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Transcription:

Les entreprises à participation publique en France et dans l Europe des Quinze dans les premières années du troisième millénaire Leur évolution et leur impact dans l économie marchande, leur devenir Armand BIZAGUET Membre du Comité de Rédaction de La Revue du Trésor Administrateur du Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d intérêt économique général (CEEP) Les entreprises à participation publique ont dû, dans les premières années de ce millénaire, comme toutes les entreprises françaises, s adapter à une économie ralentie et particulièrement fluide, dont on a pu dire qu elle engendrait tout à la fois des espérances, mais également beaucoup de craintes et de désillusions. Deux petits livres, publiés à quelques mois d intervalle, ont bien traduit cette rupture au cours des deux dernières décennies du XX e siècle, du modèle mis en place après la deuxième guerre mondiale qui, sur les recommandations du système keynésien, résolvait de manière mécanique les crises, en relançant vigoureusement, parfois mal à propos, les moteurs. Aujourd hui, la gouvernance de l économie dépasse la mécanique ; elle est devenue cybernétique avec l accélération et la primauté d un financier agissant en temps réel, alors que les populations elles-mêmes, déstabilisées, veulent à la fois réformes et maintien des structures acquises. La France qui tombe et la France qui gagne F r a n c e Dans la France qui tombe, Nicolas Baverez, le plus pessimiste, montre que notre pays se classait, en 2001, au 10 e rang de l Union pour le PIB par habitant ; avec une croissance moyenne depuis dix ans de 1,8 % par an ; alors que l activité a progressé de 2,8 % en moyenne pour l ensemble des pays de l OCDE. La France afficherait le plus faible taux d emploi des pays développés : 58 % contre 62 % dans l Union européenne et 75 % aux USA. Son chômage approcherait encore de 10 %, comme l Allemagne d ailleurs, alors que les Etats-Unis (6,4 %) ou le Royaume-Uni (5,1 %) présentent des taux presque divisés de moitié en dépit de la conjoncture actuelle. Dans la Guerre des deux France, Jacques Marseille, plus optimiste, souligne néanmoins qu en trente ans, le PIB français par habitant a doublé ; que le patrimoine moyen a triplé ; que le seuil de pauvreté a été divisé par deux, et le taux de mortalité infantile divisé par quatre ; que l espérance de vie a augmenté de six à sept ans et que le nombre de bacheliers a triplé! L ouverture française sur le monde peut être qualifiée de spectaculaire : la France, en 2001, avait une part de 5,2 % dans les exportations mondiales de marchandises, dépassant le Royaume-Uni, et n était dépassée que par le Japon (6,6 %), l Allemagne (9,3 %) et les USA (11,9 %). Parmi les cent premières entreprises mondiales industrielles et de services, elle venait à la quatrième place avec huit groupes français, derrière les USA (92), le Japon (21) et l Allemagne (11). La productivité française serait par ailleurs, encore excellente ; par heure travaillée, la France (33,62 dollars) est aujourd hui le 2 e pays du monde, proche des USA (33,55), mais devançant largement le Japon (22,54), l Allemagne (26,56) et le Royaume-Uni (27,45). Dans ce tableau contrasté, les deux auteurs se reconnaissent pour montrer que notre pays aurait des atouts importants : une démographie bien meilleure que celle des autres pays européens : le nombre moyen d enfants par femme, qui constitue l indicateur conjoncturel de fécondité en Europe occidentale, était au début du millénaire en France de 1,88, n étant dépassé en Europe et que de très peu par l Irlande à 1,89, mais très largement devant le Royaume-Uni (1,65), l Allemagne (1,36), l Italie (1,23), l Espagne (1,24), pour ne citer que ces Etats ; une épargne abondante et disponible ; des infrastructures de bon niveau ; une main-d œuvre, nous l avons vu, très productive ; des entreprises de qualité et des pôles d excellence dans les deux secteurs publics et privés : aéronautique, espace, automobile, pharmacie, produits agroalimentaires, etc. ; une situation géographique remarquable au sein de l EURO- LAND ; une ouverture vers l extérieur, et une balance commerciale excédentaire de manière permanente (1) comme une bonne réception des investissements étrangers dans l hexagone : la France est l un des pays les plus ouverts aux capitaux étrangers qui représentent près de 29 % du capital des entreprises françaises ; sans omettre bien sûr un climat, un patrimoine, une culture, et une qualité de vie que tous qualifient d exceptionnels. Il nous reste certes à moderniser l Etat ; à résorber nos déficits budgétaires et extrabudgétaires ; à gérer au mieux notre secteur public, en le faisant participer à de grands projets à long terme ; à miser sur une recherche plus active (2) et une formation plus pratique tendant à réduire un chômage que le départ en retraite de cinq millions d actifs d ici à 2010 devrait aider à diminuer, ceci n est pas hors de notre portée! L environnement économique, politique et culturel environnement Une économie française et européenne subissant de fortes pressions extérieures En tout premier lieu, le phénomène nouveau de mondialisation qui s était développé, hors du contrôle des Etats, dans les deux dernières décennies du XX e siècle et qui n avait d ailleurs pas que (1) Malgré une conjoncture internationale difficile dans laquelle les entreprises françaises se trouvent confrontées à la faible croissance européenne et à l atonie de l investissement mondial, l année 2003 se solde par un excédent de 4 Mdc, après 7,3 Mdc en 2002. Les exportations augmentent vers les zones en forte croissance : les pays de l élargissement de l UE et la Chine. (2) La France ne comptait en 2002 qu une part de 6,3 % des demandes de brevets déposés à l Office européen des brevets, contre 20 % pour l Allemagne, 28 % pour les USA et 15 % pour le Japon. Un classement des 27 pays de l OCDE sur la base de l indice de citation pour les six grands champs disciplinaires, donne la France au 6 e rang pour l ingénierie, au 14 e rang pour la recherche médicale, et au 23 e rang pour les sciences humaines. 17 85 e année - nº 1 - janvier 2005

des effets pervers, s est télescopé depuis, à la fois avec une formidable accélération des techniques d information et une prise de pouvoir en temps réel de décideurs financiers avides de gains immédiats. D où plusieurs conséquences : Une nouvelle économie, née d une efficace conjonction de l ordinateur et des télécoms, qui se perfectionne tous les jours, ne laisse plus au temps, ni à l espace, le pouvoir d atténuer les erreurs. Vivant dans l immatériel, elle diffuse les chocs en les amplifiant! Dès lors, la primauté donnée aux financiers et aux Bourses qui les soutiennent tend à substituer le pouvoir des actionnaires et de leurs mandants à celui des managers, qui conservaient auparavant la plupart des leviers de commande. Ce transfert s est trouvé, de plus, favorisé par l action d organismes comme les fonds de pension américains, ainsi que par la fluidité peu contrôlée des Bourses mondiales qui vivent de ces mouvements internationaux de capitaux. Tout serait bien, «dans le meilleur des mondes possibles», comme disait Candide, si les actionnaires financiers avaient les mêmes objectifs de développement durable et de survie que les entrepreneurs, qu il s agisse de ceux qui appartenaient à des entreprises familiales ou de ceux qui régissaient auparavant les grandes sociétés des pays développés. Mais que désire, en fait, un actionnaire? fut-il grand ou petit, et la réussite de l actionnariat populaire n a pas inversé cette tendance, il attend que son argent lui rapporte et il espère qu il n attendra pas dix ans pour que cela arrive! Il préfère, même si cela peut être inconscient, soutenir un projet immédiat à un investissement à long terme, et donc sacrifier l avenir au présent. Ce n est certes pas toujours vrai, mais c est le plus souvent vraisemblable! Le modèle boursier, régulé par les marchés financiers, tend ainsi, selon Roland Perez, auteur d un récent ouvrage sur la gouvernance des entreprises, à se substituer au «modèle partenarial régulé par les partenaires économiques», aussi bien qu au «modèle administré» régulé par les pouvoirs publics. Cette puissance reconnue au financier peut entraîner un autre inconvénient : elle risque de susciter, si elle n est sévèrement contrôlée, et alors qu elle s exprime d une manière quelque peu virtuelle, des artifices dévastateurs, amplifiés par la Bourse. Citons l exemple d ENRON, découvert en 2001 : une filiale vendait de l électricité à une autre filiale qui la lui revendait le lendemain, avec comme corollaire la fausse affirmation d un développement important du chiffre d affaires du groupe, nouvelle influençant considérablement le cours (3). C est ainsi que le développement incontrôlé des entreprises de nouvelle technologie des dernières années du siècle entraîna la bulle financière dont on a tant parlé. Et dont l éclatement ouvrit la longue période noire de la Bourse : au cours des années 2001 et 2002, la dépréciation de l indice CAC 40 français avait dépassé les 48 % en deux ans... Il faut bien sûr y ajouter l insécurité mondiale résultant des attentats du 11 septembre 2001 et de ceux qui ont suivi. Les suites de ces attentats ont entraîné la faillite d un certain nombre de compagnies d aviation, la réduction des déplacements de personnes et la récession de certains secteurs du commerce international. La tension qui en résulte ne peut que compliquer la vie économique courante et freiner, dans une certaine mesure, un développement fragile. Les pressions multiples auxquelles s est ajoutée l incidence d un dollar faible résultant d un laisser-aller américain soutenant la reprise économique par la dérive abyssale de son déficit budgétaire et de sa balance extérieure des paiements (4) ont plombé, en France comme en Europe, les résultats des premières années du millénaire. Si l on compare les croissances respectives, au cours des dernières années des USA, de la France, de l Allemagne, du Royaume-Uni et de l Europe des Quinze, cette comparaison montre bien qu après avoir connu une croissance satisfaisante de 1996 à 2000, l Union européenne a bien mal réagi au krach de la nouvelle économie. Pays Moyenne 1996-2000 Taux de croissance 2001 2002 2003 2004 (*) USA... + 3,7 + 0,5 + 2,2 + 3,1 + 4,3 France... + 2,8 + 2,1 + 1,2 + 0,2 + 2,6 Allemagne... + 1,8 + 0,8 + 0,2-0,1 + 2,0 Royaume-Uni... + 3,1 + 2,1 + 1,6 + 2,2 + 3,4 Europe des 15 (*)... + 2,7 + 1,6 + 1,0 + 0,7 - ND (*) Prévisions FMI septembre 2004. C est ainsi que la France, tout en échappant de justesse à la récession, a enregistré en 2003 sa plus mauvaise performance depuis l après-guerre, après 1974 et 1993, avec d autre part, pour la première fois depuis six ans, une croissance inférieure à celle de la zone euro. Et cela, malgré les effets d accompagnement d une reprise espérée résultant d initiatives gouvernementales ou législatives très nombreuses qui, sans doute, ne donneront leur plein effet qu à moyen terme : la réforme des retraites sanctionnée par la loi du 21 août 2003, menée non sans difficulté, et la création d un plan d épargne populaire ; la loi d initiative économique du 1 er août 2003 facilitant la création, le développement et la transmission d entreprises ; la baisse entamée et continue des prélèvements sur les entreprises et de l impôt sur le revenu : le dégrèvement de la taxe professionnelle sur les investissements réalisés en 2004 ; le lancement des contrats-jeunes et le renforcement des baisses de charges sur les bas-salaires ; la pérennisation du taux de TVA à 5,5 % pour les travaux de logement et les services d aide à la personne ; la mise en place de la société unipersonnelle d investisseur à risque et d un statut de la jeune entreprise innovante ; le renforcement du crédit d impôt pour les dépenses de recherche ; l exonération d impôt sur les entreprises se créant autour de projets de recherche ou d innovation, etc. Par ailleurs, en attendant la mise sur pied de la nouvelle architecture du Budget de l Etat née de la loi organique relative aux lois de finances (la LOLF du 1 er août 2001) qui doit, en 2006, identifier les grandes politiques publiques nationales par des missions réparties en programmes que décrivent des actions (5), les instances gouvernementales ont mis, en 2003, en place de manière précoce, un dispositif de régulation budgétaire visant à tenir la dépense de l Etat dans la limite de la loi de finances initiale. Cette orientation s est poursuivie en 2004, la progression des dépenses budgétaires devant au moins rester, à volume constant, inférieure à la progression tendancielle du PIB. Cette stratégie n en a point moins été contestée par la Communauté européenne, qui n a pu que constater, aussi bien en France qu en Allemagne le nonrespect du plan européen de stabilité. La France s est engagée toutefois sur la période 2004-2007 à respecter un objectif de stabilité en volume des dépenses de l Etat. Cet engagement, qui représente un effet discrétionnaire de 0,4 point par an, en dehors même des gains hors budget qui devront résulter de la réforme de la Sécurité sociale, devrait faire rentrer notre pays dans les normes souhaitées, à partir de l entrée en vigueur, en 2006, de la LOLF. Une nouvelle gouvernance de l Etat actionnaire De nombreuses tentatives ont été faites en France, depuis 1945, pour améliorer la gestion et le suivi des entreprises publiques : parmi celles-ci, on peut citer le rapport Nora, publié en (3) Ces aberrations se sont produites malgré les réactions d un certain nombre de conseillers qui tendaient à relativiser la bonne gouvernance et la transparence de telles pratiques, tels le rapport publié par l American Law Institute aux USA en 1993, ou les rapports rédigés en France en 1995 (rapport Vienot) et en 2002 (rapport Bouton). (4) Les déficits des échanges extérieurs courants représentent, à eux seuls, pour les USA, 75,5 % des déficits mondiaux en 2002, captant pour les financer 7 % de l épargne mondiale. (5) La nouvelle architecture budgétaire doit rendre le budget plus compréhensible, parvenir à une meilleure coordination interministérielle, déterminer de véritables responsabilités managériales, en un mot, moderniser l Etat par la réforme de la gestion publique. Elle s appuie sur une comptabilité de l Etat rénovée et de nouvelles mesures comptables se rapprochant de celles pratiquées par les entreprises. Cette nouvelle architecture budgétaire sera testée, en septembre 2004, à l occasion du projet de loi de finances pour 2005. 18 85 e année - nº 1 - janvier 2005

1967, qui, sans révolutionner les tendances profondes, fit passer le secteur public de l époque d une gestion de forme administrative, à un système plus compétitif et plus commercial ; le rapport Renaud Denoix de Saint-Marc, en mars 1996, qui s efforçait de dépasser le service public à la française confondant jusqu alors propriété et activité de l entreprise publique, cette dernière pouvant se différencier et se rénover dans des formes nouvelles ; enfin le rapport Bergougnoux de mai 2000, constatant que l Etat ne peut être à la fois régulateur, stratège, gestionnaire et actionnaire, mais doit permettre à l entreprise publique d optimiser sa gestion, dans le cadre bien sûr des obligations qui lui sont assignées. Plus original, le rapport du groupe de travail constitué en novembre 2002, sur la demande du ministre des Finances, de l Economie et de l Industrie, et remis par M. René Barbier de La Serre en février 2003, vise expressément à distinguer clairement la mission d actionnaire de l Etat de ses autres fonctions et à clarifier le mode de gouvernement des entreprises publiques. Constatant la confusion des rôles remplis par l Etat à l égard de ses entreprises, l identification insuffisante de sa fonction d actionnaire, le manque d orientations claires données aux dirigeants, le mauvais fonctionnement des conseils d administration et la présence souvent excessive des contrôles dans la gestion quotidienne des entreprises, ce rapport proposait de confier à une Agence des participations de l Etat la responsabilité entière de l Etat actionnaire! Cette entité, rattachée au ministère des Finances, regrouperait un petit nombre de personnalités à l autorité reconnue, qui joueraient un rôle d administrateur leader, chargé d exprimer la position unique de l Etat actionnaire dans les Conseils. On privilégiera d autre part, autant que faire se peut, une démarche du type concession de service, sous la forme de contrats négociés avec l entreprise à laquelle sera déléguée une activité de service public, contrats approuvés par l Assemblée générale et qui devraient garantir la transparence du contenu du service public et des conditions de sa prise en charge. L Agence disposera, par ailleurs, d une batterie fiable d indicateurs majeurs pour chaque entreprise, et celle-ci produira des comptes certifiés selon les règles du droit commun. L Assemblée nationale avait, de son côté, décidé le 29 janvier 2003, la création, sous la présidence de M. Philippe Douste-Blasy, d une Commission d enquête sur la gestion des entreprises publiques. Après avoir tenu 27 auditions et examiné plus particulièrement les comptes de France-Télécom et d EDF, celle-ci a accepté, lors de sa séance du 2 juillet 2003, les propositions du rapporteur M. Michel Dieffenbacher. Se sont ainsi trouvé validées dans leur ensemble les suggestions contenues dans le rapport Barbier de La Serre et confirmées les orientations prises par le ministre des Finances, de l Economie et de l Industrie. L Agence des Participations de l Etat s est constituée dès lors, au cours du second semestre 2003, sous la direction de M. Denis Samuel-La Jeunesse, et à partir du Service des participations antérieur de la Direction du Trésor. Rattachée administrativement au ministère des Finances, elle a pris la forme d un Service à compétence nationale (SCN), à l image d une quinzaine de structures déjà existantes comme l Agence France-Trésor, chargée de la gestion de la trésorerie et de la dette de l Etat, ou la Direction des grandes entreprises, de la Direction générale des Impôts. Elle dispose d un Comité de direction collégial et de six bureaux, encadrant des chargés d affaires qui assument au quotidien le suivi des entreprises. Trois pôles d expertise ont, par ailleurs, été créés pour l audit comptable, le juridique, et le financier, regroupant chacun des experts réputés. L un des premiers efforts de l Agence a porté sur la présentation et le contenu du rapport d Etat traditionnel, produit au Parlement et au Haut-Conseil du secteur public le 30 septembre 2003, en application de l article 142 modifié de la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001. Ce rapport annonce, par ailleurs, la préparation d une Charte régissant les rapports de l Etat actionnaire et des entreprises, cette première étape devant être complétée par un second volet incluant la réforme du cadre législatif et réglementaire régissant l Etat actionnaire (7). L Agence des Participations, qui devra exercer sa fonction d actionnaire, avec le souci du long terme et du court terme, s articulerait avec les autres fonctions de l Etat, grâce à un Comité d orientation et de suivi, présidé par le ministre des Finances et composé des représentants des principaux ministères et administrations concernés par les activités des entreprises dont l Etat détient tout ou partie du capital. Cette Agence, consultée au départ, avant la nomination des présidents d entreprises, aurait connaissance de toutes les décisions essentielles supposant information ou approbation préalable de l actionnaire principal. Seront supprimées en échange toutes les formes résiduelles de tutelle a priori sur la gestion des entreprises d Etat. A terme, les entreprises publiques intervenant sur un véritable marché pour une partie majeure de leur activité, devront prendre la forme la plus simple de la société anonyme. Le statut des administrateurs que l on limitera si possible à douze, devra être unifié, le nombre d administrateurs représentant l Etat majoritaire ne dépassant pas la moitié du Conseil (6). Tout conseil aura un règlement intérieur et l on devra généraliser dès que possible les comités d audit et de nomination-rémunération. Une explosion d articles, de rapports, de livres sur le secteur public et la défense des services d intérêt économique général sur le territoire national et en Europe explosion Cette abondance avait trouvé sa première source, au milieu des années 90, lorsque à la suite de la politique de libération progressive des réseaux, qui a suivi l Acte unique européen de 1986, s est fait jour notamment en France mais aussi dans d autres pays européens, une longue réhabilitation de la notion de service d intérêt économique général. A commencé, dès lors, un certain rééquilibrage entre la toute puissance d un marché, qui négligeait souvent le long terme au bénéfice d un profit immédiat et écumait parfois les activités les plus rémunératrices, en délaissant les services les moins rentables. (6) Les administrateurs salariés resteraient désignés selon les procédures actuelles, leur nombre étant au moins égal à deux, tant que l Etat reste majoritaire. (7) Le deuxième rapport de l Agence de participations a été rendu public au cours du 4 e trimestre 2004. Il donne des informations inédites sur les comptes 2003 des entreprises publiques et publie les premiers comptes consolidés. Toutes les entreprises publiques devront en 2007 se conformer aux nouvelles normes comptables IFRS. 19 85 e année - nº 1 - janvier 2005

Le Centre européen des entreprises à participation publiques et des entreprises d intérêt économique général (8) n y a pas été, pour sa part, étranger, en déposant, en 1995, près des autorités de Bruxelles, son rapport «Europe, concurrence et service public», ses idées étant relayées par nombre d universitaires, de syndicalistes, de parlementaires nationaux ou européens, et appuyé, quant au droit international, par les célèbres arrêts de 1993-1994 de la Cour de justice européenne, dits arrêt Corbeau et arrêt Almelo. La Commission européenne reconnaissait déjà dans sa Communication sur les services d intérêt économique général du 11 septembre 1996, les SIEG, que «ces services constituaient un élément-clé du modèle européen». En 1997, le Traité d Amsterdam inscrivait, dans son article 7D, devenu l article 16, «les SIEG parmi les valeurs communes de l Union». En décembre 2000, au Sommet européen de Nice, est par ailleurs adoptée une Charte des droits fondamentaux de l Union, dont l article 36 précise que l Union reconnaît et respecte l accès aux SIEG... afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l UNION. Ce même Sommet prenait acte d une nouvelle communication de la Commission européenne sur les SIEG adoptée le 20 septembre 2000 et lui demandait un nouveau rapport produit par la Commission au Sommet de Laeken, en décembre 2001. En février 2002, s ouvrait alors la Convention sur l avenir de l Europe, présidée par M. Valéry Giscard-d Estaing, qui propose à la fin juillet 2003, un projet de Constitution européenne. Ce projet intégrait la Charte des droits fondamentaux charte déjà citée à la suite du Traité, ce qui devait donner à son article 36, celui qui parlait des SIEG, un effet juridique éventuellement contraignant. Elle proposait par ailleurs, un article 166 III-3 rédigé ainsi, qui précisait que : «Eu égard à la place qu occupent les services d intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l Union attribuent une valeur, ainsi qu au rôle qu ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l Union et ses Etats membres, chacun dans la limite de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans les conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d accomplir leurs missions. La loi européenne définit ces principes et conditions». La Constitution européenne, approuvée le 18 juin 2004 et signée par les chefs d Etat le 30 octobre 2004 reprend ces idées sous une autre forme, en précisant dans son article III-166 que : «Les entreprises chargées de la gestion de services d intérêt économique général ou présentant un caractère de monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la Constitution dans la mesure où l application de ces dispositions ne fait pas échec à l accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été impartie... La Commission veille à l application du présent article et adopte, en tant que de besoin, les règlements ou décisions appropriées.» Par ailleurs, la sous-section 2 suivante fait état d un nombre important d aides accordées par les Etats membres que la Constitution affirme, dans ce cadre, compatibles avec le marché intérieur. Dans le même temps, après les arrêts de 1993-1995 étaient intervenus, trois nouveaux arrêts de la Cour de justice européenne : l arrêt Chronopost du 3 juillet 2003, l arrêt Altmarck du 24 juillet 2003 et l arrêt Gemmo de novembre 2003 allaient, malgré quelques nuances, vers une bonne reconnaissance des SIEG. De son côté, l actuelle Commission européenne a publié, au printemps 2003, un Livre vert sur les services d intérêt général auquel près de 300 destinataires de la société civile et des autorités nationales avaient répondu avant novembre 2003. Ce Livre vert devait être suivi d un Livre blanc porteur de résolutions. De son côté, le Parlement européen a adopté, le 14 janvier 2004, en séance plénière, malgré un certain nombre de divergences se faisant jour en son sein, un rapport préparé par le député français, M. Philippe Herzog, qui demande la création d un véritable cadre juridique européen pour les services d intérêt économique général. Le texte voté, inversant la tendance antérieure, suggère, en substance, que ce sont les règles de concurrence qui doivent être compatibles avec les obligations de service public, et non pas ces dernières qui doivent être compatibles avec les règles de concurrence. D une manière générale, les instances gouvernementales françaises, qu elles aient été de droite ou de gauche au cours de la période la plus récente, ont très généralement, et à diverses reprises, appuyé près de la Communauté européenne la reconnaissance des SIEG et leur réhabilitation par rapport au poids d une concurrence excessive (9). De même, de nombreuses associations, telles que le CIRIEC- France ; Réseaux publics ; l Institut pour les services d utilité publique en Europe (ISUPE) ; le Centre européen de liaison sur les services d intérêt général (CELSIG) ; Confrontations ; Promouvoir les services publics ; Europe et société ; Europe et entreprise ; Réseaux services publics ; Association française pour l excellence territoriale (AFET) ; et autres, ont appuyé sur ce thème les idées défendues concernant la défense des SIEG (sociétés d intérêt économique général). En dehors d un ouvrage court mais très documenté, édité en novembre 2002 par La Documentation française et signé sous le titre : «Entreprises publiques : le rôle de l Etat actionnaire» par Stéphane Albert et Claudine Buisson, et d une somme de 600 pages, intitulée, sous la signature de Jean-François Auby et Olivier Raymundie, «Le Service public», qui recouvre l ensemble du droit national et du droit communautaire sur le sujet, paru dans la «Collection du Moniteur» en juin 2003, il est impossible de citer tous les auteurs français qui, au cours de ces dernières années, ont contribué à décrire, de manière critique ou approbative, les évolutions importantes constatées ces dernières années dans les diverses branches du secteur public français (10). (suite de l article p. 22 et suivantes) (8) Le CEEP, qui représente des entreprises disposant dans l Europe des Quinze de près de 6 millions de salariés est l un des trois partenaires sociaux de la Commission européenne, avec l UNICE d une part, la CEFE d autre part. (9) On notera au départ, en 1993, le Mémorandum français, sur une Charte des services publics, présenté par Jean-Louis Bianco représentant du gouvernement français près des autorités de Bruxelles ; l intervention du président Chirac, le 11 juillet 1995, devant le Parlement européen qui soulignait que l introduction de la concurrence devait être compatible avec les missions d intérêt économique général, autrement dit avec les services publics ; le Mémorandum français pour un modèle social européen de mars 1996. Il serait fastidieux d énumérer les nombreuses interventions faites depuis le Traité d Amsterdam, de nos ministres des Affaires européennes, de nos divers ministres techniques, ainsi que celles émanant de nos commissaires français auprès de la Communauté. L un d entre eux, M. Michel Barnier, est devenu ministre des Affaires étrangères de notre pays. (10) Au moment où nous remettons cet article à la Revue, sort le rapport de M. Michel Camdessus, ancien directeur général de la FMI, quelque peu décapant, mais qui dans la perspective de relancer la croissance, lance des idées très originales dans le domaine économique et social. (Voir tableaux page suivante) 20 85 e année - nº 1 - janvier 2005

Annexe nº 1 Appréciation de l impact des effectifs salariés des entreprises à participation publique majoritaire dans les différents secteurs marchands de l Europe des Quinze au 31 décembre 2002 (enquête du CEEP 2004) Pays Energie Transports et communications Postes et télécoms Secteur financier Industrie Commerce et autres services Totaux Pourcentage dans les effectifs européens des secteurs Allemagne (1)... 178 000 278 000 263 000 403 000 31 000 803 000 1 956 000 8,3 France... 167 900 371 800 422 800 35 100 86 500 187 500 1 291 600 9,8 Italie... 90 000 420 000 170 000 25 000 100 000 10 000 815 000 7,1 Grande-Bretagne... 24 900 39 000 196 000 145 600 405 300 2,5 Espagne... 6 452 47 394 73 293 1 348 44 426 172 903 1,1 Suède... 50 444 28 208 40 741 1 155 25 885 71 134 217 567 8,6 Autriche... 32 000 60 000 70 000 10 000 10 000 28 000 210 000 9,1 Belgique... 10 784 66 000 65 490 4 830 1 207 27 599 175 910 9,3 Grèce... 37 000 31 000 96 000 37 000 7 000 6 300 154 300 12,3 Finlande... 19 000 26 000 27 000 1 000 15 000 13 000 101 000 7,6 Portugal... 1 130 22 795 18 635 12 821 13 008 68 389 136 778 4,0 Pays-Bas... 683 7 825 6 000 474 79 100 17 575 111 657 2,9 Danemark... 15 300 40 000 25 500 1 000 10 500 92 300 6,0 Irlande... 12 400 19 600 21 500 4 500 200 8 400 66 600 8,0 Luxembourg... 181 6 186 1 912 401 8 680 5,0 Les «15»... 646 164 1 463 808 1 435 959 558 140 369 900 1 441 624 5 915 595 6,6 (1) Ne sont pas compris dans les chiffres allemands les 680 000 salariés des secteurs publics santé, vétérinaires et social, y compris les hôpitaux considérés jusqu à présent comme secteurs non économiques dans la nomenclature EUROSTAT et les comptabilités économiques nationales. Annexe nº 2 Appréciation de l impact des effectifs salariés, de la valeur ajoutée et de la formation brute de capital fixe des entreprises à participation publique majoritaire dans l économie marchande non agricole de l Europe des Quinze au 31 décembre 2002 (enquête du CEEP 2004) Pays Effectifs salariés Pourcentage des salariés Pourcentage de la valeur ajoutée brute Pourcentage FBCF (investissements) Moyenne des 3 critères pour 2002 Moyenne 1998 Moyenne 1995 Moyenne 1991 Allemagne... 1 956 000 8,3 8,6 9,0 8,7 10,9 10,8 11,1 France... 1 291 600 9,8 10,9 12,8 11,2 11,8 14,7 17,6 Italie... 815 000 7,1 7,9 9,0 8,0 9,6 14,2 19 Grande-Bretagne... 405 300 2,4 2,0 2,5 2,3 2,3 2,7 4,5 Espagne (1)... 172 903 1,1 1,2 4,3 2,3 4,1 8,0 9,0 Suède... 217 567 8,6 10,4 14,0 11,0 13,1 12,9 ND Autriche (2)... 210 000 9,1 13,0 14,0 12,0 12 21,5 16,9 Belgique (3)... 175 910 9,0 10,0 9,9 9,6 10,9 11,6 8,6 Grèce (2)... 154 300 12,3 13,5 17,0 14,2 14,2 15,4 20,2 Finlande... 101 000 7,6 8,1 9,0 8,3 10,9 17,6 ND Portugal... 136 778 4,0 6,0 8,6 6,2 8,5 12,3 20,7 Pays-Bas (3)... 111 657 2,9 6,0 5,8 4,9 4,6 5,7 7,5 Danemark (2)... 92 300 6,0 7,5 9,9 7,8 7,9 9,7 11,5 Irlande (2)... 66 600 8,0 9,4 12,9 10,1 10,1 11,8 12,3 Luxembourg (3)... 8 680 5,0 5,0 6,0 5,4 5,7 6,4 4,4 Les «15»... 5 915 595 +/ 6,6 +/ 8,0 +/ 10,5 +/ 8,5 +/ 9,0 +/ 10,4 +/ 11,8 (1) L enquête espagnole n a porté que sur les entreprises publiques d Etat, ne prenant pas en compte les entreprises publiques locales. (2) Les chiffres retenus pour ces quatre pays sont ceux de l enquête CEEP 2000, les transformations intervenues depuis dans les secteurs publics concernés tant sur le plan juridique que sur les montants des capitaux n ayant pu être chiffrées avec suffisamment de certitude. (3) Pour le Benelux, les chiffres retenus ont été ceux tirés du répertoire des entreprises de chaque pays communiqués à EUROSTAT chaque année en application de la réglementation communautaire. 21 85 e année - nº 1 - janvier 2005

Une évolution continue du secteur public français évolution Nous ne pouvons donner une description de la totalité des événements s étant déroulés dans les premières années du millénaire dans un secteur public qui comptait, dans ce secteur économique exclusivement marchand, 1 300 000 salariés. On se contentera d évoquer quelques exemples qui ont frappé l opinion publique au cours des dernières années. Le secteur public français a été marqué, pendant les premières années du millénaire, par un certain nombre d évolutions liées à des causes diverses : 1º opérations de soutien en faveur d entreprises d intérêt stratégique et apurement des «défaisances» ; 2º modifications de structures ; 3º ouverture des réseaux à concurrence accrue ; 4º recherche d alliances internationales ; enfin, une poursuite modérée des privatisations. Les opérations de soutien des entreprises stratégiques et l apurement des «défaisances» France Télécom En raison d une stratégie d acquisitions internationales trop audacieuse menée par France Télécom de 1999 à 2002, du retournement de la «bulle financière» du secteur et des diverses causes aggravantes (mésentente avec Deutsche Telekom, cotation ayant pris conscience d une dette excessive, etc.), l Etat a dû participer au premier rang, après la nomination d un nouveau Président, à l assainissement financier d une entreprise stratégique dont il était l actionnaire majoritaire. Le plan d action, baptisé Ambition FT 2005, approuvé par le conseil d administration de France Télécom, le 5 décembre 2002, a comporté trois volets, d égal montant, qui ont été lancés avec des délais précis : plusieurs émissions obligataires et le renouvellement d une partie d un crédit syndiqué ont fourni le premier tiers pour 15 Mdc ; une augmentation de capital, lancée le 24 mars 2003, s est clôturée le 15 avril, couverte à 141 %. La participation dévolue à l Etat, soit 9 Mdc, a été réalisée par l ERAP, établissement public à caractère industriel et commercial, qui s est endetté lui-même auprès des marchés financiers ; le troisième volet, celui de l amélioration de la «performance opérationnelle», visait à dégager 15 Mdc de liquidités de 2003 à 2005. Sous le nom de «Programme TOP» (Total Operational Performance), il prend en charge un certain nombre d économies, et entraîne de nouveaux processus et réflexes de gestion. Les bons résultats obtenus en 2003 doivent se poursuivre en 2004 par une initiative ciblée, «TOP Line», destinée à améliorer la croissance du groupe. L aide d Etat consentie pour le redressement de France Télécom a fait l objet d une longue bataille de chiffres et d experts (rapport Monti) avec les autorités de Bruxelles. Le ministre des Finances considère pour sa part qu il n a fait qu agir en «actionnaire avisé». Ayant racheté à 100 % sa filiale lucrative «Orange», cédé un certain nombre de ses participations, développé la complémentarité «fixe-mobile», France Télécom s est retrouvée bénéficiaire dès 2003. Recentrée sur ses métiers, avec des capacités financières renouvelées, sans omettre le choc entraîné par la désignation à la Présidence d une personnalité nouvelle, l entreprise est à même de faire face au dispositif législatif transposant le «paquet» de directives européennes sur les télécommunications (11). A signaler que la loi du 17 décembre 2003, parue au JO du 1 er janvier 2004 a supprimé l obligation de détention majoritaire de l Etat, tout en maintenant leur statut aux fonctionnaires travaillant dans l entreprise. L Etat dans le cadre de cette loi, a cédé le 29 août 2004, 9,6 % de ses actions ramenant sa part dans le groupe aux alentours de 43 %, et encaissant près de 5 Mdc, destinés à alléger la dette publique française. Alstom Le cas d Alstom, groupe de 110 000 salariés, qui occupe une position stratégique dans la construction ferroviaire (il a livré les TGV), dans la construction navale (sa filiale, les Chantiers de l Atlantique, a construit le Queen Mary 2), et intervient également dans la production énergétique, est très différent. Nationalisé en 1982, avec la Compagnie générale d électricité, le groupe était privatisé depuis 1987, et après plusieurs transformations, fusions et rachats, était reparu en Bourse sous son nom d origine en 1998, Alstom. Alstom s est trouvé, à la fin de l exercice 2003, dans une situation difficile, qui a entraîné une chute boursière spectaculaire, et une situation proche de la quasi-faillite. Cependant, considérant l intérêt stratégique de ses activités, l Etat avait préparé un projet de relance, qui prévoyait au départ une entrée dans le capital à raison d un tiers de celui-ci. Contesté par la Commission de Bruxelles, ce projet a été remplacé, en septembre 2003, par un nouveau plan de soutien, qui suggère, non une entrée immédiate, mais une participation réelle, future, selon la technique particulièrement originale suivante : une souscription par l Etat de titres subordonnés à durée déterminée, remboursable à terme en actions, d une durée de vingt ans (TSDDRA) pour 300 Mc ; une souscription réservée à l Etat de titres subordonnés à durée déterminée (TSDD), d une durée de quinze ans, pour 200 Mc ; une contribution de la puissance publique à des prêts subordonnés de 300 Mc ; de leur côté, les banques françaises et les banques étrangères s engageaient à fournir 2,3 Mdc. Les autorités de Bruxelles ont, le 7 juillet 2004 donné leur accord après modifications au plan de sauvetage proposé, sous réserve que l Etat ne reste pas actionnaire définitivement (le délai prévu maximum est de quatre ans). L avenir du groupe, après cet effort commun de l Etat et des banques créancières et un appel complémentaire de fonds propres aux actionnaires, assuré dans l immédiat, repose sans doute sur un futur adossement à un ou plusieurs industriels français, comme Areva, ou européens comme Siemens. Une commission d enquête parlementaire a été demandée au Parlement en septembre 2004. Giat Industrie Giat industrie, entreprise détenue à 99,9 % par l Etat, spécialisée dans les activités de systèmes blindés, d armes et de munitions, a subi dans les dernières années du siècle, alors qu elle bénéficiait encore de la dernière tranche du char Leclerc, les contrecoups de la réduction continue des budgets militaires et d une concurrence très vive sur la place internationale. Déficitaire depuis 1998, elle devait assurer impérativement son redressement financier avant de participer, en recherchant des partenaires, à la consolidation de l industrie de l armement terrestre européenne. Le projet de restructuration mis sur pied en mai 2003, intitulé «Giat 2006», prévoit une suppression nette de 3 000 emplois, et une recapitalisation par l Etat, avant fin 2004, de 1 Mdc. Bull Dans le cas de Bull, dont le capital est toujours détenu à 16,3 % par l Etat, qui avait déjà bénéficié d une aide à la restructuration, (11) Celui-ci a fait l objet de la loi relative aux communications numériques et aux services audiovisuels. La nouvelle loi modifie l exercice de la régulation du secteur des télécommunications, et entraîne une vaste refonte de la loi sur l audiovisuel de 1986. 22 85 e année - nº 1 - janvier 2005

en 1994, de 1,7 Mdc, une avance de trésorerie avait de nouveau été consentie par l Etat, début 2003, avec l accord de la Commission européenne. Mais son remboursement, prévu en juin 2003, n avait pu être honoré! Un plan de recapitalisation a, dès lors, été mis sur pied fin 2003, prévoyant une réduction de 90 % des dettes financières de Bull (celle de l Etat, transformée, pour la part restante, en prêts subordonnés à durée déterminée [TSDD], et celles des obligations par opérations d échange), et en outre une augmentation de capital souscrite par un groupe d investisseurs, dont NEC, France Télécom, Axa, Artémis et un certain nombre de managers de l entreprise. Bull, dont les résultats de l exercice sont, dans le même temps, redevenus dans le vert, doit réaliser ce plan durant l année 2004, en espérant désormais un accord définitif de la Commission européenne. Crédit lyonnais Crédit lyonnais et les organismes créés en 1995, pour gérer la défaisance de cette banque nationale : c est-à-dire d une part, l Etablissement public administratif chargé de gérer le soutien financier apporté par l Etat, «EPR», et d autre part, le Consortium de réalisation, «CDR», chargé d apurer les contentieux, ont pour leur part poursuivi leur mission d apurement, sans incident majeur. Il convient cependant de signaler (car il s agit d un cas original), les suites données à l affaire Executive Life, qui remonte à 1991, date à laquelle cette société californienne d assurances, en quasi-faillite, avait été rachetée par un groupe d investisseurs français, emmenés par la MAAF, en même temps que le Crédit lyonnais acquérait son portefeuille de junk bonds (traduisez : «obligations pourries»). En 1992, François Pinault rachète au Lyonnais le portefeuille restant, et en 1995, Artémis achève, auprès du groupe MAAF, l acquisition de la compagnie elle-même. L affaire s avérait bénéfique pour toutes les parties françaises, lorsque la justice californienne s avise, sur dénonciation en 1999, que le premier rachat réalisé en 1991, par les partenaires français, était, selon le droit américain, entaché d irrégularités. Les poursuites au civil et au pénal aboutissent en décembre 2003 à un accord définitif, signé entre les parties américaines et françaises, qui condamne, entre autres, l Etat et le CDR à un débours de 575 millions de dollars, dont 200 millions correspondant aux amendes pénales, et 375 doivent alimenter un fonds d indemnisation des victimes de la faillite d Executive Life. Entre temps l Etat, par une procédure d enchères lancée le 22 novembre 2002, avait cédé la participation minoritaire de 10 % du Lyonnais, qu il détenait encore, au Crédit agricole, qui a restructuré depuis les deux entités. Des modifications de statut La création d Areva CEA-Industrie, la société de participation de l établissement public «Commissariat à l énergie atomique» avait été créée en 1983. S inscrivant dans une stratégie industrielle offensive, le ministre des Finances, de l Economie, et de l Industrie avait annoncé, fin novembre 2000, à partir de CEA-Industrie, rebaptisé Areva, la constitution d un ensemble industriel de taille mondiale, avec un fort potentiel de développement agissant sur deux métiers différents ; le pôle nucléaire, tourné vers les activités mines, enrichissement, combustibles, traitement-recyclage, assainissement, démantèlement, services nucléaires, et ingénierie de Cogema et de Framatome. Après la fusion début 2001 des activités nucléaires de Siemens et de Framatome dans Framatome-ANP, détenue à 66 % par Framatome et 34 % par Siemens, Areva devient dans ce domaine le fournisseur unique de la nouvelle génération des réacteurs EPR et prend aussi la première place mondiale dans la fourniture de combustibles ; le pôle technologie de l information et de la communication comprend notamment FGI (connectique) et la participation du groupe STM Micro-Electronics. La mise en œuvre de cette restructuration, après apport et fusion diverses, s est achevée septembre 2001. Le capital d AREVA se trouve dès lors réparti entre CEA (79 %), l Etat (5 %), les actionnaires minoritaires (12 %), et les porteurs de certificats d investissement. La transformation de la DCN Fin 1989, l ancienne «Direction de la construction navale du ministère de la Défense», héritière des «arsenaux de la Marine», avait été transformée en un «service à compétence nationale». L article 78 de la Loi des finances rectificative pour 2001, qui lui donne le statut souhaité de société, a été mis en application le premier juin 2003. L Etat, qui détient l intégralité de cette société, dite «DCN SA», la capitalise à hauteur de 560 Mc, qui seront libérés progressivement jusqu à 2003. Armaris, société commune entre DCN et Thales, créée en avril 2002, dans le domaine de la maîtrise d œuvre et de la commercialisation à l exportation des armes militaires, a été apportée à la nouvelle société «DCN SA». Le contrat d entreprise 2003-2008, passé entre l Etat et «DCN SA», qui employait 13 300 personnes au début de 2003, prévoit un programme d investissement important et la possibilité pour la société de participer à des alliances dans le cadre du mouvement de consolidation de l industrie navale européenne. La restructuration de la Caisse des dépôts et consignations et l alliance Caisse des dépôts - Caisses d épargne L année 2003 a vu l institution hors normes qu est, dans le secteur financier, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l un des plus vieux établissements publics français, puisqu il a été créé en 1816, amorcer une nouvelle étape de son histoire, «une refondation» tel est le mot sous lequel la restructuration est baptisée dans le groupe, doit développer encore davantage les services d intérêt général (gestion des fonds d épargne et dépôts des notaires, organismes de retraite, financement du logement social, et des infrastructures de transport, des partenariats public-privé, etc.), tout en mettant en œuvre l alliance traditionnelle Caisse des dépôts Caisses d épargne sous des formes nouvelles (12). La réalisation de ce partenariat renforcé s est achevée en juillet 2004 en faisant passer la filiale holding de la CDC et «EULIA», ainsi que sa banque de gros «CDC-IXIS», aux mains du groupe Caisses d épargne, celui-ci comptera dès lors 55 000 collaborateurs dont 2 500 à l étranger. En revanche, la CDC se trouvera intéressée aux bénéfices des Caisses d épargne, la Caisse nationale des Caisses d épargne (CNCE), dont elle possède désormais 35 % du capital recevant une part de ceux-ci. La Caisse des dépôts conserve néanmoins ses autres activités concurrentielles, les regroupant sous les holdings à 100 % : «CDC Entreprises (capital investment)» ; «C3D» (services locaux et ingénierie) ; «SNI» (immobilier, y compris a priori les actifs immobiliers que l Etat a décidé de céder dans les années qui viennent). Elle mise en outre, sur sa participation stratégique dans la CNP, Caisse Nationale de Prévoyance, leader de l assurance vie. Le regroupement des diverses entreprises financières au service des PME La rationalisation des aides d Etat aux PME, doit se traduire, au cours du 1 er semestre 2005, par un regroupement, sous une même holding, de la Banque de développement des PME, du CEPME, de l Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), de l Agence pour la création d entreprise (APCE) et de (12) On sait que depuis la refonte de 1999 qui avait donné au groupe Caisses d épargne un statut coopératif, les 450 sociétés locales et les 32 Caisses régionales d épargne sont coiffées par la Caisse nationale des Caisses d épargne CNCE, la Caisse des dépôts détenant dès lors 35 % du capital de cette dernière, contre 65 % détenus par les Caisses régionales d épargne. Le groupe Caisses d épargne a 4 640 agences, 44 600 salariés, 26 millions de clients et en 2002 a réalisé 952 Mc de résultat net. 23 85 e année - nº 1 - janvier 2005

l Agence des PME (ADPME). L activité de cet ensemble, sous l impulsion de M. Jean-Pierre Denis, président actuel de la BDPME, doit soutenir au mieux la croissance des PME françaises (13). Le changement de statut programmé de l Aéroport de Paris En octobre 2003, le Gouvernement a annoncé un changement du statut de l Aéroport de Paris. Créé en 1945 sous la forme d un établissement public (14), l Aéroport de Paris, qui emploie plus de 8 000 personnes, garde l ensemble des aéroports et aérodromes ouverts à la navigation aérienne civile, situés dans un rayon de 50 kilomètres autour de Paris. C est le 6 e aéroport mondial. L aéroport devrait être transformé par la loi en société anonyme, dont l Etat céderait une partie du capital inférieure à 50 %. L opération a fait néanmoins l objet d un report, les «Aéroports de Paris» devant faire face dans l immédiat aux problèmes qu a entraîné l effondrement de leur terminal 2E en mai 2004. De leur côté, les grands aéroports régionaux deviendraient des «sociétés aéroportuaires» et resteraient sous le régime de la concession, mais la mise en place d un nouveau système devrait permettre l entrée des chambres de commerce et d industrie au capital, puis à terme celui des collectivités locales et des entreprises privées. Le sort des «actions d or» françaises Deux «actions d or» possédées par l Etat français ont disparu : celle que l Etat possédait dans le capital d Elf Aquitaine, intégré depuis dans le groupe privé Total, comportait d une part l approbation préalable, par le ministre de l Economie et des Finances, de tout franchissement des seuils de détention de 1/10 ou de 1/5 ou de 1/3 du capital ou des droits de vote ; le maintien de deux représentants de l Etat au sein du conseil d administration sans voix délibérative ; et la possibilité de s opposer aux décisions de cession ou d affectation à titre de garantie de certaines filiales. Dans son arrêt du 4 juin 2002, la Cour de justice européenne avait estimé que l action spécifique ne devait pas être de nature à restreindre, de manière exagérée, la liberté de circulation des capitaux, prévue par l article 56 la concernant. Le décret français du 3 octobre 2002 a, en conséquence, abrogé le décret du 13 décembre 1993 créant l action d or Elf-Aquitaine ; celle, introduite au moment de la privatisation d Aérospatiale-Matra, a été transformée en action ordinaire par le décret du 7 juillet 2000. Elle a été remplacée par une «convention conclue pour 90 ans» lors de la fusion des groupes Aérospatiale-Matra- DASA-CASA au sein de la société EADS, dont nous reparlerons. Cette convention entre EADS et l Etat français sur les missiles balistiques protège l Etat français dans le cas d évolution de l actionnariat d EADS, au moyen d une promesse de vente en sa faveur des activités concernées. En droit français il n existe donc plus désormais que l action spécifique possédée par l Etat dans Thales (15), qui soumet à l approbation préalable du ministère des Finances, le financement des seuils de détention directe ou indirecte du 1/10, du 1/5, ou du 1/3 du capital ou des droits de vote, assure avec voix délibérative la présence de deux représentants de l Etat au Conseil, et la possibilité de s opposer aux cessions des filiales énumérées par le décret. L article 6 de la loi du 6 août 1986 reste cependant toujours en vigueur, prévoyant que, dans les sociétés relevant des secteurs de la santé, de la sécurité et la défense, les prises de participation des investissements étrangers excédant 5 % du capital devaient être agréées par le ministère de l Equipement. L ouverture à la concurrence des réseaux et l ère des régulateurs Dans les dernières années, les directives européennes ouvrant la concurrence dans le cadre du marché unique, les secteurs antérieurement occupés par les monopoles nationaux directives transposées parfois dans le droit français avec un certain retard ont modifié profondément l organisation de notre réseau de télécommunications et touché de manière sensible à ceux de l énergie, des chemins de fer, et de la poste. Les télécommunications Amorcée par la loi du 25 juillet 1996 qui transposait les directives antérieures, l ouverture à la concurrence des télécommunications s est concrétisée par l ordonnance du 25 juillet 2002, qui mettait en place, dans notre pays les directives prises entre 1996 et 2000 (16). A partir du 17 janvier 2002, intervient le dégroupage de la boucle locale, ce qui a permis à de nouveaux opérateurs d accéder au marché. Commençait par ailleurs le développement de la téléphonie mobile et sans fil de troisième génération, l autorité de régulation des télécommunications (ART), créée antérieurement, a participé très activement à la mise en place des premières licences attribuées après soumission aux opérateurs Orange (une filiale de France Télécom), SFR et Bouygues Télécom. Cette ouverture à la concurrence visait à la fois à faire baisser les prix des différents services de téléphonie (fixe, mobile et Internet), à stimuler la croissance du secteur des télécoms, et à favoriser les progrès technologiques (ADSL pour Internet, UMTS pour la téléphonie mobile, etc.). L énergie La loi du 10 février 2000 avait organisé l ouverture du marché de l électricité, en transposant la directive européenne de 1996 sur le marché intérieur de l électricité avec un an de retard. Elle s est en particulier traduite par la création : ducomité de régulation de l électricité (CRE) autorité administrative chargée de réguler la concurrence dans le secteur par ses avis et ses décisions ; du Réseau de transport de l électricité (RTE), entité indépendante d EDF, sur le plan de la comptabilité et du management, qui réglemente les tarifs de transport et les prix publics ; fin 2001, de la bourse électrique française, Powernext, où sont quotidiennement négociés, la veille pour le lendemain, les produits horaires livrables sur RTE. Les Sommets européens de 2002 ont validé l ouverture complète des marchés, hors clients domestiques, dès 2004 et proposé une ouverture totale du marché (particuliers inclus) en 2007. Il est a remarquer qu en France, pour l usage domestique, le prix de l électricité reste inférieur à la moyenne européenne, et nettement inférieur aux autres grands pays. Pour l usage industriel, la France est également un peu au-dessous de la moyenne européenne. Le gaz La directive sur le marché interne du gaz naturel en date du 22 juin 1998 a été transposée en droit français avec un grand retard par la loi du 3 janvier 2003 relative au marché du gaz et de l électricité. Celle-ci a conféré à la CRE, rebaptisée Commission de régulation de l énergie, la régulation des deux secteurs. Les tarifs de transport sont désormais publics et administrés et les opérateurs sont tenus de produire des comptes dissociés pour leurs activités de production, de transport et de distribution. En 2002, (13) M. Jean-Pierre Denis est l auteur d un rapport sur le financement de l innovation et la création d entreprise soumis à Bercy en juillet 2004, qui préconisait la création d une «Small Business Administration» à la française. (14) Les «Aéroports de Paris» restent, du fait de ce statut, la seule entreprise publique à posséder un «agent comptable» trésorier-payeur général. (15) Thales a comme actionnaire l Etat (31,3 %), les salariés (5,24 %), le groupe Dassault (5,7 %), Alcatel (9,5 %), le flottant s élevant à 43,7 %, Thales lui-même ayant 5,6 %. (16) Directives n os 97/33, sur l interconnexion ; 97/13 sur les licences ; 97/82 sur l adaptation à la concurrence ; 97/56 sur la protection de la vie privée ; 98/10 réseaux ouverts à la téléphonie vocale et services universels des télécommunications ; 99/15 équipements hertziens et terminaux ; 99/64 obligation de constitution des entités juridiques distinctes pour les réseaux câblés de télévision et les réseaux de télécommunication. 24 85 e année - nº 1 - janvier 2005

les opérateurs gaziers français ont pu acquérir leur réseau dont ils n étaient auparavant que concessionnaires. L ouverture partielle du marché français, engagée dès août 2000 avec un régime transitoire qui permettait, malgré l absence de cadre juridique formel, s est poursuivie constamment depuis. Les Sommets européens de 2002 ont, comme pour l électricité, décrété l ouverture totale du marché en juillet 2007. A noter également que les prix hors taxe du gaz naturel en France se situent très nettement en dessous de la moyenne européenne pour l usage industriel et dans la moyenne pour l usage domestique. Le rail Touchant le rail, l ouverture à la concurrence a été jusqu à présent assez réduite. Le décret du 7 mai 2003 qui transpose le premier paquet ferroviaire (directives n os 2001-12, 13 et 14) la prévoit pour les trafics internationaux du fret (y compris le transport combiné, sur le Réseau transeuropéen du fret ferroviaire (RT EFF), ce qui dans la pratique ouvrira 50 % du chiffre d affaires de la SNCF concernant le fret. La concurrence sera possible pour les seuls entreprises ferroviaires, titulaires d une licence dans le pays où elles sont établies, et d un certificat de sécurité dans les pays traversés. Les demandes seront présentées à RFF qui devra au préalable préciser les sillons offerts sur chaque tronçon, les projets communautaires de 2003 visant à une libération totale du fret en 2008. Compte tenu du fait que le premier paquet ferroviaire a été réalisé de manière minimale, il est vraisemblable que la concurrence effective restera, en France limitée. Au cours du 4 e trimestre 2004, la SNCF a publié une «Charte du service public de la SNCF» par laquelle elle s engage auprès de ses utilisateurs à assurer au mieux ses missions de services publics et, par ailleurs, a passé, avec les syndicats de cheminots, un accord historique qui tend à résoudre par la négociation, pour le plus grand bien des usagers, les conflits susceptibles de justifier la grève. Les postes La directive de mai 2002 ouvre de manière graduelle et contrôlée, le marché des services postaux, tout en maintenant le système du «service postal universel». Sont ouverts à la concurrence : à partir de 2003, l acheminement de lettres pesant plus de 100 grammes ou dont le prix d affranchissement est plus de trois fois supérieur au tarif d une lettre standard ; à partir de 2006, l acheminement des lettres pesant plus de 50 grammes ou dont le prix d affranchissement est plus de deux fois supérieur au tarif d une lettre standard. La loi organisant la régulation des activités postales votée en 2003, a prévu d élargir la compétence de l ART au domaine postal, l ART devenant l Autorité de régulation des télécommunications et des postes, «ARTP», et de confirmer par ailleurs la poste comme opérateur universel postal. L ouverture du secteur public vers le monde extérieur Il serait sans intérêt de dresser la liste des alliances, rachats et participations faites à l international par les grands groupes publics français ces dernières années. Certes, nous en avons déjà parlé, lors de l évocation de la Commission d enquête parlementaire, présidée par M. Douste-Blazy : des entreprises comme la Poste, France Télécom et EDF-GDF ont mené depuis 2000 une grande politique étrangère, qu on a parfois trouvé trop ambitieuse et portant à des sommes trop importantes la dette des groupes considérés! En regard, nous parlerons à titre d exemples frappants, de trois réussites remarquables : la réalisation d EADS ; l alliance Renault-Nissan ; la fusion toute récente Air France KLM. Comme le dit Rabelais, «celui qui ne risque rien n a ni cheval, ni mule!». Une concentration modèle sur le plan européen : la réalisation d EADS Créée en octobre 1999 et mise en œuvre au cours de l exercice 2000, la holding «European Aeronautic Defense and Space Company» a regroupé, sur une initiative franco-allemande, le groupe à participation publique français Aérospatiale, le groupe allemand Daimler Chrysler Aerospace DASA, la société espagnole publique CASA, auquel s est rallié l italien Alenia Finemecanica. La mise sur le marché de 65 % du capital d EADS a ramené la part de l Etat français à 15 %, et celle de l Etat espagnol à 5 %, dans la holding. Celle-ci a installé son siège social aux Pays-Bas et est cotée en Bourse à Paris, Amsterdam et Francfort. Elle regroupe près de 100 000 personnes, car elle détient 80 % du Consortium Airbus, 46 % de Dassault Aviation, 24 % d Ariane, 7,5 % d Astrium, le nº 1 de l espace européen. EADS a, en 2003, plus que doublé son carnet de commandes militaires et son avenir, malgré quelques années difficiles liées notamment à des restructurations nécessaires et à la crise aérienne, est assuré par montée en puissance de programmes majeurs, comme l A 380 dans Airbus, qui devient aujourd hui le nº 1 mondial de l aviation commerciale devant Boeing. Le géant européen de l aéronautique et de la défense s estime donc aujourd hui à un tournant décisif avec une croissance plus forte à moyen terme. Il a d ailleurs renoué avec les profits en 2003. L alliance Renault Nissan ou la revanche de Renault C est le 27 mai 1999, après avoir racheté le roumain Dacia qui lui permettait de disposer d une marque dans les pays émergents, que Renault, dans lequel l Etat français dispose toujours d une minorité de blocage, s introduit brillamment dans l espace japonais. Les deux groupes signent, après 14 mois de négociations, un accord qui donne à Renault, pour un débours de 33 MF, 44,4 % de Nissan, déficitaire depuis cinq ans, et titulaire d une dette considérable. De son côté, Nissan devient possesseur de 15 % de Renault. Ce dernier, de son côté désigne un vice-président chargé, à Nissan, de la restructuration de la firme japonaise. Le constructeur français, à dimension jusqu alors régionale, devient, avec son partenaire, le 5 e producteur mondial, derrière General Motors, Ford, Toyota et Volkswagen. Les deux firmes désormais alliées produisent 5 millions de voitures particulières et utilitaires annuelles, et emploient 250 000 personnes. Dépendant très largement du marché européen, Renault trouve, avec ce débouché mondial, un deuxième souffle. Les deux composantes du duo sont, en effet, très complémentaires : le Japonais apporte ses implantations en Asie et aux USA, et le Français ses positions en Europe et en Amérique latine, en dehors, bien sûr, des économies d échelle et d une synergie commerciale certaine. En avril 2000, Renault complétait son offensive asiatique par une opération de reprise du coréen Samsung Motor. L alliance Renault- Nissan est une fort belle réussite! Aujourd hui, concernant les résultats 2003, la firme japonaise, redressée par Carlos Ghosn, contribue pour les 2/3 au bénéfice de Renault! Quant à son capital, l Etat a vendu, en juillet 2003, 8,5 % de ses actions pour un milliard d euros. L Etat possède actuellement 15 % du capital de la firme et 18,5 % des droits de vote. Le ministre de l Economie et des Finances estime que cette présence de l Etat contribuera à la stabilité de l actionnariat de Renault qui sera à l avenir difficilement opéable. La fusion Air France - KLM Le 3 mai 2004, l offre publique d échange, annoncée depuis septembre 2003, et conclue par Air France sur la totalité des actions de KLM, la grande firme néerlandaise, (dans laquelle l Etat hollandais avait conservé une «action d or»), est couronnée de succès, formant un groupe de 106 000 salariés, 540 avions, 63 millions de passagers transportés, 226 destinations et 2,6 Mc annuels de résultat net sur près de 20 Mc de chiffre d affaires. 25 85 e année - nº 1 - janvier 2005

C est la plus grande fusion réalisée dans le domaine aérien! Belle revanche pour Air France dont on se souvient que, presque au bord de la faillite, en 1993, et recapitalisée par l Etat, elle se hisse aujourd hui au tout premier rang en Europe, résistant mieux d ailleurs que ses concurrents à la crise aérienne. L opération fait passer la part de l Etat automatiquement de 54,4 à 43,7 % (17), les actionnaires anciens de KLM devenant à 14 % actionnaires d Air France. La fusion ne doit entraîner, en principe, aucun licenciement et le siège social restera à Paris ; les actionnaires salariés d Air France qui possédaient 11,4 % de son capital (ce qui en faisait les salariés possédant en France le plus d actions de leur entreprise), pourraient acquérir de nouvelles parts du capital. Le nouvel ensemble devient leader mondial (29 Mdc en 2002 en total de chiffre d affaires devant American Air Lines, Japan Air Lines et Lufthansa). L accord a été approuvé par Bruxelles. La compagnie italienne Alitalia voudrait en outre participer au rapprochement franco-hollandais. Les «contrats d entreprise» : un exemple, le contrat 2003-2006 de la Poste D une manière générale, L Etat français passe régulièrement avec ses grandes entreprises des «contrats de plan», lorsqu elles sont chargées des services publics : par exemple, Postes et Télécom, EDF-GDF, etc. Ces contrats portent généralement sur trois ans et fixent les comportements et les nécessités financières qui doivent, durant cette période, inspirer ses dirigeants. Le rapport Barbier de La Serre propose d approfondir et de continuer cette pratique qu il appelle «contrats d entreprise», sous la forme d une sorte de «concession de services» qui doit garantir la transparence complète du service concédé et les conditions de sa prise en charge. Ce contrat devrait être approuvé par le conseil d administration et l assemblée générale. Le contrat de plan qui vient d être ainsi passé avec la Poste (2003-2007), qui s intitule «contrat de performances et de convergences», demande à la Poste de venir au niveau des meilleurs postes européennes avant 2010 et prévoit une gouvernance d entreprise mieux adaptée, une modernisation accélérée des services d exécution, une concertation suivie avec les collectivités locales, et le retour à une rentabilité financière normale. Le contrat de plan autorisera la Poste à distribuer des crédits immobiliers sans épargne préalable et à créer une banque postale à partir de 2005. Plus que la création d une nouvelle banque (combattue par la Fédération française de banques), il s agit plutôt, selon le président de la société M. Jean-Paul Bailly, de replacer dans le cadre réglementaire bancaire normal l activité financière d une institution, qui, avec ses 28 millions de clients, joue un rôle significatif contre l exclusion bancaire. Tout cela avec l idée de se placer dans une concurrence accrue, liée à l ouverture du marché européen et de respecter par ailleurs, les devoirs qui contribuent à l exécution du «service universel» dont elle est le seul garant. (18) Tous les ans, sera produit à «l Agence des participations» et discuté au cours d une rencontre, un «bilan», accompagné d une «évaluation à l aide d indicateurs» permettant d apprécier la situation de l entreprise. L impact du secteur public marchand français au 1 er janvier 2003 dans l économie française et européenne i m p a c t Les sources Ce sont des sources incontestables mais qu il faut corriger et compléter les unes par les autres : en premier lieu, le «Répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l Etat» (19) tenu depuis le décret du 22 octobre 1984, complété par LIFI (enquête sur les liaisons financières de l INSEE) qui permet de faire apparaître des indications globales par branche économique, sur les chiffres d affaires et la formation brute de capital fixe (investissements) ; le «Service des études et stratégies industrielles» (SESSI) du ministère de l Industrie ; les rapports parlementaires de l Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les rapports du Haut Conseil du secteur public (financier et non financier) ; les rapports annuels de chaque groupe public ; les enquêtes périodiques du Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d intérêt économique général (CEEP), l un des trois partenaires sociaux de la Commission européenne, avec l UNICE (entreprises privées) et la CESE (syndicats européens) ; l Eurostat demande tous les ans, depuis 1993 aux 15 pays de l actuelle Communauté, des renseignements, tirés des «répertoires nationaux d entreprises», devant permettre d évaluer l impact des entreprises dites «publiques» par la circulaire de 1980 sur la transparence financière, c est-à-dire dont l Etat possède la majorité du capital. Mais d une part certains pays comme la Grèce, l Autriche, le Danemark, l Irlande ne respectent pas cette demande ; d autre part, les entreprises auxquelles on demande de se classer elles-mêmes ont une tendance à considérer qu elles sont privées dès lors qu elles sont sociétés anonymes, confondant la propriété du capital avec le statut juridique. D où des distorsions! Quelques rectifications sont à apporter en ce qui concerne le RECME : son enquête ne prend pas en compte la Caisse des dépôts et consignations, considérant survivance historique, que celle-ci est sous la tutelle, non de l Etat, mais de la nation représentée par le Parlement (20) ; d autre part, l enquête du RECME et par suite notre propre enquête, ne prend en compte que les entreprises dans lesquelles l Etat a la majorité du capital. Il ne relève donc pas celles où, par exemple il serait majoritaire avec les activités locales (type Compagnie nationale du Rhône, CNP ou les entreprises dans lesquelles, bien que minoritaires, l Etat conserve toujours un pouvoir effectif de contrôle dominant). Les entreprises publiques marchandes locales En ce qui concerne les entreprises publiques locales, en dehors des précieux apports statistiques de la Direction générale de la Comptabilité publique au ministère des Finances, la principale source vient des fédérations des SEM locales, des HLM (21), de «l Association des Régies de services publics et des organismes constitués par les collectivités locales ou avec leur participation» (ADFAC). Le recensement se trouve compliqué par l émiettement du secteur local (22). Depuis quelques années, dopé par les lois et décrets sur la décentralisation, l impact du secteur public marchand local croît de manière constante, mais modérée. Il est utile de rappeler que pour l Europe entière l impact du secteur public marchand local atteint environ le 1/5 de l impact du secteur public national et local. En France, cet impact n est encore que de 12 % ; la raison majeure restant le jacobinisme de la Révolution dont les lois du XIX e siècle sur la décentralisation n ont pas encore pu compenser tous les effets. (17) A terme l Etat devrait conserver 15 ou 20 % du capital. (18) Quelques chiffres sur la Poste (2002-2003) : 325 000 salariés dont 72 % de fonctionnaires ; 17 000 bureaux de poste et 3 850 agences postales ; 75 millions d objets transportés par jour, 100 000 facteurs desservant 26 millions de foyers, de communes ou d entreprises : 76 972 points de contacts répartis dans 11 000 communes ; 640 millions de colis transportés en 2002 ; 10,7 millions de comptes chèques postaux... (19) Le RECME donne également la liste complète des entreprises et groupes dont l Etat est actionnaire à plus de 50 % (y compris filiales). On peut aisément s y référer puisqu il est vendu par l INSEE. Il a de plus l avantage d être à jour, puisqu il accompagne l enquête annuelle. (20) Seule est prise une des ses filiales : la «Caisse des dépôts Développement». (21) Il peut être utile de signaler que depuis la loi Borloo du 2 août 2003 sur la restauration urbaine, les sociétés anonymes HLM qui s appellent désormais «ESH Entreprises sociales sur l habitat» sont soumises à une nouvelle gouvernance. Elles auront demain comme actionnaires les Caisses d épargne, le Crédit mutuel, DEXIA. Un tiers des actions devront être réservées aux collectivités locales et aux locataires. (22) Voir étude publiée dans La Revue du Trésor 2002 sous la signature d A. Bizaguet : «Les entreprises publiques locales en France : évolution et impact économique». 26 85 e année - nº 1 - janvier 2005

Pour l exercice 2002, l enquête du CEEP donne 150 000 salariés dans le secteur marchand local public (contre 138 000 deux ans plus tôt). Ces 150 000 salariés se répartissent dans l énergie (10 000), les transports et communications (30 000), la construction (25 000), le domaine financier (4 000) et l aménagement et les services collectifs (80 000) (23). Ces chiffres nous paraissent sousestimés ; et une estimation complète les porterait selon nous à près de 170 000 emplois! Les résultats définitifs de l exercice 2002 L enquête menée de son propre chef par le CEEP pour clarifier les diverses enquêtes officielles signalées plus haut a permis d établir les deux tableaux produits en annexes n os 1 et 2 sous réserve d une étude plus élaborée concernant certains pays : 1 er tableau : appréciation de l impact des effectifs salariés des entreprises à participation publique majoritaire pour la France et chacun des autres pays de l Europe des Quinze au 1 er janvier 2003 ; 2 e tableau : appréciation de l impact des effectifs salariés de la valeur ajoutée et de la formation brute de capital fixe ; moyenne des trois critères pour l exercice 2002 et comparaison avec les moyennes 1991, 1995 et 1998. Au 1 er janvier 2003, le nombre des salariés des entreprises à participation publique majoritaire nous insistons sur le terme majoritaire! est évalué en France à 1 291 600 salariés, soit 9,8 % des salariés de l économie marchande française hors agriculture (le pourcentage était de 10,3 en 1998). Ce peu de différence constaté entre les deux dates s explique par le fait que le programme de privatisation était largement réalisé en Europe et même en France avant 2000, et que les privatisations intervenues entre 2000 et 2003 dans des secteurs stratégiques, en ouvrant la porte aux capitaux privés, ont souvent conservé, fût-elle faible, une majorité aux capitaux publics. D autre part, il faut constater que nos grandes entreprises publiques se sont également ouvertes à l extérieur, ce qui pour certaines a augmenté leurs effectifs globaux, en même temps d ailleurs que leur chiffre d affaires et leurs investissements. Si l on prend l impact propre (24) des entreprises à capital public majoritaire dans les divers pays de l Europe des Quinze, celui-ci est compris entre 8 et 9 % de l économie marchande européenne non agricole. Ce pourcentage est assez différent selon les pays : compris entre 10 et 14 % pour la France (25), et pour des pays plus petits comme la Grèce, la Suède, l Autriche, et l Irlande. Il est encore compris entre 8 et 10 % pour l Allemagne, l Italie, le Portugal, la Belgique, la Finlande et le Danemark ; entre 5 et 8 % pour le Luxembourg ; et au-dessous de 5 % pour l Espagne, la Grande-Bretagne étant lanterne rouge avec 2,5 %. Un coup d œil sur les entreprises à capital public majoritaire françaises C est un secteur concentré : le RECME dit que les 10 premières sociétés possèdent 80 % des effectifs. La Poste, la SNCF, France Télécom, EDF et leurs 386 filiales totalisent à elles seules 750 000 emplois, soit les 2/3 de l ensemble des entreprises publiques. Près de 90 % des entreprises recensées travaillent dans le secteur tertiaire, 10 % seulement dans l industrie. L enquête CEEP 2004 évalue à 1 141 600 salariés au 1 er janvier 2003 l impact du secteur public français limité aux seules entreprises à participation publique majoritaire d Etat. Il faut y ajouter le secteur public marchand local à participation majoritaire publique que nous avons évalué au 1 er janvier 2003 à 157 000 emplois, soit un ordre de grandeur (arrondi) de 1 300 000 salariés pour l ensemble public national et local français (participations publiques majoritaires seulement). Si l on prend, comme le CEEP, le fait habituellement, une moyenne entre les pourcentages d emplois, de valeur ajoutée et de FBCF (investissements) de l ensemble, cette moyenne atteint un ordre de grandeur de 11,2 %, qui traduirait ainsi l impact du secteur public limité aux seules entreprises à capital public majoritaire dans l économie marchande non agricole française (emploi : 9,8 % ; valeur ajoutée : 10,9 % ; FBCF : 12,8 %). Le pourcentage est à comparer à ceux de 1998 : 11,8 % et de 1995 : 14,7 %. Les grands groupes publics à participation publique majoritaire de l Etat sont bien connus : la Poste et France Télécom ; dans les transports et communications, la SNCF, le Réseau ferré de France (RFF), la RATP, Air France (jusqu en 2004), les Aéroports de Paris, la SNCM, les Ports Maritimes VVF (Rivières de France)... dans l industrie : la SNECMA (jusqu en 2004), le Commissariat à l énergie atomique, GIAT Industries, la Société nationale des poudres et explosifs, l Entreprise minière et chimique (EMC) ; dans le secteur financier : la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations, la Banque de développement des PME (BDPME), la Caisse centrale de réassurance, le Crédit local de France ; dans le secteur de la recherche : le Centre national d études spatiales (CNES), qui est l actionnaire principal d Ariane Espace, l ONERA ; dans le secteur de l audiovisuel : France Télévisions, la Sept, RFI, RFO, la SOFIRAD, l INA et Arte ; dans le secteur des jeux et paris : «La Française des jeux»... sans compter «l Imprimerie nationale», ni l économat de l Armée... Nous ne faisons pas mention de l Office national des forêts, classé dans la branche «agriculture et sylviculture», hors de notre enquête limitée à l économie marchande non agricole, mais qui occupe, avec ses 12 000 agents, une place importante dans sa branche. Un coup d œil sur les entreprises à capital public minoritaire françaises Le RECME a recensé, dans les entreprises d Etat (donc sans compter le secteur local pour l année 2003, 136 300 agents travaillant dans 1 217 entreprises d Etat à capital public minoritaires : Y figurent au 1 er janvier 2003 des entreprises dont le sort a été évoqué dans d autres parties de cet article : Renault pour 29,5 % ; EADS pour 15 % ; Bull pour 14,5 % ; Thales pour 32,6 % ; Autoroutes de France pour 45 % ; la CNP (1 %) ; des sociétés de développement régional comme la CADEC (36 %), le SEM «Défense» et les Sociétés immobilières d aménagement (25 à 40 %) ; et à titre de curiosité historique, la Casino d Aix-les-Bains (15 %) ; etc. Une estimation d ensemble européenne englobant les entreprises à capital public majoritaire, les entreprises à capital public minoritaire, les entreprises d intérêt économique général sous régulation Le tableau produit en annexe auquel on pourra se reporter donne, pour l Europe des Quinze, un impact moyen au 1 er janvier 2003 de plus ou moins 8,5 % concernant les seules entreprises à capital public majoritaire ; il faut y ajouter les entreprises à capital public minoritaire que nous avons évalué à 3 % et les entreprises d intérêt économique à capital privé sous régulation poste appelé à s étendre 16 %. D où, pour l ensemble un impact européen (moyenne des salariés, VA et FBCF) compris entre 17 et 18 % de l économie marchande non agricole européenne. (23) Abattoirs, déchets, marchés d intérêt général, etc. (24) Salariés : 6,6 % ; V.A : 8 % ; FBCF : 10,5 % ; Moyenne : 8,5 %. (25) L Allemagne et la France font à elles deux plus de la moitié des emplois des entreprises à capital public majoritaire. 27 85 e année - nº 1 - janvier 2005

L Europe qui change : les 25 Selon une enquête récente d Eurostat, les pays européens entrant dans la communauté devraient amener lors de leur entrée, un nombre de salariés travaillant dans leurs entreprises publiques à capital majoritaire important, soit 3 300 000. Le chiffre n a pas été vérifié, car il est très difficile de le faire, compte tenu des formes juridiques extrêmement diverses s exprimant sous l appellation «entreprise publique». Il est néanmoins certain que ce nombre sera important, comme en témoignent les constatations faites par le CEEP lors de ses nombreux passages dans l Est européen. L avenir (ou les avenirs) du secteur public marchand français et européen Le passé : nationalisations et privatisations Sans remonter à l empereur chinois Wou Ti, au II e siècle après J.-C., qui créa le premier secteur public de l histoire (26), ni aux déboires de la Banque publique Sinope en Asie mineure, dirigée par Diogène et son père Hicesios (27) ; à la Rome impériale avec les Mensae (banques publiques), les mines et l armement romain ; sans évoquer plus près de nous les Manufactures de Colbert, c est la nécessité de pallier aux crises et aux guerres qui a contribué le plus au XX e siècle à la création des secteurs publics en Europe (28). Dans les faits, les nationalisations françaises se sont opérées en trois vagues : 1936, 1945 et 1982. La première vague réalisée en 1936 lors de la venue du Front Populaire, touchait la Banque de France (loi du 24 juillet 1936), l armement et l aéronautique (loi du 11 août 1936), les transports ferroviaires (création de la SNCF par le décret-loi du 11 août 1937). La deuxième vague, celle de 1945, prévue par le programme du CNR votée par le Parlement, à une majorité écrasante, comprenait des opérations de sauvetage : charbonnages, électricité, gaz en quasi sous-investissements ; des nationalisations financières (quatre banques de dépôt et trente-quatre compagnies d assurances) ; une nationalisation sanction : la Régie nationale des usines Renault. En même temps se créaient le Commissariat à l énergie atomique, le Bureau de recherche du pétrole, l Aéroport de Paris. La troisième vague, celle de 1982 qui appropria à l Etat par la loi du 11 février 1982 cinq groupes industriels, trente-neuf banques et deux compagnies financières s appuyait sur le désir de disposer d un instrument d action efficace dans la stratégie anticrise, dans la croissance sociale et le développement de l emploi. Ces nationalisations étaient faites par ailleurs en se référant à la Constitution de 1958 (29). En Europe, le mouvement de nationalisation avait surtout touché la Grande-Bretagne sous Clément Atlee, de 1945 à 1951, où furent nationalisés la Banque d Angleterre, les charbonnages, l électricité, les transports terrestres, le gaz et la sidérurgie et au temps de travaillistes, en 1977, l industrie aéronautique, le pétrole et les chantiers navals. Signalons pour l Italie qui disposait depuis Mussolini d un fort secteur public, la nationalisation de l ENEL (Institut national pour l électricité) en 1962. Le secteur public européen atteignit ainsi son apogée, en 1982, avec un impact de 16,6 %. Les privatisations vinrent ensuite : le départ étant donné en Grande-Bretagne par Margaret Thatcher en 1984 avec British Telecom ; de 1986 à 1996, la Grande-Bretagne privatise les transports aériens, l aéronautique, la métallurgie, l électricité, l énergie nucléaire (30). Le mouvement fut suivi par l Europe entière, mais d une part avec retard, et d autre part, avec une certaine prudence au su des inconvénients constatés à la suite de certaines privatisations britanniques. Le cas allemand est un peu différent, une bonne part des entreprises publiques allemandes étaient non la propriété de l Etat, mais celle des Länder. L Etat allemand avait cédé très tôt au secteur privé Volkswagen en 1961, Preussag (chimie) en 1959 et Veba (énergie, chimie et métallurgie) en 1965. Une privatisation particulière est cependant à signaler, celle des «combinats publics» de l Allemagne de l est qui réalisaient les 3/4 de la production de ce pays sous contrôle communiste. C est le «Treuhandanstal», organisme d Etat sous tutelle du ministère des Finances allemand, qui a piloté en cinq ans le retour au privé de plus de 12 000 entreprises. En France, le processus de privatisation a été lancé par les lois du 2 juillet et 6 août 1986 qui constituaient une liste de 65 entreprises à privatiser : de 1986 à 1988 ont été privatisées 12 entreprises dont Saint- Gobain, Alcatel, Matra, Paribas, CCF, Société générale, Suez, Havas et TFI ; de 1988 à 1993, par ouverture du capital pour partie au privé : Total, Renault (partiel), Bull (partiel), AGF ; de 1993 à 1997, à partir de 1993 avec la loi du 19 juillet 1993, Rhône-Poulenc, Elf-Aquitaine, Renault (partiel), Pechiney, la SEITA, Usinor, Bull (partiel), la BNP, l UAP, la BFCE, les AGF, la Compagnie générale routière ; de 1993 à 2003 : Thales (partiel), Thomson Multimedia, Aérospatiale (lors de son entrée dans EADS), la Banque Hervet et partiellement France Télécom, SEP, Air France, Dassault Systèmes. En novembre 2002 ont été vendues les dernières parts du Crédit lyonnais. Depuis 1986, les recettes correspondantes ont atteint 72 Mdc. Les trois catégories d entreprises et les prévisions On a pu classer les sociétés d intérêt économique général en trois catégories : les entreprises à participation publique majoritaires (voir plus haut leur pourcentage au 1 er janvier 2003) ; les entreprises à participation minoritaire (voir plus haut leur pourcentage au 1 er janvier 2003) ; les entreprises d intérêt économique général sous régulation (31) (voir plus haut leur pourcentage au 1 er janvier 2003). Certaines SIEG peuvent par ailleurs exister sans contrôle, mais sont sans doute appelées à passer ultérieurement sous une forme organisée de tutelle ou de contrôle. En 2004, deux privatisations, résultant indirectement des opérations menées par les entreprises elles-mêmes, ont fait passer France Télécom et Air France, devenue Air France-KLM, de la catégorie des entreprises à participation majoritaire à la catégorie des entreprises à participation minoritaire, ce qui devrait réduire de manière significative la catégorie des entreprises publiques à participation majoritaire. On peut prévoir que l Etat conservera néanmoins une part importante dans ces sociétés, de manière à garantir une certaine stabilité de leur capital et l impossibilité d une OPA. (26) Wou Ti : au cours de ses 54 années de règne, créa un réseau multiforme d entreprises d Etat couvrant les mines, les constructions, l industrie, les transports, de nombreux établissements spécialisés de crédit et de développement. En même temps qu un impôt proportionnel sur les produits, un contrôle normatif de la concurrence, un plan de développement interrégional et une monnaie commune pour tout un continent. (27) La faillite de la banque dégoûta sans doute à jamais Diogène de la finance et lui ouvrit, dans son tonneau d Athènes, la grande carrière philosophique qu on lui connaît. (28) Ex : l Italie, création de l IRI avant la guerre de quarante, de l ENI en 1940 ; en France entrée de l Etat dans la Compagnie générale transatlantique en 1933, ou création du CNME en 1936. (29) Texte de la Constitution de 1958, Constitution toujours en vigueur : art. 34 «La loi fixe la création des catégories d établissements publics, de nationalisations d entreprises et les transferts de propriété d entreprises du secteur public au secteur privé». (30) Le bilan des privatisations britanniques est mitigé : les sociétés d électricité sont passées sous contrôle étranger ; le rail est touché par le sous-investissement et Rail Track, l entreprise privée qui gérait le réseau des chemins de fer depuis la privatisation fait faillite en 2002, le gouvernement créant Network, une structure financée par l Etat et qui a repris la plus grande partie des travaux sous-traités aux entreprises privées. L Etat a financé le sauvetage de British Energy (nucléaire) et encadré récemment le secteur de l eau. On a cité ailleurs dans cet article les méconvenues californiennes (notamment dans le cas d Enron). (31) Les instances de régulation touchent notamment l énergie, les transports ferroviaires, la poste, les télécoms, les transports urbains, l eau (selon un système en France assez compliqué)... Mais de multiples formes de contrôle, notamment au plan local, existent par ailleurs. 28 85 e année - nº 1 - janvier 2005

La loi récente sur Electricité de France permettra par ailleurs à l Etat de rendre au secteur privé, en 2005, une participation qui ne dépassera pas 30 %, ce qui laissera Electricité et sans doute Gaz de France dans la catégorie des entreprises à participation publique majoritaire. En novembre 2004, la SNECMA, un moment attirée par Thales, a annoncé une fusion avec l électronicien SAGEM. L Etat conservera 30 à 35 % du capital du groupe, les salariés des deux entreprises 12 à 15 %, Areva 7 à 8 %, la Caisse des dépôts et consignations 2 à 3 %. Le nouvel ensemble pèsera près de 10 milliards de chiffre d affaires et comptera 55 000 salariés. Il entrera donc dans la catégorie des entreprises publiques à participation minoritaire. Pour 2005, des opérations d offres au privé sont prévues pour les sociétés d autoroutes (la SAPPR a été introduite en Bourse dès novembre 2004), la SNECMA, les Aéroports de Paris (après la loi les transformant en sociétés anonymes), Areva, etc., l Etat conservant une participation minoritaire. Un certain nombre de petites participations peuvent également être vendues dans le cadre des opérations dites de «respiration». On devrait donc voir diminuer de manière sensible la 1 re catégorie des entreprises à capital majoritaire d Etat, se stabiliser la 2 e catégorie et s accroître la troisième, celle des entreprises privées d intérêt économique général sous régulation. En revanche, l impact de l ensemble de ces trois catégories ne devrait pas, en France, se réduire dans les années qui viennent. Le mouvement français peut être imité en Europe, notamment par l Italie, le Portugal et l Espagne, et l Angleterre très prudente désormais (problème des chemins de fer notamment). L Allemagne a pratiquement achevé sa privatisation d Etat et la composition de son secteur public lié au secteur local ne devrait pas évoluer rapidement. Le développement attendu du secteur public marchand local La défense des services de proximité, les politiques de décentralisation en cours devraient en France, malgré les relents de jacobinisme hérités de 1789, au cours des années qui viendront, augmenter la part de celui-ci dans le secteur public total. D où l importance des prises de position de la Commission européenne sur le partenariat public-privé et les autres développements touchant le secteur local qui sont en discussion. Ce développement est également à prévoir dans les pays européens à structure fédérale comme l Allemagne, l Espagne, l Italie, ou dont les services dits de «proximité» sont privilégiés comme la Suède, le Danemark, l Autriche, la Belgique. Il est difficile, par ailleurs, de faire des prévisions concernant les pays qui entrent dans la Communauté : car va s ouvrir une période d intégration ou d association, au cours de laquelle devront sans doute être imaginées pour eux, avec l aide de l Europe, des formes concrètes et sans doute nouvelles et hardies de prise en charge d un très fort secteur réglementé. Le développement du secteur des entreprises privées d intérêt économique général Ce secteur est appelé à s agrandir par le transfert, comme nous l avons déjà dit, d entreprises de la 1 re et de la 2 e catégorie et, par ailleurs, d entreprises concernant, par exemple, la santé et classées aujourd hui dans la catégorie des entreprises d intérêt général pur. D où l importance des positions qui seront prises sur le thème des «sociétés d intérêt économique général» par la nouvelle Commission européenne et du rééquilibrage amorcé par le Parlement européen vers la sauvegarde de l intérêt général. Je désire souscrire un abonnement à La Revue du Trésor pour 2005. Ci-joint règlement à l ordre de : NOM, Prénom ou désignation de l organisme Adresse Profession La Revue du Trésor 26, rue de Lille, 75007 Paris - CCP Paris 10 14 H par chèque bancaire ou postal Métropole et DOM : TTC 67 g TOM et Etranger : 77 g L abonnement part du 1 er janvier de chaque année. Il est renouvelé automatiquement sauf avis contraire de l abonné. Abonnez-vous personnellement Tarif spécial abonnement personnel des agents des services du Trésor : 33,50 h 29 85 e année - nº 1 - janvier 2005

Quelles frontières pour quelle Europe? Philippe MARCHAT Inspecteur général des finances et ancien chef de la Mission interministérielle euro Deux débats sont, depuis peu, ouverts concomitamment sur l Europe, qui concernent au premier chef son avenir : l un porte sur sa constitution, et l autre sur l accession de la Turquie. Cette concomitance est regrettable, car elle est une source de confusion, et crée un risque d amalgame entre deux problèmes fondamentaux et différents. Cela tient au fait qu en l occurrence la charrue semble avoir été mise avant les bœufs, l accession, en nombre croissant, de nouveaux Etats se réalisant avant que n aient été clarifiées et admises les règles du jeu relatives aux objectifs à poursuivre, et surtout aux moyens à mettre en œuvre. Un rappel des phases successives de la construction européenne et un examen des principaux problèmes posés par la candidature de la Turquie, qui dépassent son seul cas, sont de nature à apporter des éléments de réflexion sur l avenir de l Europe et de ses frontières. Les élargissements successifs ont altéré les objectifs initiaux des pères de l Europe La construction «à petits pas» de l Europe chère à Jean Monnet commence, avec le plan Schuman, par la création, le 18 avril 1951, de la Communauté européenne charbon acier (CECA). Elle vise au rapprochement politique entre les pays en créant un marché commun du charbon et de l acier, et en abolissant tout obstacle à la circulation des marchandises. Puis se produit ensuite la naissance, avec le traité de Rome du 25 mars 1957, de la Communauté européenne de l énergie atomique (EURATOM). Elle a pour objectif de promouvoir le développement de l énergie atomique, en facilitant la construction de nombreuses centrales en France et en Allemagne, et de centres de recherche communs. L Europe des Six naît, le 25 mars 1957, du traité de Rome, charte fondatrice de la Communauté économique européenne (CEE). Elle se compose de six membres : Allemagne, France, Italie, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas, ces trois derniers étant déjà réunis depuis le 1 er janvier 1948 au sein d une alliance douanière, le Benelux. La CEE vise autant à établir une paix durable entre les anciens belligérants, qu à répondre au souhait exprimé le 19 septembre 1946 par Churchill de voir la France et l Allemagne créer les Etats unis d Europe. Parallèlement, le 21 juillet 1949, l Autriche, le Danemark, la Grande-Bretagne, la Norvège, le Portugal, la Suède et la Suisse fondent à Stockholm l Association européenne de libre-échange (AELE) qui devient opérationnelle en mai 1960. Le 31 octobre de la même année, le général de Gaulle se dit «favorable à une coopération organisée d Etats, en attendant d en venir, peut-être, à une imposante confédération», vision qui sera ultérieurement reprise, mais sans succès, par François Mitterrand. La construction européenne se poursuit, avec, le 8 mai 1965, le traité de fusion des exécutifs des institutions européennes, CEE, CECA et EURATOM, qui entre en vigueur le 1 er juillet 1967. Exactement un an plus tard, le 1 er juillet 1968, c est au tour d une Union douanière entre les Six de voir le jour. Peu avant, le 11 mai 1967, le Danemark, l Irlande et la Grande-Bretagne avaient fait acte de candidature ; mais cette dernière se heurtait le 19 décembre au veto français. Le Conseil européen n en reprenait pas moins, le 23 juillet 1969, l examen de ces trois demandes d adhésion auxquelles s était jointe la Norvège, et le 12 décembre 1969, au conseil des chefs d Etat et de Gouvernement de La Haye, le président Pompidou levait le veto français à l encontre de la Grande-Bretagne. Par ailleurs, deux initiatives ambitieuses étaient avancées : l une, dont la réalisation allait devoir attendre plus de vingt ans, avec le plan Werner du 15 octobre 1970, visant à créer une monnaie commune pour les Six, et l autre, avec le rapport Davignon du 27 octobre, préconisant une unification politique qui se fait toujours attendre... L Europe des Neuf. Le 1 er janvier 1973 voit l entrée de trois nouveaux membres : Danemark, Grande-Bretagne et Irlande. Mais non celle de la Norvège qui avait déposé le 21 juillet 1967 sa demande et était en mesure de signer le 22 janvier 1972 le traité de son adhésion. Les Norvégiens en refusaient toutefois la ratification par deux référendums, avec une majorité, le 25 novembre 1992 de 53,9 %, et le 18 novembre 1994 de 52,8 %. Cette période voit à la fois, le 1 er janvier 1973, la signature d un accord de libre-échange entre la CEE et les membres de l AELE non membres de la Communauté Autriche, Portugal, Suède et Suisse, et le 30 mai de l année suivante, la réduction des deux tiers de la contribution au budget communautaire de la Grande- Bretagne au titre des deux années 1980 et 1981. L on perçoit déjà de la part de ces nouveaux membres une préférence, qui se confirmera par la suite, pour une coopération commerciale, sous forme d une vaste zone de libre-échange, plutôt que pour une union politique, ainsi que la volonté de la Grande-Bretagne d obtenir une place à part en se faisant reconnaître des avantages particuliers, sous forme de réductions de contributions, et, plus tard, en d autres circonstances, «d opt out clauses» discriminatoires jusqu alors inconnues. L Europe des Dix voit le jour avec l entrée de la Grèce le 1 er janvier 1981. La construction européenne se poursuit avec, notamment, d une part, la naissance, le 25 janvier 1983, de «l Europe bleue» l Europe de la pêche, dont les Etats membres se répartissent les quotas en fonction des besoins, des capacités et des prix, et, d autre part, en janvier 1985, le lancement par le président de la Commission, Jacques Delors, de «l objectif 93», visant à supprimer avant le 31 janvier 1992 toutes les frontières intérieures. Une nouvelle étape est franchie le 1 er janvier 1986 avec l entrée, cette fois, de deux pays méditerranéens, l Espagne et le Portugal. L Europe des Douze connaît, au cours des neuf ans qui la séparent d un nouvel élargissement, d importantes avancées en différents domaines. Le 18 février 1986, la signature de l Acte unique européen élargit les compétences de la CEE avec pour objectif la réalisation d ici à 1992 d un véritable marché intérieur. Le 29 mai de la même année, le drapeau européen est pour la première fois hissé devant les bâtiments de la Communauté européenne. Le 29 mai 1989 ont lieu les troisièmes élections au Parlement européen, et leur rythme est désormais acquis. Par ailleurs, la convention de Schengen du 19 janvier 1990 complète l accord du 14 juin 1985 conclu entre l Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas visant à la suppression progressive des contrôles aux frontières des Etats signataires. L Italie, l Espagne, le Portugal, la Norvège, l Autriche, le Danemark, la Finlande, la Suède, et deux Etats non membres de l Union, l Islande et la Norvège, y adhéreront. Par ailleurs, après l accord conclu le 18 juin 1991 entre la CEE et l AELE pour instaurer un rapprochement des taux de TVA et d accises, l Espace économique européen (EEE) voit à son tour le jour en décembre 1991. Le traité de Maastricht, du1 er janvier 1993, fait de la CEE la Communauté européenne (CE) et décide, surtout, de créer une 30 85 e année - nº 1 - janvier 2005

Union économique et monétaire (UEM) entre les Etats qui se doteront d une monnaie unique le 1 er janvier 2002 s ils satisfont à des critères qu il définit précisément. La création, le 1 er janvier 1995, de l Union européenne à Quinze est une nouvelle étape, avec l entrée de trois nouveaux Etats, l Autriche, la Suède, et la Finlande, dont les deux premiers sont connus, comme l Autriche, pour mener traditionnellement sur le plan international une politique de neutralité. Le septennat de cette étape est, lui aussi, dans des domaines très divers, riche de nouvelles avancées. Sur le plan politique, il est par exemple décidé le 1 er janvier 1996 que les nationaux d Etats membres résidant dans d autres pays que le leur peuvent y voter et se présenter aux élections municipales. Plus important, sur le plan monétaire, le 1 er janvier 1999, marque le démarrage de l UEM, qui apparaît à la fois comme le seul système fédéral européen existant à ce jour, et comme un cas unique et exceptionnel de système monétaire opérant sur les marchés mondiaux. Afin d en perfectionner la gestion, le Conseil des chefs d Etat et de Gouvernement d Amsterdam adopte en juin 1997 pour tous les membres de l Union un Pacte de stabilité et de croissance qui complète le traité de Maastricht, fixe des limites aux déficits budgétaires des Etats et ouvre un timide volet social. Mais l évolution de la conjoncture économique et ses retombées sociales en rendront le strict respect difficile, ce qui donnera lieu à des débats et, pour en assouplir les clauses financières, à d âpres négociations qui se poursuivent actuellement. Le 5 mai 1998, le Conseil européen de Bruxelles avait désigné les onze Etats qui, ayant répondu aux critères de Maastricht, étaient en mesure d adopter l euro : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal. La Grèce les rejoindra le 1 er janvier 2002, date de la mise en circulation de la monnaie unique sous sa double forme scripturale, effective depuis le 1 er janvier 1999, et fiduciaire, tandis que la Grande-Bretagne, le Danemark et la Suède, bien que répondant aux critères, aient préféré, après référendum pour la Suède, se tenir en dehors. Un autre sujet d importance, le plus fort élargissement de l Union par l accueil de dix nouveaux membres, fait l objet des travaux de la Commission européenne et de nombreux Conseils. Ainsi, celui de Luxembourg traite, en décembre 1997, ouvrant des négociations appelées à se poursuivre, du cas de Chypre et de divers Etats de l Europe centrale et orientale (les PECO), qui ont, parfois depuis plusieurs années, déposé leur demande d accession : Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque (Tchéquie), Slovénie. Deux autres événements survenus en 2000 marquent ce septennat de l Europe à Quinze. D une part, le Sommet de Lisbonne fixe l objectif fort ambitieux de «doter l Europe de l économie la plus compétitive du monde dans les dix prochaines années» avec, en particulier, un taux de croissance annuel moyen de 3 %, une lutte efficace contre le chômage, le développement de la société de l information et la modernisation du système social européen. D autre part, le traité de Nice de décembre 2000, conclu après de longues et difficiles discussions, s efforce, fort imparfaitement, de procéder à des réformes de structure qui auraient déjà dû précéder les derniers élargissements, mais qu impose de toute urgence le passage à vingt-cinq. Il prévoit en particulier la repondération des voix au Conseil, la taille de la Commission (chaque Etat membre, dont «les Grands», n ayant plus qu un seul commissaire), la possibilité de «coopérations renforcées», ainsi qu un certain nombre de «dossiers prioritaires» liés à l approfondissement du marché intérieur. L Union européenne à Vingt-Cinq, décidée par le Conseil de Copenhague de décembre 2002, naît de l admission de dix nouveaux Etats au 1 er mai 2004 : huit PECO (Estonie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie) et deux Etats méditerranéens (Malte et Chypre, dont le second n est pas sans créer quelques difficultés en raison de sa partition et du résultat divergent des référendums effectués dans chacune des parties de l île occupées par la Grèce et la Turquie). Les traités d adhésion de ces dix nouveaux membres sont signés à Athènes, le 16 avril 2003, par les vingt-cinq chefs d Etat et de Gouvernement selon la procédure classique maintenant bien rodée qui ne pose pas problème. Il en va autrement de deux autres événements, dont la conjonction temporelle est de nature à compliquer une situation qui n est pas sans risque pour l Union. Le premier concerne l approbation, bien tardive, par chacun des vingt-cinq Etats membres, de la constitution européenne, à la rédaction de laquelle avaient participé les représentants des dix nouveaux accédants conviés aux travaux de la convention créée à cet effet et présidée par M. Valéry Giscard d Estaing. Ses dispositions, bien que sur de nombreux points importants fort préférables à celles du traité de Nice, sont, par nature, le fruit de compromis qui, de ce fait, ne peuvent satisfaire tout le monde. Ce qui rend incertaine la ratification, au moins dans certains Etats, de cette nouvelle charte, qui manquait jusqu alors à l Europe, après sa signature à Rome, le 28 octobre 2003, par les vingt-cinq chefs d Etat et de Gouvernement concernés. D autant que certains Etats membres, huit en principe, dont la France, ont décidé que cette ratification devait s opérer par voie de référendum, et non de vote parlementaire. En France, comme cela avait été exceptionnellement le cas pour le traité de Maastricht, ratifié à une très faible majorité, le président de la République a justifié ce choix par l importance de l enjeu et par la vigueur des débats auxquels cette approbation donne déjà lieu. Il est à craindre que la survenance concomitante, et aussi inattendue que malencontreuse, d un second problème, la demande d adhésion de la Turquie à l Europe, ne soit de nature à influer sur cette consultation prévue pour le second semestre 2005, dont les résultats ne sont pas exempts de lourdes incertitudes pour diverses raisons. Il existe tout d abord le risque, propre à tout référendum, de voir nombre d électeurs utiliser ce vote pour exprimer le jugement qu ils portent sur la politique générale du Gouvernement, au lieu de répondre de façon précise à la ou aux questions spécifiquement posées. A ce risque classique s en ajoute un second qui, bien qu il touche lui aussi à un problème européen, est de nature différente, puisqu il concerne le projet d association de la Turquie. Or celui-ci ne devrait faire l objet d un autre référendum que dans une dizaine ou une quinzaine d années. Il est cependant à craindre que ces deux sujets ne fassent chez nombre d électeurs l objet d un amalgame. Aussi serait-il souhaitable, afin d éviter un tel état de choses dont les conséquences pourraient être déplorables, que soient lancées, sans trop tarder, par le Gouvernement comme par les médias, des campagnes d information et une communication adéquates permettant de bien préciser et différencier les enjeux. Ceux-ci sont en effet de taille, ce qui explique que l opinion s en soit spontanément saisie. Aussi méritent-ils d être analysés, au regard notamment de leurs incidences possibles sur l Europe de demain et sur ses futures frontières. Réflexions sur la candidature turque et sur les frontières de l Europe Le problème turc. La déclaration, par M. Giscard d Estaing, le 8 novembre 2003, selon laquelle «la Turquie n était pas en Europe», a ouvert en France, plus que chez les autres Etats membres, un vaste débat politique. Il est suffisamment profond pour diviser les partis de droite et de gauche, et pour raviver, après celles occasionnées par le rappel du génocide arménien, certaines tensions anciennes entre les deux pays. Les principaux arguments échangés, notamment à l occasion de colloques et de tables rondes récents réunissant des participants de différentes nationalités allemands, français, bulgares, grecs, italiens, et bien évidemment turcs peuvent se résumer ainsi. Les partisans de l adhésion développent plusieurs thèmes. La procédure normale suivie par le Conseil européen et la Commission doit être poursuivie et non interrompue, car elle est maintenant trop avancée. C est en effet dès septembre 1959 que la Turquie a demandé à être membre associé, ce qu elle est devenue en septembre 1963. Sa candidature a été déposée en septembre 1987, et retenue le 11 décembre 1999. Puis elle a été 31 85 e année - nº 1 - janvier 2005

informée le 12 décembre 2002 que l Union européenne vérifierait en décembre 2004 qu elle respectait bien les critères politiques et économiques de Copenhague, ce qui devrait permettre de démarrer la négociation d adhésion le 1 er juillet 2005. Aussi, la Turquie et ses partisans s étonnent-ils qu à ce stade, non seulement le principe même de l adhésion puisse être remis en cause, mais que certains Etats, dont la France, aient prévu de conditionner cette procédure à un référendum. Ce qui revient à instaurer à son encontre un système discriminatoire et injuste jamais appliqué auparavant à aucun autre Etat. Par ailleurs, pourquoi prendre aujourd hui une telle décision appelée à n intervenir que dans plusieurs années (une dizaine, voire une quinzaine), alors que l on ignore tout de ce que sera le résultat, déjà très positif, des réformes entreprises qui seront activement poursuivies. De plus, poser aujourd hui ce problème crée un amalgame regrettable avec celui de la constitution, et risque d influer défavorablement sur l issue du référendum relatif à la constitution, avec des conséquences qui seraient alors dommageables pour l Europe entière. Le respect des critères de Copenhague. De même que les candidats à l euro doivent satisfaire aux «critères de Maastricht», les candidats à l Europe doivent satisfaire aux critères définis au sommet de Copenhague. Comme pour les PECO, cela conduit la Commission européenne à examiner, en une trentaine de chapitres, les questions d ordre institutionnel, politique, économique et sociétaire (droits de l homme, justice, minorités...). La Turquie et ses partisans font à cet égard référence aux progrès réalisés ces dernières années. Aussi bien dans le domaine de la politique, menée par un gouvernement suffisamment modéré pour avoir su éviter tout dérapage islamiste tant redouté à plusieurs reprises, que dans celui des droits de l homme au sens le plus général. Il s est en effet montré suffisamment réformateur pour abolir en 2002 la peine de mort, envisager la modernisation du Code pénal. Sans oublier l adaptation du statut de la femme, en ce qui concerne la criminalisation de l adultère, défendue par l aile dure du parti islamiste au pouvoir de M. Erdogan contre l avis des réformateurs, et la reconnaissance du droit des minorités, dont celle des kurdes représente 7 % de la population. Bien qu encore incomplète, et donc à poursuivre, cette «révolution douce» complétant le réformisme d Ataturk a, notamment, conduit le chef du Gouvernement luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, l un des pères du traité de Maastricht qui vient d être nommé pour deux ans à la tête de l eurogroupe, à changer de position sur la Turquie. Alors que, président en exercice de l Union, il avait, en 1997, pris position contre la candidature turque, estimant qu un «pays qui pratique la torture n a pas sa place à la table de l Europe», il la soutient aujourd hui, constatant que «la Turquie a beaucoup évolué, et que le Gouvernement Erdogan a mis en place une politique de réformes courageuses». Sur le plan économique, la situation du pays, dont le PIB est encore bien inférieur à celui des pays occidentaux, continue de s améliorer, avec des taux de croissance nettement supérieurs (5,4 % en 2000). Il offre aux Etats de l Union un vaste marché de quelque 67 millions d habitants appelé à se développer, et un potentiel important de main-d œuvre, dont une partie travaille déjà en Allemagne. Elle en rapatrie régulièrement une partie notable de ses revenus (plusieurs milliards de dollars chaque année) pour le plus grand bien de la balance des comptes, avant, parfois, de rentrer au pays afin d y créer, grâce à une formation acquise sur place, de nouvelles entreprises que l on voit fleurir le long de certains grands axes routiers. Religion et «valeurs européennes». A ceux qui mettent en avant le fait que la Turquie est peuplée à 97 % de musulmans, il est répondu qu elle est, comme la France, un Etat laïque et qu elle entend bien le demeurer. Elle l est depuis le 5 avril 1928, date à laquelle il avait été décrété que l Islam ne serait plus religion d Etat, après qu en 1925 avait été interdit par Atatürk le port des fez, tarbouchs et turbans, dissous les différents ordres de derviches, supprimés les ulémas, imams, mollahs et muftis, et remplacé, le 1 er janvier 1926, le calendrier arabe par le calendrier grégorien... Ce débat s étend à celui des «valeurs», du «patrimoine», ainsi que de «l héritage» de l Europe. En dépit d efforts renouvelés lors de sa rédaction, le préambule de la constitution n a pas retenu le terme de «chrétien», mais évoque seulement «l héritage culturel, humaniste et religieux de l Europe». Ce qui conduit d aucuns à se demander si, comme le précise d ailleurs ce même préambule, ces valeurs, du fait qu elles ont été diffusées par l Europe, ne sont pas tout simplement devenues aujourd hui «universelles», ouvrant ainsi beaucoup plus largement que cela n aurait été autrement le cas les portes de l Europe à tous les Etats qui les acceptent, sans autre considération de religion ni de frontières.... L aspect géostratégique est important à un double titre. D une part, sur le plan militaire, la Turquie est dans cette zone particulièrement sensible du Moyen-Orient, un élément capital de l OTAN depuis de nombreuses années. Elle a joué un rôle essentiel lors de la guerre froide, puis dans la guerre du Golfe, en raison de la présence sur son territoire de bases américaines. Dans le contexte d incertitude actuelle causé par la situation en Irak, sa position, comme son rôle et son soutien à l Occident, continuent d être primordiaux. S agissant du cas turc, certains, qu ils se réfèrent ou non aux relations étroites déjà entretenues entre François I er et Soliman le Magnifique, estiment que «les frontières dépassent la simple géographie». Ce qui les conduit à exprimer leur très vive préférence d avoir, à la frontière du monde islamique du Moyen-Orient et des Balkans, un grand Etat, lui aussi musulman, qui soit membre à part entière de l Europe. Solution qui, à leurs yeux, éviterait d une part des réactions négatives de la Turquie, et en particulier de ses éléments les plus extrémistes, dont il serait difficile de prévoir les conséquences et l ampleur si elle se voyait refuser l adhésion. Et qui, d autre part et surtout, doterait l Union européenne sur sa frontière orientale d un Etat-pivot solide qui serait en mesure de maintenir un lien étroit et incontournable entre les mondes musulman et occidental. Une telle intermédiation pourrait même donner à l Europe l occasion de recouvrer une influence progressivement perdue qui lui permettrait de jouer à nouveau un rôle clé dans les affaires mondiales entre le monde islamique, les Etats- Unis et les autres grandes puissances. Les opposants à la candidature avancent pour leur part des arguments inverses. Procédure. Bien qu il n existe qu un seul cas de procédure d adhésion n ayant pas abouti (celui de la Norvège, mais par retrait de celle-ci), rien n oblige à poursuivre jusqu à son terme la procédure engagée avec la Turquie. Rien n empêche, surtout si les négociations devaient cependant continuer, de s orienter, comme cela a, par exemple, été le cas pour le Maroc, vers une association qui pourrait en l occurrence être privilégiée, plutôt que de viser à une adhésion pure et simple. La Commission européenne, dans son dernier rapport au Conseil, a d ailleurs elle même évoqué, sans l exclure, cette éventualité. La Turquie est-elle vraiment européenne? A cette question les opposants, se référant au passé, avancent deux arguments conduisant, dans les circonstances présentes, à une réponse négative qui ne préjuge toutefois pas de l avenir, tant les évolutions peuvent être profondes. Géographiquement, seuls 3 % (24 000 des 781 000 km 2 de la Turquie) sont en Europe du Sud-Est. Historiquement, il apparaît difficile de dire que la Turquie, ou plus précisément l Empire ottoman qui l a précédé, ait été une puissance européenne. Du fait de la multiplicité des conflits qui l ont opposé, pendant des siècles, à nombre d Etats de l Europe centrale et surtout orientale, et de l occupation pesante, bien que parfois assortie d une liberté des cultes, que certains d entre eux ont subie, parfois pendant cinq cents ans... L Europe est un espace politique commun, un socle de valeurs historiques impliquant l appartenance à des valeurs partagées, et le même héritage chrétien qui constitue l un de ses fondements avec la Renaissance. Cette valeur, commune à ceux qui croient ou non en Dieu, est la même pour tous et conduit à partager le même humanisme, ainsi que le sens de la liberté humaine et de l égalité des valeurs entre les hommes. Mais le respect de cette inestimable valeur implique impérativement que la liberté publique, comme la protection des personnes et la reconnaissance des minorités soient parfaitement assurées. Or, il est fort à craindre que cette 32 85 e année - nº 1 - janvier 2005

approche, si elle est bien celle des élites, ne soit pas encore celle de tous les Turcs. Non plus d ailleurs que de tous les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années. L on peut en effet se demander si la démocratie turque, encore jeune, est bien stabilisée, et si la notion même de ce respect des droits de l homme, qui est l une des bases des acquis communautaires, est bien devenue l un des fondements de la République. Si le Gouvernement de M. Erdogan s est effectivement engagé dans la voie des réformes souhaitées, celles-ci sont loin d être achevées, et l armée est toujours présente, parfois pressante. La conception de la famille, comme le statut de la femme paraissent encore bien éloignés des nôtres, même si la femme turque a eu le droit de vote avant nos concitoyennes. A cet égard, les conditions d intégration des quelque trois millions de Turcs résidant en Allemagne amènent à se poser des questions. Par ailleurs le respect des minorités celle des kurdes en particulier, avec la réouverture du procès de l ex-députée Leyla Zana ne paraît pas non plus pleinement garanti, et le génocide arménien n a encore, à ce jour, conduit à aucune repentance. Ce sont là autant de questions auxquelles n est pas insensible la Commission européenne, qui a récemment raidi son attitude si l on en juge par la déclaration faite le 20 octobre, après le report annoncé sine die de la réforme du Code pénal turc par le commissaire à l élargissement Günter Verheugen, pour qui : «tant que la réforme du Code pénal ne sera pas adoptée, les négociations d adhésion avec la Turquie ne pourront pas démarrer». Aux autres questions soulevées par la corruption, ainsi que par la politique turque vis-à-vis de Chypre et de la Grèce, s ajoute celle de savoir si, en raison de l appui que lui apportent les Anglo- Saxons, la Turquie ne devrait pas être considérée comme un «sous-marin» ou un «cheval de Troie» au sein de l Union. Sans doute son opposition à la demande américaine de faire transiter des troupes pour attaquer le nord de l Irak lors de l offensive contre Saddam Hussein apparaît-elle comme un signe dénotant un souhait d indépendance vis-à-vis des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Mais jusqu à quel point? La question mérite d être posée. Car si un tel signe s inscrivait dans une ligne de conduite générale des dirigeants d Ankara, la participation turque à la gouvernance européenne ne serait pas sans intérêt pour l Union européenne, en raison du poids qu elle serait susceptible de lui donner dans ses relations avec les autres «Grands». En revanche, au sein même de l Union, ce poids de la Turquie ferait d elle, avec ses quelque 70 millions d habitants (contre seulement 24 millions en 1910, et ses 88 millions prévus en 2025, pour seulement 80 millions d Allemands), le «mammouth» de l Europe, avant l Allemagne et la France. Ce qui, dans le cadre des institutions réformées par la constitution, lui donnerait une influence particulière, tant aux différents Conseils (des chefs d Etat et de Gouvernements pour les votes, ou plus simplement des ministres), qu au sein d un Parlement qui affirme chaque jour davantage son autorité. Quelles frontières, pour quelle Europe? Avec l adhésion des dix nouveaux Etats, qui ne sera cependant définitive qu une fois acquise la ratification de la constitution par chacun des vingtcinq membres de l Union européenne, la première question est de savoir où et quand s arrêtera un élargissement qui n a cessé de s accélérer. Il en est une seconde, évoquée à propos de la Turquie, qui consiste à se demander ce qu est exactement l Europe d aujourd hui, et ce que pourraient être demain sa frontière et son «âme». Quelles frontières pour l Europe? C est bien là un débat politique, et non géographique. Historiquement, il y avait un accord général, s assimilant à un devoir, pour intégrer, en fonction de leur état de préparation, tous les PECO qui avaient eu à subir pendant de nombreuses années le joug soviétique. Cette intégration se terminera avec celles de la Bulgarie et la Roumanie, qui, ayant l une et l autre signé en mars 1993 un accord d association, ont entamé leurs négociations en 2000. Leur adhésion est prévue pour 2007, ce qui conduira à une Europe à Vingt-Sept. Après cette étape, s il est difficile de prédire où et quand seront définitivement fixées les frontières de la nouvelle Europe, certains éléments de réponse semblent déjà disponibles, au-delà, bien sûr, des incertitudes pesant sur la Turquie, avec laquelle nous aurions une Europe à Vingt-Huit. Après, d aucuns estiment que les Etats des Balkans auraient eux aussi vocation à rejoindre l Union, avec toutefois une réserve pour le cas particulier de l Albanie. L Europe serait alors à Trente et plus... La problématique devient plus confuse lorsque l on envisage une éventuelle extension des frontières européennes aux confins de la Russie. Pour autant qu on le sache, celle-ci tient, au moins jusqu à présent et pour de multiples raisons faciles à comprendre, à rester indépendante, en conservant ou en tentant de reconstituer autour d elle, sous une forme susceptible d évoluer, une communauté d Etats plus ou moins dépendants. Il n est, en revanche, pas impossible que certains d entre eux soient, dans l avenir, incités à se tourner vers l Europe, dans la mesure du moins où celle-ci serait capable, du fait de sa puissance, de leur apporter quelque chose. Peut-être, un jour, pourrait-ce être le cas de pays comme l Ukraine, la Biélorussie, ou d une ancienne république non musulmane. Mais ce ne sont là que des perspectives, alors que le cas de la Turquie se trouve bel et bien posé... Dans ce processus de transformations successives, l intrusion inopinée du dossier turc est intéressante à un double titre. En premier lieu, le fait qu il ait exceptionnellement attiré l attention alors que la procédure suivait son cours, tient au changement de dimension du problème qu il pose. Aucun des autres PECO, si ce n est peut-être la Pologne, n avait, semble-t-il, éveillé d intérêt particulier du fait, sans doute, de leurs poids démographique et économique réduits. Et ce, bien que, par leur nombre, ces dix nouveaux venus, s ajoutant aux impétrants précédents, allaient avoir une influence non négligeable, en réduisant sensiblement le poids des «anciens». Ce que la guerre d Irak a déjà fait apparaître, qui avait conduit George W. Bush à faire pour la première fois une distinction entre «la jeune» et la «vieille» Europe. De fait, les nouveaux Etats, bien qu ils aient à partager par définition les mêmes acquis communautaires, rejoignent une organisation, dont, par définition aussi, les institutions et aussi l esprit sont appelés à évoluer constamment pour s adapter, même si c est avec retard, aux élargissements successifs. Avec, pour conséquence logique une réduction progressive de l influence qu y avaient naturellement exercée ses membres fondateurs. C està-dire particulièrement l Allemagne et la France, surtout à partir du moment où «le tandem» franco-allemand a malheureusement connu des ratés. Or, c est précisément en raison du poids à la différence des PECO, que le nouvel impétrant tire du nombre et de la confession de sa population, comme de sa position stratégique et de sa force militaire, que le cas turc est aussi un révélateur. Bien qu apparaissant à un moment inopportun pour les raisons déjà exposées, l apparition de ce dossier a l avantage de conduire à un examen approfondi des conditions dans lesquelles se poursuit la construction européenne. Cet examen révèle l ampleur du décalage existant aujourd hui entre les élites politiques, les apparatchiks nationaux et bruxellois, et l opinion publique. Si ce phénomène, nullement nouveau, ne concerne pas seulement la France, il semble s y être dangereusement amplifié. Il tient sans doute à la fois à un manque chronique d information régulière et suffisante du public sur ce qui se passe en Europe, et donc à Bruxelles, mais aussi à un manque d appétence de l opinion pour ce sujet cependant de première importance. Si l on constate un certain effort de la presse écrite pour y remédier, il n en est généralement pas de même de la télévision, celui de tous les médias qui a, de loin, la plus forte audience. Mais, et c est là où le bât blesse, l audimat, qui est le moteur de la publicité, reflète l attente d un public, malheureusement plus tenté par le loft ou la télé réalité que par des débats sur l Europe. Ce désintérêt manifeste pour ce qui se passe à Bruxelles ou à Strasbourg, autre siège du Parlement européen, est d autant plus préoccupant que les décisions concernant notre avenir sont, et seront de plus en plus, prises en ces lieux plutôt qu à Paris. Cette forme nouvelle de ce que furent sous la Révolution le jacobinisme parisien et le girondisme bordelais, doit nous conduire à en 33 85 e année - nº 1 - janvier 2005

prendre conscience, et à nous y adapter sans retard, en portant une plus grande attention à ce qui se décide pour nous hors de nos frontières. Quelle Europe? Dans le monde d aujourd hui sur lequel règne une super-puissance, les Etats-Unis, déjà talonnée par la Chine et l Inde, où se situe, et surtout comment se définit l actuelle Europe à Vingt-Cinq? Cette Union, qui n a rien de commun avec feue l Union des républiques socialistes soviétiques, s est progressivement constituée alors que celle-ci se délitait, comme devait le faire plus tard la fédération yougoslave. Etre hybride, sui generis, ce n est ni l Etat fédéral, ni l Europe puissance que certains de ses pères fondateurs espéraient, ni même une confédération, mais un simple avatar, une étape dans une construction tout à fait inédite et encore provisoire, sans défense ni diplomatie propres, et en voie d institutionnalisation tardive. Douze de ses membres se sont néanmoins dotés d une monnaie unique qui est la seconde au monde après le dollar, et elle a aussi su acquérir à ce jour dans le domaine du commerce mondial une puissance suffisante pour être en mesure de négocier d égal à égal avec les Etats-Unis au sein de l Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette inflexion plus commerciale que politique remonte à plusieurs années, et s est précisée au fur et à mesure qu adhéraient de nouveaux membres, plus enclins en raison de leurs traditions et de leurs aspirations à suivre cette voie que celle d une Europe politique. Or, malgré le rejet par la France de la Communauté européenne de défense (CED), les Six avaient poursuivi dans les années cinquante leur ambitieux objectif de créer l Europe par une politique progressive de petits pas. Cela consistait à développer entre eux l esprit et l acquis communautaire par une intégration progressive secteur par secteur, sans en exclure aucun, tout en proposant l ouverture à ceux des autres Etats prêts à suivre la même voie avec la même ambition. Mais dès le premier élargissement de 1973, cette conception s est trouvée profondément modifiée du fait de la Grande-Bretagne, qui, frappant à la porte depuis 1962, sans partager la même conception politique, avait essuyé le veto du général de Gaulle. Toutefois son successeur Georges Pompidou, en raison des sentiments europhiles de M. Heath, forcé de démissionner peu après, finit par lever ce veto à la fin de 1969, mais sans qu une négociation préalable ne l ait contrainte à accepter des conditions conformes à la vision des Six que sa situation économique du moment l aurait obligée à accepter. Dès lors la perspective européenne se présentait différemment, la vision d une intégration politique faisant place à une approche beaucoup plus commerciale visant à créer sous le nom de Marché commun une vaste zone de libre-échange en expansion régulière, plutôt que la véritable «Europe puissance» initialement envisagée. C est une tendance qu ont renforcée les intégrations successives, d abord des Etats méditerranéens Espagne et Portugal en 1986, puis des «neutres» en 1995 Autriche, Suède et Finlande, effectuées à un rythme qui n a pas permis que soit toujours parfaitement respectée la règle d or initiale qui voulait qu il n y ait pas d élargissement sans approfondissement. Sans doute faut-il y voir l une des causes de la situation hybride actuelle d un ensemble de vingt-cinq pays en attente de constitution, dont le nouveau président de la Commission se voit récuser par un Parlement aux pouvoirs accrus plusieurs membres de l équipe qu il a choisis. S il paraît difficile de parler aujourd hui d une «Europe politique», celle-ci serait pourtant des plus souhaitables pour conforter un équilibre mondial qui se révèle par trop fragile. Le projet n en demeure pas moins, qui donne lieu périodiquement à des propositions. Certaines, bilatérales, ont été faites dans l optique d une réactivation du tandem franco-allemand, par MM. Hallstein en juillet 1965, puis Lammers en 1994, auxquelles l on peut regretter que la France n ait pas répondu. D autres, multilatérales, résultent des avancées notables mais encore bien limitées par rapport au traité de Nice, réalisées par la constitution. Elles concernent notamment une meilleure approche et une plus grande pérennité dans la gouvernance et dans le fonctionnement des différents organes de l Union, des avancées en matière de représentation, de défense, et, surtout, une plus grande faculté donnée aux Etats qui le souhaitent de recourir en différents domaines à des «coopérations renforcées». Faute de mieux, ce sont là autant d instruments nouveaux mis à la disposition de nos responsables politiques. Il reste à souhaiter, tout d abord, afin qu ils puissent être utilisés au mieux, que la constitution qui les prévoit soit ratifiée par chacun des vingt-cinq Etats concernés. Son rejet serait en effet très lourd de conséquences, et conduirait à une situation dont il est difficile de prévoir les conséquences. Il conviendrait, en second lieu, sans perdre de temps, comme cela a déjà été le cas pour l euro ou pour la mise en place d une industrie européenne, avec EADS par exemple, de lancer des «coopérations renforcées» dans les nombreux domaines, de quelque nature qu ils soient (diplomatie, défense, industrie...). Afin de permettre à l Europe de peser davantage qu aujourd hui dans les affaires du monde, et à notre pays de continuer à jouer un rôle éminent et moteur dans un ensemble communautaire de plus en plus dilué dont les frontières ont toute chance de s élargir encore... Actualité Europe Proposition de nouvelles exigences de fonds propres pour les banques et les entreprises d investissement En juillet, la Commission a adopté une proposition de directive fixant de nouvelles exigences de fonds propres pour les banques et les entreprises d investissement à l aube du XXI e siècle. Cette proposition assurera l application cohérente dans toute l UE du nouveau cadre international concernant les exigences de fonds propres, récemment adopté par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire («Bâle II»). En garantissant que les fonds propres des institutions financières sont plus étroitement alignés sur les risques auxquels elles sont exposées, le nouveau cadre améliorera la protection des consommateurs, renforcera la stabilité financière et accroîtra la compétitivité de l industrie européenne. La proposition fixe de nouvelles règles concernant les exigences de fonds propres c est-à-dire le montant de ressources financières propres que les banques et les entreprises d investissement doivent détenir pour couvrir leurs risques et protéger leurs déposants. Elle reflète la structure flexible et les principales composantes de l accord Bâle II, mais elle a été adaptée aux caractéristiques spécifiques du marché de l UE. Le texte intégral de la proposition de directive peut être consulté à l adresse suivante : http://www.europa.eu.int/comm/internal_market/regcapital/index_fr.htm stocktaking.htm 34 85 e année - nº 1 - janvier 2005

Que faire de plus dans le domaine du Marché intérieur? (1) Améliorer la compétitivité La stratégie de Lisbonne quatre ans plus tard Lors du Conseil européen de Lisbonne qui s est tenu en 2000, les chefs d Etat ou de gouvernement ont tiré la sonnette d alarme en ce qui concerne la nécessité de raviver et de réformer l économie de l UE et de la remodeler pour l avenir. Le Conseil a mis au point un programme de dix ans la stratégie de Lisbonne reprenant des mesures et des réformes destinées à faire de l UE l économie la plus dynamique et la plus compétitive au monde. Une grande partie de ces mesures met l accent sur le développement et le renforcement du Marché intérieur de l UE, qui constitue le moteur de l économie communautaire. Lors du Conseil européen qui s est tenu ce printemps, des doutes ont cependant été émis sur le rythme auquel ce projet avance. Alors que l ancien Premier ministre néerlandais, M. Wim Kok, effectue actuellement un examen à mi-parcours de la stratégie, Single Market News se penche sur les résultats obtenus jusqu à présent par le programme «Marché intérieur» en ce qui concerne le renforcement de la compétitivité de l UE et les autres mesures qui pourraient être prises à l avenir pour atteindre les objectifs ambitieux de Lisbonne. Une stratégie en mouvement Le plan en dix points pour le Marché intérieur mouvement En mai 2003, la Commission a publié sa stratégie du Marché intérieur 2003-2006, un plan en dix points visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur et à se fonder sur les 2,5 millions d emplois et les 877 milliards d euros de richesses qui avaient été créés depuis le démantèlement des frontières de l Europe en 1992. La stratégie est destinée à relever les défis liés à l élargissement de l UE et au vieillissement de la population et à maintenir le cap de la stratégie de Lisbonne. Au nombre des priorités de la stratégie du Marché intérieur (MI) figurent l application et l amélioration du droit du Marché intérieur, la concrétisation de la libre circulation des services, la levée des obstacles subsistant dans le domaine des échanges de biens et la création de vrais marchés publics européens. Tout en identifiant de nouveaux domaines d action pour l UE, la stratégie du MI insiste sur des mesures de niveau national afin de mettre en œuvre les mesures convenues. Les travaux incombant aux capitales nationales gagnent en importance à mesure que l UE s élargit. Dans une Union à 25, il appartient de plus en plus aux Etats membres de faire fonctionner le Marché intérieur au quotidien. La stratégie leur commande de faire appliquer promptement et correctement les dispositions relatives au Marché intérieur, d informer les citoyens et les entreprises de leurs droits, de résoudre les problèmes qui se posent et de ne pas adopter des lois nationales contraires aux principes du Marché intérieur. Progrès réalisés dans le domaine de la législation législation Améliorer la compétitivité de l économie communautaire, c est essentiellement créer un cadre dans lequel les entreprises de l UE, grandes ou petites, sont en mesure de s établir, de créer des emplois et de prospérer le plus rapidement possible moyennant un nombre d obstacles et un volume de coûts minimums. Une grande partie des initiatives législatives clés du Marché intérieur sont destinées à faciliter la création d un tel cadre et sont en train d acquérir force de loi. Les mesures figurant dans le plan d action pour les services financiers sont ainsi presque achevées. Les marchés financiers de l UE sont en voie d intégration, ce qui devrait permettre aux opérateurs d accroître leur compétitivité et aux entreprises ou aux consommateurs d avoir plus facilement accès à des moyens financiers en particulier des fonds d investissement à moindre coût. En effet, la fragmentation des marchés financiers est l une des principales faiblesses des entreprises de l UE, notamment par rapport aux Etats-Unis. Les marchés nationaux ont été réglementés, et le sont encore dans une certaine mesure, par une mosaïque de dispositions régissant les investissements, les délits d initiés, la protection des investisseurs, la diffusion de données, les fusionsacquisitions, les régimes de retraite et leur supervision ainsi que de nombreux autres domaines. Le plan d action pour les services financiers crée les fondements nécessaires à l établissement d un ensemble unique de règles communautaires qui permettra à des prestataires de services financiers respectables de proposer un plus grand choix de services à moindre coût partout en Europe, tout en mettant un frein aux activités des prestataires moins scrupuleux ou incompétents. Pour les consommateurs également, la mise en place d un vrai marché européen des services financiers réduira le coût des prêts et offrira un plus grand choix de produits d investissement tels que les plans d épargne et les fonds de pension disponibles partout en Europe. Selon une étude sur les services financiers réalisée pour le compte de la table ronde européenne, un marché unique et pleinement intégré des services financiers pourrait apporter un supplément de croissance de 0,5 à 0,7 point par an dans les pays de l UE. Les deux instituts allemands qui ont réalisé l étude concluent que, dans un marché intégré, les propriétaires de logements auraient pu économiser 800 à 2 500 euros par an de versements d intérêts sur un prêt au logement de 100 000 euros entre 1995 et 1999. Améliorer l environnement des entreprises environnement Les plans d action de la Commission concernant le droit des sociétés et le contrôle légal des comptes contribueront à faire en sorte que les entreprises présentent des comptes crédibles auxquels les investisseurs peuvent se fier pour financer les besoins de croissance de l économie européenne. La Commission a proposé en outre des directives visant à faciliter les fusions transfrontalières et le transfert du siège des sociétés ainsi que des (1) Single Market News nº 35, octobre 2004. 35 85 e année - nº 1 - janvier 2005

recommandations destinées à améliorer les informations fournies aux actionnaires et au public, en ce qui concerne la rémunération des directeurs et le rôle des directeurs indépendants. Sous peu, la Commission devrait proposer des modifications aux directives comptables, afin d instituer une responsabilité collective des conseils d administration et de faire en sorte que les comptes des entreprises contiennent des informations adéquates sur les transactions avec des sociétés et des individus du même groupe, sur les structures spécifiques et sur la gouvernance d entreprise. Recommandation de meilleures pratiques pour la mise en œuvre des directives de l UE Les discussions menées dans le cadre du comité consultatif «Marché intérieur» ont permis de faire ressortir un certain nombre de «meilleures pratiques». Au nombre de celles-ci figure la désignation d un coordinateur national de la transposition qui serait en charge de ce dossier. Un ministère ou un organe administratif serait responsable du suivi de la transposition dans son ensemble. Il convient en outre d élaborer des calendriers prévisionnels, de mesurer systématiquement les avancées des ministères et de rendre compte régulièrement aux parlements nationaux. Des lignes directrices doivent être émises, indiquant comment les dispositions doivent être transposées, ce qui permettrait d assurer une approche commune dans l ensemble de l Administration. Il y a également lieu d établir au niveau national une base de données centrale sur la transposition, accessible à l ensemble des ministères. Des rappels devraient être envoyés en temps utile aux ministères concernés bien avant que le délai de transposition d un texte ne soit dépassé. L élaboration de la législation nationale devrait démarrer dès qu une directive est publiée au Journal officiel de l UE. Au cours des dix dernières années, les directives européennes sur les marchés publics ont permis de renforcer sensiblement la concurrence sur les marchés publics et de réduire d environ 30 % les prix payés pour les biens et les services concernés. Sur un marché d une valeur de 1 500 milliards d euros, c est-à-dire 16 % du PIB de l UE environ, de telles économies sont énormes et le dernier ensemble législatif devrait même permettre aux autorités de faire encore plus d économies. La stratégie du Marché intérieur propose une approche plus structurée de la reconnaissance mutuelle, par laquelle la conformité avec le droit national de l Etat membre d origine des produits autorise la commercialisation dans toute l UE. Elle préconise un nouveau règlement que la Commission proposera en vue d introduire un ensemble de nouvelles procédures (par exemple, notification obligatoire en cas de refus de la reconnaissance mutuelle, procédures de recours en faveur des entreprises). ou peu d améliorations en ce qui concerne les retards dans la mise en œuvre du droit communautaire au niveau national ou dans le nombre des procédures d infractions. Les derniers chiffres disponibles font apparaître que le déficit de transposition le pourcentage moyen de directives «Marché intérieur» qui n ont pas été transposées dans le droit national d un Etat membre s établit à 2,2 % pour les Etats membres de l EU15 et reste pratiquement inchangé par rapport à janvier 2004. Il ressort également de ces chiffres que 134 directives «Marché intérieurs» soit 9 % n ont pas été transposées à temps dans un ou plusieurs Etats membres. La France est le pays de l EU15 le plus à la traîne dans ce secteur, suivie de la Grèce, de l Allemagne, de l Italie et du Benelux. Seuls le Danemark, l Espagne, le Royaume-Uni, l Irlande et la Finlande remplissent le critère intermédiaire de 1,5 % fixé par le Conseil européen. A l heure où les Etats membres devraient redoubler d efforts, un grand nombre d entre eux semblent être au point mort. En effet, le nombre des procédures d infractions à l encontre des Etats membres est pratiquement identique à celui de l an dernier, même si la stratégie 2003-2006 pour le Marché intérieur appelle à une réduction de 50 % du nombre de ces procédures d ici 2006. Que faire? f a i r e L UE peut recourir à des actions en justice et des procédures d infraction, mais il s agit là d outils coûteux et la stratégie du MI est plus favorable au renforcement de la coopération entre la Commission et les Etats membres, de manière à trouver rapidement des solutions efficaces. Par exemple, de nombreux individus et entreprises qui ont souffert d une mauvaise application du droit communautaire ont été dédommagés rapidement grâce au réseau SOLVIT de la Commission qui réunit des points de contact dans chaque Etat membre afin de résoudre ensemble les problèmes qui se posent. Il importe en outre de veiller à ce que les retards dans la transposition des directives «Marché intérieur» ne se prolongent pas indéfiniment. C est pourquoi les chefs d Etat ou de gouvernement ont convenu d appliquer une «tolérance zéro» aux directives dont la transposition est en retard de plus de deux ans. Le problème est partiellement lié aux procédures administratives suivies par les capitales nationales. Comme certaines d entre elles sont plus efficaces que d autres, la Commission a élaboré une recommandation de «meilleure pratique» basée sur les meilleures techniques de transposition rapide et correcte des directives «Marché intérieur» (cf. encadré). Lors du Conseil «Compétitivité» de septembre dernier, le commissaire en charge du Marché intérieur, M. Frits Bolkestein, a appelé les Etats membres à mettre en œuvre les meilleures pratiques figurant dans la recommandation de la Commission. Il a fait observer aux ministres qu il n y avait pas de solution de rechange à l engagement vigoureux des plus hauts politiques des Etats membres en faveur d une mise en œuvre rapide et correcte. Mettre en œuvre les réglementations réglementations De nombreuses mesures sont donc prises pour améliorer le cadre législatif qui sous-tend le Marché intérieur et pour s assurer qu il a le potentiel d apporter de réels avantages aux citoyens et aux entreprises. Ce potentiel ne peut toutefois être exploité que si le droit communautaire est appliqué convenablement et qu il fonctionne dans la pratique. Le dernier tableau d affichage (Scoreboard) du Marché intérieur (juillet 2004) montre qu il n y a pas Un vrai Marché intérieur des services : une étape fondamentale pour la compétitivité de l Europe compétitivité Le Marché intérieur est à une croisée des chemins. Beaucoup de bons résultats ont déjà été obtenus. Si l UE veut toutefois aller de l avant en s appuyant sur ces succès et atteindre les objectifs de compétitivité figurant dans la stratégie de Lisbonne, il convient de consolider et de développer le Marché intérieur. La mesure la 36 85 e année - nº 1 - janvier 2005