Institut français des sciences et technologies des transports, de l aménagement et des réseaux Plates-formes logistiques et développement socio-économique : entre captation de revenus et structuration de l appareil productif local? Bounie Nathan Doctorales de l AFITL 20/10/14
Contexte Les plates-formes logistiques sont des «infrastructures hybrides» qui interagissent avec les territoires qui les accueillent : En termes infrastructurels, elles nécessitent une intervention importante des pouvoirs publics (caractéristiques de bien public des infrastructures de transport) En termes immobiliers, elles interrogent les politiques d aménagement du territoire (gestion des flux, gestion du foncier ) 1
Problématique Les espaces locaux gagnent-ils à attirer par le biais de politiques de plateformisation des activités logistiques indispensables au fonctionnement global de l économie ou se retrouvent-ils dans une position «sacrificielle»? 2
Hypothèses Les acteurs en charge de l aménagement et la littérature scientifique (Savy, 2006a ; Masson et Petiot, 2012 ; Strale, 2013) attendent globalement trois effets socio-économiques territoriaux des plates-formes logistiques : Effet «social» : création d emplois Effet «fiscal» : génération de taxes Effet «structurel» : développement du tissu économique local (i) activités «induites» (ii) activités «utilisatrices» (iii) activités «liées» (iv) activités «jumelles» 3
Sommaire I. La plate-forme logistique (PFL), lieu logistique particulier II. Le modèle de développement régional a. L économie territoriale selon la théorie de la base économique (TBE) revisitée b. Les effets attendus d une plate-forme logistique III. Illustration a. La plate-forme multimodale Delta 3 de Dourges (62) b. Delta 3 et le territoire d Hénin-Carvin IV. Conclusion 4
Les lieux logistiques Encastrement de plusieurs «lieux logistiques» (Savy, 2006b) : L établissement logistique La zone logistique Le pôle logistique Source : Savy, 2006b L aire logistique 5
La plate-forme logistique (1/2) Deux conceptions de l objet «plate-forme logistique» : Une conception courante chez les professionnels : la plate-forme logistique comme établissement logistique particulier (stockage pour une durée inférieure à 24h) Une conception courante dans la littérature scientifique : la plate-forme logistique comme zone spécialement aménagée pour recevoir des équipements logistiques 6
La plate-forme logistique (2/2) Grande diversité dans la morphologie, les fonctions, la géographie, les aires d influence ou encore la gouvernance des plates-formes logistiques (Raimbault et al., 2010 ; Higgins et al., 2012 ; Masson et Petiot, 2012 ; Strale, 2013) Néanmoins, trois grands modèles de plates-formes logistiques : Les plates-formes logistiques publiques dont les politiques infrastructurelles et immobilières sont gérées par des acteurs publics Les plates-formes logistiques privées (ou parcs logistiques) dont les politiques infrastructurelles et immobilières sont gérées par des acteurs privés (sous la forme de lotissements) Les plates-formes mixtes dont les politiques infrastructurelles sont gérées par des acteurs publics et les politiques immobilières sont laissées à la charge d acteurs privés (investisseurs-développeurs) 7
Développement socio-économique Plusieurs approches du développement : Économique vs. humain Etat vs. processus Qualitatif vs. quantitatif Structure vs. population Nécessaire distinction entre «effet socio-économique» et «développement socio-économique» Mobilisation d une théorie du développement socio-économique : la TBE revisitée. L entrée économique, statique, quantitative et tournée vers la population est privilégiée 8
La théorie de la base revisitée BASE PRODUCTIVE BASE SOCIALE TERRITOIRE CONSOMMATION LEGENDE : BASE BRUTE FUITES MULTIPLICATEUR BASE PUBLIQUE BASE NETTE S r PROPENSION A CONSOMMER LOCALEMENT BASE RESIDENTIELLE S r IMPOTS IMPOTS CONSOMMATION INTERMEDIAIRES PRODUCTION DOMESTIQUE CONSOMMATION EXTERIEURE 9
Variables du modèle RT = revenu total RB = revenu basique RD = revenu domestique I = investissement privé G = dépenses gouvernementales (salaires publics, redistribution, retraites, remboursements des dépenses de santé, et investissement public) X = exportations MR = importations de revenus C ext = dépenses locales de consommateurs extérieurs E ext = emplois dans des entreprises hors-sol C i = consommation locale des habitants locaux C j = consommation extérieure des habitants locaux et salaires des pendulaires M = importations T = taxes k = multiplicateur des revenus α = niveau de consommation incompressible c = propension à consommer m = propension à importer t = taux d imposition 10
Modèle 11
Les effets d une plate-forme (1/2) L investissement privé (I) + Si la plate-forme est financée par le secteur privé Si la plate-forme est financée par le secteur public [effet d éviction financière, i.e. par les taux d intérêt] Les dépenses gouvernementales (G) + Si la plate-forme est financée par le secteur public + Si les taxes générées par la plate-forme entraînent une augmentation des dépenses / recettes gouvernementales par les pouvoirs publics Les exportations (X) + Si les activités prestataires de services logistiques permettent la création ou la croissance d activités utilisant ces services [(ii) activités utilisatrices] qui exportent leur production Les emplois des entreprises «hors-sol» (E ext ) + Si les entreprises utilisatrices de la plate-forme sont «hors-sol» mais emploient une main d œuvre locale [emplois basiques] + Si les activités prestataires de services logistiques permettent la création ou la croissance d activités [(ii) activités utilisatrices] d entreprises utilisant ces services dont le siège est situé hors du territoire 12
Les effets d une plate-forme (2/2) La dépense sur le territoire de consommateurs non locaux (C ext ) Si la plate-forme est considérée comme une «contre-aménité» dans le cadre des consommations résidentielles [pollution, esthétique, congestion ] La propension à importer (m) + Si la plate-forme permet la création ou la croissance d activités mobilisées par les ménages locaux pour leurs consommations finales [(i) activités induites] + Si la plate-forme permet la création ou la croissance d activités mobilisées par les entreprises locales pour leurs consommations intermédiaires [(iii) activités liées et / ou (iv) activités jumelles] Le taux d imposition (t) + Si les taxes générées par la plate-forme entraînent une diminution des autres impôts locaux par les pouvoirs publics Si la plate-forme est financée par le secteur public et que les pouvoirs publics augmentent, en conséquence, les impôts locaux 13
La plate-forme Delta 3 (1/2) Plate-forme multimodale mise en service fin 2003 en remplacement de l ancienne gare Saint- Sauveur de Lille Coût de 305 millions d assuré par un financement public-privé Site de 300 ha composé de certains équipements particuliers (terminal de transport combiné, centre de services, campus Euralogistic ) Trois zones logistiques accueillant différents chargeurs et prestataires de services logistiques sur un total de 300 000 m 2 d entrepôts : Zone L-A Nord : 121 000 m 2 d entrepôts accueillant Leroy Merlin et Oxylane Décathlon Zone L-A : 135 000 m 2 d entrepôts accueillant Transfreight pour le compte de Yamaha Motor, Oxybul Eveil & Jeux, Rexel et Dachser Zone L-B : 66 000 m 2 d entrepôts accueillant DHL pour le compte de Kiabi 14
La plate-forme Delta 3 (2/2) Source : site internet de Delta 3 15
Delta 3 et le territoire (1/2) Effet «social» : Entre 1450 et 1500 emplois occupés à 60% par une main d œuvre locale Les entreprises installées (chargeurs, prestataires logistiques, gestionnaire de terminal) sont, toutes, hors-sol. Ainsi, ces 1500 emplois sont basiques Effet «fiscal» : Taxes foncières Contribution économique territoriale, qui se décompose en deux parties : Cotisation foncière des entreprises (dont le taux annuel est fixé par les communes) Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises 16
Delta 3 et le territoire (2/2) Effet «structurel» : Certaines activités induites : services de sécurisation des parkings, entreprises de nettoyage, entreprises d activités mécaniques, stations-service sur le site, restauration et hôtellerie Certaines activités liées : transporteur livrant dorénavant des conteneurs vides sur la plate-forme, débouchés pour transporteurs routiers Difficultés à identifier la présence d activités utilisatrices et / ou jumelles pour deux raisons : Les entreprises sont hors-sol et réalisent leurs activités de logistique en compte propre ou les externalisent à des prestataires hors-sol Les entreprises ont leur propre politique interne, ce qui diminue les possibilités de mutualisation (exemple : agences intérimaires vs. Pôle Emploi) 17
Conclusion (1/2) Possibilité d intégration des effets territoriaux attendus d une plate-forme logistique dans le modèle de la TBE revisitée, modèle explicatif des phénomènes de développement socio-économique (par une entrée «revenus») : Effet «social» : il peut s intégrer dans le modèle sous la forme d une importation de revenus dans le cas d entreprises hors-sol implantées dans les entrepôts de la plate-forme (siège de versement des salaires extérieur au territoire) Effet «fiscal» : il peut s intégrer dans le modèle de deux manières : une augmentation des dépenses gouvernementales ou une diminution du taux d imposition (du fait de la règle d or budgétaire des collectivités locale) Effet «structurel»: il peut s intégrer dans le modèle de deux manières : une augmentation des exportations ou une diminution de la propension à importer. En effet, tout phénomène de développement de l appareil productif local entraînera une augmentation de la production de cet appareil productif qui sera vendue à l extérieur du territoire ou à l intérieur de celui-ci, aussi bien auprès des ménages (consommations finales) que des entreprises (consommations intermédiaires) 18
Conclusion (2/2) Il semble néanmoins que ni l existence de ces effets, ni leur intensité, ne soient automatiques. Ainsi, il paraît indispensable de : Développer une réelle typologie des différents modèles d organisation et de fonctionnement des plates-formes logistiques en fonction de certaines régularités (gouvernance, fonctions, processus d implantation des activités ) => [Partie 1 de la thèse] Tester l existence d un lien entre le «type» de plate-forme et l intensité de l output de ces plates-formes. L output pourrait ici être mesuré à travers la coordination du système productif utilisateur de cette plate-forme (approche «proximiste») => [Partie 2 de la thèse] Tester l existence d un lien entre les différentes trajectoires de coordination des systèmes productifs utilisateurs de la plate-forme et l intensité des effets territoriaux attendus (approche «factorielle») => [Partie 3 de la thèse] 19
Références DAVEZIES L. (2008). La République et ses territoires. La circulation invisible des richesses, Seuil, La République des Idées, 110 p. EUROPLATFORMS (2004). Logistics centers. Directions for use, Europlatforms EEIG, 17 p. HIGGINS C. D. et al. (2012). Varieties of Logistics Centers: Developing a Standardized Typology and Hierarchy, TRB Annual Meeting, 20 p. MASSON S. & PETIOT R. (2012). Attractivité territoriale, infrastructures logistiques et développement durable, Les Cahiers Scientifiques du Transport, n 61, pp. 63-90 MEIDUTE I. (2005). Comparative analysis of the definitions of logistics centers, Transport, vol. 20, n 3, pp. 106-110 RAIMBAULT N. et al. (2010). Les plates-formes logistiques : entre fluidité et fixité, Programme de recherche FLUIDE, ANR, INRETS, ERA FRET, 8 p. SAVY M. (2006a). Le transport de marchandises, Eyrolles, Ed. Organisation, 371 p. SAVY M. (2006b). Logistique et territoire, La Documentation française, 63 p. SETRA (2010). Les entrepôts et les plates-formes logistiques, Ministère de l Écologie, de l Énergie, du Développement durable et de la Mer, 2 p. STRALE M. (2013). La logistique: localisation des activités et impacts territoriaux, Thèse de Doctorat en Géographie, Université Libre de Bruxelles TALANDIER M. & DAVEZIES L. (2009). Repenser le développement territorial? Confrontation des modèles d analyse et des tendances observées dans les pays développés, PUCA, 144 p. TALANDIER M. & JOUSSEAUME V. (2013). Les équipements du quotidien en France : un facteur d attractivité résidentielle et de développement pour les territoires?, Norois, n 226, pp. 7-23 20
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