Prévention des récidives fracturaires ostéoporotiques Combien de temps traiter les femmes ménopausées?



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Transcription:

Prévention des récidives fracturaires ostéoporotiques Combien de temps traiter les femmes ménopausées? n L ostéoporose est une maladie fréquente, en particulier après la ménopause. Sa complication principale est la fracture. On estime à 40 % la proportion des femmes qui, après la ménopause, vont présenter au moins une fracture ostéoporotique avant la fin de leur vie. Pr Hubert Blain* Introduction Récemment, les fractures ostéoporotiques ont été différenciées en fonction de leur pronostic : les fractures majeures : fractures du bassin, du fémur distal, du tibia proximal, de 3 côtes ou plus simultanément et de l humérus proximal, ces fractures étant associées à un risque accru de mortalité ; les fractures mineures : toutes les autres fractures et du poignet en particulier, ces fractures n étant pas associées à un risque accru de mortalité (1). Les fractures majeures doivent faire l objet d une attention toute particulière et probablement d un traitement prolongé car elles témoignent de la présence d une fragilité osseuse profonde et d un risque tout particulier de nouvelles fractures et de complications graves. Tous les traitements anti-ostéoporotiques abordés ci-dessous sont commercialisés pour prévenir les fractures chez des sujets à haut risque de fracture, c est-à-dire ayant une ostéoporose compliquée ou non de fractures. Au- * Pôle Gériatrie, Centre Antonin Balmes, CHU de Montpellier cune étude n a comparé l efficacité antifracturaire des molécules, celles-ci réduisant de 30 à 70 % à 3 à 5 ans l incidence des fractures, vertébrales pour tous et non vertébrales pour certains. Après une séquence thérapeutique de 3 à 5 ans (période pendant laquelle leur efficacité antifracturaire est prouvée dans les études pivot) se pose la question d entamer une seconde séquence thérapeutique ou d arrêter le traitement. Un certain nombre de données récentes permettent d aider le clinicien à faire ce choix avec leurs patientes, ce choix reposant sur 3 critères : la durée de la démonstration de l effet antifracturaire versus placebo, à travers les études pivots et d extension des molécules ; la rémanence d effet du traitement après son arrêt ; la tolérance osseuse et générale au long cours des molécules. WILLSIE - istockphoto Repères en Gériatrie Mai 2012 vol. 14 numéro 118 143

Durée de la démonstration de l effet antifracturaire versus placebo dans les études pivots et d extension Les biphosphonates Alendronate L efficacité de l alendronate sur les fractures vertébrales et non vertébrales est de 4 ans (2). L étude FLEX a évalué l intérêt de poursuivre l alendronate versus placebo pendant 5 années après 5 ans de traitement. Cette étude a exclu les femmes ayant une densité minérale osseuse (DMO) basse après la première séquence thérapeutique de 5 ans (Tscore inférieur à 3.5) et ayant vu leur densité minérale osseuse de hanche baisser significativement au cours de la première séquence thérapeutique. Cette étude montre que 5 années de placebo, contrairement à la poursuite du traitement, entraîne un déclin de DMO au niveau de la hanche et du rachis, la DMO à 10 ans restant cependant supérieure à la DMO mesurée 10 ans auparavant suggérant un effet osseux rémanent sur la densité minérale de l alendronate. Le risque de fracture clinique reste significativement réduit après dix ans de traitement versus 5 ans pour les fractures vertébrales cliniques mais pas pour les fractures non vertébrales (3). A l inverse, d autres analyses montrent une réduction du risque de fracture non vertébrale sous alendronate 10 ans versus 5 ans chez les femmes à densité osseuse basse (Tscore inférieur à 2.5) (4). L effet antifracturaire vertébral de l alendronate est plus important chez les femmes ayant une DMO basse après 5 ans de traitement et chez les patientes ayant présenté dans leurs antécédents une fracture vertébrale. L analyse des biopsies osseuses ne montre pas d anomalie particulière après un traitement de 10 ans par alendronate (3). Au total, les études d extension avec l alendronate suggèrent la poursuite de l effet sur la densité osseuse, les fractures vertébrales et non vertébrales pour une population à haut risque de fracture grave après la première séquence de 5 ans, c est-à-dire les femmes ayant eu une fracture majeure dans le passé, vertébrale en particulier, et ayant une densité osseuse basse (au moins inférieure à 2.5) en fin de première séquence de 4 à 5 ans d alendronate. Risédronate Si les études pivots ont montré un effet antifracturaire vertébral et non vertébral du risédronate à 3 ans, d autres études ont montré une poursuite à 5 et 7 ans de la diminution du risque de fracture vertébrale en parallèle d un gain de densité osseuse (5, 6). Après l arrêt d un an du risédronate, on observe un retour des marqueurs du remodelage et de la densité osseuse au niveau initial suggérant une moindre rémanence osseuse du risédronate par rapport à l alendronate. Cependant, on observe une dissociation entre la poursuite de l efficacité antifracturaire vertébrale et la diminution rapide des marqueurs de remodelage de la densité minérale osseuse à l arrêt du risédronate suggérant un effet de cette molécule indépendamment du niveau de remodelage et de la densité osseuse (7). L acide zolédronique L acide zolédronique injecté tous les ans en intraveineux (5 mg) a montré son efficacité antifracturaire vertébrale et non vertébrale à 3 ans (8). C est la seule molécule ayant montré une efficacité à réduire significativement le risque de nouvelle fracture après fracture de hanche, qu il s agisse des fractures non vertébrales et vertébrales cliniques (9). Récemment viennent d être publiées des données d efficacité. Après une séquence de 3 ans d acide zolédronique, l étude d extension HORI- ZON PFT a testé l effet de donner un placebo pendant 3 ans (Z3P3) ou poursuivre l acide zolédronique 3 ans de plus (Z6). On assiste à une poursuite de l augmentation de la DMO dans le groupe Z6 alors que la DMO baisse dans le groupe Z3, la différence entre les deux groupes à 6 ans étant significative. Le critère secondaire de cette étude était l analyse des fractures vertébrales. Cette étude montre une réduction de 52 % de l incidence des fractures vertébrales dans le groupe Z6 par rapport au groupe Z3P3. En parallèle, les marqueurs de remodelage restent relativement stables sous placebo ou acide zolédronique à 6 ans, suggérant un effet rémanent osseux à 6 ans de l acide zolédronique. Cependant, à aucun moment le niveau des marqueurs de remodelage n atteint un niveau inférieur au niveau de remodelage observé avant la ménopause, ce qui est rassurant quant à la tolérance osseuse de l acide zolédronique (10). L ibandonate L ibandronate n ayant pas montré d efficacité antifracturaire nonvertébrale, il ne fait plus l objet d un remboursement dans l ostéoporose. Ainsi, les bisphosphonates maintiennent leur efficacité antifracturaire, vertébrale en particulier, lors d une deuxième séquence 144 Repères en Gériatrie Mai 2012 vol. 14 numéro 118

Prévention des récidives fracturaires ostéoporotiques thérapeutique chez les femmes à risque de fracture en fin de première séquence (DMO basse en fin de séquence, antécédent de fracture grave dans les antécédents). La tolérance osseuse au long cours des bisphosphonates semble bonne, l effet rémanent osseux de l acide zolédronique semblant plus important que celui de l alendronate lui-même plus élevé que celui du risédronate. Ranélate de strontium Le ranélate de strontium a montré son efficacité antifracturaire vertébral et non vertébral à 5 ans. A 10 ans, l incidence annuelle des fractures vertébrales et non vertébrales reste stable pour les années 6 à 10 par rapport aux 5 premières années montrant la poursuite d efficacité de ce traitement au long cours (11). Raloxifène Le raloxifène prévient les fractures vertébrales à 4 ans chez la femme ménopausée de moins de 70 ans à risque mais n a pas d effet sur la réduction des fractures non vertébrales (12). Cet effet sur les fractures vertébrales se poursuit à 5,6 ans en moyenne et l effet sur la densité osseuse se poursuit sur 7 ans (13). L effet du raloxifène semble peu rémanent, avec une diminution significative de la densité minérale osseuse après un an d arrêt (14). Tériparatide Le tériparatide réduit significativement l incidence des fractures vertébrales chez la femme ayant déjà une fracture vertébrale et a une autorisation de mise sur le marché et un remboursement pendant 18 mois dans cette indication (20 µg sous-cutané par jour) (15), même si son effet sur la densité osseuse se poursuit sur 24 mois (16). De par sa galénique (sous-cutanée) et son prix, le tériparatide est réservé aux patientes ayant au moins 2 fractures vertébrales prévalentes. A l arrêt du tériparatide, on note une baisse significative et rapide de la densité osseuse de hanche, ce qui justifie un relais après la séquence de 18 mois, en particulier par biphosphonates (17, 18). Dénosumab Ce traitement injecté tous les 6 mois en sous-cutané (60 mg) réduit l incidence des fractures vertébrales et non vertébrales à 3 ans (19). A 4 ans, il garde un effet sur la densité minérale osseuse (20). Après 2 ans de traitement, l arrêt du traitement pendant 2 ans entraîne une baisse de DMO ne revenant cependant pas à la densité antérieure, suggérant un effet rémanent osseux modéré, le remodelage étant lui réaccéléré dès le 3 e mois d arrêt du traitement, avec un retour au remodelage antérieur en 48 mois (21). Tolérances osseuses et générales des traitements antiostéoporotiques au long cours Effets indésirables osseux et extraosseux des traitements ostéoporotiques Biphosphonates Tolérance digestive La tolérance au long cours des biphosphonates est satisfaisante. S il a été suspecté initialement que les biphosphonates puissent augmenter le risque de cancer digestif et en particulier de cancer œsophagien, cette hypothèse a été abandonnée (6, 13). Tolérance osseuse - Fractures atypiques fémorales : la prescription de biphosphonates est associée à un risque accru de fractures atypiques fémorales. Le trait de fracture se situant alors sous le petit trochanter et au-dessus des condyles fémoraux. Ces fractures apparaissent lors d un traumatisme à basse énergie ou spontanément (prodrome à type de douleurs précédant la fracture). Le trait de fracture est transversal ou oblique avec un angle inférieur à 30. Les fractures doivent aller d une corticale à l autre ou affecter uniquement une corticale externe. Il doit s agir d une fracture non comminutive, avec un trait net, ce qui les différencie des fractures habituelles des sujets âgés. Les fractures sur prothèse et tumeurs sont exclues (22). Il s agit cependant de fractures très rares. Girgis a récemment observé 59 fractures atypiques sur 12 000 fractures annuelles en 2008 en Suède. 70 % de ces fractures atypiques apparaissent sous biphosphonates. Après arrêt des biphosphonates, le risque diminue de 70 % par an. Si cette complication est très rare, elle est une indication absolue à arrêter le biphosphonate (23). - Ostéonécrose de la mâchoire : le lien entre les biphosphonates et l apparition d une ostéonécrose de la mâchoire est démontré même si cette complication est très rares(24). Les biphosphonates pourraient réduire la défense contre les bactéries aérobise en cas d avulsion dentaire, favorisant l ostéorésorption et la nécrose osseuse alvéolaire (25). Ces données incitent donc à faire un examen bucco-dentaire avant de débuter un traitement par biphosphonates, puis tous les ans, et, en cas de nécessité, à effectuer une avulsion dentaire et attendre la cicatrisation complète de la muqueuse avant de débuter le traite- Repères en Gériatrie Mai 2012 vol. 14 numéro 118 145

ment. Ces données suggèrent aussi de réaliser les avulsions dentaires sous antibiotiques anti-anaérobie en cas de prise de biphosphonates. En cas d ostéonécrose de la mâchoire avérée, il convient de stopper les biphosphonates si possible (recommandations de l Afssaps). Ces deux complications osseuses des biphosphonates, à savoir les fractures fémorales atypiques et l ostéonécrose de la mâchoire, doivent être connues car elles indiquent l arrêt des bisphosphonates. Cependant, leur rareté ne doit pas faire reconsidérer la balance favorable des biphosphonates chez les sujets à risque de fracture ostéoporotique. Ranélate de strontium En septembre 2011, le ranélate de strontium n est indiqué qu en cas d échec ou de contre-indication des bisphosphonates et chez les femmes ménopausées ostéoporotiques à risque de fracture n ayant pas de risque de thrombose veineuse. Le 1 er janvier 2012, le taux de remboursement passe de 65 à 35 %. L Afssaps recommande de restreindre l emploi du ranélate de strontium aux patients de moins de 80 ans ayant une contre-indication ou une intolérance aux biphosphonates et à risque élevé de fracture et d informer les patients sur l arrêt impératif en cas d éruption cutanée (possible réaction immuno-allergique de type DRESS). Raloxiphène Le risque thromboembolique veineux est, comme pour le ranélate de strontium, une contre-indication au raloxiphène. Le denosumab Le denosumab s accompagne, comme les biphosphonates, d un risque d ostéonécrose de la mâchoire ; ce traitement devra être arrêté lors de ce diagnostic. Effets positifs extraosseux des traitements ostéoporotiques Raloxifène Chez les patientes prenant pendant 8 ans du raloxifène pour une ostéoporose trabéculaire, on observe une diminution de l incidence des cancers mammaires invasifs. La tolérance endométriale est satisfaisante (26). Dans un contexte de risque de cancer du sein, il peut donc être proposé de poursuivre le raloxifène chez les femmes à risque de fracture vertébrale dans une durée supérieure aux 4 ans de l étude pivot et auments multiples (27). Ces études suggérant des effets extra-osseux des biphosphonates demandent cependant confirmation. Les études pivots suggèrent une efficacité anti-fracturaire pendant 3 à 5 ans en fonction des molécules. Chez qui proposer d interrompre ou poursuivre le traitement après une première séquence thérapeutique? On peut recommander d interrompre le traitement après une séquence thérapeutique de 5 ans chez les femmes ménopausées : en l absence de fracture sévère avant de débuter la séquence thérapeutique ; en l absence de fracture sous traidelà des 7 ans de l étude CORE. Il faut cependant garder en mémoire le risque thromboembolique veineux qui correspond à une contreindication à ces traitements. Biphosphonates L étude de Lyles et al. en 2007 a pour la première fois montré une réduction de 28 % du risque de décès sous acide zolédronique prescrit dans les suites d une fracture de l extrémité supérieure du fémur et cela indépendamment du risque de refracture suggérant un effet possiblement extra-osseux des biphosphonates sur la mortalité (9). Plus récemment, Center et al. ont montré une réduction significative de la mortalité sous biphosphonates chez des femmes à haut risque de fracture par rapport aux femmes n ayant pas pris ce traitement et cela après ajustetement (il faut tout particulièrement rechercher les fractures vertébrales en cas de perte incidente de taille supérieure au moins de 2 cm pendant la séquence thérapeutique ; dans ce cas, il convient d effectuer une radiographie du rachis) (28) ; en l absence de nouveau facteur de risque de fracture et en l absence de diminution significative de la densité osseuse et en cas de Tscore supérieur à 3 en fin de séquence thérapeutique. On peut proposer d entamer une deuxième séquence thérapeutique de 4 à 5 années de traitement anti-ostéoporotique en présence d au moins un des facteurs suivants : en présence d un antécédent de fracture sévère avant le début du traitement ; 146 Repères en Gériatrie Mai 2012 vol. 14 numéro 118

Prévention des récidives fracturaires ostéoporotiques en présence d une fracture sous traitement ; en cas d apparition d un ou plusieurs nouveaux facteurs de risque de fracture ; en cas de diminution significative de la densité minérale osseuse sur l un des deux sites, vertébral ou fémoral ; de persistance d un Tscore inférieur ou égal à 3 en fin de séquence thérapeutique. Conclusion Nous disposons actuellement de plusieurs traitements ayant montré leur capacité à réduire rapidement et significativement le risque de fracture vertébrale et de fracture non vertébrale chez la femme ménopausée. Les études pivots suggèrent une efficacité antifracturaire pendant 3 à 5 ans en fonction des molécules et les études d extensions à plus long cours suggèrent l intérêt d envisager une seconde séquence thérapeutique chez les femmes les plus à risque de fracture, c est-à-dire ayant dans leurs antécédents une fracture sévère, ayant une DMO basse ou une baisse de densité osseuse après la première séquence thérapeutique, ou ayant de nouveaux facteurs de risque de fracture. Cette décision sera discutée avec la patiente, tenant compte des effets positifs et négatifs osseux et extraosseux des différents traitements et de leur rémanence d effets. n Mots-clés : Ostéoporose, Fractures ostéoporotiques, Récidives, Ménopause, Prévention Bibliographie 1. Bliuc D, Nguyen ND, Milch VE et al. Mortality Risk Associated With Low- Trauma Osteoporotic Fracture and Subsequent Fracture in Men and Women. JAMA 2009 ; 301 : 513-21. 2. Libermann UA, Weiss SR, Broll J et al. 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