Travailleur social : acteur de changement ou panseur de plaies?

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Transcription:

Travailleur social : acteur de changement ou panseur de plaies? Au CPAS, à la Mutuelle, dans les associations, dans les écoles, dans la rue ou derrière un guichet ou encore à domicile, les assistants sociaux et travailleurs sociaux en général - sont sur tous les fronts, face à la pauvreté et à l exclusion sociale. Un métier tourné vers les autres, exigeant une dose d empathie envers les personnes en difficultés, tout en sachant conserver la juste distance pour ne pas se laisser dévorer par les problèmes d autrui. Si ces «prérequis» n ont pas changé, l assistant social d aujourd hui est bien différent de celui d il y a quelques décennies. 1 Cette analyse est disponible en format pdf (carnet A5 ou A4) sur notre site www.vivre-ensemble.be. Elle peut être reproduite et publiée. Nous vous demandons de mentionner la source et de nous transmettre copie de la publication., 2010 Avec le soutien de la Communauté française

«J ai 35 ans de métier, témoigne Christiane, assistante sociale à la Mutualité chrétienne. J ai vraiment connu deux périodes distinctes dans ma carrière : jusqu au début des années 80, et après. En 1974, quand j ai commencé, il y avait de la pauvreté, bien sûr, mais elle restait dans des proportions limitées. Depuis les années 80, elle est devenue massive, structurelle. Et ces dernières années, on a l impression que la pauvreté déferle dans les services sociaux de la Mutuelle. Et le pire, c est qu on n a plus de solution à proposer : quand vous déduisez le loyer et les charges du revenu d insertion, il ne reste plus rien. Que voulez-vous y faire?» Si les assistants sociaux des mutuelles étaient il y a 25 ans surtout sollicités pour des mises en ordre administratives, ils sont aujourd hui massivement confrontés à des situations sociales difficiles, voire dramatiques. «Quand j ai été engagée à la Mutuelle, explique d ailleurs Manon, jeune assistante sociale, je pensais que mon travail consisterait à mettre des dossiers en ordre. Je n imaginais pas que je serais à ce point confrontée à la pauvreté.» Une aggravation de la pauvreté que les infirmières qui prodiguent des soins à domicile constatent aussi : la santé passe après les autres dépenses de base, le suivi des soins n est pas fait convenablement, par manque de matériel parfois. On voit des gens qui font sécher les alèses (à usage unique) parce qu ils n ont pas de quoi en acheter des neuves. On trouve des logements sans confort de base, des «La frontière entre le travailleur social et les personnes qu il est censé aider est de plus en plus mince» personnes qui vivent en camping dans des conditions très précaires, 1 LES TRAVAILLEURS FRAGILISÉS C es situations sont difficiles à vivre pour le travailleur social ou le soignant, d autant plus qu il se sent impuissant à les résoudre. Une impuissance qui est une source importante de stress pour le travailleur et de violence potentielle pour l usager. Si la situation des personnes aidées a évolué dans le sens d une aggravation, la situation des aidants n est plus la même non plus : «Quand j ai été engagée à la Mutuelle, en 1974, j avais le choix entre trois emplois!» se souvient Christiane. La sécurité de l emploi était assurée. Aujourd hui, les jeunes diplômés se trouvent face aux plans d embauche pour lesquels il faut remplir un tas de conditions, leur salaire ne les met pas à l abri des fins de mois difficiles, leur situation familiale est souvent compliquée et source de stress, «La frontière entre le travailleur social et les personnes qu il est censé aider est de plus en plus mince», constate Martine, elle aussi une «ancienne» des Mutualités chrétiennes. Cette situation est très bien décrite dans la pièce de théâtre «Revenez lundi» 2 qui 1 Source : Témoignages d infirmières à domicile recueillis lors du Colloque «Vieillesse et pauvreté» organisé par la Fondation Roi Baudouin le 27 avril 2010 (atelier 6 : soins de sante). 2

met en scène une assistante sociale «en heure de table» et, de l autre côté de la porte, une femme qui veut absolument lui faire ouvrir cette porte. Au fil de leur dialogue apparaissent les fragilités et les souffrances de l assistante sociale. Malgré son emploi à temps plein, elle ne parvient pas à joindre les deux bouts, seule avec ses trois enfants. Travailler, dans ces conditions, cela a-t-il encore un sens? MOTIVATION EN BAISSE L e travailleur social est ainsi confronté, à travers les situations qu il côtoie à longueur de journées, à ses propres fragilités, à ses propres peurs, à sa propre précarité, réelle ou redoutée. Conséquence : une réticence à s investir personnellement, un besoin de se préserver, pour «tenir le coup», certainement, mais aussi peut-être pour se tenir à distance de vies dont il sent qu elles pourraient bien un jour ou l autre devenir la sienne Nous voici renvoyés à des questions de société : à quoi sert-il d essayer d aider la personne qui s adresse au CPAS ou au service social de la Mutuelle, si l on a l impression que nous sommes tous pris dans la même mécanique qui broie et exclut les plus faibles : non seulement les sans emploi, les sans formation, mais aussi les travailleurs à bas et même à moyen salaire? Aider quelqu un à sortir la tête hors de l eau en sachant que tôt ou tard (et plutôt tôt que tard ), il sera à nouveau noyé? 2 Un spectacle de la Compagnie du Campus, diffusé notamment dans le cadre de la campagne de Vivre Ensemble en 2009. Les procédures administratives sont devenues si envahissantes que l aspect humain du métier tend à passer au second plan. La motivation pour s investir est encore plus difficile à entretenir à cause des procédures administratives qui sont devenues si envahissantes que l aspect humain tend à passer au second plan, quand il n est pas complètement effacé. «Nous devons encoder chaque démarche que nous faisons, déplore Manon. C est une surcharge de travail, ça me mine. Toute cette énergie, nous pourrions la consacrer à autre chose. On n est plus motivé.» L encodage est en effet devenu une condition au financement du service social et de beaucoup d emplois qui sont aujourd hui subsidiés. «Que peut-on assurer comme suivi social dans ces conditions? s interroge la jeune «A.S.». Cela conduit presque à une concurrence entre assistants sociaux : il faut faire du chiffre. Récemment, j ai passé une après-midi entière chez une personne parce qu il y avait beaucoup de problèmes à régler. Je sentais le regard de mon chef, je culpabilisais parce que je n avais vu qu une personne en une demi-journée alors que mes collègues en auraient fait quatre.» Tout cela entraîne une difficulté à s investir personnellement dans le travail. Mais il n y a peut-être pas que cela : les modifications ne se situent-elles pas aussi à un niveau plus global? Au début des années 70, quand Christiane, Martine et leurs collègues ont entamé leur carrière, Mai 68 et ses envies de changer le monde n était pas encore très loin. Martine confirme : «Quand on sortait de l école sociale, on avait une idée très claire de notre rôle. Nous étions des agents de changement de la société. On se posait des questions. Aujourd hui, le métier 3

est vu de façon beaucoup plus individuelle. On fait son travail et c est tout.» «LES TEMPS ONT CHANGÉ» M ême s il faut se garder de toute généralisation, ces propos sont révélateurs des mutations qu a connues notre société ces dernières décennies. Cela transparaît également dans la formation : «On nous a expliqué le fonctionnement de la sécurité sociale, mais sans analyse critique, juste pour qu on en connaisse le fonctionnement», souligne Manon. Alors qu au début des années 70 tous les possibles semblaient ouverts, qu en est-il aujourd hui? Nous sommes dans un système économique qui, tout en détruisant massivement des existences depuis le sansabri qui meurt sur le trottoir jusqu à l employé ou au cadre surmené, voire harcelé, qui choisit d en finir avec cette vie insensée, en passant par la mort sociale de tous les exclus de la croissance -, s est imposé comme le seul possible. Quelle autre issue donc, que de faire son possible dans le cadre donné et tâcher de ne pas tomber soi-même dans la spirale de la pauvreté? Les jeunes AS relèvent aussi l absence de la dimension collective et critique dans le contenu de leurs études. Celle-ci n est pourtant pas absente, même si elle est plus ou moins mise en avant selon la sensibilité de chaque école. Mais cela suffit de moins en moins à contrer la lame de fond de la responsabilisation voire de la culpabilisation individuelle qui déferle sur nos sociétés. De plus en plus, le travail social est vu comme un «coaching», assorti De plus en plus, le travail social est vu comme un «coaching», assorti d une bonne dose de contrôle, censé aider les gens à s adapter à un système qui, lui, n est pas remis en question. Sel». d une bonne dose de contrôle, censé aider les gens à s adapter à un système qui, lui, n est pas remis en question. En découvrant des projets de lutte contre l exclusion sociale menés par des associations, comme le «Comité Bonjour» ou le travail de théâtre-action mené par «Les Grains de Sel» 3, ces jeunes assistantes sociales s étonnent de découvrir une association mise sur pied par des sansabri pour des sans-abri. Claire, une assistante sociale qui travaille dans le secteur de la promotion de la santé, le constate : «Monter des projets collectifs, ça ne s improvise pas. On voit beaucoup de projets mis en place par les CPAS, parce qu ils reçoivent un budget pour cela, et qui «foirent» après deux ans». On voit là tout le bénéfice qu il y aurait à tirer de davantage de contacts et de collaborations étroits entre le monde associatif et les écoles supérieures qui forment les futurs travailleurs sociaux. Une meilleure connaissance réciproque entre CPAS, mutuelles et associations de lutte contre l exclusion permettrait aussi des apprentissages de part et d autre, et réduirait cette sensation de «tous lutter pour la même chose, mais sans se rencontrer», que décrit une assistante sociale. 3 Voir la vidéo «Santé!» produite par Vivre Ensemble Education en 2008, ou l analyse «Sansabri, sans santé» (VEE 2008) pour le Comité Bonjour et «Sur les planches pour un nouveau départ» (analyse VEE 2007) pour «Les Grains de 4

VERS PLUS D HUMANITÉ? L a dimension d analyse critique et d action collective est probablement présente dans certaines écoles supérieures, mais en fonction de la sensibilité de tel ou tel enseignant (ou directeur) et non intégrées de façon systématique dans le programme des cours. Il devrait être superflu de rappeler que la finalité du travail social, c est la personne humaine et sa dignité. Cette dignité doit être au cœur de la relation que l assistant social ou le soignant établit avec la personne aidée. Cela, les travailleurs sociaux, qu ils soient jeunes ou expérimentés, le savent. C est pourquoi ils souffrent de la tournure que prend leur profession : appliquer des réglementations et procédures de plus en plus compliquées (et parfois excluantes alors qu elles ont pour but de favoriser l insertion sociale) à des personnes de plus en plus nombreuses et de plus en plus loin dans le processus de paupérisation et d isolement. Sans, le plus souvent, pouvoir prendre le temps nécessaire pour se mettre au rythme de la personne fragilisée, un rythme qui n a rien à voir avec les «cadences» imposées par les pouvoirs subsidiants. dénoncer des dysfonctionnements, faire changer la société? Les adeptes du verre à moitié vide diront que poser la question, c est y répondre. Les convaincus du verre à moitié plein diront qu il n y a pas de fatalité et qu en regroupant les forces des uns et des autres (qui travaillent souvent dans la même direction et avec les mêmes préoccupations sans pour autant se connaître), on peut renverser la vapeur Isabelle Franck, (Les témoignages ont été recueillis lors d une formation donnée par la Fédération de l Aide et des Soins à Domicile, le 7/11/2010. Les prénoms ont été modifiés.) 5 Manon, Martine, Christiane et les autres ne sont-elles là que pour panser des plaies (au propre ou au figuré), rendre la pauvreté supportable, faire respecter le règlement, comptabiliser leurs prestations?. La question fondamentale que posent les travailleurs sociaux à travers leurs témoignages, c est celle du rôle que la société assigne à l action sociale : bricoler, tenir le couvercle sur la marmite pour l empêcher de déborder, permettant au système de se perpétuer, en quelque sorte? Ou faire remonter des problèmes,