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5. Matrices et systèmes linéaires Dans l ensemble de ce chapitre K désigne un ensemble qui peut-être Q, ou C. 5.1 Matrices rectangulaires 5.1.1 Définition Définition 5.1.1 Matrice. Soient (m,n) (N ) 2 et A = a (i,j ), une famille (i,j ) 1,m 1,n d éléments de K indexée par 1,m 1,n. On dit que A est une matrice à m lignes et n colonnes d éléments de K et on utilise la notation matricielle suivante : a 1,1 a 1,2 a 1,n a 2,1 a 2,2 a 2,n A =....... a m,1 a m,2 a m,n On omet très généralement les parenthèses pour les indices des éléments a i,j que l on appelle coefficients de la matrice A. Les entiers m et n sont apellés dimensions de la matrice A. Si K =, on parle de matrice réelle, si K = C, on parle de matrice complexe. Définition 5.1.2 Ensemble de matrices. L ensemble des matrices à m lignes et n colonnes est noté M m,n (K). Définition 5.1.3 Matrice colonne, matrice ligne. Les éléments de M m,1 (K) sont appelés matrices colonnes. Les éléments de M 1,n (K) sont appelés matrices lignes. Définition 5.1.4 Matrice nulle. Soit (m,n) (N ) 2. La matrice de M m,n (K) dont tous les coefficients sont nuls est appelée la matrice nulle de M m,n (K). S il n y a pas d ambigüité sur les dimensions de la matrice, la matrice nulle est notée 0, sinon on la note 0 m,n.

80 Chapitre 5. Matrices et systèmes linéaires 5.1.2 Opérations algébriques Définition 5.1.5 Addition. Soient (m,n) (N ) 2, A et B deux matrices de M m,n (K). La somme de A et B est la matrice C dont les coefficients c i,j vérifient : (i, j ) 1,m 1,n, c i,j = a i,j + b i,j. a 1,1 + b 1,1 a 1,2 + b 1,2 a 1,n + b 1,n a 2,1 + b 2,1 a 2,2 + b 2,2 a 2,n + b 2,n A + B =....... a m,1 + b m,1 a m,2 + b m,2 a m,n + b m,n La somme de deux matrices de dimensions différentes n est jamais possible! Cela n a tout simplement pas de sens. Propriété 5.1.1 ègles de calcul pour l addition. Soient A, B et C trois matrices de M m,n (K). On a les propositions suivantes : (i) (A + B) + C = A + (B + C) (Associativité) (ii) A + B = B + A (Commutativité) (iii) A + 0 m,n = 0 m,n + A = A (Élément neutre) (iv)!a M m,n (K), A + A = A + A = 0 (Opposé) Démonstration. Pour vérifier les trois premières propositions, il suffit de vérifier les égalités coefficients par coefficients. Cela découle alors directement des règles de calcul pour l addition dans K. Pour la dernière, on remarque que la matrice A définie par (i, j ) 1,m 1,n, a i,j = a i,j est bien l unique matrice qui vérifie la proposition. Définition 5.1.6 Multiplication par un scalaire. Soient (m,n) (N ) 2, A une matrice de M m,n (K) et λ K. Le produit de A par le scalaire λ est la matrice B dont les coefficients b i,j vérifient : (i, j ) 1,m 1,n, b i,j = λa i,j. λa 1,1 λa 1,2 λa 1,n λa 2,1 λa 2,2 λa 2,n λa =....... λa m,1 λa m,2 λa m,n Propriété 5.1.2 ègles de calcul pour la multiplication par un scalaire. Soient A et B deux matrices de M m,n (K), λ et µ deux éléments de K. 0 K et 1 K désignent le zéro et le un en tant qu éléments de K. On a les propositions suivantes : (i) λ(µa) = (λµ)a (Associativité) (ii) λ(a + B) = λa + λb (Distributivité) (λ + µ)a = λa + µa (iii) 0 K A = 0 m,n (Éléments neutres) 1 K A = A Définition 5.1.7 Multiplication de matrices. Soient (m,n, p) (N ) 3, A une matrice de M m,n (K) et B une matrice de M n,p (K). Le produit matriciel AB est la matrice C de M m,p (K)

5.1 Matrices rectangulaires 81 dont les coefficients c i,k vérifient : n (i,k) 1,m 1, p, c i,k = a i,j b j,k. j =1 Exercice 5.1 Soient A une matrice de M m,n (K) et B une matrice de M n,p (K). On note A i la matrice ligne correspondant à la i-ème ligne de la matrice A et B k la matrice colonne correspondant à la k-ème colonne de B. Calculer le produit A i B k. Que peut-on en déduire? Pour multiplier deux matrices à la main, on pose souvent la multiplication comme cidessous, la matrice A en bas à gauche, la matrice B en haut à droite, et le résultat en bas à droite. On considère ensuite les produits de chaque ligne de A avec une colonne de B. B : n lignes, q colonnes a 2,1 b 1,2 + +... + a 2,2 b 2,2 b 1,1 b 1,2... b 1,p b 2,1 b 2,2... b 2,p...... b n,1 b n,2... b n,p a 2,n b n,2 a 1,1 a 1,2... a 1,n a 2,1 a 2,2... a 2,n...... a m,1 a m,2... a m,n c 1,1 c 1,2... c 1,p c 2,1 c 2,2... c 2,p...... c m,1 c m,2... c m,p A : m lignes, n colonnes C = A B : m lignes, p colonnes Pour pouvoir multiplier deux matrices, il est nécessaire que le nombre de lignes de la deuxième matrice soit égal au nombre de colonnes de la première matrice.

82 Chapitre 5. Matrices et systèmes linéaires Exercice 5.2 On considère les matrices suivantes : A = 1 2 3, B = 1 0 1 1 0 0 1 1, C = 2 2 2 1 0 et D = 2 1 3. Quels sont les produits de deux matrices possibles à partir de ces quatre matrices? Calculer ces produits. Le produit de matrice est-il commutatif? Propriété 5.1.3 ègles de calcul pour la multiplication matriciel. Soient A et A deux matrices de M m,n (K), B et B deux matrices de M n,p (K), C une matrice de M p,q (K) et λ K. On a les propositions suivantes : (i) (λa)b = A(λB) = λ(ab) (Associativité avec le produit par un scalaire) (ii) A(BC) = (AB)C (Associativité) (iii) (A + A )B = AB + A B (Distributivité) A(B + B ) = AB + AB Démonstration. Il suffit de regarder les coefficients des matrices de chaque côté des égalités. La multiplication (à gauche ou à droite) de n importe quelle matrice par une matrice nulle de taille compatible donne une matrice nulle.

5.1 Matrices rectangulaires 83 5.1.3 Transposée Définition 5.1.8 Matrice transposée. Soit A = a i,j (i,j ) 1,m 1,n une matrice de M m,n(k). La transposée de A, notée t A, est la matrice de M n,m (K) telle que t A = a j,i (i,j ) 1,m 1,n. Définition 5.1.9 Transposition. Soit (m,n) (N ) 2. On définit l application transposée (ou transposition) comme suit : t : M m,n (K) M n,m (K) A t A. Exercice 5.3 Montrer que la transposition est une bijection. Exercice 5.4 Calculer la transposée de la matrice suivante : 2 1 34. 0 2 1 Propriété 5.1.4 Linéarité de la transposition. Soient A et B deux matrices de M m,n (K), λ et µ deux éléments de K. Alors : t (λa + µb) = λ t A + µ t B. Propriété 5.1.5 Transposition et produit matriciel. Soient A M m,n (K) et B M n,p (K). Alors : t (AB) = ( t B)( t A). Exercice 5.5 Démontrer les deux propriétés qui précèdent.

84 Chapitre 5. Matrices et systèmes linéaires 5.2 Matrices carrées 5.2.1 Définitions Définition 5.2.1 Matrice carrée. Une matrice carrée est une matrice dont le nombre de lignes est égal au nombre de colonnes. Définition 5.2.2 Ensemble de matrices carrées. Soit n N, l ensemble des matrices carrées à n lignes et n colonnes est noté M n (K). Définition 5.2.3 Coefficients diagonaux, matrice diagonale. Soit M M n (K) une matrice carrée. On appelle coefficients diagonaux de M, les coefficients m i,i pour tout i 1,n. Si tous les coefficients non diagonaux de M sont nuls, on dit que M est une matrice diagonale. On note alors M = Diag(m 1,1,...,m n,n ). 1 0 0 0 0 2 0 0 Exemple 5.1 M = est une matrice diagonale et M = Diag(1,2,0, 1). 0 0 0 0 0 0 0 1 Définition 5.2.4 Matrice identité. On appelle matrice identité de M n (K), la matrice diagonale de dimension n n dont les coefficients diagonaux sont tous égaux à 1. On note I n cette matrice. 1 0 0 Exemple 5.2 I 3 = 0 1 0. 0 0 1 Définition 5.2.5 Matrice triangulaire supérieure (resp. inférieure). Soit M M n (K), on dit que M est triangulaire supérieure (resp. inférieure) si pour tout 1 j i n, m i,j = 0 (resp. pour tout 1 i j n, m i,j = 0). Une matrice triangulaire est dite triangulaire stricte si tous ses coefficients diagonaux sont nuls. 1 2 3 0 0 0 Exemple 5.3 stricte. 0 2 1 0 0 1 5.2.2 Produit de matrices carrées est triangulaire supérieure. 2 0 0 1 1 0 est triangulaire inférieure Comme deux matrices carrées A et B de mêmes dimensions ont le même nombre de lignes et de colonnes, il est toujours possible de calculer les produits AB et BA. Exercice 5.6 Calculer AB, BA, AC et CA pour A = peut-on en conclure? 1 0, B = 0 0 0 0 et C = 0 1 0 1. Que 0 0

5.2 Matrices carrées 85 Propriété 5.2.1 Produit de matrices diagonales. Soient A et B deux matrices diagonales de M n (K), telles que A = Diag(λ 1,λ 2,...,λ n ) et B = Diag(µ 1,µ 2,...,µ n ). Alors, leur produit est donné par AB = Diag(λ 1 µ 1,λ 2 µ 2,...,λ n µ n ). Démonstration. On appelle C la matrice AB et on considère les coefficients c i,k = n a i,j b j,k. Comme A est diagonale, a i,j = 0 si i = j. De même pour B. Ainsi, si i = k, c i,k = a i,i b i,k +a i,k b k,k = 0 + 0 = 0. Si i = k, c i,i = a i,i b i,i = λ i µ i. Ce qui démontre la propriété. Propriété 5.2.2 Produit de matrices triangulaires supérieures (resp. inférieures). Soient A et B deux matrices triangulaires supérieures (resp. inférieures) de M n (K). Alors, leur produit AB est une matrice triangulaire supérieure (resp. inférieure). Démonstration. On appelle C la matrice AB. On a c i,k = n j =1 a i,j b j,k = i 1 j =1 j =1 a i,j b j,k + n a i,j b j,k = n a i,j b j,k car a i,j = 0 si j < i. Ainsi, si k < i alors k < j pour tout j i,n et b j,k = 0 pour tout j =i j i,n, d où c i,k = 0. 1 1 1 1 0 0 Exercice 5.7 Calculer le produit 0 1 1 1 1 0. 0 0 1 1 1 1 j =i Propriété 5.2.3 Produit avec l identité. Soit A M n (K), alors AI n = I n A = A. Plus généralement, soit B M m,n (K), alors I m B = BI n = B. Démonstration. Il suffit de regarder les coefficients des produits pour arriver au résultat. 5.2.3 Puissances d une matrice carrée Définition 5.2.6 Puissance d une matrice carrée. Soit M une matrice de M n (K). Alors, on pose M 0 = I n et pour tout k N, M k+1 = M M k = M k M. On appelle M k la k-ème puissance de M. 1 1 1 0 Exercice 5.8 Calculer (A + B) 2 et A 2 + 2AB + B 2 pour A = et B =. Que peut-on 0 1 1 1 en conclure? Comment peut-on développer la première expression?

86 Chapitre 5. Matrices et systèmes linéaires Propriété 5.2.4 Puissance d une transposée. Soient A M n (K) et k N, alors : t (A k ) = t A k. Propriété 5.2.5 Soient A et B deux matrices de M n (K) qui commutent, k et l deux entiers, alors : A k B l = B l A k. Démonstration. Les deux résultats précédents se montrent facilement par récurrence. Théorème 5.2.6 Binôme de Newton. Soient n N et (A,B) (M n (K)) 2 tel que AB = BA. On a : n (A + B) n n = A k B n k. k k=0 Démonstration. La démonstration suit exactement les mêmes étapes que celles du chapitre précédent. 5.2.4 Matrices symétriques et antisymétriques Définition 5.2.7 Matrice symétrique, matrice antisymétrique. Soit M une matrice de M n (K). On dit que M est symétrique si M = t M. On dit que M est antisymétrique si M = t M. Les coefficients diagonaux d une matrice antisymétrique sont tous nuls. En effet, les coefficients diagonaux d une matrice carrée sont égaux aux coefficients diagonaux de sa transposée, pour une matrice antisymétrique ils sont aussi opposés, donc nuls. Définition 5.2.8 Ensemble des matrices symétriques (resp. antisymétriques). L ensemble des matrices symétriques (resp. antisymétriques) de M n (K) est noté S n (K) (resp. A n (K)). Exercice 5.9 Soit A M m,n (K). Montrer que A t A et t AA sont bien définies et préciser leurs dimensions. Montrer, de plus, que ces matrices sont symétriques. Exercice 5.10 Soient A et B deux matrices symétriques de même dimensions. Montrer que A et B commutent si, et seulement si, AB est symétrique.

5.2 Matrices carrées 87 5.2.5 Matrices inversibles Définition 5.2.9 Matrice inversible. Soit A M n (K). On dit que A est inversible s il existe B M n (K) telle que AB = BA = I n. Un tel B est appelé un inverse de A. La matrice nulle 0 n M n (K) n est clairement pas inversible. En effet, pour tout B M n (K), B 0 n = 0 n B = 0 n = I n. Définition 5.2.10 Ensemble des matrices inversibles. L ensemble des matrices inversibles de M n (K) est noté GL n (K). La notation GL n (K) vient de l expression «groupe linéaire». C est un terme d algèbre issue de la théorie des groupes. Propriété 5.2.7 Unicité de l inverse. Soit A M n (K) inversible, alors A possède un unique inverse. On note cet inverse A 1. Démonstration. Si B et C sont deux inverses de A, alors AB = BA = I n et AC = CA = I n. Ainsi CAB = (CA)B = I n B = B mais également CAB = C(AB) = CI n = C. D où B = C. Propriété 5.2.8 Inverse à gauche ou à droite. Soient A,B M n (K). Les propositions suivantes sont équivalentes. (i) (ii) (iii) AB = I n BA = I n B = A 1 Démonstration. L implication de (iii) vers (i) et de (iii) vers (ii) découle de la définition. Les implications réciproques sont, pour l instant, admises. Propriété 5.2.9 ègles de calculs pour l inverse. Soient A et B deux matrices inversibles de GL n (K), λ K et k N. On a les propositions suivantes : (i) A 1 est inversible et (A 1 ) 1 = A. (ii) AB est inversible et (AB) 1 = B 1 A 1. (iii) λa est inversible et (λa) 1 = 1 λ A 1. (iv) A k est inversible et (A k ) 1 = (A 1 ) k. (v) t A est inversible et ( t A) 1 = (A 1 ) t. Démonstration. Il suffit de vérifier que les inverses des propositions vérifient la définition de l inverse. Exercice 5.11 Soit A, B et C trois matrices inversibles dans GL n (K). Donner la matrice inverse du produit ABC.

88 Chapitre 5. Matrices et systèmes linéaires a Propriété 5.2.10 Inverse d une matrice carrée d ordre 2. Soit M = c M est inversible si et seulement si ad bc = 0 et sont inverse est donné par : d Démonstration. On pose M = c M 1 1 d = ad bc c b. a b d M 2 (K). Alors b. En posant le produit, on trouve M M = (ad bc)i 2. a Si ad bc = 0, on voit directement que M est inversible, d inverse M 1 = 1 ad bc M. Si ad bc = 0, on a M M = 0 2. On suppose par l absurde que M est inversible. On a alors, M 1 M M = M 1 0 2 = 0 2, mais également M 1 M M = I 2 M = M. D où M = 0 2. Par identification, cela donne que chacun des coefficients de M est nul et donc M est la matrice nulle et n est donc pas inversible, CQFD. 5.2.6 Culture G : Google et Pageank Alors qu ils étaient en train de travailler sur leurs doctorats à l université de Stanford, Larry Page et Sergey Brin développent en 1996 l algorithme Pageank. Cet algorithme est à la base du moteur de recherche Google. Il permet de classer les pages internet qui correspondent à une recherche donnée. L ordre résultant s est révélé bien plus pertinent que celui proposé par les autres moteurs de recherche à l époque, ce qui a grandement contribué à l essor de Google. Par rapport aux algorithmes utilisés par les moteurs de recherche antérieurs, l algorithme Pageank utilise des mathématiques bien plus complexes, mais tout à fait à la portée d un étudiant en ECS! Et c est ça qui fait sa force. Sans rentrer dans le détail de cet algorithme, on présente les bases sur lesquelles il repose. On considère toutes les pages qui correspondent à une recherche donnée, par exemple, toutes les pages contenant les expressions «mathématiques», «ECS»et «Dupuy de Lôme». On imagine qu un utilisateur part de n importe laquelle de ces pages et clique de manière aléatoire sur un lien qui mène d une page à une autre page (parmi les mêmes résultats), et répète ce processus indéfiniment. Ceci peut se modéliser en mathématiques par une marche aléatoire sur un graphe orienté fini qui représente les résultats. Un graphe orienté, c est un objet mathématique qui consiste en un ensemble de nœuds, qui sont mis en relations entre eux par un ensemble de flèches. Voici un exemple d un graphe orienté fini : Un graphe N 1 N 2 0 0 0 1 1 0 1 1 et sa matrice d ajacence M = 0 1 0 0. N 4 N 3 1 0 1 0 Pour savoir quelle est la probabilité qu un utilisateur se trouve sur une certaine page après avoir cliqué n fois, il faut considérer les chemins de taille n du graphe. Pour ce faire, on passe à la matrice adjacence du graphe. La coordonnée m i,j correspond aux nombres de flèches du nœud N i vers le nœud N j (ci-dessus, la matrice d adjacence du graphe en exemple). La raison pour laquelle on considère cette matrice, c est parce que la coordonnée (i, j ) de la matrice M n donne le nombre de chemins de taille n qui partent de N i pour arriver à N j. Ceci ce vérifie facilement par récurrence. C est donc en calculant la puissance n-ième d une matrice que l on peut connaître la probabilité P i,n que l utilisateur se trouve sur une la page N i, après avoir cliqué n fois. Le principe du Pageank repose sur le fait que P i,n tend vers une limite finie P i quand n tend vers l infini. Les pages présentées par Google sont ensuite simplement classées par ordre décroissant de probabilité P i.

5.3 Systèmes linéaires 89 5.3 Systèmes linéaires 5.3.1 Définitions Définition 5.3.1 Système linéaire. Soient m,n N, a i,j 1 i m et (b i ) 1 i m deux familles d éléments de K. On appelle système linéaire de m équations à n inconnues x 1, x 2,..., x n, 1 j n de coefficients a i,j et de second membre (bi ), le n-uplet d équations linéaires suivant : a 1,1 x 1 + a 1,2 x 2 + + a 1,n x n = b 1 a 2,1 x 1 + a 2,2 x 2 + + a 2,n x n = b 2 (S) :... a m,1 x 1 + a m,2 x 2 + + a m,n x n = b m Définition 5.3.2 Solutions d un système. Soit (S) un système linéaire, on appelle solution de (S) tout n-uplet (x 1, x 2,..., x n ) qui est solution des équations de (S). ésoudre le système (S), c est déterminer l ensemble des solutions S de (S). Un système est dit résoluble si S =. Définition 5.3.3 Système homogène associé. Soit (S) un système linéaire, on appelle système homogène associé le système linéaire (S 0 ) dont les coefficients sont identiques à (S) et dont le second membre est nul (i.e. tous les b i sont nuls). Définition 5.3.4 Systèmes équivalents. Soient (S) et (S ) deux systèmes linéaires, on dit qu ils sont équivalents si leurs ensembles de solutions S et S sont égaux. Propriété 5.3.1 Écriture matricielle. Soit (S) un système linéaire défini comme précédem- ment. On pose A = a i,j 1 i m M m,n (K), B = (b i ) 1 i m M m,1 (K) et X = 1 j n x 1. x n M n,1 (K). Alors A est appelée la matrice de (S), B est appelé le vecteur second membre de (S) et on a l équivalence : (S) AX = B. Démonstration. C est immédiat via la définition du produit matriciel. 5.3.2 Opérations élémentaires Définition 5.3.5 Opérations élémentaires sur les lignes. Soient (S) un système linéaire et L 1,...,L m ses lignes. On appelle opération élémentaire sur les lignes de (S) toute opération d un des types suivants : (i) L i L j. (échange de lignes) (ii) L i αl i où α K. (multiplication par un scalaire non nul) (iii) L i L i + βl j où i = j. (addition d un multiple d une ligne à une autre) Théorème 5.3.2 Soient (S) un système linéaire et (S ) un système linéaire obtenu par opérations élémentaires successives. Alors (S) et (S ) sont équivalents. Démonstration. Pour démontrer le théorème, il suffit de montrer que c est le cas pour un système (S ) obtenu après une seule opération élémentaire, pour chacun des trois types d opérations élémentaires différentes. En effet, la transitivité de l équivalence de systèmes permet ensuite de conclure pour un système (S ) obtenu par opérations élémentaires successives.

90 Chapitre 5. Matrices et systèmes linéaires Pour cela, il suffit de voir que, pour tout (x 1,..., x n ) K n : (i) ai,1 x 1 + + a i,n x n = b i a j,1 x 1 + + a j,n x n = b j a j,1 x 1 + + a j,n x n = b j a i,1 x 1 + + a i,n x n = b i (ii) a i,1 x 1 + + a i,n x n = b i α(a i,1 x 1 + + a i,n x n ) = αb i (iii) ai,1 x 1 + + a i,n x n = b i a j,1 x 1 + + a j,n x n = b j (ai,1 + βa j,1 )x 1 + + (a i,n + βa j,n )x n = b i + βb j a j,1 x 1 + + a j,n x n = b j C est facile à voir, puisque pour chacune de ces opérations, on a une opération inverse : L i L j, L i 1 α L i et L i L i βl j. En combinant les deux derniers types d opérations élémentaires, on obtient une opération L i αl i + βl j où α = 0 et i = j qui transforme (S) en un système linéaire équivalent. Les opérations peuvent être réalisées sur les systèmes comme sur les écritures matricielles associées aux systèmes. On se concentrera principalement sur les écritures matricielles. 5.3.3 Méthode du pivot de Gauss Définition 5.3.6 Matrice échelonnée, système échelonné. Soit A = a i,j 1 i m M m,n(k). 1 j n On dit que A est échelonnée si, pour tout k 1,m, dès que les k premiers éléments d une ligne sont nuls, les k + 1 premiers éléments des lignes suivantes sonts nuls. Un système est dit échelonné si sa matrice associée est échelonnée. Exercice 5.12 Entourer les matrices échelonnées. 1 2 0 0 0 2 0 0 0 0 0 1 1 2 0 0 0 2 0 0 0 2 0 1 1 2 0 0 0 0 0 1 0 0 2 1 1 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Théorème 5.3.3 Pivot de Gauss. Tout système linéaire est équivalent à un système échelonné. Démonstration. On se ramène au cas des matrices échelonnées et on montre le résultat par récurrence sur le nombre de lignes de ces matrices. - Pour m = 1, il s agit d une matrice à une seule ligne et elle est déjà échelonnée. - On suppose le résultat vrai pour un certain m 1 et on considère une matrice A à m + 1 lignes et n colonnes. On a alors trois cas distincts. CAS 1 : a 1,1 = 0. Dans ce cas, les opérations successives L i L i a i,1 a 1,1 L 1 pour tout 2 i m transforme la matrice A en une matrice A dont tous les coefficients de la première colonne, excepté a 1,1 sont nuls :

5.3 Systèmes linéaires 91 a 1,1 a 1,2 a 1,n a 2,1 a 2,2 a 1,n... a m+1,1 a m+1,2 a m+1,n L 2 L 2 a 2,1 a 1,1 L 1 L m+1 L m+1 a m+1,1 a 1,1 L 1 a 1,1 a 1,2 a 1,n 0 a 2,2 a 1,n... a m+1,1 a m+1,2 a m+1,n a 1,1 a 1,2 a 1,n 0 a2,2 a1,n... L 3 L 3 a 3,1 a 1,1 L 1 0 am+1,2 am+1,n a2,2 a1,n La matrice A =.. possède m lignes, on peut donc lui appliquer l hypothèse am+1,2 am+1,n de récurrence, ce qui permet de conclure. CAS 2 : a 1,1 = 0 et il existe 2 i m tel que a i,1 = 0. Dans ce cas, on fait l opération L 1 L i et on se ramène au premier cas. CAS 3 : a i,1 = 0 pour tout 1 i m. Alors, si A n est pas la matrice nulle, on considère la première colonne C j dont un des coefficients est non nul et on se retrouve dans le même type de configurations que précédemment en ignorant les j 1 colonnes nulles de la matrice. Si A est la matrice nulle, il n y a rien à faire puisqu elle est déjà échelonnée. La méthode détaillée dans la démonstration qui permet d aboutir à un système échelonné est connue comme la méthode du pivot de Gauss. C est un algorithme que vous pourrez voir en informatique. Exercice 5.13 Pour chacun des systèmes suivants, donner un système échelonné équivalent. 2x + 2y z = 5 2x + 6y z = 5 (S 1 ) : 3x + 3y + 7z = 7 (S 2 ) : x + 3y + 7z = 7 x + 3y + 2z = 4 x + 3y + 2z = 4 x y + z t = 1 3x 2y + z = 5 (S 3 ) : 2x + 2y 6z + 3t = 3 3y 6z + 2t = α

92 Chapitre 5. Matrices et systèmes linéaires

5.3 Systèmes linéaires 93 5.3.4 ésolution d un système échelonné Théorème 5.3.4 ésolution d un système échelonné. Soient (S) un système linéaire échelonné, A la matrice associée à (S) et r 0,m le nombre de lignes non nulles de A. Alors (S) est résoluble si, et seulement si, b i = 0 pour tout r + 1 i m. Si (S) est résoluble alors S s exprime comme un ensemble à n r paramètres. En particulier, si n = r, le système (S) possède une unique solution. Démonstration. Cette démonstration est admise pour le moment, en voici l idée générale. Si b i = 0 pour un i r + 1,m alors le système n est pas résoluble et S =. Si b i = 0 pour tout r + 1 i m, alors le système est équivalent au système consistant uniquement des r premières lignes de (S). On résoud ce système en cascade, en partant par le bas et la droite. Les r variables x j, j correspondant à l indice du premier terme non nul pour chacune des lignes du système, sont exprimées en fonction des n r variables restantes x j et que l on nomme paramètres. Exercice 5.14 ésoudre les systèmes de l exercice précédent.

94 Chapitre 5. Matrices et systèmes linéaires 5.3.5 Système de Cramer Définition 5.3.7 Système de Cramer. Soit (S) un sytème linéaire avec les mêmes notations que précédemment. On dit que (S) est de Cramer si m = n et que la matrice associée A est inversible. Théorème 5.3.5 Existence et unicité de la solution. Soit (S) : AX = B un système de Cramer. Alors (S) possède une unique solution et X = A 1 B. Démonstration. Si (S) est de Cramer alors A est inversible et on a A(A 1 B) = I n B = B d où A 1 B est solution du système. De plus, si X est une solution du système, on a A 1 (B) = A 1 (AX) = I n X = X. Théorème 5.3.6 Inversibilité d une matrice. Soit A une matrice de M n (K). A est inversible si, et seulement si, pour tout Y M n,1, le système AX = Y possède une unique solution. Démonstration. L implication directe correspond au théorème précédent. Pour montrer la réciproque, il suffit de considérer Y = E i comme dans le théorème qui suit. Théorème 5.3.7 Inversion de matrice. Soit A une matrice une matrice inversible de GL n (K) alors la i-ème colonne de A 1 est donnée par la solution du système (S i ) : AX = E i où E i M n,1 (K) et tous ses coefficients sont nuls, excepté celui de sa i-ème ligne qui vaut 1. Démonstration. Il suffit de regarder le produit AA 1 = I n et de remarquer que les colonnes de I n sont les E i. En pratique, on trouve l inverse d une matrice A en faisant la résolution simultanée de tous ces systèmes. Considérer un système AX = I n, où X est une matrice inconnue de dimension n n, revient à considérer simultanément n systèmes AX i = E i ou X i est une matrice colonne inconnue de taille n 1. On commence donc par faire des opérations sur le système AX = I n jusqu à obtenir un système échelonné équivalent A X = B. Si ce système n est pas résoluble alors la matrice n est pas inversible, sinon la matrice est inversible. Dans ce cas, on continue les opérations jusqu à obtenir un système équivalent I n X = B. Mais cela signifie que l on a trouvé une solution X = B et donc que A 1 = B. AX = I n A X = B I n X = B donc A 1 = B. Propriété 5.3.8 Soit A une matrice triangulaire supérieure alors A est inversible si, et seulement si, tous ses coefficients diagonaux sont non nuls. Démonstration. Si tous les coefficients diagonaux de A sont non nuls, alors A est échelonnée et l on se situe dans le cas n = r du théorème de résolution d un système échelonné. Si un des coefficients diagonaux est nul, alors on peut se ramener à un systèmé échelonné pour lequel n r 1. Dans les deux cas, on conclut via le théorème d inversibilité. Propriété 5.3.9 Soit A = Diag(λ 1,...,λ n ) une matrice diagonale, alors A est inversible si, et seulement si, chacun de ses termes diagonaux est non nul et dans ce cas A 1 = Diag( 1 λ 1,..., 1 λ n ). Démonstration. L inversibilité est un corollaire du résultat précédent. On vérifie la formule en utilisation la propriété de multiplication de matrices diagonales.

5.3 Systèmes linéaires 95 Exercice 5.15 Montrer que les matrices suivantes sont inversibles et déterminer leurs inverses. 2 3 1 1 4 7 2 4 A = 2 6 3 2 1 1 0 1 5 2 2 1 6 2 3 0 B = 0 0 1 2 0 0 1 1 3 0 0 0 0 2 0 0 C = 0 0 1 0 0 0 0 4