4 - Globalisation financière et mondialisation



Documents pareils
Chapitre 4 Comment s opère le financement de l économie mondiale?

Chapitre 5 Qu est-ce que la globalisation financière?

UPEC - AEI M2 AMITER Action humanitaire internationale et ONG Soiio-Economie de la mondialisation - D. Glaymann

DE l ETALON-OR à l EURO

FIN-INTER-01 LE CONTEXTE

Chapitre X : Monnaie et financement de l'économie

ISCFE Faits et institutions économiques 1M LA MONNAIE

Mathématiques pour la finance Définition, Evaluation et Couverture des Options vanilles Version 2012

Annexe - Balance des paiements et équilibre macro-économique

Finance de marché Thèmes abordés Panorama des marches de capitaux Fonctionnement des marchés de capitaux Le marché des obligations Le marchés des

1. La fonction de règlement ne peut être assurée au niveau international que dans des conditions bien différentes. D une part, les agents concernés

Thème 2 : la monnaie et les banques : le carburant de notre économie

La finance internationale : quel impact sur l'économie marocaine? 20 Novembre 2012

2 - Le financement de l'économie

Options en matière de réforme des systèmes financiers

Le système de Bretton-Woods ( )

Système Monétaire International Et Système Financier International

TD n 1 : la Balance des Paiements

ECONOMIE GENERALE G. Carminatti-Marchand SEANCE III ENTREPRISE ET INTERNATIONALISATION

TD de Macroéconomie Université d Aix-Marseille 2 Licence 2 EM Enseignant: Benjamin KEDDAD

Monnaie, Banque et Marchés Financiers

et Financier International

Quelles évolutions a connue la gouvernance mondiale depuis 1944?

Vers quel système monétaire international?

Crise systémique et transformations du système monétaire et financier en France


Chapitre 9 La gouvernance économique mondiale depuis 1944

Nous sommes interrogés sur la nature de la crise que nous rencontrons

Les concepteurs des accords de Bretton Woods, dès le début des années

LE FONDS MONETAIRE INTERNATIONAL

La fixation du taux de change sur le marché

Bienvenue. Procure.ch. Jeudi 26 avril Haute école de gestion Fribourg Haute école de gestion Fribourg

Ressources pour le lycée général et technologique

CHAPITRE 1 : LE MARCHE DES CHANGES

Construire par une négociation internationale un nouveau cadre monétaire, financier et énergétique

SECTION 5 : OPERATIONS SUR PRODUITS DERIVES

Calcul et gestion de taux

Il faut un véritable Bretton Woods II

I) L ouverture des économies à l international

LA GESTION DU RISQUE DE CHANGE. Finance internationale, 9 ème édition Y. Simon et D. Lautier

La voix de l opposition de gauche courant marxiste-révolutionnaire combattant pour la révolution socialiste internationale.

Macroéconomie. Monnaie et taux de change

CHAPITRE 1 : LES REGIMES DE CHANGES

Introduction I. Le système de Bretton Woods ( ) Chapitre 2 - Le Système Monétaire International 1

103 COMMENT S OPERE LE FINANCEMENT DE L ECONOMIE MONDIALE?

b ) La Banque Centrale Bilan de BC banques commerciales)

L économie ouverte. Un modèle de petite économie ouverte. V2.0 Adaptépar JFB des notes de Germain Belzile. Quelques définitions

La monnaie, les banques et les taux d intérêt

Le flottement généralisé des monnaies

Compte d exploitation Assurance vie collective.

Le régime de l étalon-or ( )

Document 1: Le Système Financier International: Un Aperçu Historique

L euro, la Banque centrale européenne et le Pacte de stabilité

QU EST-CE QUE LE FOREX?

La BNS capitule: Fin du taux plancher. Alain Freymond (BBGI Group SA)

L Equilibre Macroéconomique en Economie Ouverte

TD n 1 groupe 1 : Vendredi 30 novembre 2007 Bertrand Lapouge Stéphane Perot Joël Maynard

Préambule Autodiagnostic 1) QRU - La Banque centrale est : 2) QRU - L encadrement du crédit était une technique :

Heurts et malheurs du système monétaire international

CHAPITRE 5 : LA GLOBALISATION FINANCIERE

L ouverture des marchés àterme basés sur les matières premières agricoles en Europe

Fiche 8 : Libre-échange et protectionnisme

Le FMI conclut les consultations de 2008 au titre de l article IV avec le Maroc

WS32 Institutions du secteur financier

La comptabilité nationale en économie ouverte (rappels) et la balance des paiements

Le SMI. Chapitre Les origines historiques du SMI actuel Avant la première Guerre mondiale : l étalon or

Chapitre 6 Le système monétaire international

CHAPITRE 2 : MARCHE DES CHANGES A TERME ET PRODUITS DERIVES

Les échanges Internationaux. L environnement monétaire international

Méthodes de la gestion indicielle

L accumulation de réserves de change est-elle un indicateur d enrichissement d une nation?

INDICATIONS COMPLÉMENTAIRES

Quel est le "bon" système de Bretton-Woods?

LES MARCHÉS DÉRIVÉS DE CHANGE. Finance internationale 9éme ed. Y. Simon & D. Lautier

Nature et risques des instruments financiers

entreprises. Ensuite, la plupart des options d achat d actions émises par Corporation

Extrait du Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

Flash Stratégie n 2 Octobre 2014

Manuel de référence Options sur devises

Vers une réforme du système monétaire et financier international

Taxer la finance. Toby Sanger

Chapitre 9 : Les étapes de la construction de l Europe monétaire

Paris Europlace, Forum financier international à Tokyo 27 novembre «Mondialisation des marchés financiers»

Chap 2 : MARCHE DES CAPITAUX, LEURS PRODUITS ET LEURS ACTEURS

GLOSSAIRE. ASSURÉ Personne dont la vie ou la santé est assurée en vertu d une police d assurance.

RAPPORT D'EXPERT SUR LE COÛT DE LA DETTE FINANCIÈRE BANQUE NATIONALE

1. Une petite économie ouverte dans un monde de capitaux parfaitement mobiles

Norme comptable internationale 7 Tableau des flux de trésorerie

Produits complexes. Produits non complexes. Risques généraux liés aux opérations de trading

Annexe 1. Stratégie de gestion de la dette Objectif

Monnaie, banques, assurances

L activité financière des sociétes d assurances

Table des matières. Le long terme Partie II. Introduction Liste des figures... Liste des tableaux...

LE DOLLAR. règne en maître, par défaut

Réduire l effet de levier des banques, un impact néfaste sur notre économie? (2/2)

Macroéconomie. Monnaie et taux de change

Faut-il encourager les ménages à épargner?

Le FMI et son rôle en Afrique

CHAPITRE 4 : DETERMINANTS DU CHANGE ET SMI

DORVAL FLEXIBLE MONDE

Transcription:

4 - Globalisation financière et mondialisation Cette fiche parcourt la période qui va des accords de la fin de la seconde guerre mondiale à nos jours en caractérisant les évolutions du système financier international qui ont marqué la période. La mondialisation se traduit par une inflexion profonde des rapports de force entre les marchés et les Etats, entre les lois de l accumulation du capital et celles qui régissent les sociétés. Cette inflexion est d autant plus frappante qu elle intervient à l issue d une période dite «keynésienne» caractérisée par un encadrement institutionnel de l activité économique au sein de chaque Etat. Cette période, qui débute aux Etats-Unis avec le New Deal 1 en 1933, prend fin avec l effondrement du système de Bretton Woods que signe la suppression de la convertibilité or du dollar le 15 août 1971 (voir plus loin). L ensemble des réponses «rassurantes» apportées durant ces quarante années par l Etat providence aux effrayants bouleversements induits par la révolution industrielle, l irruption du machinisme et la soumission du travail, de la terre et de la monnaie aux mécanismes du marché va être balayé en quelques années. Le phénomène de mondialisation apparaît ainsi comme une revanche de l économique sur le politique et le social visant à mettre à bas les compromis sociaux élaborés par l Etatprovidence keynésien justifiant la qualification de «restauration du pouvoir de la finance» par laquelle Gérard Duménil 2 le qualifie. La grande vague de déréglementation qui va sévir à partir de la fin des années soixante-dix aura pour conséquence de mettre en concurrence les Etats entre eux pour la localisation des investissements et l allocation de l épargne. Compromis keynésien Il caractérise la situation née de la crise des années 30 reposant sur l'accroissement simultané de la productivité du travail et des salaires, combiné à l'émergence des systèmes de protection sociale. Il a perduré pendant toute la période dite des «Trente glorieuses» des deux côtés de l Atlantique. L Etat y joue un rôle essentiel en augmentant les dépenses publiques et en menant une politique redistributive d où le concept «d Etat-providence» (ou Welfare Sate) issu de cette période. L économiste John Maynard Keynes, qui fut l un des négociateurs de la Conférence de Bretton Woods, a largement inspiré ce modèle auquel son nom reste attaché. Bretton Woods : des accords issus du compromis keynésien Le système financier international mis en place après la seconde guerre mondiale lors de la conférence de Bretton Woods (1944) est un système de financement public bilatéral et multilatéral des déséquilibres de paiement internationaux. Il répond, pour les Américains, à la volonté d'éviter les crises monétaires, dont ils pensaient qu'elles avaient entraîné le protectionnisme, le nationalisme et la guerre. Deux organismes créés par la conférence incarnent cette nouvelle architecture financière internationale : - le Fonds Monétaire International (FMI) qui veille au respect de la stabilité monétaire internationale et finance les déséquilibres temporaires des balances de paiement : il dispose de ce fait d un droit de regard sur les politiques économiques des pays membres ; - La Banque Mondiale (BM) qui finance la reconstruction des pays détruits et le développement des pays nouvellement indépendants. Il n y a pas de marché international des capitaux significatif et les seules possibilités de financement extérieur pour les pays membres en déficit consistent à exercer leur «droit de 1 Le New Deal («Nouvelle donne» en français) est le nom donné par le président américain Franklin Delano Roosevelt à sa politique interventionniste mise en place, en 1933, pour lutter contre les effets de la Grande Dépression aux États-Unis. 2 G. Dumesnil et D. Levy, Economie marxiste du capitalisme La Découverte, Coll. Repères

tirage» sur le FMI ou à contracter un emprunt auprès de la Banque Mondiale. De ce fait, les déficits restent contenus en dessous de 1% du PIB. FMI et droit de tirage. Chaque État doit verser au FMI une certaine somme, nommée «quote-part» et dont le montant est déterminé par sa puissance économique. 25 % de cette quote-part doivent être payé en or, le reste en monnaie nationale. En cas de déséquilibre de sa balance des paiements risquant de menacer l équilibre monétaire sur le marché des changes, chaque pays membre peut obtenir automatiquement 25 % de sa quote-part («droit de tirage»), lui permettant de soutenir, par l'achat, sa monnaie nationale. Le dollar est la devise clé de ce système. Il est la seule monnaie internationale avec deux caractéristiques : - Il n y a que lui qui soit convertible en or au taux de 35 dollars l once; - les autres monnaies sont convertibles en dollar sur la base d un taux de change fixe. De la parité fixe au flottement des monnaies En 1945, les Etats-Unis possèdent les trois-quart des réserves mondiales en or. Les sorties de capitaux des Etats-Unis s accroissent de façon modérée dans les années cinquante fournissant à l économie mondiale les moyens de la reconstruction. A la fin de cette période, la sortie de capitaux américains dépasse les besoins de financement des autres pays industrialisés. Les réserves en dollars ainsi constituées à l extérieur des USA vont provoquer une accélération de la demande de conversion en or entraînant la baisse des réserves américaines. En 1960, les engagements extérieurs des Etats-Unis dépassent, pour la première fois, la valeur de leur stock d or. La spéculation se déchaîne contre la monnaie américaine dont la parité-or ne pourra être défendue qu avec le soutien des autres banques centrales. Cette situation n est plus acceptable par les autres puissances industrielles maintenant reconstruites, Elles refusent de continuer à accumuler des réserves dans un dollar largement surévalué. L évolution du rapport de force qui s en suit entre les Etats-Unis d une part, et le Japon et l Europe d autre part se matérialise par la dégradation du solde des échanges (différence entre le montant des exportations et le montant des importations). Largement excédentaire dans les années cinquante, il devient négatif en 1971. Le 15 août 1971, Richard Nixon décide unilatéralement de la suppression de la convertibilité-or du dollar mettant fin ainsi à toute demande de conversion des réserves en dollars accumulées ici et là. Cette décision met fin au système de parité fixe des monnaies mis en place à Bretton Woods. C est dorénavant le régime des changes flexibles, régi par la loi de l offre et de la demande, qui s impose. Vers la libre circulation des capitaux Désormais chaque pays est libre de laisser fluctuer le taux de change de sa monnaie au gré de l offre et de la demande. Dès lors, les obstacles à la libre circulation des capitaux vont commencer à tomber d autant plus que les Etats sont preneurs des capitaux que les investisseurs étrangers peuvent leur apporter. L administration américaine ouvre la voie à la fin des années soixante-dix suivie par Margaret Thatcher au début des années quatre-vingt en mettant fin au contrôle sur la circulation des capitaux. Les Etats-Unis contraignent le Japon (1983-84) à ouvrir son système financier avant que la France ne fasse de même en 1989. Enfin, le démantèlement des systèmes nationaux de contrôle des changes en Europe met en place le marché unique des capitaux en 1990. Flottement des monnaies : le credo des monétaristes

Pour Milton Friedmann, chef de file des monétaristes, le flottement des monnaies restitue à la politique monétaire son autonomie ce qui signifie, dans son esprit, donner la priorité absolue à la lutte contre l inflation pour préserver la situation des rentiers. Selon les monétaristes, l autre avantage du flottement des monnaies est qu il libère les «vertus stabilisantes de la spéculation». L effet stabilisant tiendrait au fait que les spéculateurs, agents supposés rationnels, achètent quand les cours sont bas et vendent quand les cours sont hauts. Mais ces vertus stabilisantes n ont jamais été au rendez-vous depuis 1973 et, loin d avoir modéré l instabilité intrinsèque du régime des changes flexibles, la spéculation, facilitée par la globalisation financière, l a poussée à son paroxysme. 95 % des opérations réalisées sur les marchés des changes correspondent à des mouvements financiers indépendants des opérations sur biens et services. La dynamique des 3 «D» Si la déréglementation a été l un de moteurs de la globalisation financière, elle n en a pas été le seul. La «désintermédiation» et le «décloisonnement» ont été les deux autres. C est la raison pour laquelle on parle souvent de la règle des 3 «D». Par «désintermédiation» on entend le recours direct des entreprises aux marchés financiers afin notamment d aller y chercher des financements, sans passer par le crédit bancaire. Le «décloisonnement» des marchés correspond à la disparition des frontières réglementaires entre les marchés interdisant notamment qu un même établissement puisse être à la fois banque de dépôt (celle ou est versé notre salaire) et banque d affaire (celle dans laquelle notre patron place le montant de la vente de ses stock-options). Ce «décloisonnement» s opère vers l extérieur (ouverture des marchés nationaux) d une part mais aussi à l intérieur par un éclatement des compartiments existant entre marché monétaire (court terme), marché financiers, marché des changes, marchés à terme. Les 3 «D» (désintermédiation, dérégulation, décloisonnement) fleurons de la globalisation financière témoignent du recul en ordre dispersé des Etats face à la dynamique de l intégration financière lancée dans les années soixante. Ce faisant, non seulement les Etats ont accepté de supprimer les entraves à la circulation de masses considérables de capitaux mais pour tenter de les attirer sur leurs territoires, ils ont aussi renoncé à la majeure partie de leurs prélèvements fiscaux sur les revenus du capital. Les évangélistes du marché 3 Il est évident que ces mutations sont la conséquence d une série de choix de nature politique. Ils sont été inspirés par une idéologie que l on désigne généralement par le terme néolibérale. Ce courant s est organisé très tôt autour d un certain nombre d hommes dont l un premier est sans doute l économiste autrichien Friedrich Von Hayeck qui créa dès 1949 la société du Mont Pèlerin dans laquelle on retrouve nombre d intellectuels comme Milton Friedmann qui fondera l école de Chicago, obtiendra le prix Nobel d économie et sera l inspirateur de la politique monétariste chère à Thatcher et à Reagan. La pensée néolibérale se diffusera en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis tout d abord par le biais des think tanks [boîte à penser]. Les plus connus étant l Institut of Economic Affairs en Angleterre et la Heritage Foundation aux USA. A ces think tanks viendront s ajouter le travail de conquête mené dans les Universités dont l Ecole de Chicago ou l Institut des Hautes Etudes Internationales de Genève sont des exemples et celui conduit dans les médias. C est lorsque Margaret Thatcher va prendre le pouvoir en 1979 que cette «logique» va enfin se transformer en programme de gouvernement avant qu à son tour, en 1982, Ronald Reagan ne fasse de même. 3 Keith Dixon, Les évangélistes du Marché, Raisons d Agir, 1998

5- La financiarisation de l économie Cette fiche s'emploiera à faire le point sur les évolutions des techniques et des instituions financières qui ont permis de mettre en place une globalisation financière permettant aux détenteurs de capitaux de spéculer partout et à tout moment et accroitre ainsi leur capacité à accaparer les richesses produite. L avénement du régne du marché Nous voici donc passé d une situation réglementée dans le cadre d un coopération intergouvernementale à une situation ou la seule instance de régulation est «la main invisible du marché». Nous sommes dans la dernière décennie du XXe siècle face à un seul marché des capitaux, totalement «décompartimenté» avec un groupe d opérateurs privés [grandes banques internationales, compagnies d assurances, fonds d investissement et de pension anglo-saxons] qui a la possibilité de «faire le marché». C est-à-dire de tirer profit des variations des différents taux pour monter des opérations fructueuses entre les places internationales. Une des conséquences de cette libéralisation c est l explosion de la «titrisation». Elle désigne la possibilité offerte aux institutions financières d émettre sur le marché des titres représentant les créances qu elles détiennent en leur faisant subir des mutations substantielles. Ainsi les gros emprunts sont fractionnés en titres d un petit montant, les créances longues sont transformées en titres court terme renouvelables [on passe d un «compartiment» du marché à une autre], ce qui a pour effet de transformer les taux fixes en taux variables, etc. Zinzins et Hedge Funds Les investisseurs institutionnels, connus aussi sous le nom de «zinzins», sont représentés par les banques, les compagnies d'assurance et les fonds de pension. Il s'agit d'investisseurs qui peuvent détenir une part significative du capital d'une entreprise. Ils sont souvent considérés comme des actionnaires à long terme ce qui ne les empêchent pas de pratiquer le chantage à la rentabilité plus souvent qu à leur tour. Les Hedge Funds, ou fonds spéculatifs, ou fonds alternatifs (si, si!) sont une autre catégorie d investisseurs, souvent créés par les premiers, et dont l objectif est la recherche du profit maximum en recourant à toutes les techniques que l ingénierie financière a développé pour eux depuis 10 à 20 ans. Les zinzins sont tenus à un minimum de règles et opèrent généralement sur un marché identifié (Bourse), toutes leurs transactions passant par une chambre de compensation. Les fonds spéculatifs n ont aucune règle à respecter et leurs transactions sont totalement opaques puisqu elles s opèrent généralement sur un marché de gré à gré (on parle de marché OTC). L évolution de la titrisation Nombre de prêts titrisés, en milliers de milliards de dollars et en pourcentage du total des prêts Source Alternatives Economiques

Les produits dérivés Dans ce contexte qui a vu exploser les transactions sur les marchés financiers le marché des produits dérivés s est développé à une vitesse foudroyante. C est le plus sophistiqué et celui qui a valu à cette économie d être qualifiée «d économie casino». Un produit dérivé est un contrat dont la valeur est "dérivée" du prix d'autre chose, on dit d un actif «sous-jacent» tels que actions, obligations, instruments monétaires, ou matières premières. Le produit dérivé d'une action, par exemple, peut donner le droit d'acheter une action à un prix fixé jusqu'à une date donnée. Dans ces conditions, la valeur de ce droit est directement liée au prix de l'action "sous-jacente". Si le prix de l'action monte, alors le droit d'acheter à un prix fixe devient plus intéressant; si elle baisse, le droit d'acheter à un prix fixe devient moins intéressant. A l origine, un produit dérivé a vocation à protéger d un risque, à «se couvrir à terme». C est donc une opération presque aussi ancienne que le commerce. Ainsi, au XIVème siècle, en réponse à l interdiction pontificale du prêt à la Grosse, (en Grèce antique à l'époque classique, un prêt consenti à un taux très élevé par un particulier pour financer le voyage d'un négociant au long cours) les marchands transforment leurs contrats en ventes à terme optionnelle : celui qu on appellerait aujourd hui «l assureur» achète au comptant la marchandise et le vaisseau à «l assuré» et les revend à terme avec une prime. Si le navire arrive, l assuré lève l option et rachète son bateau, acquittant la prime d assurance. Sinon l assureur est quitte pour régler le sinistre. Mais on conçoit qu un produit dérivé peut aussi avoir un tout autre objectif. Celui de la recherche du profit le plus élevé, le plus immédiat. La prolifération financière a donné naissance à toutes sortes de contrats de produits dérivés, basés sur un grand nombre d'instruments financiers différents: par exemple, le cours des actions, le marché des changes, les taux d'intérêt, le différentiel entre deux prix, ou même les produits dérivés de produits dérivés. C est dans le compartiment du crédit que la prolifération des produits dérivés est la plus forte. On peut en prendre la mesure avec l explosion des CDS (voir encadré). Créés en 1995, l encours des CDS est de 3,58 trillions de dollars fin 2003. Il passe à 42,6 trillions en juin 2007 et atteint 62 trillions en juin 2008. CDS : Crédit Default Swap. Contrat d assurance de la valeur d un titre financier. En échange d une prime, le «vendeur de protection» s engage à dédommager l acheteur de toute perte résultant d un incident de paiement sur le titre assuré. C est un outil rentable qui rapporte à partir de rien puisque le «vendeur de protection» reçoit des primes périodiques et augmente ses avoirs sans nul investissement en capital. C est un outil flexible dont on peut se débarrasser à tout moment. Il va donc pourvoir voyager de main en main au gré des transactions successives sans que jamais l acheteur de protection initiale ne sache où il se trouve ni qui est sa contrepartie, ni bien sûr si elle sera en capacité de faire face à ses obligations si l incident survient Ainsi, «on est passé sans même s en rendre compte des couvertures de risques de l économie réelle à la création d un jeu spéculatif presque entièrement autonome» comme le précise Frédéric Lordon 4. Et, il poursuit «la part des transactions spéculatives par rapport aux opérations de couverture «réelle» peut s évaluer en comparant les 43 trillons (milliers de milliards) de dollars du PIB mondial et les 676 trillions d encours de produits dérivés». 4 Frédéric Lordon, Jusqu à quand? pour en finir avec les crises financières, Raisons d Agir, 2008

L explosion du marché des dérivés 70% des transactions de produit dérivés portent sur produits jouant sur les variation de taux d intérêt. En juin 2007, 87% des contrats sont de «gré à gré» Source Alternatives Economiques