8. Le vieillissement de la population



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8. Le vieillissement de la population 8.1 Mesurer le vieillissement : définitions de la vieillesse, besoins en maisons de retraite, soins, aides au maintien à domicile. Lorsqu on se réfère au «vieillissement» de la population, il est généralement fait allusion à l accroissement de la part des plus de 60 ans dans l ensemble de la population. La proportion de personnes de 60 ans ou plus s est ainsi élevée de 10 % en 1860 à 21 % en 1960 pour les femmes, elle devrait atteindre 30 % en 2040 84. A contrario, la proportion de jeunes de moins de 20 ans a régressé de 34,2 % en 1966 à 25,8 % en 1998. Cette évolution a d importantes répercussions économiques, dans la mesure où l âge de la retraite a peu évolué. Elle se traduit en particulier par un accroissement de la part des inactifs âgés (de 8,4 à 11,9 millions de personnes entre 1970 et 1995, soit de 38 à 45 % du volume de la population active) au sein de la population totale 85. Cette part devrait s élever à 63 % en 2020. Pour être compris, le «vieillissement» de la population doit être resitué dans son contexte historique et démographique. Il exprime principalement la conjonction d une fécondité durablement faible et d un progrès continu de l espérance de vie, dont résulte une déformation vers le haut de la pyramide des âges et un déséquilibre durable du rapport entre la population active et la population inactive. Espérance de vie, évolution au cours du vingtième siècle 1900 1996 Espérance de vie masculine 43,4 74 Espérance de vie féminine 47 82 L espérance de vie s est ainsi accrue de 43,4 à 74 ans pour les hommes et de 47 à 82 ans pour les femmes, de 1900 à 1996 86. Le taux de mortalité féminine à 60 ans a diminué de 79 % depuis 1905 et celui des hommes de 56 %. De ce fait, les générations aujourd hui à la retraite jouissent de leur retraite plus longtemps. Espérance de vie à 60 ans, projection en 2020 1970 2020 Espérance de vie masculine à 60 ans 16 23 Espérance de vie féminine à 60 ans 21 28 L espérance de vie à 60 ans s élèverait en effet de 16 à 23 ans pour les hommes entre 1970 et 2020, de 21 à 28 ans pour les femmes. Ce phénomène est accentué par le volume de la population vieillissante, car les générations nées durant la période de fécondité élevée, dite 84 «Penser le vieillissement de la population dans l avenir proche», in «Le Défi de l âge, les conséquences du vieillissement de la population», volume 1, IAURIF, n 121, 1998 85 «Economie : le poids du vieillissement», in «Le défi de l âge, les conséquences du vieillissement de la population», 1998. 86 «Penser le vieillissement de la population dans l avenir proche», in «Le Défi de l âge, les conséquences du vieillissement de la population», volume 1, IAURIF, n 121, 1998 65

du «baby-boom», qui s étend de 1945 à 1975, avancent en âge tandis que leur succèdent des générations beaucoup moins nombreuses. Cette notion d usage courant ne fait pourtant pas l unanimité, dans la mesure où les conditions de vie, les ressources, l état de santé des personnes retraitées d aujourd hui ne sont déjà plus comparables à la situation des générations précédentes. La vieillesse est donc une notion relative 87, variable dans le temps et dans l espace. Les générations qui vont arriver à la retraite prochainement ont bénéficié quant à elles d une amélioration des conditions de vie matérielles, d un progrès économique et social sans précédent dans l histoire de l humanité. Le fait de retenir un seuil d âge constant pour juger de l entrée dans la vieillesse peut donc paraître arbitraire ou superficiel 88. Compte tenu de l accroissement de l espérance de vie, avoir 60 ans aujourd hui ou en 2050 ne signifie pas la même chose. En effet, l ensemble du cycle de vie se trouvant décalé, les personnes retraitées d aujourd hui sont en meilleure santé et plus actives que par le passé. Elles peuvent de ce fait rester autonomes et vivre à leur domicile plus longtemps, avant d être prises en charge par une institution spécialisée dans l accueil des personnes âgées en fin de vie. Diverses solutions en termes d habitat, d hébergement ou de services permettent de soutenir l autonomie des personnes âgées 89. L âge médian d entrée «en institution» est ainsi passé de 72 à 80 ans pour les hommes et de 79 à 84 ans pour les femmes, entre 1966 et 1986 90. Cet âge reste constamment entre les âges auxquels il reste cinq et dix ans d espérance de vie. Age moyen d entrée en structure d hébergement collective, hommes et femmes 1966 1986 Age d entrée en institution pour les hommes 72 80 Age d entrée en institution pour les femmes 79 84 Aussi plusieurs chercheurs proposent-ils de renouveler les approches du vieillissement, en s appuyant sur l étude des tables de mortalité et de l apparition des diverses formes d incapacités liées au grand âge. Il est ainsi possible de prendre comme critère du vieillissement le nombre d années restant à vivre, sur la base d une espérance de vie projetée pour une génération. Avec cette définition et un seuil de dix ans restant à vivre, l âge d entrée dans la vieillesse serait aujourd hui de 70 ans pour les hommes, et 77 ans pour les femmes. Mieux, avec cette définition, la proportion de personnes «vieilles» serait restée stable au cours du temps, autour de 10 %, jusqu en 1985, et baisserait depuis. Selon d autres auteurs, il conviendrait de considérer un indicateur comme l espérance de vie sans incapacité 91, la principale crainte des retraités étant la perte d autonomie liée à la dégradation de l état de santé. C est aussi à partir du moment où ces incapacités se 87 «Penser le vieillissement de la population dans l avenir proche», Patrice BOURDELAIS, «L âge limite de la vieillesse», Andrée MIZRAHI et Arié MIZRAHI, in «Le défi de l âge, les conséquences du vieillissement de la population», Cahiers de l IAURIF n 122 88 «La relativité de l âge», in «Le Défi de l âge, les conséquences du vieillissement de la population, volume 1», IAURIF, n 121, 1998 89 «Le maintien des personnes âgées dans leurs lieux de vie : l exemple des plans locaux «Habitat services»», in op.cit, volume 2 90 «Vieillissement et destin de la population âgée en institution», Agnès Quivet-Catherin, 1996 91 «L âge limite de la vieillesse», in op cit. 66

manifestent que les besoins en matière de santé s accroissent fortement. Ainsi, l âge à partir duquel 23,5 % de personnes sont à «validité restreinte» s est élevé de 65 à 67,5 ans entre 1980 et 1991 92. Les personnes âgées vivent de moins en moins longtemps en état d incapacité. Ainsi, entre 1981 et 1991, l espérance de vie sans incapacité des hommes a progressé de 3 ans, contre 2,5 ans pour l espérance de vie. Toutefois, si les problèmes liés à la dépendance et à la perte d autonomie, ainsi que les difficultés en matière de santé, sont retardés, ils s accroissent tout de même fortement en volume et il importe de les prendre en compte dans une approche prospective. Le nombre de personnes au-delà d un certain âge s accroît d autant plus fortement que l âge est avancé. A l heure actuelle, seule une faible part de la population âgée vit en institution : les solidarités familiales sont encore actives, et une partie des personnes âgées peut également bénéficier des aides professionnelles aux personnes dépendantes ou ayant besoin de soins à leur domicile, qui sont en croissance rapide. En 1994, seulement 13 % des personnes âgées de plus de 75 ans et 27 % des plus de 85 ans vivaient dans une structure collective. Extension des services domestiques 1982 1992 Nombre de personnes âgées franciliennes bénéficiant d une aide ménagère à domicile 390 000 470 000 D une infirmière à domicile 11 000 45 000 D autre part, 470 000 personnes âgées franciliennes disposaient d une aide ménagère à domicile en 1992, contre 390 000 en 1982. 45 000 personnes bénéficiaient d une infirmière à domicile, contre 11 000 en 1982. Le potentiel d expansion de ces aides est très élevé, car elles restent aujourd hui encore relativement limitées. Ces aides permettent cependant à une partie des personnes en situation de dépendance de continuer à vivre à domicile, ce qui constitue d ailleurs un souhait exprimé par une grande partie d entre elles 93. Si l âge moyen d entrée en maison de retraite tend à s accroître, c est également le cas du nombre de personnes dépendantes au domicile. Taux d équipement en structures d hébergement pour personnes âgées Ile-de-France France entière Taux d équipement en structures d hébergement 147 174 Taux d équipement en places médicalisées 47 59 Malgré l expansion des solutions alternatives d aide au maintien à domicile, la fréquentation des structures d hébergement continue de progresser. La capacité d accueil était estimée à 645 000 places en 1996, dont 136 000 places médicalisées. L Ile-de-France apparaissait alors comme une région nettement sous-équipée, avec un taux de 147 places pour 1000 personnes âgées de 75 ans et plus, dont 47 places médicalisées, contre respectivement 174 et 59 places en France entière. En termes prospectifs, les besoins à couvrir dépendront de l évolution de l effectif des personnes âgées, que les projections démographiques permettent d ores et déjà d anticiper fortement à la hausse, et de l état de santé des personnes âgées. En Ile-de-France, la hausse 92 Enquête décennale sur la santé et les soins médicaux, in «l âge limite de la vieillesse», op cit. 93 «La prise en charge des problèmes de santé chez les personnes âgées», in op.cit 67

des personnes âgées devrait être très forte en grande couronne. L état de santé tend quant à lui à s améliorer sur le long terme. Personnes auxquelles il resterait cinq ou dix ans à vivre en Ile-de-France 1975 2030 2050 5 ans 75 000 110 000 200 000 10 ans 300 000 500 000 700 000 On peut en première approche retenir comme critère la population ayant une espérance de vie de 5 ou 10 ans comme seuils minimum et maximum de l entrée en institution, pour évaluer les besoins de santé et de prise en charge de la dépendance liés au vieillissement de la population. En Ile-de-France 94, la population à laquelle il resterait 5 ans à vivre passerait de 75 000 personnes en 1975 à 110 000 en 2030, puis augmenterait fortement jusqu en 2050, où elle atteindrait 200 000 personnes. Le nombre de personnes auxquelles il resterait 10 ans à vivre s élèverait de 300 à 500 000 personnes jusqu en 2030, puis à 700 000 personnes en 2050. Les besoins supplémentaires à couvrir en Ile-de-France en matière d aide au maintien à domicile ou de prise en charge de la dépendance par la création de places médicalisées pourraient donc être évalués en première approche à 250 000 personnes d ici 2030. Cependant, on ne dispose pas réellement de données sur l état de santé des personnes maintenues à domicile. Ces données restent par ailleurs soumises à des hypothèses qui peuvent se transformer radicalement : conditions sociales, capacité du système de santé à répondre aux besoins, maintien des solidarités intergénérationnelles. En tout état de cause, quelle qu en soit l ampleur exacte, l expansion des besoins liés à la dépendance est certaine et plaide pour un développement simultané et cohérent de l ensemble des solutions de prise en charge qui peuvent jouer des rôles complémentaires : services et soins à domicile, structures d hébergement, places médicalisées. 8.2 des retraités plus riches, en meilleure santé et plus mobiles que par le passé, ayant un accès croissant aux loisirs et à la consommation Evolution des revenus, comparaison actifs et inactifs âgés Inactifs âgés Actifs Progression du revenu en moyenne annuelle 1970-1995 5 % 1,9 % Progression annuelle du revenu par tête 3,6 % 1,2 % Revenu par tête en 1995 21 900 21 200 Part des revenus du patrimoine dans l ensemble des revenus 31 % 14 % Ainsi qu il a été souligné, la position et le rôle des personnes âgées dans la société s est profondément transformé. Le partage du revenu national entre les actifs et les retraités s est déformé au profit des retraités. Entre 1970 et 1995, le revenu des retraités a progressé deux fois et demie plus vite que celui des actifs 95. Le revenu des inactifs âgés a progressé de 5 % 94 «Franciliens âgés de demain : entre le boom et l incertain», Mariette SAGOT, in Cahiers de l IAURIF, Op cit. 95 «Economie : le poids du vieillissement», in op.cit 68

par an en moyenne au cours de la période, contre 1,9 % pour les actifs, de sorte qu il représentait 32 % du revenu disponible des ménages, et 47 % du revenu des seuls actifs, en 1995, contre respectivement 18 et 22 % en 1970. Le revenu par tête des inactifs a quant à lui progressé de 3,6 % par an, contre 1,2 % pour les actifs, au point de dépasser celui des actifs (21 900, contre 21 200 ). Une grande partie du revenu des inactifs âgés est en fait constitué par les revenus du patrimoine (31 % du revenu disponible, contre 14 % pour les actifs). Le poids croissant du revenu des inactifs parmi les revenus distribués 1970 1995 Revenu des inactifs âgés en proportion du revenu disponible des ménages 18 % 32 % Revenu des inactifs âgés en proportion du revenu des actifs 22 % 47 % 8.2.1 une mobilité qui décroît avec l âge mais les nouvelles générations de seniors sont plus mobiles que les précédentes Les personnes âgées, moins mobiles que les actifs, sont pourtant de plus en plus mobiles. En 1991, la mobilité décroissait des âges faibles aux âges élevés, de 4 déplacements par jour à 40 ans, jusqu à 2 déplacements par jour après 75 ans, en passant par 3 déplacements quotidiens à 60 ans 96. Il n y avait pas, cependant, d effet de seuil lié au passage à la retraite à 60 ans. Le nombre de déplacements quotidiens tendait même à rester stable au-delà de cet âge. La chute de la mobilité pour des motifs professionnels était compensée par la hausse des mobilités personnelles et de loisirs. Les distances de déplacements diminuaient aussi avec l avancée en âge. Ainsi, la distance par déplacement s abaissait de 6 km à 40 ans à 2 km pour les plus de 75 ans. Pour les mêmes âges, la distance parcourue quotidiennement s abaissait de 23 à 4 km. Le temps consacré aux déplacements s abaissait également en allant vers les âges élevés. Par ailleurs, les choix de modes se transformaient, au profit des déplacements non motorisés pour les âges élevés, essentiellement la marche, tandis que l usage de la voiture régressait des plus jeunes vers les plus âgés. D autre part, au sein des transports collectifs, l usage des modes ferrés (train et RER) diminuait au profit de l autobus (de 20 % des déplacements TC pour les 40 ans à 58 % pour les plus de 75 ans). Les comportements de mobilité étaient aussi caractérisés par une érosion forte des pointes matinales après le passage à la retraite. Toutefois, l effet de l âge sur la mobilité était nettement moins élevé en Ile-de-France. Ainsi, le nombre de déplacements par personne et par jour ne chutait que de 3,53 à 2,1 entre 45 et 75 ans en Ile-de-France, de 3,3 à 1,3 en France entière. Les personnes âgées y étaient ainsi mobiles plus longtemps. La comparaison des EGT successives permettait de mettre en relief l évolution des comportements de mobilité des seniors d une génération à l autre. Il apparaît que les «seniors» sont de plus en plus mobiles et l écart avec les personnes d âge actif tend à se réduire. L effet d âge est tempéré par un effet de génération. A un âge donné, le niveau de mobilité des seniors s accroissait, et plus vite que celui des actifs. De moins en moins de personnes étaient exclues de la mobilité. Ainsi, après 75 ans, le taux de personnes mobiles 96 Source : EGT 1991, in «La mobilité des seniors en Ile-de-France», Le défi de l âge, volume 2, Cahiers de l IAURIF. Ces chiffres seront à réactualiser avec l EGT 2001. 69

a progressé de 29 % entre 1983 et 1991. D autre part, le nombre de déplacements quotidiens par personne s est élevé de 9 % pour les personnes de 60 ans et de 19 % pour les personnes entre 68 et 71 ans au cours de la même période. La distance quotidienne, enfin, a progressé de 32 % pour les 60-63 ans et de 62 % pour les 68-71 ans, contre 16 % seulement pour les 40-60 ans. La progression de la mobilité d une génération à l autre s effectue surtout au profit de la voiture individuelle (+100 % de déplacements en voiture pour les 68-71 ans, + 85 % pour les 72-75 ans, contre respectivement +22 % et +17% pour les transports publics), pour des motifs personnels ou de loisirs (+48 % pour les motifs de loisirs pour les 72-75 ans). La progression de la voiture individuelle tient à ce que de plus en plus de personnes âgées sont en mesure de l utiliser. En 1991, 77 % des hommes de 60 à 75 ans disposaient du permis de conduire et d une voiture, contre 65 % en 1983 97. De fait, l arrivée à la retraite de générations nombreuses accoutumées à l usage de l automobile transforme les comportements de mobilité des personnes âgées. Hors Paris, où la densité et l accessibilité des transports collectifs sont exceptionnelles, ce phénomène joue en défaveur des transports collectifs qui bénéficiaient jusque-là d une clientèle âgée et captive, peu familiarisée avec l usage de la voiture. La proportion de personnes de plus de 75 ans sans voiture pourrait ainsi chuter de 72 % en 1980 à 40 % en 2010 98. Le vieillissement de ces générations qui ont contribué à l étalement urbain, et qui habitent aujourd hui dans le tissu pavillonnaire de grande couronne, contribue aussi à ce phénomène. Ces territoires étant mal desservis par les transports en commun, la voiture est pour eux le seul moyen véritablement efficace d accès aux transports et aux services dont ils ont besoin. Le recul de la part des distances parcourues en transport en commun par les personnes de 65 à 74 ans serait ainsi de 54 à 39 % entre 1980 et 2010 pour les personnes habitant à Paris, et de 35 à 19 % pour les personnes habitant en grande couronne. Vis-à-vis des transports collectifs, et principalement du réseau ferré qu ils délaissent au profit des bus et de la voiture individuelle, les «seniors» expriment par ailleurs des attentes en matière de qualité de service. Ces attentes portent plus particulièrement sur la sécurité (71 % des personnes de plus de 60 ans expriment un sentiment d insécurité), l accessibilité, le confort, la convivialité 99 et les services connexes au transport, notamment des services d aide à la mobilité. Ces services doivent prendre en compte la nouvelle image que les seniors ont d eux-mêmes : ils se sentent jeunes et autonomes. Ils se montrent par ailleurs insatisfaits de la desserte et de la fréquence des liaisons entre banlieues et en dehors des jours ouvrables. En résumé, les évolutions de la mobilité des «seniors» seront caractérisées par un accroissement de la mobilité globale de ces tranches d âge, la prépondérance de la voiture individuelle dont la part continuera de s accroître en grande couronne, l accroissement des déplacements pour motifs personnels ou de loisirs, une érosion de la pointe du soir. Leurs attentes vis-à-vis des transports en commun portent sur la qualité de service et la sécurité, plus que sur la régularité et la fiabilité de la desserte, plus décisive pour les actifs engagés dans la vie professionnelle. Elles sont également d ordre relationnel. Ces tendances ne sont pas véritablement spécifiques à cette tranche d âge mais reflètent plutôt les comportements 97 «Equipement et multi-équipement en automobile des ménages franciliens», Catherine MANGENEY, IAURIF, op.cit, volume 2 98 Projections INRETS, in «Les nouveaux captifs de l automobile», op cit. 99 «L ensemble de la clientèle profitera à terme des actions engagées par la RATP en direction des seniors», in op.cit, volume 2 70

et la demande de la majorité de la clientèle, notamment la génération du baby-boom, la plus nombreuse et aujourd hui vieillissante. Ces transformations sont défavorables au système de transports collectifs dans la mesure où celui-ci n est pas organisé pour répondre efficacement à une mobilité diffuse dans l espace et dans le temps, mais pour acheminer des «navetteurs» entre le lieu de domicile et le lieu de travail. Les problèmes seront donc essentiellement qualitatifs (dispersion des mobilités sur le territoire et étalement dans le temps) et appelleront à une meilleure gestion des réseaux existants, mais aussi localement quantitatifs, car la répartition des trafics sur les réseaux s en trouvera modifiée avec une poursuite de la croissance des trafics en grande couronne. La pratique de loisirs des 60 ans et plus est pour l instant moins développée que celle de la moyenne des français 100. En 1989, trois quarts des français étaient sortis au moins une fois dans l année, contre seulement la moitié des plus de 60 ans. Leurs pratiques de loisirs sont davantage centrées sur le domicile : ils font moins de sports, vont moins aux spectacles que la moyenne des français. Par contre, ils passent plus de temps devant la télévision ou à lire, ou encore à bricoler ou jardiner. Cet effet d âge recouvre cependant en partie un effet de génération. Les générations actuellement les plus anciennes ont vécu dans une société dominée par les valeurs liées au monde du travail tandis que les générations qui arriveront à la retraite prochainement ont connu et ont largement contribué à l expansion de la société des loisirs et de la consommation. Par ailleurs, la retraite, plus souvent vécue comme le moment privilégié de l épanouissement personnel, en raison du temps libre qu elle met soudainement à la disposition des personnes, est propice à la multiplication des activités. Les pratiques culturelles tendent en effet à se répandre parmi les «seniors», en particulier en région parisienne. Le taux d inscription aux bibliothèques a ainsi triplé chez les hommes de plus de 60 ans entre 1973 et 1988 101. On observe également dans cette tranche d âge une fréquentation croissante des cinémas, des spectacles, des expositions ainsi qu une accoutumance progressive à l usage des nouvelles technologies. Les retraités jouent d autre part un rôle actif dans les solidarités générationnelles. Ainsi, les grands-parents tendent à garder les petits-enfants pendant les vacances des parents, et secondent activement les parents dans les fonctions éducatives. Ils assurent également une solidarité financière lorsque les enfants rencontrent des difficultés. 8.3 Le vieillissement en Ile-de-France 8.3.1 Une croissance ralentie par affaissement graduel de l excédent naturel, sauf dans les régions du sud Accroissement démographique, Ile-de-France et France entière 1850-1962 1962-1999 Ile-de-France + 27 % + 26 % France entière + 275 % + 29 % Source : RGP L évolution de la population française de 1851 à 1999 comporte deux périodes distinctes : de 1851 à 1962, la population française n a augmenté que de 27 %, alors que, de 1962 à 1999, soit en seulement 37 ans, elle a augmenté de 26 %. La forte croissance de la population française après guerre correspond à l émergence des générations dites du «100 «Les loisirs des aînés : effet d âge ou de génération», in op.cit, volume 2. 101 «L âge du temps libre», in op.cit, volume 2 71

baby-boom», provoquée par une forte hausse de la fécondité après une longue période de dépression démographique. En comparaison, la population francilienne s est accrue de 275% entre 1850 et 1962, et de seulement 29 % entre 1962 et 1999. La croissance de la région parisienne a donc anticipé celle de la France : après avoir été extrêmement forte dans une période de dépression démographique nationale, sous l effet d un exode rural massif, elle s est accrue pendant la période récente au même rythme que la province, de sorte que le poids démographique de l Ile-de-France s est stabilisé autour de 20 %. Cette évolution s accompagne de fortes disparités régionales : les régions qui ont le plus drainé la croissance démographique entre 1962 et 1999 sont au sud : PACA (+60%), Languedoc- Roussillon (+48%), Rhône-Alpes (+40%). La croissance de la population francilienne ne se maintient aujourd hui que par un solde naturel élevé, lié à sa jeunesse relative, qui compense légèrement les effets très lourds du déficit migratoire. Les projections de l INSEE, fondées sur une prolongation des tendances actuelles 102, dessinent une perspective de croissance nettement ralentie, de seulement 9% pour les cinquante années à venir, qui résultera de l effondrement de l excédent naturel. En effet, les décès s accroîtront graduellement à mesure que la génération du baby-boom vieillira, tandis que les naissances diminueront sensiblement, en raison des effets cumulés sur longue période d une fécondité inférieure au seuil de renouvellement des générations. Toutefois, en volume, la croissance de la population francilienne restera tout de même élevée, à hauteur de 1,1 million d habitants. 8.3.2 -Une jeunesse relative de la région qui devrait perdurer Projection de la part des plus de 60 ans dans la population, Ile-de-France et France entière 1999 2050 Ile-de-France 16 % 23,6 % France entière 22 % 33,7 % Selon les mêmes hypothèses, le poids de l excédent naturel francilien dans l excédent naturel métropolitain ne devrait cesser de s accroître. Après être passé de 10 à 42 % de l excédent national en quarante ans, il en atteindrait 70 % en 2030. Cette évolution, caractéristique des très grandes métropoles 103, est liée à la jeunesse relative de la population francilienne, à laquelle contribue la structure des échanges migratoires avec la province et l étranger, qui entraîne un excédent de personnes en âge de fécondité, mais aussi à un taux de fécondité supérieur à celui de la province. En effet, le solde migratoire est déficitaire à tous âges, sauf entre 20 et 30 ans où il est excédentaire. D autre part, les apports migratoires en provenance de l étranger sont généralement jeunes (entre 20 et 40 ans) et entretiennent le niveau de fécondité. De ce fait, le taux de personnes âgées de plus de 60 ans est aujourd hui de 16 % en Ile-de-France, contre 22 % en France entière. Cette jeunesse relative devrait logiquement se prolonger et même s accentuer. En 2050, l écart avec la province serait de 10 points au lieu de 6 actuellement. Le poids de la population de plus de 60 ans en Ile-de-France progresserait de 8,1 points entre 2005 et 2050 pour atteindre 23,6 % en 2050, contre 12,9 points en France, où elle atteindrait 33,7 %. Les migrations de l Ile-de-France avec la province auraient pour effet de diminuer de 1,25 102 Indicateur conjoncturel de fécondité à 1.8 enfant par femme, solde migratoire de + 50 000 avec l étranger, conservation des particularités régionales en matière de fécondité, de mortalité et de solde migratoire. 103 Elle est observée également à Londres. 72

million de personnes l accroissement de la population francilienne de plus de 60 ans d ici 2050. 8.3.3 Mais l Ile-de-France vieillira quand même. Bien que relativement jeune, l Ile-de-France, comme toutes les autres régions, vieillira. L effectif des personnes de plus de 60 ans devrait s élever de 1,7 à 3,3 millions de personnes de 1995 à 2050 104. Cette croissance s accélèrera fortement à partir de 2005. La proportion des plus de 60 ans serait de 24,9 % en 2030. Ce sont les populations aux âges les plus avancés qui progresseront le plus fortement. Ainsi, la population francilienne de plus de 75 ans devrait progresser de 500 000 à 1 500 000 personnes d ici 2050, et la population de plus de 85 ans de 200 000 à 600 000 personnes. Outre les facteurs précédemment énoncés, la structure des flux migratoires tend à se modifier dans le sens d un vieillissement. Ainsi, l intensité des arrivées en Ile-de-France entre 15 et 40 ans a fortement diminué entre les deux derniers recensements, sous l effet conjoint du développement des universités et des emplois en province, tandis que les départs se sont accrus aux mêmes âges et se sont ralentis autour de 65 ans. Cela s explique notamment par une baisse de la proportion des natifs de province ainsi que par l accroissement des personnes installées en Ile-de-France dans le périurbain et déjà propriétaires de leur logement. 8.3.4 Des variantes de ce scénario : solde migratoire accru avec l étranger, ralentissement des migrations de retraite. Dans un scénario où le solde migratoire de la France avec l étranger serait de + 100 000, la croissance atteindrait 14 %. La population francilienne s élèverait alors à 13,3 millions d habitants en 2050. Cette croissance resterait malgré tout modeste par rapport à celle des quarante dernières années. Un scénario d accroissement des flux migratoires provoquerait un rajeunissement de l Ile-de-France, compte tenu de la structure des arrivées de l étranger, sans compter les effets induits sur la fécondité. Un second scénario postule une baisse de l intensité des départs vers la province après 55 ans, s appuyant sur le constat d une très nette diminution des départs au moment de la retraite entre les deux derniers recensements. La proportion de plus de 60 ans serait alors beaucoup plus élevée. Compte tenu de l arrivée à la retraite des générations du baby-boom, ce scénario conduirait à 500 000 personnes de plus en Ile-de-France en 2050. Les projections de population reposent cependant sur un jeu d hypothèses au plus probables, mais non pas certaines. Si l on admet que l avenir n est pas écrit dans le marbre, il est intéressant de considérer les variables qui entrent en jeu dans ces hypothèses et la sensibilité des projections aux variations possibles de ces paramètres. 8.3.5 Des incertitudes économiques Les hypothèses migratoires régionales sont issues de la période 1982-99, mixant deux périodes très hétérogènes : de 1982 à 1990, une période de forte croissance économique régionale avec une création d emplois nette de 37000 par an en Ile-de-France, sur 79000 en France entière, qui s est traduite par une réduction sensible du déficit migratoire à 38000 personnes par an; a contrario, une période économique défavorable de 1990 à 1999, où les créations d emplois nettes en Ile-de-France se sont réduites, où le déficit migratoire s est creusé. Les échanges migratoires de l Ile-de-France sont donc sensibles aux contextes 104 «Franciliens âgés de demain : entre le boom et l incertain», op.cit 73

économiques respectifs de l Ile-de-France et de la province. Or, le contexte économique francilien est lui-même beaucoup plus sensible à la conjoncture internationale, et les variations de l emploi sont de ce fait plus brutales qu en province. Le scénario retenu correspond à une hypothèse moyenne de croissance molle, la plus vraisemblable compte tenu des périodes contrastées des vingt dernières années. Il peut cependant être utile d envisager des ruptures radicales. Si l on envisageait une hypothèse de croissance économique soutenue pendant trente ans, ou inversement une récession durable, l évolution démographique régionale en serait évidemment bouleversée, sauf à supposer une croissance sans emplois. Ces hypothèses renvoient à des affichages politiques : volonté de développement économique régional, ou rééquilibrage du territoire national. Des facteurs plus structurels peuvent également avoir une influence : à long terme, décentralisation et déconcentration relativisent la prééminence politico-économique de l Ile-de-France qui tendrait à ne conserver que les fonctions «stratégiques». De même, le développement des universités en province limite les «montées» à Paris pour les études, et incite les entreprises, qui bénéficient désormais de personnel local qualifié, à s installer en régions. La croissance démographique des régions tend à être davantage liée aux mouvements migratoires, la fécondité se maintenant à un niveau peu dynamique. Or, ces migrations ne sont pas que le fait des retraités mais proviennent également des actifs, plus spécifiquement des jeunes familles avec enfants. D autre part, traditionnellement, les redémarrages économiques comme les récessions sont plus accentués en Ile-de-France qu en province. Or, de 1997 à 2001, le redémarrage économique semble avoir été, en termes de créations d emplois, moins fort que prévu. 8.3.6 Des incertitudes sur la mortalité et l espérance de vie Au niveau national, des hypothèses différenciées de mortalité conduisent à une incertitude de 3 millions sur le nombre de personnes de plus de 60 ans, qui se situera entre 21 et 24 millions à l horizon 2050. La mortalité aux âges avancés est susceptible d évoluer selon la performance du système de soins ou encore selon les conditions sociales. Ces effets ne jouent pas à court terme, étant pour l instant recouverts par les effets du vieillissement de la génération du baby-boom, qui a connu des conditions économiques favorables, ainsi qu une amélioration de la santé et du bien-être. Cependant, les générations suivantes ont subi une dégradation relative du marché du travail qui aura probablement des répercussions sur leur espérance de vie 105. Certaines données montrent en effet l influence des conditions sociales sur l espérance de vie : ainsi, les ouvriers ont une espérance de vie inférieure à celle des cadres supérieurs, en raison d une mortalité supérieure aux âges avancés. 8.3.7 Des incertitudes sur les comportements résidentiels : diffusion des résidences secondaires, des doubles résidences, des migrations saisonnières, moindre propension au départ des retraités, mieux logés, plus souvent natifs de l Ile-de-France, plus souvent propriétaires ou habitant en maison individuelle La pratique de la migration de retraite des franciliens est ancienne et de grande ampleur. Ainsi, parmi les retraités parisiens de 1972, 25 % avaient quitté Paris trois ans après leur retraite 106. Ils sont en cela deux fois plus nombreux à quitter leur ville que les habitants des villes de province. Ce taux de départs est particulièrement élevé chez les couples et parmi 105 «Penser le vieillissement de la population dans l avenir proche», in «Le défi de l âge, les conséquences du vieillissement de la population», IAURIF, 1998 106 «Les migrations de retraite des parisiens», Françoise CRIBIER, in op.cit, volume 2 74

les classes moyennes. Par ailleurs, les migrations de retraite des parisiens sont à plus longue distance que celles des provinciaux : 340 km en moyenne contre 100 km pour les habitants des unités urbaines de plus de 200 000 habitants, hors Paris. Ils s installent en particulier dans le littoral ou l espace rural, dans les régions de l ouest et du sud de la France ainsi que dans la région Centre et le Bassin parisien. Le tropisme de ces régions tend à se renforcer, indiquant une prééminence accrue de l attrait de la qualité de vie dans les comportements résidentiels, au détriment de l attachement à des «racines». Cependant, le taux de départ des jeunes retraités parisiens recule depuis 1982, en particulier parmi les couches moyennes et supérieures. Les migrations ne diminuent pourtant que de 2,6 % en volume entre 1982 et 1990 en raison de l arrivée à la retraite de générations plus nombreuses. L évolution des comportements résidentiels est cependant incertaine. Certains ménages possèdent des résidences secondaires d origine familiale qui se transforment en résidences principales à la retraite. D autres personnes âgées, qui ont pu bénéficier dans leur jeunesse de certains avantages résidentiels à Paris (logement en loi de 1948, résidence en HLM, logements de fonction) au moment où la politique du logement leur était favorable ont investi dans des résidences secondaires en province. Mais il est moins nécessaire que par le passé de quitter l Ile-de-France pour pouvoir bénéficier des avantages de la province. On observe aujourd hui un développement des résidences secondaires, des doubles résidences, des migrations saisonnières qui permettent de développer des comportements alternatifs à une migration définitive. D autre part, pour les personnes encore actives, les trente-cinq heures permettent en effet de diversifier les choix entre rester ou partir en y substituant toute une gamme de solutions intermédiaires exploitant le temps libéré. Les comportements résidentiels s avèrent également reliés à l évolution des modes de vie en matière de cohabitation conjugale. La vie en couple est de plus en plus répandue parmi les «seniors», mais elle prend des formes de plus en plus diversifiées : cohabitation simple, cohabitation intermittente (alternance entre des périodes de cohabitation et des périodes de vie seule, repérable également chez des ménages plus jeunes), cohabitation alternée (ce sont des couples qui vivent continûment ensemble mais alternativement chez l un ou l autre des concubins 107 ). Ces modes de cohabitation correspondent à un souhait accru d indépendance personnelle et d autonomie individuelle. Ces comportements nouveaux, tout comme la double résidence, contribuent à diversifier les choix en fournissant des solutions intermédiaires entre rester en Ile-de-France et partir en province, mais aussi à réduire la fluidité du marché du logement. Les personnes âgées sont de plus en plus souvent propriétaires, habitent de plus en plus souvent en maison individuelle, et en grande couronne, où elles bénéficient de la proximité de la nature. En relation avec l amélioration de leurs conditions de logement, les retraités franciliens expriment de moins en moins souvent le souhait de quitter la région. On constate de fait un recul de la propension au départ des jeunes retraités franciliens (60-68 ans), de 21,8 % pour la période 1975-82 à 19,7 % pour la période 1982-90. Cette tendance semble se poursuivre en 1990-99, où on peut évaluer le taux de départs des jeunes retraités franciliens à 15 ou 16 % 108. On peut donc imaginer qu à l avenir les retraités resteront probablement davantage en Ile-de-France, en alternant les séjours en 107 «Les «nouveaux» couples âgés : mono-résidence et double résidence», in op.cit, volume 2. 108 «Les migrations internes en France de 1990 à 1999 : l appel de l Ouest», Economie et Statistique n 344,2001. 75

province. Par ailleurs, nombre de personnes retraitées n abandonnent pas complètement leur activité mais continuent à exercer des missions, notamment de conseil. Les populations concernées par ce type d activités sont relativement nombreuses en Ile-de- France. Une autre réserve tient à la pertinence des limites régionales. Il faudrait en effet prendre en considération les ménages qui partent de l Ile-de-France pour résider à ses franges, dans les départements et régions voisines du Bassin Parisien, par exemple dans l Oise, l Eure-et-Loir, ou le Loiret, pour bénéficier d un habitat de meilleure qualité, et qui travaillent en Ile-de-France. Sans habiter en Ile-de-France, ces personnes font toutefois partie du système urbain métropolitain. Ces personnes sont de plus en plus nombreuses, car la hausse des prix immobiliers et des loyers conduit à se loger de plus en plus loin des centres d activité. La sphère d influence de l Ile-de-France dépasse donc nettement les limites régionales. Les évolutions des modes de vie sont d autant plus fortes que les populations sont moins captives et disposent de revenus plus élevés. Les comportements résidentiels des personnes âgées, qui seront déterminants, dépendent aussi des réseaux sociaux et familiaux. On peut penser que les personnes âgées chercheront à rester près de leur famille et de leurs amis en Ile-de-France, surtout après 80 ans. De ce point de vue, l importance de la jeunesse et de la population active franciliennes sont plutôt un facteur tendant à freiner les migrations de retraite. Plus généralement, sous l effet du vieillissement de la population, la mobilité résidentielle diminuera tendanciellement, ainsi que la fluidité du marché du logement. En effet, la mobilité résidentielle diminue tendanciellement avec l âge, du fait d une stabilisation de la situation professionnelle et conjugale et d une plus grande satisfaction à l égard des conditions de logement. On observe d autre part un phénomène de «retour au centre» : la population des centre-villes, après avoir perdu 0,4 % par an entre 1970 et 1982, a de nouveau progressé de 0,5 % par an entre 1982 et 1990 109. Certains aspects de la pénurie du logement actuelle peuvent sans doute être reliés à une réduction de la fluidité du marché du logement dans la «zone dense», où la construction s avère plus difficile, sous l effet du recul de la mobilité lié au vieillissement. D un autre côté, l instabilité familiale et professionnelle croissante conduisent à une hausse de la demande de mobilité aux âges actifs, et la diminution de la taille des ménages à un accroissement des besoins des jeunes professionnels, qui trouvent de moins en moins de solutions viables sur le marché actuel, en particulier en locatif dans la zone centrale. Mais même une partie des couples biactifs sont à nouveau attirés par la ville-centre, correspondant à un choix de mode de vie urbain. La mobilité résidentielle des personnes âgées, qui disposeront à l avenir d un pouvoir d achat supérieur à celui des actifs, est susceptible d avoir de profondes répercussions économiques sur la localisation des services aux ménages, les marchés de consommation et l immobilier, et semble de ce fait constituer un enjeu majeur en termes «d économie résidentielle» 110. Elles sont aussi susceptibles de former des communautés locales politiquement puissantes qui oeuvreraient dans le sens d un certain malthusianisme et risqueraient de constituer un frein pour la mise en œuvre des réponses aux besoins des générations plus jeunes. 109 «Le renouveau du commerce de proximité et le nouveau marketing des seniors», in op.cit, volume 2 110 «La territorialisation des personnes âgées», Laurent DAVEZIES, in op.cit, volume 2 76

8.3.8 La territorialisation du vieillissement en Ile-de-France 111 : des situations locales beaucoup plus contrastées que les évolutions à l échelle régionale. A l échelle communale, les effets spatiaux du vieillissement en Ile-de-France seront sans doute très contrastés. Il est déjà possible d observer le processus de vieillissement entre 1962 et 1999. Une partie des communes franciliennes a toujours été «grisonnante». Ce sont pour l essentiel des petites communes rurales avec une proportion élevée d agriculteurs, mais aussi les arrondissements riches de Paris et des communes aisées jouxtant Paris. Dans d autres communes, le processus de vieillissement est plus récent. Ce sont notamment des communes qui se sont fortement urbanisées dans les années cinquante et soixante, et où une partie de la population vieillit sur place. Dans les communes comportant une part élevée de logements en propriété occupante, l âge des occupants est relié à l époque de construction. La mobilité des propriétaires étant moins élevée que celle des locataires, la population de ces communes tend en effet à vieillir sur place. C est pourquoi les communes urbanisées les premières connaissent un vieillissement précoce. Certaines communes rajeunissent, par exemple les arrondissements de l est de Paris, mais aussi des communes aux confins de l Ile-de-France, atteintes par la périurbanisation. Ces communes se caractérisent par un fort taux de construction neuve, notamment des maisons individuelles qui ont entraîné l installation de jeunes familles avec enfants. Certaines communes d urbanisation récente sont très jeunes. Il s agit notamment de communes situées en villes nouvelles. Dans les arrondissements de l est de Paris, les personnes âgées décèdent, ce qui provoque, compte tenu de la structure du parc (forte proportion de studios et de deux pièces), un rajeunissement de la population. Les communes de banlieue en grande couronne, où ont emménagé les générations du baby-boom, vont vieillir durablement, compte tenu de l accroissement de l espérance de vie et du faible renouvellement de la population. Un vieillissement sur place s observe également dans le parc HLM dû à la captivité des habitants. Le vieillissement de la population aura des conséquences importantes sur l aménagement de la région parisienne, qui devront faire l objet de travaux de prévision approfondis. Des comportements de retour vers les centre-villes sont possibles après le départ des enfants du domicile, la mort d un conjoint, ou encore après une séparation, une maison individuelle devenant alors un habitat inutilement spacieux. L attrait des centre-villes pour les personnes âgées s accroît aussi à mesure que leur mobilité décroît et qu elles deviennent dépendantes de la proximité des commerces, équipements et services. Elles peuvent enfin souhaiter rompre avec l isolement et se rapprocher de leur famille. Ces tendances risquent à terme d aggraver la pénurie de logements dans la zone dense, tout en libérant des opportunités en grande couronne pour l accession à la propriété. Le maintien d une mobilité et d une autonomie accrue à des âges avancés devraient cependant retarder partiellement ces effets. 111 «La carte du vieillissement de la population en Ile-de-France», Philippe LOUCHART, op cit. 77