Zone euro Indicateur d impact du QE



Documents pareils
Taux d intérêt nominaux négatifs «Terra incognita»

Les mécanismes de transmission de la politique monétaire

mai COMMENTAIRE DE MARCHÉ

Présentation Macro-économique. Mai 2013

Eco-Fiche BILAN DE L ANNEE 2012 QUELLES PERSPECTIVES POUR 2013? 1

Chapitre 4 Comment s opère le financement de l économie mondiale?

Calcul et gestion de taux

Le système bancaire dans la crise de la zone euro. par Michel Fried* (Synthèse de l exposé fait au CA de Lasaire du 21/06/2012)

Le RMB chinois comme monnaie de mesure internationale : causes, conditions

LA GESTION DU RISQUE DE CHANGE. Finance internationale, 9 ème édition Y. Simon et D. Lautier

FRANCE Immobilier résidentiel Évolutions récentes et perspectives

Le Comité de Bâle vous souhaite une belle et heureuse année 2013 Adoption du ratio de liquidité LCR

Corefris RAPPORT ANNUEL Annexe 3 : La hausse des prix de l immobilier est-elle associée à une «bulle» de crédit en France?

Bienvenue dans votre FIBENligne

Boussole. Divergence des indicateurs avancés. Actions - bon marché ou trop chères? Marchés boursiers - tout dépend du point de vue!

alpha sélection est une alternative à un placement risqué en actions et présente un risque de perte en capital, en cours de vie et à l échéance.

CAMPAGNE ANNUELLE DES EPARGNES ACQUISES

L INVESTISSEMENT JOUE À «CASH-CASH»

Préambule Autodiagnostic 1) QRU - La Banque centrale est : 2) QRU - L encadrement du crédit était une technique :

Partie 2 : Qui crée la monnaie?

TD n 1 : la Balance des Paiements

ANNEXE VII EFFETS MACROECONOMIQUES DE LA REFORME PIECE JOINTE N 2 SIMULATIONS REALISEES A PARTIR DU MODELE MACROECONOMETRIQUE MESANGE

Croissance plus lente dans les pays émergents, accélération progressive dans les pays avancés

G&R Europe Distribution 5

[ les éco_fiches ] Situation en France :

TD de Macroéconomie Université d Aix-Marseille 2 Licence 2 EM Enseignant: Benjamin KEDDAD

RAPPORT SUR LA STABILITÉ FINANCIÈRE DANS LE MONDE Avril 2015

Annexe - Balance des paiements et équilibre macro-économique

Fonds Assurance Retraite du contrat BNP Paribas Avenir Retraite Données au 31 décembre Communication à caractère publicitaire

3C HAPITRE. 56 Les actifs financiers des résidents 58 Les passifs financiers des résidents 62 La masse monétaire et ses contreparties

CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL D AQUITAINE

Quepeut-ondiredelavolatilitédel euro?

«Le pilotage en période de taux bas»!!! Patrick ARTUS! Directeur de la Recherche et des Etudes de Natixis!

Macroéconomie. Monnaie et taux de change

GLOSSAIRE. ASSURÉ Personne dont la vie ou la santé est assurée en vertu d une police d assurance.

b ) La Banque Centrale Bilan de BC banques commerciales)

Info Finance. et Prévoyance. En 2013 aussi, les clients profitent d une rémunération globale attractive!

Nature et risques des instruments financiers

LE REFINANCEMENT PAR LE MARCHE HYPOTHECAIRE

Le groupe Crédit Mutuel en 2010 Un réseau proche de ses sociétaires-clients, au service des entreprises créatrices d emplois dans les régions (1)

Changement de ton pour la BCE : des impacts sur le marché difficiles à prévoir. Directeur de la recherche économique de Natixis AM

L accumulation de réserves de change est-elle un indicateur d enrichissement d une nation?

Document de recherche n 1 (GP, EF)

Economie Générale Initiation Ecole des Ponts - ParisTech

ECONOTE Société Générale Département des études économiques et sectorielles

Études. Des effets de la réglementation des produits d épargne sur le comportement de placement des ménages

Le financement de l entreprise

TABLE DES MATIERES. iii

BASE DE DONNEES - MONDE

la Banque de France, mars. C. Bordes, «La politique monétaire» chapitre II de «Politique économique» ellipse.

Programme de stabilité Quel impact sur l investissement local?

La finance internationale : quel impact sur l'économie marocaine? 20 Novembre 2012

Les difficultés économiques actuelles devraient demeurer contenues à moins que les tensions financières s amplifient

La politique monétaire. Lionel Artige HEC Université de Liège

L impact macroéconomique des crises bancaires

L assurance française : le bilan de l année 2012

Banque Zag. Troisième pilier de Bâle II et III Exigences de divulgation. 31 décembre 2013

Choc pétrolier et pause conjoncturelle en France

LA CONNAISSANCE DES COMPTES FINANCIERS ET NON FINANCIERS DES ACTEURS FINANCIERS

Les perspectives économiques

NORME IAS 32/39 INSTRUMENTS FINANCIERS

ECONOMIE GENERALE G. Carminatti-Marchand SEANCE III ENTREPRISE ET INTERNATIONALISATION

PARTIE 2 : LES POLITIQUES ÉCONOMIQUES CONJONCTURELLES

afférent au projet de décret relatif aux obligations indexées sur le niveau général des prix

Associations Dossiers pratiques

Calcul d une provision technique en assurance vie dans le cadre de Solvabilité 2. Le cas des contrats d épargne : les approches «markedto model»

L Épargne des chinois

Avertissement sur les risques liés aux instruments financiers Clients professionnels

EPARGNE, INVESTISSEMENT, SYSTEME FINANCIER

Performance des grands groupes bancaires français au 31 mars 2012

l eri Communication à caractère promotionnel

à la Consommation dans le monde à fin 2012

Le nouvel indice de taux de change effectif du dollar canadien

QUELLE DOIT ÊTRE L AMPLEUR DE LA CONSOLIDATION BUDGÉTAIRE POUR RAMENER LA DETTE À UN NIVEAU PRUDENT?

Le 4 ème trimestre 2014 et les tendances récentes

Crises financières et de la dette

Les produits de Bourse UniCredit sur le CAC Ext (Étendu).

Compte rendu Cogefi Rendement Conférence téléphonique du 13/03/15 avec Lucile Combe (gérant)

L activité financière des sociétes d assurances

La BNS capitule: Fin du taux plancher. Alain Freymond (BBGI Group SA)

Le marché de l assurance de protection juridique en Europe. Octobre 2013

Chapitre 9 : Les étapes de la construction de l Europe monétaire

LA DYNAMIQUE DES PRIX AGRICOLES évolutions fondamentales, financiarisation, spéculation

LE COMITÉ D INVESTISSEMENT DE LA GESTION PRIVÉE

ENSAE, 1A Maths. Roland Rathelot Septembre 2010

Les dépenses et la dette des ménages

Privilégier les actions et les emprunts d entreprise aux placements monétaires et aux emprunts d Etat AAA

GENERALI INVESTMENTS EUROPE GF FIDELITE FR juin 2015

Table des matières. Le long terme Partie II. Introduction Liste des figures... Liste des tableaux...

et Financier International

RENDEMENT ACTION BOUYGUES JUILLET 2015

Fonds de placement Le modèle adapté à chaque type d investisseur.

Investissements des entreprises au Québec et en Ontario : amélioration en vue?

Investir sur les marchés de taux au sein des pays émergents

RESULTATS ET ACTIVITE 2013 DE LA BANQUE POSTALE

TURBOS WARRANTS CERTIFICATS. Les Turbos Produits à effet de levier avec barrière désactivante. Produits non garantis en capital.

CREATION MONETAIRE ET SON CONTROLE

Transcription:

N 1/263 1 er septembre 21 Zone euro Indicateur d impact du Avec l annonce d un programme étendu d achats d actifs non stérilisés (quantitative easing, ), portant essentiellement sur des titres souverains, la Banque centrale européenne (BCE) paraît avoir fourni une réponse à la hauteur des défis. Le mauvais équilibre de croissance et d inflation faibles et la fragmentation des marchés du crédit nécessitaient une action de taille pour permettre une meilleure transmission d une politique monétaire unique. La BCE poursuit donc deux objectifs explicites : améliorer la transmission de sa politique monétaire en réduisant la fragmentation et ancrer les anticipations vers une remontée de l inflation, afin de repousser le spectre de son contraire, la déflation. Elle poursuit également deux objectifs implicites : resolvabiliser les agents publics et privés fortement endettés et ranimer la croissance. Pour évaluer l efficacité de ces mesures, nous avons élaboré un indicateur d impact du. Pour ce faire, nous mobilisons un ensemble de variables monétaires, financières, réelles et d enquêtes qui permettent de décrire l activation des différents canaux de transmission de la politique monétaire. Ces variables seront suivies sur une base bimestrielle et agrégées en un indicateur synthétique, afin d évaluer l impact du sur l économie. L indicateur synthétique doit se lire de manière qualitative : c est son évolution, et non son niveau, qui doit être interprétée ; la remontée de l indicateur indique un mouvement des variables dans la direction attendue par la Banque centrale pour atteindre ses objectifs. Dès l annonce du programme de par la BCE (22 janvier 21) et encore un mois après les premiers achats (9 mars 21), l indicateur a signalé une accélération de l amélioration des conditions monétaires et financières qui évoluaient pour la plupart en ligne avec les objectifs de la BCE. La dépréciation de l euro, la réduction des primes de risque sur les souverains périphériques et la remontée des cours des actions ont été les premiers signes de succès du.,,4,3,2,1, -,1 -,2 -,3 -,4 -, Indicateur d'impact du : objectifs BCE 3 1-1 -3,3,2,1, -,1 -,2 3 2 1-1 -2 Indicateur synthétique Indice de production industrielle (dr., g.a.) Inflation core (dr., g.a.) Sources : Datastream, Crédit Agricole S.A. -,3-3 Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com

indicateur d impact du Ces variables ont montré une réaction très rapide non seulement à la mise en œuvre du, mais déjà par anticipation après le discours de en août 214. Ces évolutions se sont traduites par une nette amélioration de la confiance et par un redressement des anticipations d inflation. Lorsqu elle a dévoilé sa fonction de réaction et a annoncé une politique de taux bas pour le moyen terme, la BCE a réussi à modifier les anticipations des agents, grâce à sa crédibilité. On a observé aux mois de mai 21 et de juin un repli de l indicateur, en raison notamment de la baisse de la contribution du canal du taux de change et du canal du prix des actifs. La crise grecque et les tensions sur les primes de risque souverain et corporate qui s en sont suivies ont aussi contribué à la dégradation de l indicateur. La remontée de l indicateur en juillet a été tirée par le redressement des prix des actifs, la dépréciation du taux de change et par le repli des primes de risque de la périphérie après l accord sur le nouveau plan d aide à la Grèce. Mais les récentes incertitudes sur la croissance chinoise et du monde émergent ont poussé l euro à la hausse et les cours boursiers à la baisse, alimentant aussi les craintes d une inflation plus faible. Les deux canaux ayant assuré la transmission précoce de la politique non conventionnelle (taux de change et anticipations) sont aujourd hui à l origine du repli de l indice. L assouplissement des conditions d octroi de crédit et le début d amélioration de l évolution du crédit font pour le moment ressortir des résultats mitigés de la politique monétaire sur la relance de l activité par le crédit, que ce soit du côté des entreprises ou des ménages ; le canal du crédit étant le moins élastique au stimulus engendré par le, il convient donc d attendre encore pour en saisir l efficacité. L offre de crédit semble être en mesure d accompagner la demande, mais nous ne sommes pas en présence d une reprise tirée par le crédit. On observe des mouvements de l indicateur d impact du similaires d un pays de l Union économique et monétaire (UEM) à l autre : si la politique monétaire de la BCE paraît avoir un impact positif dans l ensemble des pays étudiés, la convergence des périphériques vers les pays core ne s est pas encore concrétisée. Néanmoins les pays périphériques ont connu un moindre repli de l indicateur sur la période récente, le potentiel d amélioration via le canal du taux d intérêt et du crédit y étant plus important.,6,4,2, -,2 -,4 -,6 Indicateur d'impact du - Pays Zone euro Allemagne France Italie Espagne Portugal Sources : Datastream, Crédit Agricole S.A. N 1/263 1 er septembre 21-2 -

indicateur d impact du Méthodologie Nous avons construit un outil le plus simple et intuitif possible à même de synthétiser l information contenue dans 28 variables et de traduire comment les mouvements au mois le mois sont en ligne avec les objectifs de la BCE. Une augmentation de l indicateur doit se lire comme le reflet d un assouplissement des conditions monétaires et financières, d une dynamisation de la croissance et d un rapprochement vers l objectif d inflation de la BCE. La lecture de l indicateur n a de sens qu en variation et pas en niveau. La construction de cinq sous-indicateurs regroupant les variables intervenant dans chacun des cinq canaux de transmission identifiés permet d analyser par quels biais l activité et les prix sont influencés par l action de la banque centrale. Un souci de pragmatisme et de simplicité a guidé notre travail d agrégation des variables dans l indicateur synthétique, tout en cherchant à conserver une signification macroéconomique. Nous avons pris en compte les estimations des modèles économétriques existants sur la relation entre les variables monétaires et financières et l économie réelle. L indicateur synthétique est ainsi obtenu comme moyenne pondérée des variables normalisées. Les poids sont cohérents avec les mesures d impact largement reconnues du canal du taux de change et du canal du taux d intérêt au sens large qui ont été intégrées dans la littérature sur les indicateurs de conditions monétaires. Ces mesures résultent traditionnellement de modèles macroéconométriques ou de VAR qui aboutissent à un coefficient compris entre,1 et,2 pour le taux de change et entre,8 et,9 pour le canal du taux d intérêt au sens large. Ces coefficients rendent compte de l impact d une décision de politique monétaire sur la demande étrangère et intérieure, et donc sur l activité (OCDE, ECO/WP n 18 mars 29). Toutefois, la crise financière a mis en évidence les limites explicatives de modèles fondés uniquement sur le canal du taux de change et le canal du taux d intérêt. Ces modèles ne prenaient pas en compte toutes les subtilités de la transmission par l offre de crédit, par les prix des actifs et les anticipations. La littérature a donc évolué pour associer aux variables monétaires traditionnelles des variables financières. Nous nous sommes inspirés de cette littérature sur les indicateurs de conditions monétaires et financières. Nous avons regroupé les 28 variables, monétaires, financières, réelles et d enquête, en cinq canaux de transmission (taux d intérêt, crédit, taux de change, prix des actifs, anticipations). Au sein de chaque canal, les pondérations relatives de chaque variable ont été obtenues par une analyse en composantes principales : les différentes variables explicatives d un canal sont combinées en une variable («axe principal») qui en explique au mieux la variance, et le poids de chaque variable est alors obtenu par sa contribution à la variance de l axe principal. Les pondérations des variables nous permettent alors d obtenir une variable «représentative» pour chaque canal. Par la suite, la régression (par la méthode des moindres carrés ordinaires) d un indicateur cible d activité (indice de production industrielle) sur les variables représentatives des canaux nous permet d obtenir le poids total de chaque canal dans la construction de l indicateur d impact du. Canal Variable Coefficient Coefficient agrégé BCE : fourniture nette de liquidités,3 Euribor 3 mois - OIS 3 mois,2 Taux de refinancement de la BCE,8 Taux d'intérêt Taux de rendement du Bund 2 ans,2,3 Taux de rendement du Bund 1 ans,2 Primes de risques vis-à-vis du Bund 1 ans (Italie/Espagne/Portugal),7 itraxx Europe ans,6 Zone Euro - Dettes souveraines : détention par les banques,8 Zone Euro - Encours des crédits bancaires aux entreprises, Crédit Zone Euro - Encours des crédits bancaires aux ménages,2,4 Zone Euro - Taux d'intérêt sur les nouveaux prêts aux PME,17 Zone Euro - Enquête BLS : conditions de crédit (entreprises/immobilier/consommation, 3 mois précédents/suivants) Taux de change EUR/USD,4 Taux de change,1 Euro - Taux de change effectif nominal,6 Principaux cours boursiers européens (CAC 4, DAX 3, MIB, IBEX 3),4 Prix des actifs,1 Zone Euro - Prix de l'immobilier résidentiel,6 ESI consommateurs - perspectives d'inflation,1 PMI composite - perspectives d'inflation,1 Anticipations Inflation swap forward yy,2,1 ESI - Climat des affaires général,3 ESI - Confiance des consommateurs,3 TOTAL TOTAL 1 1 NB : ce tableau présente les variables utilisées pour la zone euro ; pour chaque pays étudié (Allemagne, France, Italie, Espagne, Portugal), nous avons pris les mêmes indicateurs avec leur valeur locale, lorsque cela était pertinent.,8 N 1/263 1 er septembre 21-3 -

indicateur d impact du Composantes de l indicateur L indicateur synthétique agrège cinq composantes qui retracent les principaux canaux de transmission de la politique monétaire : le canal du taux d'intérêt, le canal du taux de change, le canal des prix d actifs, le canal du crédit et le canal des anticipations. L importance de ces canaux et la vitesse à laquelle ils transmettent l impulsion monétaire à l activité dépend des caractéristiques structurelles de l économie (plus ou moins de flexibilité), de sa position dans le cycle, de son système financier (degré de financiarisation) mais aussi de la crédibilité de la Banque centrale. L intérêt d identifier les différents canaux de transmission est de vérifier que si la politique menée par la Banque centrale se traduit par une ranimation de l activité ou seulement par l inflation des prix d actifs, si les réponses initiales des marchés se transmettent à la demande de consommation et d investissement et si le système bancaire est mobilisé pour accompagner cette reprise de la demande dans tous les pays membres de l UEM. Le canal des anticipations Les changements de politique monétaire peuvent agir sur les anticipations d inflation et de croissance ainsi que sur la confiance en ces anticipations. L efficacité de la transmission par ce canal dépend de la crédibilité et de la stratégie de communication de la banque centrale. Le simple guidage des anticipations, en révélant la fonction de réaction de la banque centrale et en fournissant des indications sur une politique de gestion des taux et d achat d actifs, peut modifier la structure par terme de la courbe des rendements. Le canal du taux de change La politique monétaire se répercute aussi, et de façon souvent plus rapide, sur l activité par le canal du taux de change. Les liens entre taux d intérêt et taux de change font essentiellement intervenir les anticipations du taux de change à terme et le différentiel de taux d intérêt entre les taux domestiques et étrangers. La baisse des taux d intérêt domestiques entraîne bien une dépréciation, cette dernière stimule les exportations, donc l activité et donc l inflation. À cet effet indirect sur les prix s ajoute un effet direct, celui de l inflation importée. Le canal des prix des actifs Une baisse du taux directeur ou des achats d obligations conduisant à une baisse des taux longs fait monter le prix des obligations. Il en va de même pour les actions. Les profits futurs anticipés, normalement représentatifs de la valeur des actions, sont actualisés à un taux plus faible de telle sorte que la valeur actuelle des revenus augmente. La quête de rentabilité peut conduire à un rééquilibrage des portefeuilles en faveur des classes d actifs plus risquées, avec à la clef une hausse des valeurs. Ces fluctuations de prix d actifs financiers impliquent des effets de richesse susceptibles de jouer sur la consommation des ménages, mais aussi sur l investissement des entreprises. Si la décision de politique monétaire se traduit par une hausse relative du cours des actions par rapport aux autres actifs (biens d équipement), l investissement augmentera puisqu il sera moins cher de procéder à des investissements physiques plutôt qu au rachat d entreprises. La hausse de la demande sur le marché de l immobilier conduit à une remontée des prix qui vient gonfler le patrimoine immobilier des ménages. Le canal du taux d'intérêt La transmission de la politique monétaire par le canal du taux d intérêt peut être décomposée en deux étapes : l impact d un mouvement du taux directeur ou des achats de titres sur l ensemble de la courbe des taux d intérêt et l impact des taux d intérêt sur l activité et les prix. L efficacité de la première dépend de sa capacité à influencer les taux d intérêt à moyen et long terme via les anticipations de taux courts à venir ou via les achats captifs de titres souverains qui font monter les prix des obligations sans risque (et donc baisser les taux) et également en raison du remodelage des anticipations d inflation. La réduction de la prime de terme induit une modification de la forme de la courbe des rendements (aplatissement) qui rend les émissions à long terme moins coûteuses et facilite ainsi la gestion de la dette. La réduction de la prime de risque engendrée par un marché plus liquide garanti par la présence de la Banque centrale en tant qu acheteur contribue à réduire les taux de tous les actifs. Un taux de dépôt négatif renforce la baisse de la prime de liquidité et la baisse des rendements de titres à long terme. Les effets sur l activité sont complexes selon la prévalence d un effet de substitution (baisse de la rémunération défavorable à l épargne au profit d une consommation immédiate) ou de revenu (hausse de l épargne pour compenser la baisse de sa rémunération) sur la consommation des ménages. Les deux sont également fonction des anticipations des agents et du caractère permanent ou temporaire de la décision de politique monétaire. Ils sont plus simples sur l investissement du fait de l allègement des conditions financières. L impact sur l activité se transmet ensuite aux prix. Le canal du crédit La politique monétaire affecte la disponibilité et le coût des crédits bancaires par le canal de l offre de crédit et le canal de l actif net, canaux traditionnels de création monétaire. Par la politique conventionnelle de modification des taux directeurs la banque centrale influe sur les volumes de créances distribués par les banques commerciales. Mais aussi sur le prix des actifs apportés en collatéral, qui détermine l octroi du crédit. La politique non conventionnelle d achats de titres par la banque centrale conduit soit à une réallocation des actifs des banques lorsque celles-ci N 1/263 1 er septembre 21-4 -

indicateur d impact du cèdent leurs titres souverains en portefeuille à la Banque centrale, soit à un gonflement de leur bilan et de la masse monétaire, lorsque les achats sont effectués auprès d autres agents. En effet, ces achats transitent nécessairement par le bilan des banques commerciales : en contrepartie d un accroissement des dépôts des clients cédants des titres, les banques voient leurs réserves auprès de la banque centrale s accroître. Le taux de dépôt négatif et la rémunération négative des réserves excédentaires des banques dans la zone euro renforce l impact du car incite les banques à redéployer ces réserves sous forme de crédit. En créant une rareté de titres sans risque mais aussi en réduisant la prime de risque sur les autres actifs, la Banque centrale facilite la réallocation de portefeuille vers des actifs plus risqués, y compris le crédit. La capacité de la Banque centrale à influer sur l offre de crédit dépend aussi du cadre réglementaire qui peut rendre l octroi plus ou moins onéreux. Dans le même temps, une variation des taux agit sur la solvabilité des emprunteurs et donc sur la demande de crédit. 1, 1,,, -, -1, -1, Indicateur d'impact du - Composantes Taux d'intérêt Prix des actifs Anticipations Taux de change Crédit Sources : Datastream, CA S.A. N 1/263 1 er septembre 21 - -

indicateur d impact du Canal du taux d intérêt Le niveau des liquidités excédentaires de la BCE, en nette diminution depuis août 212 (notamment en raison des remboursements de LTRO), connaît une hausse sensible depuis le lancement du, une tendance qui devrait se poursuivre au cours des mois à venir. La réduction de la prime de liquidité favorise l allocation de portefeuille vers des maturités plus longues. Mds 1 8 BCE : liquidités excédentaires 1,,8,6 Euribor 3M - OIS 3M 6,4 4 2,2, -,2 -,4 La remontée des taux de rendement des pays «core» en mai et juin est due principalement à une correction des excès passés sur le Bund allemand (thématique des taux négatifs) amplifiée par des effets de marchés (liquidation des positions à la baisse des taux et comportements moutonniers) et moins à une réaction face à de meilleures perspectives de croissance et d inflation. Les taux «core» ont retrouvé au cours de l été une évolution à la baisse. 1,6 1,4 1,2 1,,8,6,4,2, -,2 -,4 BCE : taux de refinancement 1,6 1,2,8,4, -,4 Bund : taux de rendement 4 3 2 1-1 Bund 2 ans Bund 1 ans (dr.) Ce n est pas la remontée des taux de rendement des pays «core» qui a entraîné un élargissement des primes de risque. Ce dernier trouve principalement son origine dans le risque accru sur la Grèce. L accord sur le troisième plan d aide à la Grèce a permis le resserrement des primes de risque souverain et corporate. pdb 7 6 4 3 2 1 Prime de risque vis-à-vis du Bund 1 ans pdb 1 4 1 2 1 8 6 4 2 2 18 16 14 12 1 8 6 4 2 Europe : ITraxx ans Italie Espagne Portugal (dr.) N 1/263 1 er septembre 21-6 -

indicateur d impact du Canal du crédit Les charges en capital réglementaire et les contraintes des ratios de liquidité ont limité l effet de réallocation du portefeuille des banques des titres souverains vers le crédit. La baisse de leur détention depuis juin s explique en partie par des effets de valorisation liés à la crise grecque. La variation des encours de crédit est mitigée, l amélioration initiale des crédits aux ménages a été plus tardivement suivie par celle des crédits aux entreprises. Mds 2 1 9 1 8 1 7 1 6 1 1 4 1 3 1 2 Zone euro : dettes souveraines - détention par les banques g.a., % 6 4 2-2 -4-6 Zone euro : variation des encours des crédits bancaires Entreprises Ménages La baisse graduelle des taux d intérêt sur les nouveaux prêts aux PME a pu se diffuser à la périphérie, mais s est interrompue récemment, et le coût réel (taux d intérêt nominal duquel on soustrait l inflation) du crédit reste élevé., 4, 4, 3, 3, 2, Zone euro : taux d'intérêt sur les nouveaux prêts aux PME solde d'opinions 3 3 2 2 1 1-1 Zone euro : enquête BLS - conditions de crédit aux entreprises 3 derniers mois 3 prochains mois Les enquêtes Bank lending surveys 1 (BLS) ne s améliorent plus, quant aux conditions de crédits attendues au cours des trois prochains mois, que ce soit au niveau des entreprises ou des ménages. solde d'opinions 3 2 2 1 1-1 Zone euro : enquête BLS - conditions de crédit immobilier Zone euro : enquête BLS - conditions de crédit à la consommation solde d'opinions 2 1 1-1 3 derniers mois 3 prochains mois 3 derniers mois 3 prochains mois 1 NB : pour les enquêtes BLS, une hausse de l indice illustre un durcissement des conditions de crédit. N 1/263 1 er septembre 21-7 -

8-11 12-11 4-12 8-12 12-12 4-13 8-13 12-13 4-14 8-14 12-14 4-1 8-1 Zone euro : indicateur d impact du Canal du taux de change La dépréciation de l euro, amorcée depuis août 214 et accélérée par la politique de rachats d actifs de la BCE, a été plus marquée face au dollar (19%) que face à l ensemble des devises (1%), ce qui en limite l impact sur l activité. L euro souffre de la dépréciation récente des devises émergentes et s apprécie plus que le dollar vis-à-vis de ces dernières (+2% depuis la mi-juillet). 1, 1,4 1,3 1,2 1,1 1, Taux de change - EUR/USD T1 1999 = 1 12 118 116 114 112 11 18 16 14 12 1 Zone euro : taux de change effectif nominal Canal du prix des actifs La forte remontée du cours des actions depuis l annonce de la mise en place du souverain permet des effets de richesse financière positifs, qui se sont néanmoins estompés avec la correction des bourses en août. La remontée des prix du logement reste circonscrite aux pays «core». 21=1 Zone euro : principaux cours boursiers 1 13 11 9 7 IBEX 3 MIB CAC 4 DAX 3 Source : Crédit Agricole S.A. 2 18 16 14 12 1 indice 27=1 1 14 13 12 11 1 99 98 97 96 9 Zone euro : prix de l'immobilier résidentiel N 1/263 1 er septembre 21-8 -

indicateur d impact du Canal des anticipations Les enquêtes auprès des entreprises et des consommateurs ont signalé une remontée certaine des perspectives d inflation, visible également dans les anticipations des marchés. Mais les incertitudes récentes sur la croissance du monde émergent ont désancré les anticipations. Solde d'opinions 3 2 2 1 1-1 Zone euro : perspectives d'inflation 62 6 8 6 4 2 48 46 2, 2,4 2,3 2,2 2,1 2, 1,9 1,8 1,7 1,6 1, Zone euro : inflation swap forward yy Sources : WM/Reuters, CA S.A. ESI PMI (dr.) L amélioration du climat des affaires et de la confiance des consommateurs, particulièrement dans les pays périphériques (Italie, Espagne), est signe du bon fonctionnement du canal des anticipations et de la crédibilité de la BCE, quant à sa volonté et à sa capacité à ranimer la croissance et l inflation. Les consommateurs sont néanmoins moins confiants depuis indice 12 11 11 1 1 9 9 8 8 Zone euro : climat des affaires Solde d'opinions 2 1-1 -2-3 -4 Zone euro : confiance des consommateurs Allemagne France Italie Espagne Pays-Bas Allemagne France Italie Espagne Pays-Bas Crédit Agricole S.A. Direction des Études Économiques 12 place des États-Unis 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille Rédacteur en chef : Jean-Louis Martin Documentation : Dominique Petit - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty, Véronique Champion-Faure Contact: publication.eco Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com ipad : application Etudes ECO disponible sur App store Android : application Etudes ECO disponible sur Google Play Cette publication reflète l opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l une de ses filiales ou d une Caisse Régionale. Crédit Agricole S.A. ne garantit ni l exactitude, ni l exhaustivité de ces opinions comme des sources d informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d informations soient réputées fiables. Ni Crédit Agricole S.A., ni une de ses filiales ou une Caisse Régionale, ne sauraient donc engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l utilisation des informations contenues dans cette publication. N 1/263 1 er septembre 21-9 -