Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 1



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Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 1 L initiative socialiste pour des impôts équitables soulève des discussions souvent quérulentes entre défenseurs de l initiative et opposants. Tentons d y voir clair en analysant la situation de l impôt sur le revenu dans le canton de Fribourg. Rappelons d abord les caractéristiques de l impôt sur le revenu, la distinction entre taux moyen et taux marginal d impôt et le contenu de l initiative. L impôt sur le revenu L impôt sur le revenu que chacun paie (T) repose sur la formule simplifiée: T = t [R (D 1, D 2, D 3, )] (K canton + K commune + K paroisse ). Cette formule correspond à la déclaration d impôt: R est la somme des revenus soumis à l impôt (salaire, intérêt de l épargne, dividendes, etc) ; D sont les déductions possibles selon la situation de chaque contribuable ; t est le taux légal de l impôt (selon que le contribuable est célibataire ou marié). Le tout est multiplié par le coefficient d impôt du canton (100% en 2010 pour l impôt cantonal), de la commune de domicile et de la paroisse de référence. Le coefficient communal se calcule en franc d impôt communal par franc payé au canton : par exemple 0.85 signifie que l impôt communal sera égal au 85% du montant de l impôt cantonal. Le taux marginal et le taux moyen Le taux moyen de l impôt met en relation l impôt total payé et le revenu imposable. Par exemple, pour un revenu imposable de 60'000 francs, un contribuable célibataire paie 5'335 francs d impôt cantonal avec un coefficient de 100%. Le taux moyen du barème est ainsi de 5'335 : 60'000 francs = 0.892 ou 8.892%. Bien entendu, il faut aussi tenir compte du coefficient communal et paroissial. Si le coefficient communal est de 0.85 et le coefficient paroissial de 0.05, il faut ajouter 0.90 (ou 90%) pour trouver le taux moyen. Il sera de 0.892 (canton) + (0.892 x 0.85 pour la commune) + (0.892 x 0.05 pour la paroisse) = 16.89%. Le taux marginal correspond à l impôt supplémentaire à payer si le revenu imposable change d un montant, en plus ou en moins. Ainsi, dans l exemple : que se passe t il si le salaire augmente de 60 à 70'000 francs. Le nouvel impôt à payer est de 6'687 francs pour le canton. On peut donc calculer le taux marginal : pour 10'000 francs de revenu supplémentaire, l impôt à payer en plus est de 6'687 (le nouvel impôt) 5'335 (le montant payé avant) = 1'352 francs. Le taux marginal est calculé ainsi : augmentation de l impôt sur augmentation du revenu = 1'362 francs divisé par 10'000 = 13,52%. On peut le comparer au taux moyen, calculé comme avant : 6 687 francs d impôt cantonal pour 70'000 francs de revenu = 9.55%. Pour avoir un barème progressif, le taux marginal doit être supérieur au taux moyen. L encadré 1 montre la situation du barème fribourgeois. Le coefficient de référence est de 1.0 ou 100%. Le taux moyen est de 13,50% dès 203 900 francs ; c est aussi le taux marginal dès ce seuil. En d autres termes, dès 204'000 francs, l impôt fribourgeois sur le revenu est proportionnel. Le schéma compare les deux taux dans le système actuel.

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 2 Encadré 1 Barème légal des taux Fribourg 2009 revenu impôt Coefficient imposable taux taux personne cantonal en 1000 moyen marginal seule = 1 francs 1 2 3 4 5 5 0 0 0.000 10 228 228 2.280 4.56 15 538 538 3.587 6.20 20 915 915 4.575 7.54 25 1'330 1'330 5.320 8.30 30 1'819 1'819 6.063 9.78 35 2'327 2'327 6.649 10.16 40 2'880 2'880 7.200 11.06 45 3'487 3'487 7.749 12.14 50 4'101 4'101 8.202 12.28 60 5'335 5'335 8.892 12.34 70 6'687 6'687 9.553 13.52 80 8'084 8'084 10.105 13.97 90 9'418 9'418 10.464 13.34 100 10'825 10'825 10.825 14.07 110 12'273 12'273 11.157 14.48 120 13'784 13'784 11.487 15.11 130 15'351 15'351 11.808 15.67 140 16'952 16'952 12.109 16.01 150 18'613 18'613 12.409 16.61 160 20'268 20'268 12.668 16.55 180 23'614 23'614 13.119 16.73 190 25'230 25'230 13.279 16.16 200 26'878 26'878 13.439 16.48 250 33'750 33'750 13.500 13.74 300 40'500 40'500 13.500 13.50 350 47'250 47'250 13.500 13.50 400 54'000 54'000 13.500 13.50 450 60'750 60'750 13.500 13.50 500 67'500 67'500 13.500 13.50

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 3 Figure 1 Comparaison du taux moyen et du taux marginal dans le barème légal FR 2009

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 4 Comme l initiative parle également de «concurrence fiscale», la figure 2 donne une simple comparaison des barèmes légaux des taux dans quatre cantons : Fribourg, Tessin, Schwyz et Nidwald. La Figure 2 rend apparent la question au cœur de l initiative, celle des disparités dans les barèmes cantonaux des taux de l impôt sur le revenu. Deux remarques cependant : (1) il s agit ici du barème du contribuable seul, célibataire (et non celui du couple marié ou de la personne seule vivant avec un enfant ou une autre personne à charge) ; (ii) le barème légal donne une image formelle de la fiscalité : il faut encore le multiplier par le coefficient cantonal (actuellement 1.00 à FR et TI ; 1.2 à SZ et 2.63 à NW). Figure 2 Comparaison du taux moyen et du taux marginal dans 4 barèmes cantonaux 2009

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 5 L initiative socialiste pour des impôts équitables En ce qui concerne l impôt sur le revenu, l initiative demande (Cst art. 129 titre, et al. 2 bis nouveau) : a) pour les personnes seules, le taux marginal des impôts cantonaux et communaux sur le revenu grevant la part du revenu imposable dépassant 250'000 francs doit se monter globalement à 22% au moins (ligne rouge dans la Figure 1); b) pour les couples imposés conjointement et les personnes seules qui vivent en ménage commun avec des enfants ou des personnes nécessiteuses, les montants valables pour les personnes seules peuvent être augmentés ; c) le taux moyen de tout impôt direct prélevé par la Confédération, les cantons et les communes ne doit pas diminuer avec l augmentation du revenu imposable. Dans la logique de l initiative, ces règles devraient produire des revenus fiscaux supplémentaires. Ainsi, dans les dispositions transitoires, l initiative prévoit qu après le délai de 3 ans donné aux cantons pour adapter leur législation, «les cantons qui on dû adapter leurs barèmes et leurs taux sur la base de cet article versent, en prélevant sur les recettes fiscales supplémentaires qui résultent de cette adaptation, des contributions supplémentaires à la péréquation financière entre les cantons pendant une durée fixée par une loi fédérale». Solutions et difficultés en cas d acceptation de l initiative Contrairement à l argument souvent entendu que le canton de Fribourg ne serait pas touché, l initiative, créerait des problèmes de mise en œuvre. Selon le barème contenu à l article 37 de la loi du 6 juin 2000 sur les impôts cantonaux directs, le taux marginal est de 13,5% dès 203'900 francs. C est donc insuffisant pour respecter la règle de 22% à la marge dès un revenu de 250'000 francs ; une adaptation est nécessaire. Il y a trois possibilités de se conformer à l initiative : (1) ajuster le coefficient communal (K commune ), (2) ajuster le coefficient cantonal (K canton ) et (3) modifier le barème «t» dans la formule de l impôt. Solution 1 : l ajustement des coefficients communaux En admettant le barème légal des taux inchangé (avec la limite du13.5%) et le coefficient d impôt cantonal à 1.0 ou 100%, l ajustement devrait se faire par le coefficient communal pour combler la différence du taux marginal entre 22% et 13,5%, soit 8.5%. Pour cela, il faudrait que le coefficient communal soit égal à [(100 : 13.5)x 8.5] = 63 (arrondi), soit 0.63 franc par franc d impôt selon le barème légal. Dans ce cas, les 12 communes qui appliquent actuellement un coefficient d impôt inférieur à 0.63 par franc payé à l Etat devraient corriger leur coefficient à la hausse. 0.25 0.35 0.487 0.499 Greng Ferpicloz Muntelier Delley Portalban 0.50 0.523 0.579 0.583 Chésopelloz Meyriez Büchsel Haut Vully 0.589 0.600 0.623 0.625 Gletterens Kleinbösingen Bas Vully Courgevaux

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 6 Cette solution a trois conséquences. Premièrement, la législation cantonale devrait introduire une tutelle fiscale sur les communes. Actuellement ces dernières décident souverainement leur coefficient avec comme seul objectif d équilibrer le budget et le compte de fonctionnement (loi sur les communes). Demain, elles devraient respecter un coefficient minimal pour atteindre le 22% taux marginal pour un motif qui ne concerne pas leur budget mais pour un objectif d équité. Dans le système actuel, l équité est obtenue pas le barème des taux et les montants des déductions. Deuxièmement, le coefficient minimal ainsi introduit n est pas fixe, mais varie selon la décision cantonale : ainsi, avec K canton = 1.05, le coefficient communal minimal serait de 0.58 au lieu de 0.63 ; avec 1.10, il serait de 0.53. Comme on le verra dans la solution 2, le coefficient cantonal a varié durant ces dernières années. On introduit ainsi une externalité verticale dans le système : la décision du canton influence la décision communale pour une raison autre que les options de gestion décidées par la commune. Enfin troisièmement, une commune ne peut pas relever son coefficient d impôt seulement pour des revenus à partir de 250'000 francs. Cela signifie que tous les contribuables, y compris ceux qui ont des revenus plus modestes, seraient touchés par la hausse de l impôt. Or, on ne peut pas confondre la capacité financière de la commune comme entité de droit public (prise en compte dans la péréquation des ressources) et les capacités contributives individuelles de leurs habitants. On peut être riche dans une commune pauvre et pauvre dans une commune riche. Politique péréquative et politique redistributive ne se résolvent pas par les mêmes instruments. Se pose également la question de l utilisation des ressources supplémentaires ainsi obtenues : sont elles redistribuées intra muros, mais selon quels critères ; vont elles, dans l esprit de l initiative, s ajouter aux moyens péréquatifs dans la péréquation entre les communes du canton? Solution 2 : l ajustement du coefficient cantonal Le coefficient est le multiplicateur du barème des taux inscrit dans la loi : pour le canton, il est actuellement de 1.00 et correspond à l application directe du barème légal sans surplus ni réduction. En relevant le coefficient cantonal à 1.05, par exemple, le taux marginal pour 250'000 francs passerait de 13.5% à (13.5% x 1.05) = 14.175%. Cette solution comporte deux conséquences. Premièrement, comme pour les communes, il ne peut y avoir qu un seul coefficient pour tous les revenus. Augmenter le coefficient cantonal correspond à une hausse générale de l impôt pour tous et pas seulement les revenus supérieurs à 250'000 francs, dans toutes les communes, et pas seulement dans celles qui seraient concernées parce que leur coefficient communal est trop bas. Cette solution n est probablement pas réalisable politiquement : on voit mal le canton infliger une hausse d impôt à tous les contribuables et toutes les communes non concernées. D autre part, deuxième conséquence, en relevant le coefficient d impôt, le canton se trouverait dans une position fiscale défavorable en comparaison aux autres cantons. Or, ce n est pas Fribourg qui est visé par l initiative. De plus, durant ces dernières années, Fribourg a fait un effort considérable pour réduire la charge d impôt des contribuables (voir l encadré 2). Cette solution entraînerait un recul de la politique fiscale suivie par le canton.

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 7 Encadré 2 Modifications de l impôt sur le revenu intervenues depuis 2001 Modification de l impôt sur le revenu Déductions pour enfants (8,7 mios), pour frais de garde (2,8 mios), pour double activité des 2001 couples mariés (1,4 mio), pour assurance et épargne (1 mio); Splitting monoparental (0,5 mio) Réduction pour les couples mariés et les familles 2004 Modification des déductions sociales pour enfants et suppression de l impôt minimal (5.7 2006 mios); Modification des paliers du barème (10 mios) Correction de la progression à froid (ajustement de 2,6 %) 2009 Impôt sur les personnes physiques (ajustement suppl. de 2,6 à 4%) 2009 Déductions pour enfants et frais de garde + 500 francs chacun 2009 Seuil pour le contribuable de revenu modeste + 16,5 % 2009 Augmentation des déductions fiscales pour enfants (+1000 francs) et des frais de garde (+1500 2010 francs) Allégement de l'imposition des prestations en capital provenant de la prévoyance (paliers 2010 augmentés de 10'000 francs) Abrogation de la pratique Dumont ("l'acquéreur d'un immeuble ne peut pas déduire les frais 2010 d'entretien de son immeuble dans les 5 ans suivant l'achat si ces frais sont engagés pour un immeuble dont l'entretien a été négligé par l'ancien propriétaire) Amélioration du splitting pour les couples mariés (baisse du taux de 56% à 50%) 2011 Ajustement du barème des taux Étirement de 3 % des paliers du barème (6 mios); 2001 Modification de 2 % des paliers du barème (prévue pour 2003, mais repoussée à 2005) 2005 Mise en place du réseau hospitalier fribourgeois, le coefficient d'impôt passe à 108,90 points 2007 Diminution de la charge fiscale: coefficient 108.9 % ramené à 106,6 % 2007 Réduction de la cote cantonale de 106,6 % à 103 % 2008 Réduction de la cote cantonale de 103 % à 100 % 2009 Solution 3 : la correction (partielle?) du barème des taux La troisième solution possible touche au barème des taux contenu à l article 37 de la loi cantonale sur les impôts directs. Dans ce cas, il faut faire une hypothèse concernant les coefficients d impôts. Admettons que le canton garde un coefficient de 1.00 et prenons le coefficient moyen de l ensemble des communes, arrondi à 0.90. Avec ces coefficients et le barème actuel, le taux moyen et marginal à 250'000 francs est de 25.65 % (13,50% pour le canton et 13,50x 0.90= 12.15% pour une commune). Dans ce cas, il faut un coefficient communal de 0.63 permettrait d obtenir un taux marginal de 22% à 250'000 francs. Dans la solution 1, douze communes sont touchées. Toutes les autres communes dépasseraient le seuil de 22%, comme on le voit : de 3.65% en moyenne. A partir de ce point, deux réflexions sont possibles. [1] Premièrement, laisser le barème en l état. Mais alors, il faut résoudre la question des douze communes avec un coefficient inférieur à 0.63. [2] L autre piste consisterait à admettre que le 22% deviennent la norme. On peut émettre l hypothèse que les cantons avec une charge fiscale inférieure actuellement ceux visés directement par l initiative ne vont pas aller au delà de cette norme. Si les autres cantons veulent rester concurrentiels, le scénario pourrait être qu ils veulent baisser leur taux marginal à 22%. Or ce scénario est impossible pour Fribourg: en effet, l ajustement du taux

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 8 marginal à 22% entraînerait une baisse du taux moyen ce que l initiative interdit (lettre c ci dessus). Cela signifie clairement que Fribourg devrait revoir totalement le barème des taux bien avant 250'000 francs pour éviter cet écueil. La figure 3 illustre cette situation. Notons que la correction du barème pour aboutir à un taux marginal de 22% à 250'000 francs devrait tenir compte des coefficients cantonal et communaux. En effet, si la correction ne portait que sur le barème légal, on aboutirait à une situation fiscale intenable : avec 22% dans le barème légale, un coefficient de 1.00 pour le canton et de 0.90 en moyenne pour les communes, la charge marginale serait de [22% x (1.00 + 0.90)] = 41.8% ce qui serait inacceptable au regard de la charge actuelle. En ne corrigeant que partiellement le barème légal des taux, on revient sur les questions soulevées par les solutions 1 (coefficients communaux) et 2 (coefficient cantonal). Figure 3 Adaptation du barème des taux à 22% dès 250'000 francs en partant du barème actuel [3] On peut bien évidemment élaborer une solution intermédiaire, qui consisterait à n élever les taux moyen et marginal actuels de 13.5% à un taux plus élevé. La figure 3 illustre le résultat pour un ajustement à 15%, respectivement à 17%. Ces deux scénarii à 15 et 17% taux marginal sont destinés à voir ce qui se passerait en cas d ajustement à ces niveaux, d une part par rapport à la règle de l initiative concernant le

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 9 taux moyen (qui ne doit pas baisser) et d autre part par rapport à la charge fiscale nouvelle qui s ensuivrait, étant entendu que ces nouveaux taux ne suffiraient pas et qu il faudrait alors aussi tenir compte du coefficient communal. Dans ces deux cas, on constate qu il est possible d éviter la baisse du taux moyen ce qui respecte la condition c) de l initiative (Figure 4). Par contre, les taux de 15, respectivement de 17% ne suffisent pas pour atteindre le seuil minimal de 22% dès 250'000 francs. Il faut donc ajuster le coefficient communal : il devrait être au minimum de 0.467 respectivement de 0.294. Dans le premier cas (15%) seules les communes de Greng et de Ferpicloz seraient concernées ; dans le second cas (17%), ne resterait que Greng. Figure 4 Ajustement du taux marginal actuel à 15%, respectivement 17% dès 250'000 francs, Fribourg, 2009

Initiative socialiste pour des impôts équitables Commentaires Bernard Dafflon 10 Il faut cependant voir quelle serait la conséquence des ces scénarii sur l impôt effectivement payé, c est à dire en tenant compte du coefficient communal. Comparé à la situation actuelle de [ 13.5% x (1.0 + 0.85)]= 24,975%, avec un coefficient communal oscillant en moyenne entre 0.85 et 0.90, un taux marginal du barème à 15%, le taux marginal appliqué correspondrait à [15% x (1.0 le coefficient cantonal + 0.85 le coefficient communal)]= 27.75%. On a un saut à la marge de presque 3 points ; il serait de 6.5 points avec le taux de 17%. Il y aurait donc bel est bien un effet de seuil qui va en s amplifiant lorsque l on passe de 15% à 17% et ainsi de suite : dans le graphique la ligne verte du taux moyen (forcé par le taux marginal à 17%) s infléchit vers le haut dès le seuil de 250'000 francs. Le tableau cidessous donne les combinaisons possibles : Barème légale Coefficient d impôt = taux marginal à 250'000 francs canton commune 13.5% 1.00 1.00 15% 1.00 1.00 17% 1.00 1.00 Taux marginal effectif Taux moyen 0.85 24.98 25.43 0.90 25.65 26.11 0.85 27.75 25.44 0.90 28.50 26.13 0.85 31.45 26.18 0.90 32.30 26.89 La seconde remarque est de se demander si un changement de barème est réalisable? En analysant l économie politique de l impôt sur le revenu dans le canton de Fribourg, deux points de vue sont possibles. (i) D une part, dans la comparaison des barèmes actuels de FR, TI, SZ et NW (Figure 2), on voit très nettement que celui de FR est déjà plus élevé que celui des cantons visés par l initiative. On peut donc douter que le canton relève à la marge ce barème de 13.5% à 15 ou 17% comme dans les scénarii. (ii) D autre part, l encadré 2 montre que dès 2001 le canton de FR a choisi de baisser l impôt sur le revenu, tant par les déductions que par l ajustement à la baisse du coefficient cantonal, mais sans toucher au barème. Cela afin d aboutir à une fiscalité qui sorte Fribourg du groupe de cantons connaissant une charge fiscale lourde relativement à la moyenne suisse. Enfin, ces scénarii soulèvent une dernière question. Avec l augmentation du taux marginal à 15 ou 17%, le canton obtiendrait des ressources supplémentaires. Mais, intervient à ce moment la clause complémentaire de l initiative: les montants supplémentaires obtenus seraient (en partie?) versés à la péréquation entre les cantons. Fribourg deviendrait contributeur pour cette part, ce qui réduirait le gain net actuel de la péréquation reçue. Ainsi, notre analyse montre bien qu en cas d acceptation de l initiative, le système fiscal du canton de Fribourg devrait être adapté. Ce faisant le régime fiscal des communes serait en partie mis sous tutelle (solution 1), ou bien tous les contribuables subiraient une hausse de l impôt (solution 2). Avec la solution 3, le système fiscal (barème des taux et déductions) devraient être revus. Ce sont les effets collatéraux de l initiative. Quel que soit le choix individuel en regard de l objectif d équité, ces éléments doivent aussi être pris en compte.