06/10/2014 QUE FAIRE DEVANT DES URINES DÉMARCHE EST-CE UNE INFECTION URINAIRE? TROUBLES?

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Transcription:

QUE FAIRE DEVANT DES URINES TROUBLES? JL Schmit octobre 2014 DÉMARCHE Est-ce une infection urinaire? Si oui dois-je traiter? Si oui comment? EST-CE UNE INFECTION URINAIRE? Autre cause d urines troubles: cristaux de phosphates: - régime riche en fromages fondus, saucisses, charcuterie, betteraves, asperge - alitement prolongé (déminéralisation) Autre cause: protéinurie majeure, supplémentation en vit B ou C, pertes vaginales importantes En faveur des cristaux: dépôt pulvérulent au fond du bocal; dissolution avec des acides (vinaigre) En faveur d une infection : bandelettes positive pour les leucocytes 1

DOIS-JE TRAITER? Définitions: IU simple ou à risque de complications, topographie Spécificité du sujet âgé Objectif: rendre service À la personne: être efficace Aux autres personnes de l établissement Du point de vue des résistances bactériennes Référence majeure: texte de la SPILF 2014 DÉFINITIONS Facteurs de risque de complication - toute anomalie organique ou fonctionnelle de l'arbre urinaire, quelle qu elle soit (résidu vésical, reflux, lithiase, tumeur, acte récent ). - sexe masculin, du fait de la fréquence des anomalies anatomiques ou fonctionnelles sous-jacentes. - grossesse (voir chapitre spécifique). - sujet âgé : patient de plus de 65 ans avec > 3 critères de fragilité (critères de Fried, cf. cidessous), ou patient de plus de 75 ans. - immunodépression grave - insuffisance rénale chronique sévère (clairance < 30 ml/min). NB le diabète n est plus considéré comme facteur de risque de complication CRITÈRES DE FRIED -perte de poids involontaire au cours de la dernière année -vitesse de marche lente -faible endurance -faiblesse/fatigue -activité physique réduite Au delà de 75 ans, très rares sont les sujets sans facteur de risque de complication. 2

COLONISATION URINAIRE La colonisation urinaire (bactériurie asymptomatique) = présence d un micro-organisme dans les urines sans manifestations cliniques associées. Il n y a pas de seuil de bactériurie, sauf chez la femme enceinte, où un seuil de bactériurie à 10 5 UFC /ml est classiquement retenu. La leucocyturie n intervient pas dans la définition. Les deux seules situations consensuelles pour le dépistage et le traitement des colonisations urinaires sont : - avant une procédure urologique invasive programmée - - grossesse à partir du 4 ème mois - NB: la présence d une colonisation à BMR chez une personne en EHPAD est quand même utile pour les mesures de précautions SPÉCIFICITÉS DU DIAGNOSTIC D'IU CHEZ LE SUJET ÂGÉ Chez le patient âgé, la symptomatologie d'iu est souvent fruste ou atypique (confusion, chutes, décompensation d une comorbidité). La colonisation urinaire est fréquente. Il n'existe pas de définition consensuelle de l IU chez le sujet âgé. En l'absence de données suffisantes dans la littérature, la démarche diagnostique et thérapeutique proposée résulte d'un accord professionnel. DONC PROPOSITIONS Urines troubles, test acide négatif et/ou BU positive, chercher les signes cliniques associés - - Classiques (SF urinaires pollakiurie, brûlures..pour les infections urinaires basses, douleurs lombaires et fièvre pour la pyélonéphrite) - - ou plus «subtiles» chez la PA - Si pas de signe, pas de rétention, pas la peine de faire ECBU, augmenter la diurèse - Si signes cliniques: diagnostic microbiologique 3

CONDUITE À TENIR DIAGNOSTIQUE INDICATIONS DE LA BU DANS LE DIAGNOSTIC D'INFECTION URINAIRE La BU seule est recommandée dans la cystite aiguë simple. Dans toutes les autres situations, elle ne sert que comme aide au diagnostic : - chez la femme (en l'absence d'immunodépression grave), par sa bonne VPN, pour faire évoquer un autre diagnostic en cas de BU négative. - chez l'homme pour conforter l'orientation diagnostique clinique. Dans ces situations, en cas de BU positive, la réalisation d'un ECBU est systématique. CYSTITE AIGUË À RISQUE DE COMPLICATION Diagnostic Une BU est recommandée. En cas de négativité (sauf immunodépression grave, pouvant entraîner de faux-négatifs), un diagnostic différentiel doit être évoqué. Un ECBU doit être systématiquement réalisé. Un bilan étiologique sera discuté au cas par cas en fonction du facteur de risque de complication. En cas de suspicion de rétention aiguë d urine, une mesure simplifiée du résidu vésical postmictionnel par ultrason (exemple : Bladderscan TM ) doit être réalisée ou, à défaut, une échographie de l appareil urinaire. 4

TRAITEMENT Le principe fondamental est de différer chaque fois que possible l antibiothérapie pour prescrire un traitement d emblée adapté à l antibiogramme et avec la pression de sélection la plus faible possible. En effet, c'est dans cette population que le risque de résistance est le plus élevé. Traitement antibiotique différé, adapté à l'antibiogramme (Algorithme 2) Le traitement recommandé, par ordre de préférence, selon l'antibiogramme, est : - amoxicilline, 7 jours (IV-C) - pivmécillinam, 7 jours (IV-C) - nitrofurantoïne, 7 jours (IV-C) -puis par ordre alphabétique : amoxicilline-acide clavulanique ou céfixime ou fluoroquinolone (ciprofloxacine ou ofloxacine) ou TMP-SMX pendant 7 jours, sauf pour les fluoroquinolones et le TMP-SMX (5 jours) (IV-C) - fosfomycine-trométamol sur avis d'expert (IV-C) TT SUITE Les fluoroquinolones sont en 4ème choix malgré un traitement plus court que les autres schémas thérapeutiques en raison de leur impact écologique. La fosfomycine-trométamol est proposée en dernier recours car les données de la littérature sont limitées dans cette indication, avec une incertitude sur la meilleure modalité d'administration (monodose ou 3 doses espacées chacune de 48 h). TT PROBABILISTE AVANT RESULTAT ECBU Le traitement probabiliste de la cystite à risque de complication (dans les rares cas où un traitement différé est impossible) est : en 1ère intention : Nitrofurantoïne (IV-C) en 2ème intention : Par ordre alphabétique (IV-C): - céfixime - fluoroquinolone (ofloxacine, ciprofloxacine) L'adaptation de l'antibiothérapie à l'antibiogramme est systématique. Les durées de traitement sont les mêmes que dans l'antibiothérapie d'emblée adaptée à l'antibiogramme. 5

SURVEILLANCE Il est recommandé de ne pas prévoir de consultation, de BU ou d'ecbu de contrôle. Un ECBU ne sera réalisé qu en cas d évolution défavorable (persistance des signes cliniques après 3 jours) ou de récidive précoce dans les deux semaines. 6

CONDUITE À TENIR THÉRAPEUTIQUE Les spécificités du traitement sont : - pour les fluoroquinolones : surveillance toute particulière des effets indésirables (tendinopathies, troubles neuropsychiques plus fréquents chez les sujets âgés, allongement de l'espace QT). 7

CONDUITE À TENIR THÉRAPEUTIQUE - pour les aminosides: traitements en monodose quotidienne à privilégier, selon les recommandations de l'afssaps ( Mise au point sur le bon usage des aminosides administrés par voie injectable : gentamicine, tobramycine, nétilmicine, amikacine, Assaps, Mars 2011). Dans les rares cas où un aminoside en monothérapie est indiqué, l estimation de la clairance de la créatinine est indispensable pour déterminer l espacement des doses. La durée du traitement ne doit pas dépasser 3-5 jours. - pour la nitrofurantoïne : respecter la contreindication en cas d insuffisance rénale avec clairance de la créatinine < 40 ml/min. 8