TRAITEMENT COMPTABLE DES PRODUITS STRUCTURÉS L exemple d une banque universelle



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Transcription:

YVES KURSNER La Banque Cantonale Vaudoise (BCV) est active dans l émission de produits structurés depuis 1999, période à laquelle elle commercialisa ses premiers «Leman» appartenant à la famille des structurés de type «Reverse convertible». La banque développa par la suite une gamme complète de produits dits «structurés», tels que des produits de protection du capital, des produits de participation ou encore des produits de type «levier». TRAITEMENT COMPTABLE DES PRODUITS STRUCTURÉS L exemple d une banque universelle 1. INTRODUCTION Le développement de produits structurés, acitivité novatrice dans le cercle des banques cantonales, a obligé les responsables de l élaboration de leurs états financiers à réfléchir aux schémas comptables les plus appropriés pour l enregistrement de ces nouveaux produits, tout en respectant et en interprétant au plus juste les normes en vigueur. Cet article a pour but de décrire la «solution BCV», de relever les questions fondamentales ayant mené aux choix retenus et à envisager l évolution future du traitement comptable à appliquer à ces instruments. 2. DÉFINITIONS Avant d entrer dans la description détaillée du traitement comptable des produits structurés, il convient de définir les produits répondant à cette appellation. Rappelons à toutes fins utiles que les responsables de l élaboration des états financiers des banques suisses doivent se conformer aux Directives de la Commission fédérale des banques sur les dispositions régissant l établissement des comptes (DEC-CFB). L utilisation des normes IFRS ou US GAAP est acceptée uniquement pour les comptes (individuels supplémentaires et consolidés) établis selon le principe de l image fidèle. Il convient de relever que la plupart des établissements bancaires actifs en Suisse dans le domaine des produits structurés appliquent les normes IFRS, alors que les deux principales banques cantonales actives dans ce domaine (Zürcher Kantonalbank et BCV) suivent les normes suisses DEC-CFB. Les DEC-CFB définissent les «Instruments hybrides, produits structurés» de la manière suivante (cm 233 a): YVES KURSNER, LIC. HEC, COMPTABILITÉ FINANCIÈRE, BANQUE CANTONALE VAUDOISE, LAUSANNE/VD, YVES.KURSNER@BCV.CH Instruments hybrides (produits structurés) «Un instrument hybride comprend deux composantes, à savoir un contrat de base (instrument hôte) et un instrument dérivé incorporé. Ils forment ensemble un produit de placement combiné». Une autre définition est celle retenue par l Association Suisse des Produits Structurés (qui réunit quatorze des plus grands émetteurs, représentant plus de 90% du marché des produits structurés en Suisse): Produit structuré «Produit financier qui combine des placements sur titres et des produits dérivés pour en faire un produit distinct titrisé. La valeur de remboursement du produit structuré dépend de l évolution du cours d un ou de plusieurs sous-jacents». Ces deux définitions, relativement éloignées dans la forme, font néanmoins appel à plusieurs notions communes, soit: é la combinaison de plusieurs éléments donnant naissance à un titre global; é l existence dans cette combinaison d un ou de plusieurs produits ou instruments dérivés incorporés; é la dépendance du prix du produit à l évolution d un ou de plusieurs sous-jacents. Les normes IFRS, quant à elles, ne contiennent pas de définition des «produits structurés» à proprement parler, ceux-ci faisant partie de la famille plus large des «instruments financiers» définie par l IAS 32. Cette dénomination comprend les «actifs et passifs financiers» ainsi que les «instruments financiers dérivés». En revanche, l IAS 39 mentionne abondamment le terme d instrument hybride ou composé dans le cadre du traitement des dérivés incorporés. Un des éléments constitutifs d un produit structuré étant un instrument financier dérivé, il est nécessaire d en établir également la définition. Celle retenue par la DEC-CFB, largement inspirée de la norme IAS 32 (AG15 à AG19), quoique plus concentrée, est la suivante: Instrument financier dérivé «On entend par instruments financiers dérivés les contrats financiers dont la valeur découle du prix d une ou de plusieurs valeurs 849

TRAITEMENT COMPTABLE DES PRODUITS STRUCTURÉS patrimoniales sous-jacentes (titres de participation et autres instruments financiers, matières premières) ou de taux de référence (intérêts, devises, indices, notation de crédit). Généralement, ces instruments ne requièrent aucun versement initial ou seulement un versement inférieur à celui qui serait nécessaire pour procéder «C est donc l intention liée à l émission du produit qui est déterminante pour son enregistrement. Cette notion est à notre avis fondamentale pour la détermination du principe d enregistrement.» à l acquisition directe de la valeur de base. Les instruments financiers dérivés peuvent être globalement répartis dans les deux catégories suivantes: é opérations à terme fixe: contrats à terme traités en bourse (futures), contrats à terme traités hors bourse (forwards), swaps et forward rate agreements (FRAs). é options: options traitées hors bourse (over-the-counter/otc options) et options traitées en bourse (exchange traded options). Pour les options, la distinction entre contrats d options achetés et émis est importante. Les banques peuvent, lors de la définition des instruments financiers dérivés, utiliser les prescriptions plus sévères des IAS/IFRS ou des US GAAP.» 3. ÉVALUATION Les schémas de comptabilisation des produits structurés vont découler dans une large mesure de leurs principes d évaluation. La CFB a également défini ces principes dans la DEC-CFB (cm 28 e ), largement inspirés des textes de l IAS 39, cm 10 à 13: «En ce qui concerne l évaluation, le dérivé doit être séparé de l instrument hôte et évalué séparément en tant que dérivé, lorsque toutes les conditions cumulatives ci-après sont remplies: é il n y a aucune relation étroite entre les caractéristiques économiques et les risques du dérivé incorporé et du contrat de base, et é l instrument hybride ne remplit pas intégralement les conditions pour une saisie au bilan et un traitement correspondant dans le compte de résultat à la juste valeur (voir cm 22-22d), et é le dérivé incorporé satisfait individuellement à la définition d un instrument dérivé. L instrument hybride peut être publié globalement.» Quant à l évaluation des instruments financiers dérivés, il est précisé (DEC-CFB cm 29f): «Les instruments financiers dérivés correspondent toujours à des opérations de négoce, à moins qu ils ne soient mis en œuvre à des fins de couverture en dehors du champ des opérations de négoce. L évaluation doit être effectuée conformément au cm 22, à la juste valeur. Le résultat d évaluation des opérations de négoce doit être enregistré dans le compte de résultat sous la rubrique afférente au négoce.» Cette méthodologie d évaluation s appliquera ainsi aussi bien aux dérivés faisant l objet d un contrat propre (dérivé autonome ) qu aux dérivés intégrés dans un contrat «hôte» (dérivé incorporé). 4. COMPTABILISATION: SÉPARATION OU NON DU DÉRIVÉ INCORPORÉ? Face à l émission d un produit structuré, le comptable bancaire devra en premier lieu déterminer s il convient de séparer le dérivé incorporé du contrat hôte, technique également connue sous le nom de «bifurcation method». La séparation de ces éléments n est possible que si les trois conditions cumulatives mentionnées dans la norme sont satisfaites. Pour faciliter la compréhension, nous détaillons ces trois conditions ci-après: 1. Il n y a aucune relation étroite entre les caractéristiques économiques et les risques du dérivé incorporé et du contrat de base. Les DEC-CFB ne fournissant pas plus d explication sur cette condition, il est judicieux de se référer au texte de l IAS 39 pour se faire une idée plus précise de l interprétation à suivre. La notion évoquée de lien étroit n est pas définie en tant que telle par la norme IAS 39 qui par contre fournit des exemples Tableau 1: PROCESSUS DE DÉCOMPOSITION D UN PRODUIT STRUCTURÉ Aucune relation étroite entre les caractéristiques économiques et les risques du dérivé incorporé et du contrat de base L instrument hybride ne remplit pas intégralement les conditions pour une saisie au bilan et un traitement dans le compte de résultat à la juste valeur (opérations de négoce) Le dérivé incorporé satisfait individuellement à la définition d un instrument dérivé Décomposition Pas de décomposition 850 L E X P E R T- C O M P TA B L E S U I S S E 2007 11

TRAITEMENT COMPTABLE DES PRODUITS STRUCTURÉS INSTRUMENTS FINANCIERS de dérivés étroitement liés à leur contrat hôte. Ces exemples nous aident à déterminer cette notion dans la palette des produits structurés de la BCV. Prenons un exemple: pour un produit de type «Leman» sur un sous-jacent «action», cette condition sera vérifiée. En effet, un produit de ce type étant composé d un placement monétaire à taux fixe (contrat hôte) ainsi que de la vente «Face à l émission d un produit structuré, le comptable bancaire devra en premier lieu déterminer s il convient de séparer le dérivé incorporé du contrat hôte, technique également connue sous le nom de bifurcation method.» d une «option put» sur un sous-jacent de type action (dérivé incorporé), il apparaît que les deux natures de risque sont bien distinctes, le risque sur le contrat hôte étant de type «taux d intérêt» et le risque sur le dérivé incorporé de type «action». Dans notre exemple, le dérivé incorporé est clairement identifiable (une option put vendue), la condition est donc satisfaite. Le processus de décomposition s établit selon le tableau 1. 5. ILLUSTRATION DU TRAITEMENT COMPTABLE DES PRODUITS STRUCTURÉS À LA BCV Une fois l analyse ci-dessus effectuée et le traitement du dérivé incorporé réglé, il convient de se déterminer sur la comptabilisation du produit proprement dit. 5.1 Produits structurés faisant l objet d une séparation du dérivé incorporé et du contrat hôte. La banque a déterminé les produits à considérer hors du champ des opérations de négoce et contribuant à fournir une source de financement alternative. Les produits structurés contenant une composante de «taux d intérêt» ont été définis comme tels. Sont inclus dans cette famille les structurés de type «reverse convertibles» et de type «protection du capital» (totale ou partielle), sur des sous-jacents «actions» et «indices d actions». Les trois conditions cumulatives étant remplies, ils font l objet d une séparation du ou des dérivés incorporés et du contrat hôte. Le contrat hôte est enregistré au nominal comme une dette émise par la banque sous la rubrique du bilan «emprunts». 2. L instrument hybride ne remplit pas intégralement les conditions pour une saisie au bilan et un traitement correspondant dans le compte de résultat à la juste valeur (voir cm 22-22d). Cette condition fait référence au chiffres marginaux 22-22d qui définissent les directives d évaluation des positions relatives aux opérations de négoce. Ainsi, pour analyser cette condition, il s agit de déterminer si le produit structuré concerné entre dans le champ des opérations de négoce. Si tel est le cas, sa comptabilisation initiale au bilan se fera à la juste valeur et les résultats des évaluations subséquentes seront enregistrés au compte de résultat sous «résultat des opérations de négoce». Si au contraire une telle classification n est pas envisageable et que l émission du produit structuré ne répond pas à une opération de négoce, la condition sera vérifiée. C est donc l intention liée à l émission du produit qui est déterminante pour son enregistrement. Cette notion est à notre avis fondamentale pour la détermination du principe d enregistrement. Reprenons notre exemple: si l émission d un «BCV Leman» est considérée par la banque comme un moyen de diversification de ses sources de financement, il apparaît qu elle n agit pas dans l intention d une opération de négoce. Ainsi, une évaluation à la juste valeur par la rubrique «résultats des opérations de négoce» du contrat global ne serait pas souhaitable. La condition est donc satisfaite. 3. Le dérivé incorporé satisfait individuellement à la définition d un instrument dérivé. Lorsqu il n est pas possible de distinguer au sein du produit structuré le dérivé incorporé, il apparaît alors que nous ne sommes pas en présence d un produit structuré. La décomposition est donc par nature impossible. 851

TRAITEMENT COMPTABLE DES PRODUITS STRUCTURÉS «On observera que les banques actives dans le domaine des structurés et appliquant les normes IFRS, ont pour la plupart opté pour l enregistre ment des produits structurés de type dettes à la juste valeur, dans la rubrique du bilan des Passifs financiers à la juste valeur.» Les intérêts courus sont enregistrés selon l «accrual method» dans la rubrique «résultat des opérations d intérêts». Le ou les dérivés incorporés sont enregistrés au bilan dans les valeurs de remplacement positives (autres actifs) ou négatives (autres passifs) à la juste valeur (fair value). Les variations subséquentes de juste valeur sont enregistrées dans la rubrique du «résultat des opérations de négoce». Dans la gamme BCV, il s agit notamment des produits «Leman», «Protec» et «Prealp» déclinés eux-mêmes en sousproduits (worst-of, défensif, up and out, etc.). 5.2 Produits structurés ne faisant pas l objet d une séparation du dérivé incorporé et du contrat hôte. Les produits de participation de type «Certificats» qui représentent une fraction de «panier» d actions ainsi que des produits d optimisation de performance (Boomer, Diamant) sont considérés comme des passifs de négoce par la banque. Ainsi, le produit structuré est évalué «globalement» à la juste valeur. La rubrique du bilan déterminée pour ces produits est celle des «autres engagements envers la clientèle». Les réévaluations subséquentes sont enregistrées dans la rubrique «résultat des opérations de négoce». Dans la gamme des produits BCV, les «Certificats» ainsi que les «Boomer» suivent ce traitement comptable. 5.3 Produits dérivés titrisés ne faisant pas l objet d une séparation du dérivé incorporé et du contrat hôte. Les produits titrisés à effet de levier qui correspondent à la définition stricte d instruments financiers dérivés ne sont pas à proprement parler des produits structurés. Il s agit plutôt d instruments dérivés titrisés. L exemple le plus courant de ces produits est le Warrant, dont toutes les caractéristiques sont celles d une option, excepté sa titrisation. Ces produits étant émis dans le cadre des opérations de négoce et étant similaires à des instruments financiers dérivés, ils sont enregistrés (comme les options émises) dans les rubriques du bilan «autres passifs», plus précisément sous les «valeurs de remplacements négatives», et ceci à la juste valeur. Les réévaluations subséquentes sont enregistrées dans la rubrique du «résultat des opérations de négoce». L arbre de décision relatif au traitement comptable apparaît schématiquement au tableau 2. 6. ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE ET CONCLUSION L observateur de ce marché constate à l évidence que les produits structurés ont tendance à se complexifier. L apparition de structures à sous-jacents multiples, contenant des produits dérivés de plus en plus sophistiqués (barrières activantes, stratégies utilisant plusieurs dérivés, equity swaps, etc.), rend la Tableau 2: ARBRE DE DÉCISION RELATIF AU TRAITEMENT COMPTABLE Le dérivé incorporé doit-il être séparé? Contrat hôte: «emprunts structurés» é Evaluation: au nominal é Traitement au compte de résultat; Accrual method (charges d intérêts) + Dérivé incorporé: «Autres actifs/autres passifs»; valeurs de remplacement Le produit structuré correspondil à la stricte définition d un produit dérivé? «Autres passifs»; valeurs de remplacement «Autres engagements envers la clientèle» 852 L E X P E R T- C O M P TA B L E S U I S S E 2007 11

TRAITEMENT COMPTABLE DES PRODUITS STRUCTURÉS INSTRUMENTS FINANCIERS solution de la séparation du ou des dérivés et du contrat hôte de plus en plus problématique. Cette méthode engendre de multiples difficultés, notamment en ce qui concerne l identification des dérivés incorporés, l évaluation de ceux-ci indépendamment du produit global ainsi que la mise en place de schémas comptables complexes et relativement peu transparents pour les non initiés. Il est intéressant d observer que les banques actives dans le domaine des structurés et présentant leurs états financiers selon les normes IFRS, ont pour la plupart opté pour l enregistrement des produits structurés de type dettes à la juste valeur, dans la rubrique du bilan «passifs financiers à la juste valeur». Parallèlement, les instruments de taux d intérêt acquis pour réinvestir les fonds passifs et couvrir le risque de taux généré par ces produits structurés sont enregistrés dans la rubrique «actifs financiers à la juste valeur». Cette comptabilisation faisant appel à l option de la juste valeur de l IAS 39, elle présente de nombreux avantages: elle peut se référer à des prix de marché (les produits structurés sont majoritairement cotés), elle évite une asymétrie comptable entre les résultat de négoce et d intérêts, puisque les actifs financiers acquis en rapport avec les émissions sont évalués à la juste valeur par le compte de résultat et, finalement, elle évite la mise en place de schémas comptables complexes et lourds à gérer. L option «juste valeur» telle que prévue par les normes IFRS n existe pas dans les DEC-CFB, ces dernières réservant uniquement aux portefeuilles de négoce l évaluation à la juste valeur. Il en résulte qu un traitement à la juste valeur des produits structurés de type «dette» entraînerait une asymétrie comptable sur la partie du risque de taux si les fonds sont placés sous forme de placement bancaire devant être enregistré au nominal, selon l «accrual method». En conclusion, compte tenu de l influence et de l utilisation de plus en plus généralisée des normes IFRS dans le domaine bancaire ainsi qu en raison de l évolution des produits structurés vers des produits multi-dérivés de plus en plus complexes, il est probable que le traitement comptable des produits structurés va tendre vers un enregistrement à la juste valeur pour l ensemble de ces produits, ceci au fur et à mesure que les acteurs bancaires de ce marché effectueront leurs conversion aux normes IFRS. L Auteur remercie M. Gilles Corbel, Responsable des Produits Structurés, BCV. Glossaire: Extrait de la gamme des produits BCV: Ñ Leman: Le Leman fait partie de la famille des «reverse convertible». Il offre un coupon garanti sensiblement plus élevé qu un placement monétaire. En contrepartie, l investissement initial n est pas garanti et l investisseur s expose à être remboursé en titres en lieu et place de cash. Ñ Protec: Le Protec est un instrument qui garanti à l échéance le remboursement total ou partiel du capital investi. Sa performance est déterminée par une participation à la performance du sous-jacent (généralement un indice boursier). Ñ Prealp: Le Prealp est un instrument financier permettant de participer à la hausse d une action ou d un indice boursier, tout en offrant une protection limitée du capital et une vente améliorée (prix d exercice) par rapport au niveau initial du sous-jacent à l émission. Cette protection ainsi que la vente améliorée sont valables aussi longtemps que le sous-jacent n a jamais attient ou dépassé un prix planché fixé (knock in). En contrepartie de cette participation à la hausse, le risque de perte se monte, en cas d activation de la barrière, à la différence entre le prix d achat et le cours d évaluation finale du produit. Ñ Certificat: Un Certificat est un instrument financier qui représente une fraction d un «panier» d actions. La sélection des titres peut être le résultat d un thème de placement, d un secteur spécifique, d une zone géographique ou d un style de gestion spécifique (type Momentum p. ex.). Il peut aussi reproduire l évolution d un indice boursier. Ñ Boomer: Le Boomer est un instrument financier qui permet, de par sa construction spécifique, d augmenter une performance absolue. Les Boomer permettent de doubler la performance du sousjacent à l échéance. Cette double performance est réalisable entre deux niveaux fixés à l émission du produit: le niveau start et le niveau stop. Le niveau start détermine le niveau de départ de la surperformance alors que le niveau stop détermine le niveau maximal de la performance. Bibliographie: Ñ IFRS, Instruments financiers, Amélie Ober, éditions editea, 2005. Ñ Normes Internationales d information financière IFRS, édition française 2006, IASC. Ñ DEC-CFB du 14 décembre 1994 (Etat au 21 décembre 2006). Sites internet: Ñ www.iasb.org. Ñ www.ebk.admin.ch. Ñ www.bcv.ch/sw. ZUSAMMENFASSUNG Rechnungslegung strukturierter Produkte Der Artikel beleuchtet anhand eines Beispiels aus der Praxis einer Universalbank die Entscheidungen, vor die sich Leiter des Rechnungswesens im Zusammenhang mit zunehmenden Emissio nen und Handel strukturierter Produkte gestellt sehen. Nach einer kurzen Vorstellung der Produkte und der anwendbaren Rechnungslegungsnormen geht der Autor auf verschiedene, zur Erfassung und Bewertung dieser Produkte geeignete Verbuchungsmöglichkeiten im Abschluss einer Schweizer Bank ein. In erster Linie werden zwar die Rechnungslegungsvorschriften für Schweizer Banken (RRV-EBK) betrachtet, aber der Autor vergleicht diese auch mit internationalen Rechnungslegungsnormen (IFRS). Er stellt die verschiede nen Verbuchungsarten abhängig von betroffenen Produkten und verfolgten Strategien dar. Insbesondere geht er der grundsätzlichen Frage nach, ob eingebettete Derivate vom Basisvertrag getrennt werden sollten oder nicht und belegt diese mit konkreten Beispielen aus der Praxis der Banque Cantonale Vaudoise. Der Autor schliesst mit einem Ausblick auf die zukünftige Praxisentwicklung im Zuge der steigenden Komplexität der Produkte (z. B. Einführung von Produkten mit mehreren Basiswer ten). Hier erscheint die Verbreitung des Prinzips des «Fair Value» zur Bewertung und Erfassung komplexer Instrumente wahrscheinlich. YK/CHW 853