Examen clinique de la coiffe des rotateurs de l épaule : diagnostic et examens complémentaires

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Examen clinique de la coiffe des rotateurs de l épaule : diagnostic et examens complémentaires A. Sautet* * Hôpital Saint-Antoine, Paris. Les douleurs de l épaule sont un motif très fréquent de consultation et les symptômes sont souvent liés à une souffrance de la coiffe des rotateurs. Un examen clinique complet permet de demander des examens complémentaires affirmant ou infirmant l origine tendineuse des signes cliniques. Cette étape médicale est fondamentale car elle permet de s assurer que les douleurs proviennent bien de l épaule, plus spécifiquement de la coiffe des rotateurs, et elle permet d éliminer les diagnostics différentiels. Dans la plupart des cas, le médecin traitant pourra assurer le diagnostic et soulager le patient. Ce n est que lorsque les symptômes persistent, et ce malgré un traitement médical prolongé, que l option chirurgicale doit être envisagée. Lorsque le chirurgien examine son patient, il se pose au moins trois questions : Quelle est la cause de la lésion de la coiffe? Quel est le degré de lésion de la coiffe? Quel est le meilleur moyen de guérir le patient? RAPPEL ANATOMIQUE La coiffe des rotateurs est constituée de quatre muscles qui sont d avant en arrière : le sous-scapulaire : rotateur interne le plus puissant ; le sus-épineux : rotateur externe et abducteur ; le sous-épineux : rotateur externe et abducteur ; le petit rond : rotateur externe. On y ajoute le tendon de la longue portion du biceps, intra-articulaire. Le petit rond est exceptionnellement le siège de lésion isolée. Sur le plan fonctionnel, il n existe pas de corrélation anatomo-clinique, c est-à-dire que même avec une rupture étendue, la mobilité peut être normale. QUELLE EST LA CAUSE DE LA LÉSION DE LA COIFFE? C est un sujet encore très controversé mais les facteurs étiologiques peuvent être classés en trois catégories : facteurs anatomiques, traumatiques et dégénératifs. Facteurs anatomiques La voûte acromio-coracoïdienne serait responsable de l usure de la coiffe. Lors de l élévation du bras les tendons de la coiffe, en particulier celui du sus-épineux, glissent sous une arche ostéo-ligamentaire et pourraient à la longue entrer en conflit avec la partie antérieure de l acromion ou avec le ligament acromio-coracoïdien. Ainsi, la lésion de la coiffe serait la conséquence d un syndrome du défilé. De plus, certains morphotypes particuliers de l acromion (acromion en crochet) pourraient accélérer la survenue d un conflit. Facteurs traumatiques Il s agit essentiellement de microtraumatismes. La répétition de gestes techniques effectués avec rapidité et force (natation et tennis par exemple) provoquerait à la longue des tendinopathies. Cette tendinopathie en modifiant le volume du tendon pourrait de plus être à l origine d un conflit avec la voûte acromiale. Plus rarement, il s agit de lésion macro-traumatiques (choc direct sur l épaule ou luxation). Mais la plupart des déchirures traumatiques surviennent sur des coiffes dégénératives. 30 Correspondances en Nerf & Muscle - Hors-série - octobre-novembre-décembre 2003

Figure 1. Amyotrophie des fosses sus- et sousépineuses. Facteurs dégénératifs La sénescence et l hypovascularisation relative de la zone habituelle de perforation seraient les plus grandes responsables des lésions de la coiffe. En effet, les lésions commencent souvent dans l épaisseur de la coiffe. De plus, les études cadavériques et in vivo par IRM ont prouvé la grande fréquence de lésions de la coiffe au sein d une population asymptomatique âgée de plus de 60 ans. Les lésions constituées favoriseraient la survenue d un conflit avec la voûte. En fait, ces différents facteurs sont probablement le plus souvent intriqués, mais on peut reconnaître chez certains patients une note dominante. Le cas le plus fréquent est celui de la personne âgée de plus de 50 ans, sans antécédent microou macro-traumatique particulier et chez qui la douleur s est installée plutôt progressivement. Le contexte est à l évidence celui d une lésion dégénérative. À l inverse, il peut s agir d un patient de moins de 30 ans, très sportif, chez qui le contexte sera typiquement microtraumatique. QUEL EST LE DEGRÉ DE LÉSION DE LA COIFFE? Figure 2. L examen clinique L interrogatoire Il précise les antécédents du patient, sa profession et le côté dominant, il renseigne sur les caractéristiques de la douleur, il recherche un facteur déclenchant ; il précise aussi l ancienneté des douleurs et leur évolutivité, leur siège, le plus souvent externe ou antérieur, irradiant vers le bras ou le rachis cervical, leur intensité et le résultat du traitement antalgique ou antiinflammatoire. Axillaire latéral avantbras Médian Figure 3. Ulnaire médial bras médial avant-bras Ulnaire Axillaire Médian L inspection Chez un patient déshabillé, de dos, l examinateur recherche une amyotrophie des fosses sus- et sous-épineuses (figure 1). Puis, il note les amplitudes maximales globales actives en élévation (en degré) dans le plan de l omoplate, en rotation externe (en degré) et en rotation interne (position du pouce selon le niveau rachidien atteint). La palpation Elle recherche une sensibilité au niveau de la grosse tubérosité, et l existence de points douloureux : articulation acromio-claviculaire, ligament acromioclaviculaire (figure 2). L étude de la sensibilité cutanée sera complète, racine par racine. Correspondances en Nerf & Muscle - Hors-série - octobre-novembre-décembre 2003 31

Figure 4. Test de Jobe. Figure 5. Manœuvre de Neer. Les tests cliniques Par diverses manœuvres, le médecin essaie de mettre en évidence des signes de conflit entre la coiffe et l arche acromiale (figures 4 et 5) : le test de Jobe : en élévation dans le plan de l omoplate, en rotation interne et contre-résistance ; il est positif si le patient ne peut résister à l examinateur. Plutôt en faveur d une atteinte du sus-épineux ; la manœuvre de Neer : recherche d un passage douloureux en antépulsion ; le test de la résistance des muscles de la coiffe. D une manière générale, les tests cliniques sont très sensibles mais peu spécifiques. C est-à-dire qu ils mettent bien en évidence la souffrance de la coiffe des rotateurs, mais qu ils ne peuvent indiquer avec précision le siège et l importance de la lésion. Quant au testing musculaire, il ne révèle que des lésions étendues. Un bilan lésionnel précis impose donc une imagerie. L imagerie Les radiographies standard : elles se font de face dans les trois rotations, profil de Lamy. Elles sont indispensables au débrouillage. Elles permettent d écarter une lésion osseuse, une calcification de la coiffe et une omarthrose. Le pincement de l espace sous-acromial est un signe tardif de rupture de coiffe. L IRM est l examen clé (figures 6 et 7). Elle permet de façon non invasive de localiser le siège de la lésion, son étendue et la qualité des muscles concernés et avoisinants. Autrement dit, sans aucune injection, le chirurgien visualise la dégénérescence de la coiffe ou sa rupture partielle ou Figure 7. Arthro-IRM : rupture du sus-épineux. encore sa perforation. Il apprécie l étendue du dommage ainsi que la qualité des muscles intéressés. Les contre-indications à l IRM sont rares et l argument du coût est négligeable si on tient compte de tous les avantages de l examen. Depuis peu, l IRM est couplée avec une injection intraarticulaire de gadolinium, rendant cet examen encore plus performant. L arthroscanner Grâce aux acquisitions 3D, le scanner (figure 8) permet, à moindre coût et plus rapidement, de donner des renseignements voisins de ceux de l IRM. Cependant, il nécessite l injection d un produit de contraste intra-articulaire et, par ailleurs, en cas de tendinite isolée, l examen est décrit comme normal. Figure 8. Arthro-TDM : rupture du sus-épineux. Figure 6. IRM : rupture partielle du sus-épineux. PRINCIPAUX DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS DES TENDINOPATHIES DÉGÉNÉRATIVES DE LA COIFFE DES ROTATEURS Pathologies d origine nerveuse Névralgie cervico-brachiale : cette névralgie, notamment C6, peut ne se traduire que par une douleur isolée du moignon de l épaule. 32 Correspondances en Nerf & Muscle - Hors-série - octobre-novembre-décembre 2003

Certains syndromes du canal carpien sont plus trompeurs encore, car ils s accompagnent de douleurs ascendantes, les paresthésies digitales dans le territoire du nerf médian pouvant n être qu au second plan. Atteinte du nerf supra-scapulaire : cette atteinte, le plus souvent dans l incisure scapulaire, se traduit par une douleur postérieure de l épaule. Le nerf supra-scapulaire innerve les muscles supra- et infra-épineux et son atteinte se traduit par une impotence à l abduction et à la rotation latérale du membre supérieur. L amyotrophie de la fosse supra-épineuse est inconstante, la pression de l incisure scapulaire déclenche parfois une douleur traçante. Paralysie du nerf grand dentelé : elle se traduit par une impotence douloureuse de l épaule et un décollement de la scapula lors de l antépulsion. Dans les formes frustes, la région scapulaire est normale à l inspection, le décollement de la scapula n apparaît qu à l effort, au décours d épreuves répétées ( pompes ). Le traitement associe le repos, l arrêt d une activité sportive à l origine des microtraumatismes, la physiothérapie. Syndrome de Parsonage et Turner : il se traduit par une douleur de l épaule extrêmement brutale, parfois précédée d un traumatisme locorégional ou d un épisode infectieux. La douleur est diffuse, de forte intensité, avec une recrudescence nocturne. Elle irradie parfois à la région cervicale et à l avant-bras. Elle s estompe ou cède brutalement au bout d une quinzaine de jours, laissant alors place à une phase paralytique et amyotrophiante touchant plusieurs muscles de l épaule comme le muscle deltoïde, sub-scapulaire, supra- et intra-épineux. Il n y a pas de troubles sensitifs, des signes moteurs persistent six à douze mois, puis disparaissent de façon spontanée. L EMG confirme l atteinte neurogène périphérique, il n y a pas de syndrome inflammatoire biologique ni d élévation des enzymes musculaires ni d anomalie du liquide céphalorachidien. Le traitement repose sur les antalgiques et la rééducation. Syndrome du défilé thoracique : la douleur peut s observer soit par atteinte neurogène périphérique, soit par sténose de l artère sub-clavière. L aggravation posturale des troubles, l association à des troubles vaso-moteurs du membre supérieur homolatéral, un syndrome de Raynaud, un œdème du bras, l existence d une côte cervicale C7, courte ou longue, font évoquer le diagnostic. Arthropathies nerveuses de l épaule : l arthropathie syringomyélique est peu ou pas douloureuse, mais peut se révéler de façon brutale par une tuméfaction aiguë de l épaule lors de l hémarthrose. Radiologiquement, il existe une lyse étendue de la partie interne de la tête humérale. Le diagnostic est posé sur l existence d un syndrome lésionnel suspendu, d une dissociation thermoalgésique, surtout grâce à l IRM qui visualise et précise au mieux l extension anatomique de la cavité intramédullaire. QUEL EST LE MEILLEUR MOYEN DE GUÉRIR LE PATIENT? Trois situations lésionnelles Au terme du bilan, le chirurgien se retrouve devant trois situations lésionnelles : coiffe sans perforation : soit il n y a rien de visible, soit il existe un remaniement sous la forme d un épaississement ou d une altération de la texture du tendon du sus-épineux, soit on observe une rupture partielle du tendon du susépineux ; perforation mineure : il existe une rupture transfixiante de la coiffe mais elle peut être refermée par affrontement et suture des berges de la perforation ; perforation majeure : la rupture est dans ce cas trop large pour qu une réparation simple soit envisagée. Pour chacune de ces situations se pose le problème de la décision d opérer et de la technique à employer. Techniques Dans les coiffes sans perforation, l intervention indiquée est l arthrolyse de l articulation sous acromio-coracoïdienne. Il s agit, en réséquant le ligament acromio-coracoïdien et la portion antéro-inférieur de l acromion, de supprimer le conflit mécanique. L intervention réalise également une résection de la bourse acromiale. Cette bourse plus ou moins inflammatoire est excisée durant le temps d exposition de la zone pathologique. Elle pourrait participer aux douleurs. Le chirurgien peut constater après cette étape d exposition que le tendon du sus-épineux Correspondances en Nerf & Muscle - Hors-série - octobre-novembre-décembre 2003 33

est, au niveau de la zone lésionnelle, soumis à un frottement sous la voûte à chaque mouvement d abduction. Dans ces conditions, on peut comprendre certaines douleurs insomniantes des patients ainsi que leur soulagement immédiat après la décompression chirurgicale. L arthrolyse peut être réalisée soit par abord chirurgical conventionnel en passant verticalement à travers le muscle deltoïde, soit par arthroscopie avec deux orifices de pénétration. Quelle que soit la technique, les résultats sont bons et durables. L arthroscopie a pour avantage de simplifier les suites immédiates. Elle nécessite un équipement chirurgical particulier et un entraînement. Dans les coiffes avec perforation mineure, l intervention comprend dans tous les cas un temps d arthrolyse identique à celui décrit précédemment et les divergences chirurgicales concernent essentiellement le mode de réparation de la perforation. Les toutes petites perforations peuvent se suturer bord à bord, sans inconvénient. Pour les autres, de 2 à 3 cm de diamètre, la méthode classique est de réaliser une tranchée dans la grosse tubérosité et d y suturer le tendon rompu. Cette méthode a comme inconvénient, premièrement, d exercer une forte traction sur un tissu pathologique, deuxièmement, de déséquilibrer la tension globale de la coiffe qui sera sous traction au niveau du sus-épineux et lâche ailleurs, et troisièmement, de conditionner le résultat à une fusion os-tendon, toujours aléatoire. En fait, la situation chirurgicale varie aussi en fonction de la souplesse des tissus. La conduite à tenir vis-à-vis du tendon de la longue portion du biceps n est pas encore consensuelle. Pour certains, sa résection est nécessaire à la guérison, pour d autres, c est un stabilisateur précieux et sa résection altère les résultats à long terme. Enfin, la réparation des ruptures sous arthroscopie présente des résultats similaires à la chirurgie conventionnelle, avec de plus, les avantages de la chirurgie mini-invasive (durée d hospitalisation courte, récupération fonctionnelle plus rapide, simplicité des suites postopératoires). Dans les ruptures larges, la chirurgie peut être soit une simple arthrolyse, soit une réparation. L arthrolyse ne résout pas le problème du défect musculo-tendineux et du déficit fonctionnel mais peut soulager significativement les patients. La réparation fait le plus souvent appel à des lambeaux de voisinage : lambeau deltoïdien ou lambeau de grand dorsal. Indications La décision d opérer est facile à prendre lorsqu il s agit de coiffes non perforées. En effet, au prix d une intervention peu agressive, on obtient régulièrement une guérison, c est-à-dire la disparition des douleurs et la suppression d une situation qui pourrait conduire à la perforation. Les suites opératoires sont simples et la rééducation souvent brève, de l ordre d un mois. La décision d opérer est également facile à prendre en cas de perforation mineure, mais dans ce cas la discussion porte sur le geste à proposer. Faut-il se contenter de l arthrolyse sous arthroscopie qui va soulager le patient au prix d un geste simple et d une période brève d incapacité? Faut-il, au contraire, prévenir l extension de la déchirure et proposer systématiquement la suture de la coiffe? Dans ce dernier cas, les suites seront plus douloureuses et la rééducation beaucoup plus longue, au moins trois mois. Le geste proposé tiendra donc compte de l âge et du contexte socioprofessionnel du patient. C est lui qui doit choisir à terme le menu de son intervention. La décision est difficile à prendre dans les ruptures larges. La simple arthrolyse à visée antalgique qui laisse en place la lésion, expose à un échec précoce ou secondaire et ne peut être indiquée qu en cas de terrain fragile ou de situations pathologiques complètement dépassées. La tentative de réparation avec un lambeau impose au patient des suites opératoires complexes avec une immobilisation du bras en abduction durant six semaines et une rééducation qui peut durer jusqu à six mois. Ainsi l implication du patient dans la décision thérapeutique est ici essentielle, et le bénéfice thérapeutique doit lui être clairement annoncé : on peut raisonnablement espérer le soulager de ses douleurs mais la récupération de la force est exceptionnelle. En conclusion, la chirurgie des lésions de la coiffe des rotateurs est simple et efficace dans les lésions débutantes. Il ne faut donc pas hésiter à proposer une arthrolyse de la voûte acromiale en cas d échec du traitement médical, d autant que les techniques arthroscopiques ont réduit l hospitalisation à 48 heures. En revanche, lorsque les lésions sont évoluées, la chirurgie n est souvent que palliative et au prix de suites plus lourdes. 34 Correspondances en Nerf & Muscle - Hors-série - octobre-novembre-décembre 2003