standard normal dans les 90s Néanmoins : nécessité d une anamnèse fiable (proches, dossiers) Pour le diagnostic positif : déficience intellectuelle réelle? Pour le diagnostic étiologique ++ (HDM, arbre généalogique) Détermination du QI, évaluation du degré de sévérité Tests adaptés aux adultes : WAIS IV Pb des pathologies surajoutées Estimations de QI prémorbides quand troubles cognitifs surajoutés : fnart-r?? (National Adult Reading Test version Fr) Éthique-accord : majeur protégé? Fonction degré de compréhension du patient et
Ex. microdélétion reconnaissable : syndrome de Williams et Beuren Décrit depuis 1961 cas adultes potentiellement non diagnostiqués DI modérée (discordance QIv/p) Pb alimentation, retard de croissance, Intolérance au bruit, cocktail party Dysmorphie (cf) Surveillance : Cardiaque : anomalies cardio-vasculaires (gros vssx) Rein/TA : HTA rénovasculaire, néphrocalcinose Adultes : risque dépressif Source : orphanet
Diagnostic clinique, confirmé par FISH : microdélétion 7q11.23 (le plus souvent de novo) Source orphanet
Source : Orphanet Ex. anomalie génétique : Syndrome de l X fragile Cause fréquente de DI génétique 0,5-3% des garçons DI jusqu à 11% DI modérée à sévère le + souvent T. comportement possibles Hyperactivité, tr attention, stéréotypies, troubles du spectre autistique Dysmorphie (cf) subtile Macroorchidisme postpubertaire
Fragile X syndrome, EJHG 2008
Ex. anomalie génétique : Syndrome de l X fragile Anomalie génétique : Gène FMR1 : expansion CGG en 5 UTR Nombre de répétitions > 200 Phénotype complet chez le garçon Atténué chez la fille Prémutation : 59-200 : Ménopause précoce Risque de transmettre mutation complète : FXTAS Transmet prémutation à ses filles Normal : <50 Intérêt du conseil génétique ++++
Conclusions Nombreuses causes Génétiques Non génétiques «DI» ne signifie pas «dysmorphie» Complexité des mécanismes Génétique ne signifie pas forcément familial Ne pas attendre le second cas pour rechercher cause génétique Conseil génétique Rôle du généticien +++ Bilan paraclinique «standardisé» : non envisageable Place de la clinique reste majeure Même avec l avènement des nouvelles technologies Explorer les adultes aussi : Conseil génétique / familles Progression des connaissances / techniques depuis leur enfance