Générique d antibiotique : info ou intox! Le point de vue de la pharmacovigilance Journée régionale OMEDIT Arlin Auvergne / CAI du CHU Mardi 31 Mars 2015 Dr Marie Zenut Centre régional de pharmacovigilance CHU Clermont-Ferrand Pas de conflit d intérêt avec l industrie pharmaceutique
Le médicament générique (G) : le contexte Intérêt des génériques 1. Economique Prix de la spécialité de référence (P) de 20% dès la commercialisa#on du G Décote de 40% entre le prix initial du P et celui de ses G des coûts de santé : 1,4 milliard d euros en 2011 en France 2. Faciliter l accès aux traitements dans les pays en voie de développement (VIH..) La défiance... Le refus des génériques L effet nocebo( effet blouse blanche...) du risque d erreur car galénique différente... Pharmacovigilance plus compliquée... La résistance aux antibiotiques La mondialisation de la fabrication... En 2013, les génériques d antibiotiques ont représenté 82,5% de la consommation d antibiotiques enville.
Qu est-ce qu un générique? Toutmédicamentprincepsdontlebrevet(duréede20ans)tombe dans le domaine public peut être génériqué. ArticleL5121-15 e ducodedelasantépublique:laspécialitégénérique d une spécialité de référence(princeps) même composition qualitative et quantitative en principe(s) actif(s) même forme pharmaceutique bioéquivalence avec la spécialité de référence démontrée par des études de biodisponibilité appropriées Lenom:DCI+nomdulaboratoireounomdefantaisie+Gé
Pour être plus précis... Les différentes formes pharmaceutiques orales à libération immédiate sont considérées comme une même forme pharmaceutique. Exemple: ZYLORIC 100 mgcomprimé ALLOPURINOL RATIOPHARM 100 mgcapsule Les différents sels, esters, éthers, isomères, mélanges d'isomères dérivés d'un principe actif sont regardés comme ayant la même composition qualitative en principe actif. Exemple: Hydrogénosulfatedeclopidogrel PLAVIX 75 mg BésilatedeclopidogreL CLOPIDOGREL ACTIVIS 75 mg Chlorhydrate de clopidogrel CLOPIDOGREL MYLAN 75 mg Les excipients peuvent être différents(liste des excipients à effet notoire site ANSM) Excipient : mise en forme du médicament, rôle dans l absorption et la stabilité, conditionne l aspect, la couleur et le goût. sauf s'ils présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l'efficacité.
Types de génériques TYPES DE GENERIQUES même substance active mêmes excipients même forme pharmaceutique Strictement identique (même laboratoire) OUI OUI OUI Copie conforme OUI OUI OUI Essentiellement similaires OUI NON OUI Apparentés aux essentiellement similaires OUI NON NON
Un dossier d AMM allégé Module 1: Renseignements d ordre administratif Module 2 : Résumé du dossier (qualité, étude(s) de bioéquivalence, données supplémentaires ) Module 3 : Qualité (données chimiques et pharmaceutiques) de la substance active et du produit fini dont contrôles des matières premières, des excipients, caractérisation des impuretés de synthèse et de dégradation..., stabilité... Module 4: Rapports non cliniques(données toxicologiques) Sécurité EXONERATION Module 5: Etudes cliniques Efficacité thérapeutique BIOEQUIVALENCE
Module 5 : Etudes de biodisponibilité «Guideline on the investigation of bioequivalence, EMA Janvier 2010»: un lot représentatif, par rapport à la spécialité de référencefrançaise ou européenne Une seule étude de bioéquivalence en général (Cmax, SSC) dose unique, cross-over, groupe homogène de sujets sains (au minimum 12 sujets), âgésde 18 à 55 ans (d un seul sexe), sans traitement concomitant, qui sont de taille et de poids normaux (IMC entre 18,5 et 30 kg/m 2 ), et qui sont maintenus dans des conditions alimentaires contrôlées. (importance +++ qualité et fiabilité des résultats) Exonérations: fabrication par le même laboratoire, injectable IV
Donc un générique ce n est pas tout à fait pareil que le médicament de référence!! 1. Les critères des études de bioéquivalences sont-ils suffisants? a. Les intervalles de confiance : voir présentation précédente Concentration plasmatique d un G bioéquivalent = Concentration plasmatique du P ± 5-7% = variabilité entre plusieurs lots d un même princeps Etude rétrospective de la FDA (Davit, Ann pharmacother, 2009). 2070 études de bioéquivalence ( 1996-2007). La différence entre le G et P pour la SSCet Cmax est de 3,56%(± 2,85%) et 4,35% (±3,54%)
Donc un générique ce n est pas tout à fait pareil que le médicament de référence!! 1. Les critères des études de bioéquivalences sont-ils suffisants? b. Problème du nombre restreint de sujets inclus dans l étude de bioéquivalence car variabilité inter-individuelle ex : difficulté à faire un générique du métoprolol La FDA répertorie les essais et songe à analyser les bases de données de pharmacovigilance : étude difficile notamment en raison des co-prescriptions...
Donc un générique ce n est pas tout à fait pareil que le médicament de référence!! 1. Les critères des études de bioéquivalences sont-ils suffisants? c. 20-40 sujets jeunes : quid des sujets âgés, enfants, des femmes**, co-morbidités, traitements chroniques? Parité d inclusion dans les essais cliniques car profil Pk entre les 2 sexes **Clayton, Nature 2014 d. Les critères de bioéquivalence ne prennent pas en compte ni la Tmax ni la Cmin D où insuffisance de données pour les médicaments pour lesquels on monitore la Cmin Ex. aminosides et toxicité
Donc un générique ce n est pas tout à fait pareil que le médicament de référence!! 1. Les critères des études de bioéquivalences sont-ils suffisants? e. Un seul lot de médicament est testé f. Evolution de la bioéquivalence tout au long du processus industriel ( G et P)? g. Que dire des énantiomères?. MoachonL., P2T,2010 : hématotoxicité ésoméprazole > oméprazole due à un métabolite sulfoné issu d un métabolisme stéréospécifique. Garcia-Arieta, AAPS Jounal2012 : Nouvelles directives européennes : les études chirales sont nécessaires lorsque :. les énantiomères ont une Pk, Pd différentes. l ASC est modifiée par le % d absorption. Or l activité de l oméprazole = activité ésoméprazole Qu en est-il du risque?
Donc un générique ce n est pas tout à fait pareil que le médicament de référence!! 2. Les excipients ZYLORIC comprimé PA Allopurinol Excipients lactose povidone stéarate de Mg amidon de maïs Risques d allergie aux parabens ALLOPURINOL Bayer capsule Allopurinol cire d abeille huile de soja huile d arachide huiles végétales lécithine de soja polysorbate 80 Capsule gélatine anidrisorb 85/70 parahydroxybenzoates sorbitol dioxyde de titane oxyde de fer jaune
Donc un générique ce n est pas tout à fait pareil que le médicament de référence!! 3. Les impuretés. (Acta Neurol Scand, 2008). syndrome d hypersensibilité chez une patiente traitée depuis plusieurs années à la lamotrigine 8 semaines après un switch vers un G à la même dose (800 mg/j).. Présence objectivée d une impureté dans le générique. Réaction d hypersensibilité à la chondroïtinesulfate dans les héparines chinoises
Donc un générique ce n est pas tout à fait pareil que le médicament de référence!! 4. Pas d études de bioéquivalence entre génériques En pratique, il est demandé au pharmacien de vendre toujours le même générique et au patient d être fidèle à son pharmacien!!
Qu en est-il pour les médicaments à index thérapeutique étroit? L exemple des antiépileptiques (AE) 2007-2008 :. du nombre de no#fica#ons d EIM aux CRPV avec les G d AE convulsions, recrudescence de crises, inefficacité. Ligue Française contre l Epilepsie : contre la substitution P/G Enquête nationale de pharmacovigilance :. Plus de recrudescence de crise avec les G d acide valproïque et de lamotrigine. Certains pays ont resserré les bornes d équivalence [90%-111,1%] et d autres ont interdit ou encadré la substitution Conclusion de l AFSSaPSen Mars 2008 :. Pas de remise en cause de l efficacité et la sécurité des G d AE. Préconise un dialogue avec le patient si l on envisage la substitution. Mention non substituable possible pour un P et un G. L excès d EIM est non lié au médicament mais à l anxiété anticipatoire
Qu en est-il pour les médicaments à index thérapeutique étroit? L exemple des antiépileptiques (AE).16 essais ( 9 randomisés, 7 non randomisée) (phénytoïne, carbamazépine, acide valproïque) :. Pas de différence d épilepsie non contrôlée entre les patients sous P et G. Limites : peu de patients, suivi à court terme, études hétérogènes
2011 ANNALS of Neurology Analyse des données de bioéquivalence des G approuvés par la FDA. AUC très proches entre G et P. Cmax: variations de 15-25% dans 10% des études fortes variations en fonction de l état de jeûne surtout pour l oxcarbazépine. Variations non négligeables entre G et G oxcarbazépine: différence d AUC de 25-30% sur 6/21 paires de G. Mais pas de critères cliniques
Qu en est-il pour les médicaments à index thérapeutique étroit? L exemple de la lévothyroxine. Confirmation d une différence de teneur en LT4 entre P et G.. Différence significative de la teneur en LT4 pour les lots en fin de durée de vie.. Explication possible à la survenue de certains cas de déséquilibre thyroïdien. Maîtrise de la variabilité de teneur en LT4 : spécifications de teneur en PA resserrées à 95.0-105.0 % pour toutes les spécialités. Harmonisation des AMM entre P et G en terme de teneur en LT4. Non substitution autorisée
Quid de la bioéquivalence pour les antibiotiques injectables : naissance d une controverse Le générique a une Pk et une activité in vitro identique mais est moins bactéricide que le princeps sur un modèle d infection de cuisse de souris neutropénique Le G induit plus de résistance dans certaines sous-populations
Quid de la bioéquivalence pour les antibiotiques injectables : naissance d une controverse Les constats:. Pas de nécessité d avoir des études d équivalence thérapeutique puisqu il s agit de génériques injectables sensés être identiques vis-à-vis des compositionset des caractéristiques physico-chimiques. La vancomycineest obtenue par voie de fermentation : Reproductibilité?. Idem pour la teicoplaninequi de plus possède plusieurs sous-composants D où un possible différentiel d activité antibactérienne
Réponse de l ANSM en Mars 2012/ article de l équipe de Vesga. Les génériques testés n existent pas en France. Pas d information sur les données de qualité pharmaceutique d où difficulté à interpréter le signal Analyse de la base nationale de pharmacovigilance et d Eudravigilancepour la vancomycine et la teicoplanine. pas de signal d inefficacité mais il faut prendre en compte. la classique sous-notification des effets indésirables. la sous-sous notification des inefficacités thérapeutiques. la difficulté d identifier avec certitude la spécialité utilisée Mise en place d une étude sur modèle expérimental/ vancomycine: résultats toujours en attente Teicoplanine: demande d avis scientifique à l EMA révision de la Pharmacopée européenne Difficulté de faire une étude clinique
Jusqu à juin 2013 : 37 études «génériques» et «antibactériens, céphalosporines, macrolides...» 73 % des publications entre 2008-2012 : 15 béta-lactames, 10 glycopeptides, 12 autres Design des études :. Analyse chimique ( n = 9) : dosage du PA et des impuretés. Etudes in-vitro ( n = 14) : CMI, CMB, courbes de time-kill, analyse de population. Etudes expérimentales chez l animal (n = 6) dont 5 études de modèles de souris neutropéniques. Etudes cliniques chez l homme (n =15) : PK (n = 7), études d observances et/ou de goût ( n =4), cohortes rétrospectives, études quasi-expérimentales, cas rapportés
. Origines des études : Asie (9), Amérique du Sud(8), Europe (7), Amérique du nord (6), intercontinentale s(7). 14/37 études ( 38%) suggèrent une infériorité G/P:. pureté (2),. activité in-vitro (3),. efficacité in vivo sur des modèles expérimentaux (4),. efficacité clinique (2),. goût (2),. observance-acceptabilité/enfant(1). Béta-lactamines(oxacilline, pipéracilline-tazobactam, ceftriaxone, céfuroxime, amox-acide clavulanique: 7/15 études suggèrent que le G est < au P dont 2/6 études cliniques. Glycopeptides(vancomycine) : 3/10 G<P mais pas d études cliniques
données limitées et hétérogènes d où impossibilité de généraliser les résultats Conclusions discordantes : β-lactamines et glycopeptides. niveau de preuve des études cliniques insuffisant pour affirmer une d efficacité. Biais de publications d études en défaveur du générique. 4 études chez l animal ( même équipe, G pas en europe, études complexes.. de longue durée, stabilité du P?... ) suspectent cette différence mais modèle animal non validé alors qu un autre modèle ne met pas en évidence cette différence d efficacité. Suspicion d efficacité différente car trop d impuretés or 2 études américaines montrent une bonne qualité des G de vancomycine( Nambiar, 2012; Hadwiger, 2013) mais soulignent une quan#té d impuretés et de produits de dégrada#on Donc pas de données solides suspectant une infériorité du G/P February 2014 Volume 58 Number 2 Tests in vitro, Pk souris P = G Mais efficacité modèle animal Hypothèse :. différence structurale entre P et G. hydrolyse avec inhibiteur de DHP I. stabilité à température ambiante
Les génériques d antibiotiques par voie orale. Différence en terme d excipients. Notamment des formes pédiatriques : mauvais goût. Problème de mise en suspension problème de l observance nouvelles guidelines européennes vis à vis de l acceptabilité des génériques en général
L inspection des laboratoires par les autorités de santé
Contexte général/la production pharmaceutique Dispersion planétaire des chaînes de production et de distribution. Production des matières premières hors Europe notamment CHINE et INDE : 8O% des principes actifs / 5O% des princeps La qualité des produits devient plus difficile à assurer. médicaments produits hors Europe les BPF n existent pas dans tous les pays et ne sont pas harmonisées Organisation des inspections plus complexe sur le plan technique, logistique Organisation par les autorités compétentes et internationales de réseaux opérationnels d évaluation, d inspection ou de contrôle 27
Inspection du système de pharmacovigilance des industriels ANSM entre 2007 et 2011 a initié. 42 inspections suite d un signal alertant sur des défaillances avérées ou potentielles d un système de pharmacovigilance. + 14 dans des établissements exploitant une majorité de spécialités génériques. A priori pas de différence entre les systèmes de pharmacovigilance des «exploitants des génériques» et des «exploitants des princeps»
Inspection des essais de bioéquivalence Site des essais de bioéquivalence : France <...<<< Amérique du Nord, Afrique du Sud <<<<<< Inde. Inspection- ANSM :. 2005-2011 :131 missions d inspections, dont 90 en Inde. Stratégie d inspection centrée sur les sites les plus à risque. Formation et accompagnement des inspecteurs travaillant à l étranger. Anomalies d enregistrement des ECG donc non respect des BPC d où doute sur la fiabilité des données de bio-équivalence
La pharmacovigilance a pour objet la surveillance, l évaluation, la prévention et la gestion du risque d effet indésirable résultant de l utilisation des médicaments ayant une AMM, ATU ou RTU. Signal évaluation Difficulté d évaluer un signal concernant un générique. impossibilité de connaitre exactement l incidence d un EI d un G/P,. Inefficacité rarement déclarée et problème de résistance (antibiotique*). Problème de la sous-notification potentiellement différente entre P et G (patients, firmes). difficulté de connaître la spécialité utilisée. pas d essais cliniques comparatifs. difficulté d évaluation dans la vraie vie avec possibles changements de protocoles de la population traitée * Jensen, J Antimicrobchemother2010: introduction de G sur le marché consommation et résistance
. Pas de données suffisantes pour affirmer la différence d efficacité et de sécurité des G/P. Possible différence entre G et P pour certains médicaments nécessitant des études complémentaires. Revoir le niveau d exigences du dossier d AMM d un générique. Intérêt d études cliniques comparatives G/P. Réel problème de la substitution entre génériques? pour toutes les spécialités?. Mondialisation des chaines de fabrication : optimiser la surveillance. Problème des ruptures d approvisionnement pour les G et les P. Nécessité d être vigilant et de stimuler la déclaration d effet indésirable et d inefficacité médicamenteuse mais le dossier doit être très informatif ++++. Intérêt économique des génériques Conclusion