Collège des Enseignants de Médecine & de Chirurgie Vasculaire



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Diagnostiquer un anévrysme de l'aorte, identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge, argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient, décrire les principes de la prise en charge au long cours. Ce chapitre concerne les modules et items suivants du programme des enseignements de la 2 ème partie du 2 ème cycle des études médicales : Module 9 : Athérosclérose hypertension thrombose Item 131 Module 7 : Santé et environnement Maladies transmissibles Item 105 Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique de la plainte du patient à la décision thérapeutique Urgences. Item 195 Item 200 Il peut concerner également les items 205, 208, 215, 250, 306, 315, 323. I Généralités Définition Un anévrysme artériel se définit comme une dilatation focale et permanente dont le diamètre est supérieur à une fois et demi le diamètre normal de l'artère. En pratique, une aorte abdominale sousrénale est considérée comme anévrismale à partir d'un diamètre de 3 cm et une artère iliaque commune à partir de 1,8 cm. Sont exclus de cette définition, les faux-anévrysmes anastomotiques ou post-traumatiques (la paroi de ces faux anévrysmes n'est pas constituée par du tissu artériel mais par une organisation conjonctive à la périphérie de l'hématome formé par la déhiscence artérielle), et les doligo-méga-artères ou artériomégalie (les lésions sont diffuses et il n'y a pas de dilatation focale). Epidémiologie Les facteurs de risque sont les mêmes que ceux de l athérosclérose avec un poids particulier pour l âge, le tabac et l hypertension artérielle. La prévalence d un anévrysme de l aorte abdominale est de 4 à 8 % pour les hommes de plus de 65 ans. Entre 75 à 84 ans, la prévalence est de 12,5 % pour les hommes et de 5,2 % pour les femmes. Anévrysmes de l Aorte Abdominale sous-rénale Page 1

Physiopathologie La média de l aorte anévrysmale est considérablement altérée (réduction du nombre absolu des fibres élastiques et fragmentation des fibres de collagène). Ces modifications altèrent les propriétés mécaniques de l'artère qui perd progressivement sa capacité à lutter contre la distension. En vertu de la loi de Laplace, la distension augmente la contrainte pariétale et donc le risque de rupture. Etiologie et anatomopathologie Dans 90 % des cas, l'anévrysme est dû à des lésions dégénératives non spécifiques de la média. L athérosclérose coronaire, carotidienne et des artères des membres inférieurs est fréquemment associée en raison de facteurs de risque communs, mais le mécanisme de l'altération primaire de la média est différent et mal connu. L'existence de formes familiales fait suspecter dans certains cas une composante étiologique génétique. Dans 5 à 10 % des cas, l'étiologie est plus rare, voire exceptionnelle : dissection aortique, dystrophies héréditaires du tissu conjonctif (maladie de Marfan, maladie d'ehlers Danlos), lésions inflammatoires spécifiques (maladie de Takayasu, maladie de Behçet et exceptionnellement maladie de Horton). L'anévrysme infectieux est un faux anévrysme : il s'agit d'une infection de la paroi aortique soit à partir d'un foyer infectieux de voisinage (spondylodiscite, abcès rétropéritonéal), soit par contamination hématogène. La vitesse de croissance d'un anévrysme de l'aorte sous-rénale n'est pas linéaire. En moyenne, le diamètre augmente de 0,4 mm par an, mais il existe de grandes variations individuelles. La vitesse de croissance est d'autant plus grande que le diamètre aortique est élevé. Une hypertension artérielle non contrôlée et la poursuite du tabagisme favorisent l'accroissement du diamètre de l'anévrysme. Le risque de rupture d'un anévrysme de l'aorte sous-rénale augmente avec le diamètre : à 7 ans, ce risque est de 2 % pour un diamètre inférieur à 4 cm, de 4,6 % entre 4 et 5,5 cm et 20 % au-delà de 5,5 cm. Parmi les anévrysmes de l'aorte abdominale il faut distinguer : - les anévrysmes englobant l'aorte supra-rénale (segment IV) dont le traitement s'apparente à celui des anévrysmes de l'aorte thoracique (5 % de l ensemble des anévrysmes de l aorte thoracique et abdominale). - et les anévrysmes de l'aorte sous-rénale (segment V) se prolongeant souvent sur les artères iliaques d'où la dénomination habituelle d'anévrysme aorto-iliaque (80 % des anévrysmes aortiques). II - Diagnostiquer un anévrysme de l'aorte abdominale Nous envisagerons ici uniquement le diagnostic des anévrysmes de l'aorte sous-rénale. Circonstances de découverte. Anévrysme asymptomatique Le plus souvent l'anévrysme de l'aorte sous-rénale est asymptomatique et découvert fortuitement par un examen paraclinique (radiographie simple d abdomen visualisant le sac anévrysmal calcifié, échographie, TDM ou IRM abdominale) réalisé dans le contexte d'une autre pathologie (urologique, rhumatologique, digestive ). Plus rarement, il peut être dépisté lors d'une échographie aortique Anévrysmes de l Aorte Abdominale sous-rénale Page 2

systématique réalisée chez un sujet à risque (bilan d'extension d'une maladie artérielle, hypertension artérielle, notion familiale d'anévrysme). La découverte, au cours d'un examen clinique, d'une masse abdominale paraombilicale pathognomonique car battante et expansive est devenue beaucoup plus rare et ne concerne que des anévrysmes volumineux ou des sujets maigres. Anévrysme symptomatique. 1. L'anévrysme douloureux. Le malade consulte pour une douleur abdominale ou lombaire. L'examen met en évidence les mêmes signes cliniques que ceux d'un anévrysme non compliqué mais la palpation de la masse anévrysmale renforce la douleur spontanée. Le caractère douloureux de l'anévrysme fait craindre une rupture imminente et le malade doit être dirigé d'urgence vers un centre spécialisé de chirurgie vasculaire où une tomodensitométrie (TDM) abdominale sera réalisée sans délai. 2. L'anévrysme rompu. La rupture rétropéritonéale d'un anévrysme de l'aorte abdominale associe une douleur abdominale et un choc hémorragique. Le diagnostic est plus ou moins facile selon que l'anévrysme est déjà connu ou non. Chez un homme de plus de 60 ans présentant un tableau associant douleur abdominale et collapsus, la probabilité de rupture d'un anévrysme de l'aorte abdominale est importante justifiant le transfert en extrême urgence vers un centre spécialisé de chirurgie vasculaire. Si l'état hémodynamique le permet, une TDM abdominale est réalisée. Elle confirme le diagnostic et précise la localisation par rapport aux artères rénales. Que le diagnostic soit posé avec ou sans TDM, le malade doit être transféré d'urgence en salle d'opération. La rupture intrapéritonéale réalise un collapsus hémorragique foudroyant au-delà de toute ressource thérapeutique. 3. Les autres symptômes révélateurs sont beaucoup plus rares. Une ischémie aiguë ou subaiguë de membre inférieur peut être due à la migration d'un embol fribrino-cruorique à partir du thrombus intra-anévrysmal. Une lombalgie peut être associée à un anévrysme en raison d'une érosion vertébrale. Un œdème des membres inférieurs avec ou sans thrombose veineuse ilio-cave peut être dû à une compression de la veine cave ou d une veine iliaque. La rupture de l'anévrysme peut se produire dans le tube digestif réalisant une fistule aorto-digestive et entraîner une hémorragie digestive d importance variable, massive ou distillante. Lorsque la rupture survient dans les troncs veineux ilio-caves, elle détermine une fistule artério-veineuse à haut débit responsable de signes d'hyperpression veineuse et d'une insuffisance cardiaque à débit élevé rapidement mortelle. Les moyens paracliniques du diagnostic. L'échographie abdominale est actuellement l'examen diagnostique de première intention car elle suffit au diagnostic. Elle permet la mesure du diamètre maximal de l'aorte et la recherche systématique d'anévrysmes fémoraux ou poplités associés dans plus de 25 % des cas. Couplée au doppler, elle permet facilement de faire le bilan de la maladie artérielle associée. La TDM abdomino-pelvienne sans et avec injection est l'examen préthérapeutique de référence. Elle précise les diamètres de l'anévrysme et son extension par rapport aux artères rénales et iliaques. Elle permet de rechercher d'autres localisations anévrysmales. Anévrysmes de l Aorte Abdominale sous-rénale Page 3

L'angiographie par résonance magnétique (ARM) peut remplacer l'angio-tdm en cas de contreindication. Cependant sa résolution spatiale est inférieure et sa disponibilité est moindre. L'artériographie n'a plus aucun intérêt dans cette indication. Formes cliniques. Les anévrysmes inflammatoires constituent une entité particulière. Ils sont douloureux à la palpation et parfois spontanément. Ils s'accompagnent d'un syndrome inflammatoire clinique (fièvre et altération de l'état général) et biologique (hyperleucocytose, vitesse de sédimentation accélérée et CRP augmentée) ; ils sont souvent associés à la présence d'une fibrose rétropéritonéale englobant l'anévrysme et les structures adjacentes en particulier les uretères d'où le risque d'évolution vers l'hydronéphrose et l'insuffisance rénale. Leur diagnostic repose sur la mise en évidence d une gangue fibreuse périaortique hypoéchogène donnant une image de halo sur la TDM abdominale. Leur pathogénie reste mal connue. Les faux anévrysmes infectieux surviennent dans un contexte le plus souvent septicémique. Les germes le plus fréquemment en cause sont les salmonelles et les staphylocoques. Sur la TDM, ils donnent une image d anévrysme sacculaire. Leur évolution est généralement rapide vers la rupture. Ils sont de mauvais pronostic. Les anévrysmes rompus chroniques sont des découvertes d imagerie (TDM ou ARM). Ce sont des anévrysmes dont la rupture est contenue par les tissus de voisinage : vertèbres ou muscle psoas. Ils s accompagnent de douleurs chroniques : lombalgies, psoïtis. III - Planifier la prise en charge des anévrysmes aortiques L augmentation de diamètre d'un anévrysme est inexorable. Cette croissance est individuellement imprévisible : certains anévrysmes restent quiescents pendant plusieurs années alors que d'autres ont une croissance régulière quelquefois très rapide. Le seul traitement de l'anévrysme aortique est chirurgical. La mortalité opératoire d'un anévrysme de l'aorte abdominale opéré de façon élective est inférieure à 4 % alors que la mortalité opératoire d'un anévrysme rompu est supérieure à 50 %. En outre, plus de 50 % des malades présentant une rupture d'anévrysme de l'aorte abdominale décèdent avant leur arrivée à l'hôpital ; ainsi, la mortalité globale de cette rupture est environ 80 %. Les courbes de survie confirment l'intérêt du traitement chirurgical électif : la survie à 5 ans des malades non opérés est inférieure à 20 % et supérieure à 60 % pour les malades opérés. Cependant la survie des malades opérés n'est pas parallèle à celle de la population générale de même âge (85 % de survie à 5 ans). Cette différence s'explique par le terrain : la maladie polyathéromateuse (Cf module 9, item 128) est souvent associée à un anévrysme de l'aorte (50 % de ces malades ont une atteinte coronaire qui est symptomatique une fois sur deux) ; l'hypertension artérielle, la BPCO et les autres pathologies post-tabagiques (cancer du poumon, cancers ORL ou de la vessie) assombrissent aussi le pronostic. Anévrysmes de l Aorte Abdominale sous-rénale Page 4

Le bilan du malade porteur d'un anévrysme aortique est essentiel. En l'absence d'indication chirurgicale en urgence, ce bilan a pour but d évaluer le risque opératoire et de dépister les lésions associées nécessitant un traitement spécifique. Il doit comporter : - un échodoppler des troncs supra-aortiques et des artères des membres inférieurs avec mesure de l IPS. - un bilan cardiaque : évaluation de la réserve coronaire, de la fonction ventriculaire gauche, recherche d'une atteinte valvulaire associée. - un bilan respiratoire : radiographie pulmonaire, explorations fonctionnelles respiratoires avec éventuellement une mesure des gaz du sang. - un bilan biologique préanesthésique. En présence d une rupture anévrysmale, le bilan préopératoire doit être réduit au minimum et ne retarder en aucun cas le traitement chirurgical. Les moyens thérapeutiques Le traitement médical est essentiel quelle que soit la taille de l anévrysme. Il vise à corriger les facteurs de risque cardio-vasculaires et athérogènes lorsqu'ils existent (sevrage tabagique absolu et définitif, traitement des dyslipidémies par statines le plus souvent). La normalisation de la pression artérielle est essentielle afin de réduire la tension pariétale sur l'anévrysme et de tenter ainsi de diminuer le risque de rupture : le traitement ß-bloqueur est d'un grand intérêt en raison de la coronaropathie souvent associée ; il doit être cardio-sélectif si une BPCO est présente du fait du risque de bronchospasme induit ; si besoin, un inhibiteur de l'enzyme de conversion puis un diurétique thiazidique sont associés au traitement ßbloqueur. Le traitement chirurgical a pour principe d'exclure la zone anévrysmale du flux circulatoire par interposition d'une prothèse vasculaire. Deux techniques chirurgicales sont actuellement utilisées : la chirurgie conventionnelle et la chirurgie endovasculaire. Le traitement chirurgical conventionnel (mise-à-plat - greffe) est actuellement le traitement chirurgical de référence. Il nécessite une laparotomie. Il consiste, après clampage artériel d amont et d aval, à ouvrir l anévrysme et à rétablir la continuité artérielle par interposition d'une prothèse vasculaire. Le traitement chirurgical endovasculaire est moins invasif. Il consiste à introduire par un abord de l'artère fémorale commune, une endoprothèse qui est déployée dans l'anévrysme. L'exclusion de l'anévrysme par l'endoprothèse nécessite des conditions anatomiques particulières qui en limitent les indications. L endoprothèse doit être adaptée à la morphologie aortique afin d'éviter toute fuite entre l endoprothèse et le sac anévrysmal. IV - Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge Les anévrysmes rompus avec collapsus sont une urgence chirurgicale absolue. L optimisation des moyens de transfert vers un bloc opératoire de chirurgie vasculaire augmente les chances de survie : prise en charge par le SAMU, début de la réanimation au cours du transport, utilisation de combinaison anti-g, disponibilité de l'équipe chirurgicale dès l'arrivée du malade. Aucun examen complémentaire ne doit retarder l'intervention. Anévrysmes de l Aorte Abdominale sous-rénale Page 5

Les anévrysmes douloureux sans collapsus : l'absence de collapsus permet de réaliser un bilan morphologique (habituellement une TDM abdominale) qui confirme le diagnostic et exclut une autre pathologie expliquant les douleurs. Le caractère douloureux de l anévrysme impose un traitement chirurgical immédiat, qu il y ait ou non des signes de rupture (hématome rétropéritonéal). La seule exception est l anévrysme inflammatoire expliquant la symptomatologie spontanément douloureuse ; dans ce cas particulier, une corticothérapie de quelques semaines peut être proposée dans un premier temps pour diminuer la fibrose périaortique et faciliter le traitement chirurgical secondaire. La présence d'une hydronéphrose secondaire à l'englobement des uretères dans la fibrose rétropéritonéale nécessite le drainage pyélo-caliciel par sonde JJ. L'efficacité du traitement corticoïde se traduit par une disparition rapide des douleurs abdominales, la normalisation du bilan biologique et la régression progressive de la fibrose. L'absence d'efficacité du traitement médical ou l'existence d'un anévrysme de gros diamètre peut conduire à un traitement chirurgical précoce en raison du risque de rupture. Les fistules aorto-digestives sont des urgences dont le degré dépend de la gravité du syndrome hémorragique. Les hémorragies massives doivent être opérées sans délai. Les hémorragies distillantes peuvent bénéficier d'un bilan minimum dans les mêmes conditions qu'un anévrysme douloureux. L intervention comporte dans le même temps la cure de la fistule digestive et celle de l anévrysme. La reconstruction artérielle doit être adaptée au contexte septique : utilisation d'une allogreffe artérielle ou d'une prothèse imprégnée d'antibiotiques, ligature aortique associée à un pontage extra- anatomique Les fistules artério-veineuses par rupture de l'anévrysme dans le système veineux ilio-cave doivent être opérées rapidement. Aucun délai n'est justifié pour tenter d'obtenir la résolution préopératoire de l'insuffisance cardiaque congestive car le traitement médical est toujours voué à l'échec en l absence du traitement de l anévrysme et de la fermeture de la fistule responsable. Une ischémie aiguë de membre inférieur par migration thrombotique à partir de l'anévrysme nécessite une revascularisation en urgence (Cf. item 208). La cure de l'anévrysme sera réalisée secondairement. V - Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Décrire les principes de la prise en charge au long cours. Le traitement des anévrysmes asymptomatiques est fonction du diamètre de l'anévrysme, de son évolutivité et du terrain. Dans tous les cas, le traitement médical est essentiel quelle que soit la taille de l anévrysme (Cf supra : les moyens thérapeutiques). En France, il est recommandé d opérer tout anévrysme aortique asymptomatique d'un diamètre à 50 mm ou tout anévrysme aortique dont le diamètre augmente de plus de 10 mm par an lorsque le risque apparaît modéré. Chez les malades à très faible espérance de vie, il n'est pas défendable médicalement et économiquement d'opérer un anévrysme asymptomatique de l'aorte abdominale quel que soit son diamètre. Chez les malades à risque opératoire élevé en raison du terrain, l'anévrysme est traité par méthode chirurgicale endovasculaire lorsque les conditions anatomiques le permettent ; sinon, l évolutivité menaçante de l anévrysme (augmentation persistante du diamètre ou apparition de complications) conduit à proposer un traitement chirurgical conventionnel après évaluation du rapport bénéfice/risque. Anévrysmes de l Aorte Abdominale sous-rénale Page 6

Dans tous les cas, lorsqu'une indication opératoire est portée, une préparation optimale du malade est entreprise (sevrage tabagique, kinésithérapie respiratoire surtout si une laparotomie est indiquée, préparation digestive par régime sans résidu ). L'intervention nécessite au préalable d'informer le malade du bénéfice et des risques des différents traitements possibles et d'obtenir son consentement éclairé. Les anévrysmes aortiques asymptomatiques dont le diamètre est inférieur à 50 mm doivent être surveillés afin de préciser leur évolutivité. Cette surveillance est assurée cliniquement et par des échographies abdominales répétées dont la fréquence dépend du diamètre de l anévrysme : contrôle annuel entre 3,5 et 3,9 cm et semestriel au-delà de 4 cm. Les résultats précoces (à 30 jours) du traitement. La mortalité opératoire des anévrysmes aortiques rompus reste élevée (> 50 %). Les décès surviennent au cours de l'intervention ou en réanimation en raison des conséquences du collapsus hémorragique préopératoire. La mortalité opératoire du traitement chirurgical conventionnel des anévrysmes aortiques non rompus opérés de façon élective est inférieure à 4 %. Les principales causes de décès postopératoires sont les complications cardiaques (insuffisance coronaire, insuffisance cardiaque), les défaillances multiviscérales et les complications respiratoires et rénales. Les complications non mortelles les plus fréquentes sont respiratoires. La mortalité du traitement chirurgical endovasculaire électif est d environ 1,5 %. Le taux de réussite immédiate (succès de la pose) est de 98 %. Une fuite périprothétique est observée dans 15 % des cas en fin de procédure, mais disparaît le plus souvent spontanément avant la fin du premier mois. Surveillance du malade opéré. Le malade opéré d'un anévrysme aortique nécessite une surveillance médicale spécifique ultérieure. La surveillance doit dépister la survenue secondaire ou l évolution d une autre localisation de la maladie anévrysmale (aorte thoracique, aorte abdominale sus-rénale, artères iliaques, artères poplitées) ou d'une maladie athéromateuse (insuffisance coronaire, sténose carotidienne, artériopathie oblitérante des membres inférieurs). Un traitement anti-agrégant plaquettaire au long cours est justifié en cas d'athéromatose associée. La surveillance de la prothèse dépend du type utilisé : - Les prothèses utilisées lors de la chirurgie conventionnelle présentent une excellente résistance à la rupture, mais elles exposent à la constitution d'anévrysmes anastomotiques de survenue tardive justifiant une surveillance annuelle par échodoppler de la prothèse et des sites anastomotiques. - Les endoprothèses posent le problème actuellement non résolu de leur efficacité à long terme. La stabilité des dispositifs employés ainsi que l'efficacité des anastomoses en l'absence de suture sont les principales sources d'inquiétude. Une surveillance étroite clinique et par TDM du malade est obligatoire ; en effet, différentes complications sont possibles : endofuites secondaires avec un risque d augmentation du diamètre de l anévrysme exposant à la rupture, dégradation de l'endoprothèse. En présence d'une endofuite, d'une détérioration de Anévrysmes de l Aorte Abdominale sous-rénale Page 7

l'endoprothèse ou d une progression de l'anévrysme, un traitement complémentaire doit être discuté. La présence d'une prothèse artérielle expose à un risque faible mais réel de colonisation bactérienne tardive justifiant une antibiothérapie prophylactique lors de tout acte thérapeutique à risque bactérien chez les malades porteurs d'une prothèse vasculaire (Cf item 105). Points clés. Des lésions athéromateuses sont très souvent associées à un anévrysme aortique ou aorto-iliaque (lésions coronaires, carotidiennes, artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs). L'homme est plus souvent atteint que la femme. La maladie est rare avant 60 ans et sa prévalence augmente avec l'âge. Le risque essentiel des anévrysmes aortiques ou aorto-iliaques est la rupture (mortalité globale = environ 80 %) ; ce risque est corrélé au diamètre de l'anévrysme. Le seul traitement préventif efficace est chirurgical avec une mortalité opératoire inférieure à 4 %. Actuellement le traitement chirurgical est indiqué pour : - les anévrysmes symptomatiques - les anévrysmes asymptomatiques à faible risque chirurgical dont le diamètre est 5 cm ou ayant une croissance supérieure à 1cm par an. La mise en place d une endoprothèse est discutée en première intention pour les malades à risque chirurgical élevé lorsque l anatomie le permet. L évolution des anévrysmes non opérés doit être surveillée par écho-doppler. Les malades traités par chirurgie conventionnelle doivent être surveillés cliniquement et par échodoppler annuel. Les malades traités par endoprothèses doivent être surveillés cliniquement et par TDM. Anévrysmes de l Aorte Abdominale sous-rénale Page 8