Bilan et traitement de l occlusion de la veine centrale de la rétine



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Transcription:

Bilan et traitement de l occlusion de la veine centrale de la rétine A. Glacet-Bernard, G. Soubrane, G. Coscas* L occlusion de la veine centrale de la rétine est le plus souvent le résultat d une pathologie artérielle par compression de la veine dans la gaine adventicielle commune. L artériosclérose est incriminée dans la grande majorité des cas. Le pronostic des occlusions veineuses rétiniennes est imprévisible dans les premières semaines suivant l accident occlusif. Dans environ la moitié des cas, une aggravation progressive conduit à une vision finale inférieure ou égale à 1/10. Une prise en charge rapide est donc nécessaire pour limiter le risque d aggravation secondaire. La survenue d une occlusion veineuse rétinienne chez un sujet jeune ou sans facteur de risque vasculaire doit faire rechercher des causes plus rares de thrombose. À la phase initiale de l occlusion, le traitement médical a pour but de normaliser les conditions circulatoires, et doit être administré le plus tôt possible, en l absence de contre-indications (comme l hémodilution isovolémique, la fibrinolyse locale, les correcteurs rhéologiques, l aspirine, les anticoagulants, principalement lorsque des anomalies spécifiques de la coagulation sont mises en évidence). Le traitement par photocoagulation au laser vise principalement à prévenir ou à combattre les complications. L indication du traitement au laser repose sur le résultat des angiographies à la fluorescéine, qui doivent être répétées à plusieurs reprises. Mots-clés : Occlusion de la veine centrale de la rétine - Thrombose de la veine centrale de la rétine - Œdème maculaire - Ischémie rétinienne - Hémodilution isovolémique - Viscosité sanguine - Troubles de la coagulation. * Clinique ophtalmologique universitaire de Créteil, Centre hospitalier intercommunal, 94000 Créteil. 50 Points forts L e tableau clinique d occlusion de la veine centrale de la rétine (OVCR) est la conséquence d un ralentissement circulatoire aigu dans le compartiment veineux. Ses mécanismes de survenue sont toujours sujets à controverse et très probablement multifactoriels, faisant intervenir des anomalies pariétales souvent associées à des troubles de la viscosité sanguine et/ou de la coagulation (1-4). La présence d un thrombus dans la lumière vasculaire a été observée sur le plan anatomopathologique sur des yeux énucléés en raison de complications tardives ; sa présence dès la phase initiale n a pas été mise en évidence, et les explorations angiographiques récentes n ont d ailleurs jamais montré d interruption brutale du remplissage des veines rétiniennes, mais plutôt un ralentissement circulatoire plus ou moins important dans le compartiment veineux. C est pourquoi le terme d occlusion veineuse est souvent préféré au terme de thrombose, trop chargé de signification pathogénique. Paradoxalement, les OVCR sont la conséquence d une pathologie artérielle, et leurs facteurs de risque sont ceux de l artériosclérose (hypertension artérielle, tabagisme, hypercholestérolémie, diabète...). Cela est lié aux particularités anatomiques du trajet des vaisseaux rétiniens qui cheminent, dans la lame criblée et au niveau des croisements artério-veineux, dans une gaine adventicielle commune. L épaississement de la paroi artérielle influence directement la circulation sanguine dans la veine correspondante. Le tableau clinique d OVCR se manifeste par une sensation de brouillard donnant une baisse progressive de l acuité visuelle, souvent notée le matin au réveil (rôle du ralentissement circulatoire pendant le sommeil?). Le diagnostic est généralement facilement posé sur l examen du fond d œil (figure 1), montrant une dilatation et une sinuosité accrues de l ensemble des veines rétiniennes, des hémorragies rétiniennes disséminées, un œdème papillo-rétinien et souvent des nodules cotonneux. L angiographie rétinienne à la fluorescéine est essentielle (figure 2) : elle confirme le diagnostic en mettant en évidence le retard circulatoire veineux, et permet d en évaluer la gravité par l analyse du lit capillaire. L aggravation progressive du tableau d OVCR est une modalité évolutive courante, et l on ne peut porter un pronostic sur le résultat visuel final avant le quatrième mois. La prise en charge du patient à la phase aiguë consiste à faire rapidement le point des facteurs étiologiques parfois intriqués et d envisager en semi-urgence les possibilités du traitement médical, qui vise à améliorer les conditions circulatoires dans les vaisseaux rétiniens, pour restaurer au mieux une vision normale ou

Figure 1. Fond d œil montrant une occlusion récente de la veine centrale de la rétine, avec une dilatation et une sinuosité accrues de l ensemble des veines rétiniennes, des hémorragies en flammèche disséminées, un œdème de la papille. Figure 2. L angiographie à la fluorescéine montre un retard du remplissage veineux (remplissage veineux laminaire à 26,4 s) et la dilatation du réseau veineux et des capillaires. Il n existe pas, dans ce cas, de territoires de non-perfusion notables. pour limiter les risques d aggravation secondaire. Le traitement par photocoagulation au laser n intervient en règle que dans un deuxième temps, pour prévenir ou traiter les complications de l occlusion. BILAN DES OVCR Les OVCR surviennent le plus souvent chez des sujets d âge mûr : dans ce cas, le bilan étiologique doit se limiter à la recherche des facteurs de risque de l artériosclérose. À l inverse, les OVCR du sujet jeune, sans antécédents particuliers ou en cas d atteinte bilatérale, doivent bénéficier d un bilan plus complet de la coagulation, à la fois rhéologique, immunologique et cardiovasculaire. Sujet âgé Dans la grande majorité des cas (75 %), les OVCR surviennent chez des sujets d âge supérieur à 60 ans, atteints d affections cardiovasculaires ou ayant un ou plusieurs des facteurs de risque de l artériosclérose : hypertension artérielle, diabète, hyperlipidémie, tabagisme. Le bilan doit donc être limité, et il convient de rechercher principalement ces facteurs de risque (5). Après un interrogatoire minutieux, le patient sera adressé à son médecin généraliste ou à son cardiologue afin de rechercher une hypertension artérielle ou une anomalie cardiovasculaire et d en évaluer les conséquences. L électrocardiogramme, le doppler carotidien et l échocardiogramme seront demandés en fonction du résultat de l examen clinique. Un bilan biologique comprendra principalement la numération de la formule sanguine, avec dosage des plaquettes, fibrinogène, bilan lipidique et glucidique ainsi que l évaluation de la fonction rénale. La recherche d un glaucome chronique sous-jacent doit être faite avec soin, car il représente un facteur de risque important des OVCR. Il est retrouvé dans environ un tiers des cas. Sujet jeune ou sans facteurs de risque, et formes bilatérales Un bilan étiologique plus complet est souvent utile chez les sujets jeunes ne présentant apparemment aucun facteur de risque vasculaire ou en cas de formes bilatérales, à la recherche de causes plus ou moins rares d occlusion veineuse rétinienne. Les examens biologiques rechercheront d abord les facteurs de risque vasculaires classiques vus plus haut. L interrogatoire recherche la notion de tabagisme, en précisant son intensité et son ancienneté (sans oublier le tabagisme passif), et de contraception hormonale, qui devra être interrompue (6). Le traitement hormonal substitutif de la ménopause, au contraire, semble avoir un effet protecteur, mais les doses et les voies d administration doivent être particulièrement étudiées. Certaines maladies cardiovasculaires peuvent favoriser les OVCR par les modifications hémodynamiques qu elles engendrent, principalement le ralentissement du débit circulatoire (arythmie complète par fibrillation auriculaire, bradycardie, bloc de branche...). On a également décrit des valvulopathies (comprenant la maladie de Barlow, réputée bénigne), associées à un risque accru d accident vasculaire occlusif rétinien, probablement par le biais d altérations plaquettaires (7). La recherche d un état d hypercoagulabilité sanguine, plus rare, est difficilement exhaustive étant donné le nombre croissant de facteurs jouant un rôle dans la cascade de la coagulation et incriminés dans les pathologies occlusives. Elle portera principalement sur : un déficit en protéine inhibitrice de la coagulation (protéines C, protéine S, antithrombine III, déficit en règle congénital à rechercher chez des sujets jeunes ayant des antécédents personnels ou familiaux de thrombose) ; une résistance à la protéine C activée à la recherche du facteur de Leiden (mutation sur le gène du chromosome 5) ; 51

la présence d anticoagulants circulants ou d anticorps anticardiolipine dans le cadre du syndrome des antiphospholipides ; un élévation de la lipoprotéine (a), qui pourrait diminuer la fibrinolyse par compétition inhibitrice avec le plasminogène, au moyen d un dosage radio-immunologique sans isotopes ; un dosage de l homocystéine. La recherche d un état d hyperviscosité retrouve des anomalies beaucoup plus fréquentes, dans la moitié des cas environ, mais ces mesures sont difficiles à obtenir. On pourra rechercher une élévation de la viscosité sanguine et plasmatique, du taux d hématocrite et du fibrinogène. L agrégation érythrocytaire, qui permet de mesurer l affinité avec laquelle les globules rouges forment des agrégats (comme l index d agrégation à 10 secondes) et la facilité avec laquelle les agrégats ont tendance à se dissocier (comme le seuil de dissociation partielle), semble être un élément important dans la pathogénie des OVCR, mais elle est malheureusement plus difficile à obtenir en laboratoire à l heure actuelle. D autres étiologies plus rares peuvent être incriminées dans l OVCR ; leur diagnostic se fera essentiellement sur le contexte clinique. On pourra retrouver des maladies comme le sida, la sarcoïdose, la maladie de Behçet, la maladie de Crohn, les collagénoses, les drusen de la papille, la maladie de Basedow, la maladie de Wegener... Une OVCR a aussi été constatée lors de certaines manifestations comme la mucoviscidose, le méningiome, la migraine, le stress, la déshydratation, le jeûne, le séjour en haute altitude (supérieure à 5 000 mètres). Parfois, on pourra suspecter une malformation anatomique de la veine centrale en arrière de la lame criblée, avec, par exemple, un trajet anormalement sinueux ; cette hypothèse reste néanmoins un diagnostic d élimination. Le bilan peut rester négatif. L accident veineux rétinien pourrait alors être considéré comme un accident inaugural de la maladie vasculaire, dont les autres manifestations apparaîtraient plus tard dans la vie. TRAITEMENT DES OVCR Au stade initial : urgence du traitement médical Toute occlusion veineuse rétinienne vue précocement doit être considérée comme une urgence et adressée dans un centre spécialisé pour la mise en route, dans les meilleurs délais, d un traitement adapté apportant au patient le plus de chances possible de conserver sa vision. Le traitement médical a plusieurs buts : traiter et équilibrer les facteurs de risque, améliorer les conditions circulatoires, lutter si possible contre l obstacle veineux, et traiter spécifiquement certains symptômes. Le traitement du terrain semble avoir peu d influence sur l évolution de l occlusion veineuse rétinienne à partir du moment où elle est constituée. Cependant, il peut être bénéfique dans la prévention des rechutes ou d une éventuelle bilatéralisation. L arrêt d un traitement contraceptif estroprogestatif fait partie intégrante du traitement de l occlusion (5). Le traitement d un glaucome sous-jacent est également fondamental. 52 Le traitement anticoagulant. Dans les cas où il existe une anomalie de la coagulation, le traitement anticoagulant semble s imposer en premier choix : c est le cas en présence d anticoagulants circulants, d une résistance à la protéine C activée... Dans ces cas, le traitement doit être institué après avis hématologique, car la conduite thérapeutique dans ces étiologies n est pas parfaitement codifiée pour l instant. En dehors de ces cas particuliers, l efficacité du traitement anticoagulant n a pas été démontrée, que ce soit à titre curatif ou préventif. Les patients présentant un risque majeur (chirurgie récente, accidents vasculaires cérébraux, hypertension maligne) seront éliminés ; le traitement sera également interrompu en cas de néovascularisation oculaire, en raison du risque hémorragique. Les antiagrégants plaquettaires. Ils sont d utilisation aisée, peu contraignants et peu coûteux. Ils n ont pas prouvé leur efficacité dans les OVCR au cours d études rétrospectives mais peuvent avoir un rôle dans le traitement de l artériosclérose. Ce traitement est particulièrement indiqué en cas d anomalie des fonctions plaquettaires. Les fibrinolytiques. Outre leur action de lyse du caillot, ils ont un rôle rhéologique, car ils diminuent la viscosité sanguine en coupant les ponts de fibrine. L utilisation de ces traitements par voie générale (urokinase, streptokinase, rt-pa) a montré des résultats intéressants, mais ils ne sont pas recommandés, du fait du risque hémorragique parfois fatal qu ils induisent. L administration locale permet d éviter les complications systémiques des fibrinolytiques. L injection intravitréenne est simple, sans complications ni contre-indications, mais ses résultats restent discutés. Les correcteurs rhéologiques. À l opposé des fibrinolytiques, ils sont en général bien supportés, et de prescription aisée. Le traitement par troxérutine (Veinamitol ) joue un rôle dans l inhibition de l agrégation érythrocytaire et plaquettaire, et dans l augmentation de la déformabilité érythrocytaire. Ce traitement a montré des résultats encourageants à l occasion d une étude pilote randomisée (8). Le traitement par pentoxifylline (Torental ) joue également un rôle rhéologique par augmentation de la déformabilité érythrocytaire. L hémodilution isovolémique. L hémodilution est également un traitement rhéologique qui permet d abaisser de manière radicale et transitoire la viscosité sanguine en abaissant le taux d hématocrite entre 30 et 38 % selon les protocoles (par soustraction d une certaine quantité de sang, compensée par la perfusion isovolémique de plasma autologue ou de substitut plasmatique). Ce traitement médical est le seul à avoir montré son efficacité dans les occlusions veineuses rétiniennes par une amélioration de l acuité visuelle se maintenant à long terme, une accélération des temps circulatoires et la prévention des complications ischémiques (9, 10). Ce traitement est bien supporté, simple, et il ne présente pas d effets secondaires dans le respect de ses contreindications (diabète, anémie, insuffisance coronarienne, antécédent récent d infarctus du myocarde, trouble du rythme cardiaque, insuffisance respiratoire, drépanocytose, syndrome infectieux, allergie aux substituts plasmatiques, âge supérieur à 70 ans environ, etc.). Il doit être proposé le plus rapidement possible après le début de toute OVCR, car la précocité du traitement est un facteur important du pronostic visuel (11).

Les corticoïdes Par voie locale ou générale, ils entraînent une diminution de l œdème maculaire et papillaire et une amélioration de l acuité visuelle, mais l arrêt du traitement est suivi d un effet rebond inévitable. Du fait des effets vasculaires néfastes de la corticothérapie, ce traitement n est pas recommandé chez les personnes âgées. La corticothérapie par voie générale ou locale peut néanmoins être administrée chez les sujets jeunes au lit vasculaire sain, surtout en cas de suspicion d une étiologie inflammatoire. Traitement par photocoagulation au laser Le traitement laser a pour but de prévenir ou de traiter certaines complications des OVCR. L efficacité de la photocoagulation panrétinienne (PPR) a été démontrée depuis plus de 20 ans par plusieurs études randomisées, notamment sur la prévention du risque de glaucome néovasculaire et sur la prévention ou la régression de la néovascularisation des segments antérieur et postérieur de l œil. Ce traitement peut parfois être réalisé en urgence devant une aggravation rapide de l occlusion, qui peut se compliquer d une néovascularisation du segment antérieur à la fin du premier trimestre d évolution. La surveillance clinique et angiographique doit donc être régulière pour déceler l extension de l ischémie rétinienne ou les premiers signes de la néovascularisation. En ce qui concerne les occlusions de la veine centrale de la rétine, l efficacité de la photocoagulation en grille maculaire pour œdème maculaire cystoïde persistant reste discutée. Elle pourrait être proposée chez les patients jeunes. La chirurgie La chirurgie a pour l instant une place marginale dans les cas d échec ou d impossibilité de traitement au laser. Plusieurs solutions chirurgicales, actuellement en cours d évaluation, pourraient être proposées dès la phase initiale de l occlusion veineuse dans le but de rétablir au mieux le débit circulatoire : par exemple, dissection de la gaine adventicielle commune au niveau du croisement artérioveineux pathologique dans les occlusions de branche veineuse, injection de fibrinolytique dans une veine rétinienne à l aide d une microcanule par voie de vitrectomie, création d une anastomose rétino-choroïdienne... CONCLUSION Les occlusions veineuses rétiniennes constituent une réelle menace pour la fonction visuelle, et nécessitent une prise en charge précoce évaluant les causes de l occlusion et les possibilités d un traitement médical administré très rapidement. Seul le traitement rhéologique par hémodilution isovolémique a montré son efficacité sur le pronostic visuel, surtout lorsqu il est administré précocement. Cette prise en charge est en constante évolution, et d autres possibilités thérapeutiques seront probablement à notre disposition dans un avenir proche. Bibliographie 1. Coscas G, Dhermy P. Occlusions veineuses rétiniennes. Rapport de la Société française d ophtalmologie. Paris : Masson, 1978. 2. Glacet-Bernard A, Coscas G, Soubrane G. Occlusions veineuses rétiniennes. Encycl Med Chir. Paris : Elsevier, 1998. Ophtalmologie : 21-240-E-15, 13 p. 3. Vine AK, Samama MM. The role of abnormalities in the anticoagulant and fibrinolytic systems in retinal vascular occlusions. Surv Ophthalmol 1993 ; 37 : 283-92. 4. Chabanel A, Glacet-Bernard A, Lelong F, Taccoen A, Coscas G, Samama M. Increased red blood cell aggregation in retinal vein occlusion. Br J Haematol 1990 ; 75 : 127-31. 5. The Eye Disease Case-control Study group. Risk factors for central retinal vein occlusion. Arch Ophthalmol 1996 ; 114 : 545-54. 6. Glacet-Bernard A, Kuhn D, Soubrane G. Complications oculaires des traitements hormonaux : contraception orale et traitement hormonal substitutif de la ménopause. Contracept Fertil Sex 1999 ; 27 : 285-90. 7. Gonder JR, Magargal LE, Walsh PN, Rao K, Denenberg BE. Central retinal vein obstruction associated with mitral valve prolapse. Can J Ophthalmol 1983 ; 18 : 220-2. 8. Glacet-Bernard A, Coscas G, Chabanel A, Zourdani A, Lelong F, Samama MM. A randomized, double-masked study on the treatment of retinal vein occlusion with troxerutin. Am J Ophthalmol 1994 ; 118 : 421-9. 9. Hansen LL, Wiek J, Wiederholt M. A randomised prospective study of treatment of non-ischaemic central retinal vein occlusion by isovolaemic haemodilut i o n. Br J Ophthalmol 1989 ; 73 : 895-9. 10. Wolf S, Arend O, Bertram B, Remky A, Schulte K, Wald KJ et al. Hemodilution therapy in central retinal vein occlusion. Graefes Arch Clin Exp Ophtalmol 1994 ; 232 : 33-8. 11. Dhalluin JF, Glacet-Bernard A, Lelong F, Coscas G, Soubrane G. Traitement par hémodilution isovolémique des occlusions de la veine centrale de la rétine AUTOQUESTIONNAIRE FMC 1. Monsieur X., âgé de 62 ans et traité pour HTA, présente une baisse de la vision de son œil droit à 6/10 depuis quelques jours. Il n y a pas d autres pathologies oculaires associées, en particulier pas de glaucome. Quelles sont les bonnes affirmations? a. cette occlusion veineuse est encore compatible avec une relativement bonne acuité visuelle, et on peut rassurer le patient sur son pronostic visuel b. le bilan étiologique doit dans un premier temps rechercher les différents facteurs de risque vasculaires et les équilibrer c. le bilan étiologique doit inclure un bilan exhaustif de la coagulation et un bilan rhéologique, comprenant la recherche du facteur de Leiden, d anticorps antiphospholipidiques, le dosage de l homocystéine, de la Lp(a), etc. 53

d. un traitement par hémodilution doit être proposé rapidement, en l absence de contre-indications e. un traitement par photocoagulation au laser doit être entrepris en urgence 2. Dans quelles situations pouvez-vous proposer un traitement par hémodilution? a. occlusion de la veine centrale de la rétine datant de 10 jours chez une femme jeune sous contraception estroprogestative avec baisse de la vision à 5/10 b. occlusion de branche veineuse rétinienne datant de 15 jours chez un homme diabétique de 55 ans, avec baisse de la vision à 2/10 c. occlusion de la veine centrale de la rétine datant de 3 mois chez une femme de 56 ans hypertendue et glaucomateuse avec baisse de la vision à 1/10 d. occlusion veineuse rétinienne datant d une semaine chez un homme de 65 ans ayant une hypertension artérielle bien équilibrée sous traitement, avec baisse de la vision à 3/10 e. occlusion de la veine centrale de la rétine datant de 10 jours chez une femme de 86 ans hypertendue et glaucomateuse avec baisse de la vision à 1/10 RÉPONSES FMC 1. b, d ; 2. a, d : pour les autres propositions, les contre-indications sont le diabète, l ancienneté de l occlusion et l âge avancé. Annoncez-vous! 2001 2001 vous présente les pages Annonces professionnelles Pour réserver votre emplacement, contactez dès maintenant Franck Glatigny Tél. : 01 41 45 80 57 - Fax : 01 41 45 80 45 54