Ergothérapie et douleurs d épaules du blessé médullaire

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Transcription:

IFPEK INSTITUT DE FORMATION EN ERGOTHERAPIE DE RENNES Ergothérapie et douleurs d épaules du blessé médullaire Comment et à quel moment aborder la prévention? En vue de l obtention du Diplôme d Etat d Ergothérapeute AUDOUIT Solange Juin 2012

IFPEK INSTITUT DE FORMATION EN ERGOTHERAPIE DE RENNES Ergothérapie et douleurs d épaules du blessé médullaire Comment et à quel moment aborder la prévention? En vue de l obtention du Diplôme d Etat d Ergothérapeute Sous la direction de TILLY Karine AUDOUIT Solange Juin 2012

Résumé Chez le blessé médullaire utilisant un fauteuil roulant manuel, les déficits fonctionnels des membres inférieurs sont compensés par une sur-sollicitation des membres supérieurs. Ainsi, plusieurs années après le traumatisme, certains patients développent des douleurs au niveau des membres supérieurs et notamment des douleurs d épaules. Leur indépendance acquise durant la rééducation est alors remise en cause. Ce mémoire, au travers d une enquête auprès de professionnels de santé et de patients, cherche à définir comment et quand pourrait-on prévenir ces douleurs. L ergothérapeute, au sein de l équipe interprofessionnelle, peut mettre en place des moyens de prévention adaptés à chaque patient grâce à la spécificité de ses outils d évaluation et son approche centrée sur le patient et ses habitudes de vie. La prise en charge serait de meilleure qualité en la débutant le plus précocement possible mais aussi et surtout en favorisant une participation active du patient. Mots clés Blessé médullaire Epaules Douleurs Prévention Ergothérapie

Je tiens à remercier ma maître de mémoire qui m a soutenue et m a apportée ses recommandations tout au long de l année. Je remercie aussi tous les ergothérapeutes, médecins et patients qui ont pris le temps de répondre à mon questionnaire, ainsi que les quatre ergothérapeutes qui ont accepté un entretien téléphonique. Merci également à ma famille et mes amis pour leurs relectures, leur soutien et leur présence lors de cette formation.

SOMMAIRE INTRODUCTION... 1 PROBLEMATIQUE... 2 1. CADRE DE REFERENCE... 4 1.1. Le blessé médullaire... 4 1.1.1. Définition... 4 1.1.2. Les épaules du blessé médullaire... 6 1.2. La prévention des douleurs d épaules... 9 1.2.1. Définition de la prévention... 9 1.2.2. Prévenir les douleurs d épaules chez le blessé médullaire... 10 1.2.3. La prévention : une prise en charge précoce?... 14 1.3. Une prise en charge centrée sur le patient... 15 1.3.1. Un patient acteur de sa prise en charge... 15 1.3.2. Une équipe interprofessionnelle... 16 1.3.3. L éducation du patient blessé médullaire pour la préservation des épaules... 17 1.4. La spécificité de l ergothérapie dans la prise en charge... 17 1.4.1. Définition... 17 1.4.2. La prise en charge globale... 18 1.4.3. Le rôle de l ergothérapeute dans la prévention... 20 1.5. Conclusion... 20 2. L ENQUETE... 22 2.1. Les questionnaires... 22 2.1.1. Méthodologie... 22 2.1.2. Résultats... 23 2.2. Les entretiens... 34 2.2.1. Méthodologie... 34 2.2.2. Résultats... 35 3. ANALYSE ET DISCUSSION... 36 3.1. Analyse... 36 3.1.1. Caractéristiques de la prévention des douleurs d épaules du blessé médullaire... 36 3.1.2. Spécificité de l ergothérapeute dans cette prise en charge... 41 3.1.3. Conclusion de l enquête... 44 3.2. Discussion... 44 3.2.1. Vérification des hypothèses... 45 3.2.2. Critiques de la méthode... 46 3.2.3. De nouvelles pistes de réflexion... 47 CONCLUSION... 50 BIBLIOGRAPHIE... 52 ANNEXES... 55

INTRODUCTION Selon la dernière étude réalisée par l Association Francophone et Internationale des Groupes d Animation de la Paraplégie (2001), chaque année, en France, on estime l incidence des nouveaux blessés médullaires à 1200, soit 19,4 cas par million d habitants. Il s agit d une population jeune, la moyenne d âge de survenue étant de 37,2 ans. Aujourd hui, et depuis la fin des années 1980, l amélioration de la prise en charge des blessés médullaires permet d allonger leur espérance de vie. Mais avec cette augmentation de durée de vie, ce sont les conséquences de ce handicap et du vieillissement qui posent des problèmes complexes. Nombreux sont donc les victimes qui témoignent de ce handicap et de ses conséquences avec l âge. Parmi ces témoignages, l un recueilli par le magazine «Faire face Paratetra» 1 nous a interpellés : «Si j avais su à l avance les risques de détérioration de mes épaules j aurais peutêtre pu anticiper, limiter mes efforts quotidiens. C est justement ce manque d informations que j ai ressenti et maintenant, j aimerais faire découvrir aux jeunes paraplégiques [ ] qui ne savent pas ce qui les attend avec l âge les dangers qu ils risquent Il faudrait absolument développer ce genre d information préventive et la communiquer à l ensemble des paraplégiques dans toute la France. Mais comment faire? [ ] Le seul moyen d épargner les épaules, c est de les utiliser le moins possible! C est tout à fait ce qu il faut faire, car depuis quelques mois, je ne peux plus exécuter les transferts : fauteuil au lit, fauteuil aux W.-C., fauteuil à la voiture [ ], je limite mes sorties, mes déplacements à l extérieur, étant alors tributaire d une aide humaine. Je me sens presque tétraplégique, du fait que je ne suis plus autonome comme avant ; c est dur à accepter après 43 ans de fauteuil roulant pendant lesquels je ne me suis pas trop mal débrouillé, avec une vie très active.». Nous allons alors nous intéresser aux douleurs d épaules du blessé médullaire et plus particulièrement à la prévention de ces douleurs. 1 BOURGEOIS C. Epaule : en faire moins pour rouler plus. Faire Face Paratetra, 2008, n 6. 1

PROBLEMATIQUE La blessure médullaire est une lésion plus ou moins haute de la moelle épinière, qui survient généralement brutalement et qui entraîne un déficit ou une perte totale des fonctions motrices et sensitives des membres supérieurs, du tronc, des membres inférieurs ou des organes génito-sphinctériens. Ces troubles engendrent alors une perte d indépendance plus ou moins importante. La perte d indépendance est caractérisée par la nécessité d une tierce personne ou d une aide technique pour accomplir les soins personnels (alimentation, toilette, habillage, etc.), se mobiliser, se déplacer et communiquer. Pour y faire face, la personne blessée médullaire doit rapidement changer ses habitudes de vie et suivre une rééducation intensive pour apprendre à utiliser différemment son corps. L indépendance alors acquise durant cette rééducation ainsi que la diminution de la douleur, le soutien psychologique et les relations sociales permettent de retrouver une qualité de vie optimale. Cependant, il est fréquent de rencontrer une diminution de la qualité de vie plusieurs années après le traumatisme. Ce phénomène est expliqué par un vieillissement physiologique, une fatigue chronique mais aussi par des complications plus spécifiques, comme des problèmes respiratoires, cutanés, urinaires ou ostéo-articulaires. L indépendance acquise lors de la rééducation de la personne blessée médullaire est alors remise en cause. Dans cette étude, nous nous centrons sur les patients paraplégiques et tétraplégiques bas. Ces personnes possèdent des capacités motrices fonctionnelles au niveau des membres supérieurs mais ont des déficits moteur et sensitif au niveau des membres inférieurs et du tronc. La rééducation sera dont notamment orientée vers l'apprentissage de l'utilisation des membres supérieurs dans la vie quotidienne pour compenser le déficit moteur des membres inférieurs. Grâce à cette rééducation, les membres supérieurs ne sont désormais plus seulement des outils de préhension mais permettent au patient de s'auto-sonder, de se transférer seul, de propulser son fauteuil roulant et de changer régulièrement ses points d appui fessier pour prévenir les escarres. Ils deviennent membres portants, balanciers et permettent l'équilibre du corps. Le patient acquiert ainsi des capacités qui lui permettent de vivre de façon indépendante malgré son handicap. 2

Mais au fil des années, cette sur-sollicitation des membres supérieurs, corrélée à un vieillissement physiologique du patient, peut entraîner des douleurs d épaules, notamment dues à la pathologie de la coiffe des rotateurs. Cette pathologie se caractérise par une rupture des tendons de la coiffe, c est-à-dire des tendons permettant la stabilité et la mobilité de l épaule. Cela engendre alors une limitation fonctionnelle ainsi que des douleurs parfois invalidantes. Les conséquences peuvent être dramatiques : diminution de l efficacité des mouvements, diminution de l endurance, fatigue précoce, perte de l indépendance acquise durant les années précédentes, diminution de la qualité de vie, diminution des relations sociales, altération de l état psychique, etc. La prise en charge de ces patients devrait donc aussi prendre en compte la lutte contre ce vieillissement pathologique. Pour cela, l équipe interprofessionnelle (médecins, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, éducateurs en activités physiques adaptées, diététiciens, etc.) peut proposer un programme de prévention. La prévention consiste en un ensemble de dispositifs permettant d éviter un danger. Dans le cas des douleurs d épaules, cette prévention prend en compte l apprentissage de l économie gestuelle mais aussi l aménagement de l environnement, le renforcement musculaire ou les informations concernant les pathologies d épaules. Cela nous amène à nous demander : En quoi l ergothérapeute, au sein de l équipe interprofessionnelle, a-t-il un rôle dans la prévention des douleurs d épaules du blessé médullaire? Afin de répondre à ce questionnement, nous allons nous intéresser aux différents concepts nécessaires pour la compréhension du sujet en les développant grâce à nos recherches littéraires. Nous pourrons alors enquêter auprès de différents publics dans le but d amener des éléments de réponses à nos hypothèses. Pour finir, l analyse des résultats de nos enquêtes nous permettra de discuter de notre problématique et de nous tourner vers de nouvelles pistes de réflexions. 3

1. CADRE DE REFERENCE Dans ce cadre de référence, nous allons définir et expliquer les concepts de la problématique. Nous commencerons par développer ce qu est une blessure médullaire et ses conséquences sur la personne, puis nous étudierons la prévention des douleurs d épaule. Nous nous attarderons ensuite sur le concept de participation du patient à sa prise en charge. Pour finir, nous ferons un point sur la profession d ergothérapeute et son rôle dans cette prise en charge spécifique. 1.1. Le blessé médullaire La blessure médullaire est une atteinte brutale partielle ou totale de la moelle épinière, entraînant des déficits des fonctions motrices et/ou sensitives. Elle peut entraîner une tétraplégie, c est-à-dire une atteinte des quatre membres et du tronc ou une paraplégie, c est-à-dire une atteinte des membres inférieurs et parfois du tronc. Etudions tout d abord plus précisément la moelle épinière, puis les conséquences d une blessure médullaire. Attardons-nous ensuite aux épaules du blessé médullaire et les effets de leurs sursollicitations. 1.1.1. Définition 1.1.1.1. La moelle épinière La moelle épinière située dans le canal vertébral fait partie, avec le cerveau, du système nerveux central. Elle représente la voie de conduction motrice et sensitive entre la périphérie et les centres supérieurs. Elle est aussi le centre nerveux du système neurovégétatif (sympathique et parasympathique) ainsi que le centre réflexe (fonctionnement autonome au niveau des racines rachidiennes). Elle donne naissance à 31 paires de nerfs spinaux, qui forment le premier segment des nerfs périphériques. Ces nerfs spinaux possèdent, au niveau de la moelle épinière, deux racines : une racine sensitive dorsale et une racine motrice ventrale. Ainsi, le nerf spinal est un nerf mixte. Tout au long de la moelle épinière, les 31 paires sont catégorisées selon leur niveau : huit nerfs cervicaux (de C1 à C8), douze nerfs thoraciques (de T1 à T12), cinq nerfs lombaires (de L1 à L5), cinq nerfs sacrés (de S1 à S5) et un nerf coccygien. Chaque nerf spinal exerce son contrôle moteur sur un ensemble de muscles : le myotome. Les nerfs spinaux représentent aussi l innervation sensitive d un territoire précis : le dermatome. L ensemble du segment médullaire, du nerf rachidien et de leur territoire moteur et sensitif constituent le métamère. 4

Les derniers nerfs (lombaires et sacrés) constituent les nerfs de la queue de cheval, responsable de la motricité et de la sensibilité des membres inférieurs, des sphincters et du périnée. 1.1.1.2. La blessure médullaire La blessure médullaire survient le plus fréquemment lors d un traumatisme : fracture, luxation, commotion ou constriction. Mais elle peut aussi provenir d une cause infectieuse, vasculaire ou tumorale. Suite à cette atteinte, plusieurs phases se succèdent : la phase flasque, la phase spasmodique et la phase séquellaire. Lors de la phase flasque, qui dure de quelques jours à plusieurs semaines, toute activité médullaire sous la lésion est suspendue : abolition des réflexes, paralysie complète des membres sous-lésionnels, absence des sensibilités superficielle et profonde et troubles neuro-végétatifs (trophiques et cutanés, génito-sphinctériens et respiratoires). La phase spasmodique est caractérisée par l apparition d une activité neurologique autonome souslésionnelle, dont la régulation par les centres supérieurs est anarchique ou absente. À cette phase, on peut définir le niveau lésionnel correspondant au dernier métamère sain, définit par le score «American Spinal Injury Association» 2. Après un délai de dix à douze mois, la phase séquellaire marque une stabilisation des fonctions lésées ou conservées. Lorsque la lésion se situe au niveau des segments thoraciques, lombaires ou sacrés, elle engendre une paraplégie. Lorsque ce sont les segments cervicaux qui sont atteints, les lésions entraînent une tétraplégie. Ainsi, en fonction de l atteinte, les troubles (déficit ou perte des fonctions motrices et sensitives) concerneront différentes parties du corps : membres supérieurs, tronc, membres inférieurs et organes génito-sphinctériens. Dans ce mémoire, nous nous centrons sur la survenue des douleurs d épaule. Les personnes ciblées sont donc celles qui ont des membres supérieurs fonctionnels : une stabilité du tronc correcte, des membres inférieurs déficitaires imposant l utilisation d un fauteuil roulant et des membres supérieurs permettant l utilisation d un fauteuil roulant manuel. Les blessures médullaires auxquelles nous nous intéressons sont donc celles situées sous C7. En effet, lors d une atteinte C7, l extension du coude permet encore les prises d appui et l exploration de l espace, l ouverture et la fermeture de la main permettent la préhension. L alimentation, la toilette, l habillage et les transferts sont encore possibles seul et un fauteuil roulant manuel suffit la plupart du temps 3. 2 Score ASIA : critère d'évaluation international du degré de complétude d'une lésion médullaire, établi par l'american Spinal Injury Association. 3 Association des Paralysés de France. Para/Tétras : Le guide pratique, Edition : S com B Sandra Bigot, 171 p. 5

1.1.2. Les épaules du blessé médullaire 1.1.2.1. Anatomie de l épaule La ceinture scapulaire est l articulation la plus mobile du corps humain. En effet, les articulations qui la composent, les différents groupes musculaires et les moyens d unions capsulo-ligamentaires lui permettent de grands degrés de liberté et une mobilité dans les trois plans de l espace, permettant de porter la main dans toutes les directions. Cependant, ils lui permettent aussi d être stable afin de porter des charges lourdes ou de travailler en chaîne cinétique fermée 4. L épaule est donc composée de trois articulations : l articulation scapulo-humérale, l articulation acromio-claviculaire et l articulation sterno-costo-claviculaire. Trois os permettent au bras de se mobiliser dans l espace : la scapula, l humérus et la clavicule. Pour maintenir l articulation et la rendre plus stable, l épaule possède des moyens d union capsulaire. La capsule articulaire est constituée d une enveloppe fibreuse et d une membrane synoviale et recouvre l articulation. Le ligament coraco-huméral relie la tête humérale au processus coracoïde de la scapula. Le ligament coraco-acromial relie le processus coracoïde de la scapula et l acromion de la clavicule. Enfin, les ligaments glénohuméraux relient la tête humérale à la cavité glénoïdale. Ces moyens d union ne semblent cependant pas assez puissants pour permettre une stabilité efficace. Certains muscles vont donc consolider cette stabilité. L épaule possède en effet 19 muscles, répartis en 5 catégories : le deltoïde, les muscles de la coiffe des rotateurs, les muscles extrinsèques, les muscles stabilisateurs de la scapula et les muscles du bras. 1.1.2.2. L utilisation des membres supérieurs chez le blessé médullaire Chez le blessé médullaire, cette articulation est très importante. En effet, elle est tout d abord sur-sollicitée dans les activités de vie quotidienne, dans des amplitudes parfois extrêmes : manipulation d objets lourds en hauteur, chargement du fauteuil roulant dans la voiture, etc. Cette sur-sollicitation est aggravée par un environnement parfois peu adapté au handicap : hauteur des plans de travail, des placards, etc. D autre part, chez le paraplégique ou le tétraplégique bas, l utilisation du fauteuil roulant manuel est indispensable. En effet, selon l enquête Tetrafigap 5 «Devenir des personnes tétraplégiques depuis la première entrée en service ou centre de rééducation», sur 1669 blessés médullaires tétraplégiques, 713 utilisent un fauteuil roulant manuel pour se 4 Chaîne cinétique fermée : le segment distal est immobile. 5 L enquête TétrAfigap s est déroulée en 1995-1996, à partir d un fichier d adresses de blessés médullaires tétraplégiques dont la constitution a été rendue possible par la collaboration de 35 équipes de services et centres de rééducation fonctionnelle en France, Suisse et Belgique. 6

déplacer. Les épaules sont donc sollicitées pour propulser le fauteuil roulant, mouvement provoquant des amplitudes extrêmes notamment en extension. De plus, la propulsion du fauteuil roulant nécessite un mouvement rapide, surtout en terrain accidenté, et n accorde pas de périodes de pause à l épaule : les utilisateurs de fauteuil roulant poussent leurs roues en moyenne 3500 fois par jour. En plus de ce rôle de propulseurs, les membres supérieurs sont aussi membres portants, notamment lors des transferts ou des soulagements fessiers (push-up) qui permettent la prévention des escarres. Selon Chivilo M. et al. (2002) 6, «Les pressions enregistrées dans l espace sous-acromial lors d un soulagement fessier sont six fois supérieures aux pressions physiologiques enregistrées dans des conditions habituelles d utilisation du membre supérieur.». Ce rôle de membre portant est d autant plus difficile que le poids du sujet est important. Par ces utilisations, les membres supérieurs ne sont alors plus seulement outils de préhension mais aussi membres portants ou moyens de déplacement. 1.1.2.3. D où proviennent les douleurs d épaules? La sur-sollicitation des épaules décrite précédemment engendre des douleurs d épaules chez les blessés médullaires. Une douleur significative a été décrite par le Consortium for Spinal Cord Medicine (2005) 7 comme «une douleur exigeant la prise de médicaments, une douleur ressentie dans au moins deux activités de vie quotidienne ou une douleur provoquant une cessation d activité». Nous nous baserons sur cette définition pour la suite. Nous allons maintenant décrire brièvement les causes de ces douleurs. Le conflit sous-acromial est caractérisé par le passage difficile des tendons de la coiffe dans l espace sous-acromial. Cela peut provenir de différents facteurs, intrinsèques ou extrinsèques, et notamment une hyper-sollicitation de l épaule par des activités répétitives en élévation. Le conflit évolue selon différents stades, le dernier correspondant à la rupture des tendons de la coiffe, connue sous le nom de pathologie de la coiffe des rotateurs. Il peut être la cause d une tendinite calcifiante, inflammation du tendon due à une calcification qui entraîne une augmentation de son volume et un frottement excessif. Il peut aussi être à l origine d une capsulite rétractile, rétraction de la capsule articulaire, qui empêche le fonctionnement normal de l épaule. Pour finir, les douleurs peuvent aussi provenir d une dégénérescence précoce et anormale du cartilage qui recouvre les surfaces articulaires : l arthrose. 6 CHIVILO M, DELPECH E, DEMAY S, et al. Rôle des rééducateurs dans la prévention des douleurs d'épaules du paraplégique. Kinésithérapie scientifique, 2002, vol. 426, p.29 7 Consortium for Spinal Cord Medicine. Preservation of Upper Limb Function Following Spinal Cord Injury: A Clinical Practice Guideline for Health-Care Professionals. Journal of Spinal Cord Medicine, 2005, n 28, p. 9 7

1.1.2.4. Les conséquences de ces douleurs chez le blessé médullaire Le fait que, chez les blessés médullaires, les membres supérieurs ne soient pas seulement outils de préhension mais aussi membres portant, propulsant ou balanciers, la survenue des douleurs d épaule est plus fréquente. Plusieurs études ont été en effet effectuées pour mettre en avant ce phénomène. 30 % de 94 paraplégiques présentent des douleurs chroniques d épaule selon Bailey (1987 cité dans Beuret et al., 2003) 8, 36 % de 239 paraplégiques selon Sie (1992 cité dans Beuret et al., 2003). De son côté, Pentland (1994) 9 compare 52 hommes paraplégiques et 52 sujets témoins de même sexe et comparables en âge. Il en ressort que 39 ont des douleurs d épaule chez les paraplégiques et seulement 8 chez les sujets témoins. Ces douleurs d épaule, parfois invalidantes, entraînent chez les blessés médullaires une limitation fonctionnelle importante. La personne perd l indépendance acquise durant la rééducation. La toilette, l habillage, la préparation des repas et les déplacements deviennent difficiles, voire impossibles, de par les douleurs mais aussi la perte d endurance et la fatigue précoce. En plus du déclin fonctionnel, on peut noter un retentissement des douleurs d épaules sur les relations sociales ou l état psychique : au fil des années, les blessés médullaires diminuent leurs activités sociales, leurs loisirs et les sorties extérieurs pour économiser leurs efforts. C est donc la qualité de vie du patient qui est affectée. Les conséquences des douleurs d épaules chez les blessés médullaires ont aussi été étudiées par plusieurs auteurs. Ainsi, en 1999, Daylan 10 montre que, parmi les sujets ayant des douleurs d épaules, 26 % ont besoin d aide supplémentaire pour les activités fonctionnelles et 28 % rapportent des limitations au niveau de leur indépendance. L étude de Subbarao (1994) 11 met en avant le fait que les aides humaines ou matérielles des blessés médullaires fluctuent avec l apparition des douleurs d épaules. Pour finir, Daylan a aussi montré que le chômage est plus important et que l emploi à plein temps diminue chez les individus blessés médullaires sujets aux douleurs d épaules. Ainsi, la prise en charge ne sera pas seulement centrée sur la rééducation et la recherche d indépendance maximale, mais aussi sur la prévention des complications et notamment sur la prévention des douleurs d épaules. 8 BEURET-BLANQUART F, BOUCAND M.-H. Vieillissement chez les blessés médullaires. Annales de réadaptation et de médecine physique, 2003, vol. 46, p. 578-591. 9 PENTLAND W, TWOMEY LT. Upper limb function in persons with long term paraplegia and implications for independence: part l- part II. Paraplegia, 1994, n 32, p.211-224. 10 DALYAN M., CARDENAS D.D., GERARD B. Upper extremity pain after spinal cord injury. Spinal Cord, 1999, n 37, p.191-5 11 SUBBARAO J.V., KLOPFSTEIN J., TURPIN R. Prevalence and impact of wrist and shoulder pain in patients with spinal cord injury. Journal of Spinal Cord Medicine, 1994, n 18, p.9 13. 8

1.2. La prévention des douleurs d épaules Nous allons donc maintenant nous intéresser à la prévention. Pour cela, nous commencerons par définir ce terme puis nous développerons les moyens de prévention des douleurs d épaules chez le blessé médullaire. Nous finirons par nous demander à quel moment mettre en place ces moyens. 1.2.1. Définition de la prévention Selon le code de la santé publique 12, la prévention a pour but «[ ] d améliorer l état de santé de la population en évitant l apparition, le développement ou l aggravation des maladies ou accidents, et en favorisant les comportements individuels et collectifs pouvant contribuer à réduire le risque de maladie». L Organisation Mondiale de la Santé 13 propose de distinguer trois axes différents de prévention. La prévention primaire correspond aux actes dont l objectif est de diminuer l incidence d une maladie dans une population en réduisant le risque d apparition de cas nouveaux. Elle inclut des mesures de prévention individuelle et des mesures de prévention collective. La prévention secondaire vise à diminuer la prévalence d une maladie dans une population en réduisant la durée d évolution de la maladie. Elle englobe le dépistage précoce et le traitement des premières atteintes. Enfin, la prévention tertiaire intervient lorsque la maladie est installée pour diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives dans une population. Elle réduit donc les invalidités fonctionnelles consécutives à la maladie. Avec les progrès de la médecine, à partir de 1945, les politiques de santé se sont davantage orientées vers un système curatif au dépit du système préventif. Mais à partir des années 70 et l apparition de graves crises sanitaires et de difficultés financières du système de soins, l exclusivité du système curatif a été remise en question. Ainsi, la France a vu se créer des agences de sécurité sanitaire : Institut National de Veille Sanitaire, Agence française de Sécurité Sanitaire des Aliments, Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale, etc. Aujourd hui, un équilibre entre système curatif et système préventif a été trouvé. La création de l Institut National de Prévention et d Education pour la Santé (INPES) 14, principal acteur de la prévention en France, a renforcé ce rééquilibrage en faveur de la prévention. La loi relative à la santé publique du 9 août 2004 a prévu cinq plans nationaux de prévention : la lutte contre le cancer, la lutte pour limiter l impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives, la lutte pour limiter l impact sur la 12 Article L1417-1 du Code de la Santé Publique. 13 OMS : institution dont l objectif est d amener les populations à un niveau de santé le plus élevé possible. 14 Institut National de Prévention et d Education pour la Santé, selon le Loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé 9

santé des facteurs d environnement, l amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques et la prise en charge des maladies rares. 1.2.2. Prévenir les douleurs d épaules chez le blessé médullaire La Haute Autorité de Santé 15, dans «ALD n 20 - Guide médecin sur la paraplégie (lésions médullaires)» 16, explique les spécificités de prise en charge des patients tétraplégiques pour le médecin. Il est notamment décrit : «Place déterminante de la prévention des complications neuro-orthopédiques». De plus, pour le suivi du patient, l HAS préconise : «Radiographies, échographie, IRM ou arthroscanner de l épaule pour recherche et bilan d une pathologie de la coiffe des rotateurs, d une arthrose». Afin d éviter les douleurs d épaules chez les blessés médullaires utilisant un fauteuil roulant manuel, plusieurs moyens peuvent donc être utilisés. Différents auteurs les ont développés, notamment les rééducateurs de l Hôpital Raymond Poincaré (2002) dans «Rôle des rééducateurs dans la prévention des douleurs d'épaules du paraplégique» 17. De plus, le «Consortium for Spinal Cord Medicine», en Avril 2005, a rédigé un guide dans «Preservation of Upper Limb Function Following Spinal Cord Injury : A Clinical Practice Guideline for Health-Care Professionals» 18 relatant aux professionnels de santé les principales recommandations à apporter aux personnes blessées médullaires pour éviter les douleurs d épaules. C est grâce à ces deux sources que nous allons pouvoir développer plus précisément les différents moyens mis en œuvre pour prévenir les douleurs d épaules chez le blessé médullaire. 1.2.2.1. L aménagement du domicile Selon l enquête Tetrafigap, 65,2 % des tétraplégiques ont effectué des aménagements de leur logement. D autre part, 50,4 % des tétraplégiques estiment que d autres aménagements faciliteraient leur vie. L aménagement du domicile est donc une part importante de la prise en charge des patients blessés médullaires. Cet aménagement vise à limiter les gestes nocifs de la vie quotidienne. Il est donc conseillé d organiser les rangements de façon à mettre les objets lourds et les objets les plus couramment utilisés à portée de main. Il est aussi préférable d utiliser des rangements à une hauteur inférieure à 110 cm du sol. Des zones de dégagement sont préconisées auprès des appareils électroménagers afin de faciliter la manipulation des objets à risques et de 15 HAS : Autorité administrative indépendante à caractère scientifique. 16 Service affections de longue durée et accords conventionnels de la Haute Autorité de Santé. Guide Affection de longue durée : Paraplégie (lésions médullaires), 2007, 35 p. 17 CHIVILO M, DELPECH E, DEMAY S, et al., op cit. 18 Consortium for Spinal Cord Medicine, op cit. 10

privilégier l approche de face. De plus, les transferts sont souvent sources de gestes violents et nocifs. Il est donc conseillé d adapter les hauteurs du lit, des WC ou du canapé à la hauteur d assise du fauteuil roulant. 1.2.2.2. Le choix du fauteuil roulant Comme expliqué précédemment, l utilisation du fauteuil roulant est souvent décrite comme cause première des douleurs d épaules. Ainsi, l'adaptation du fauteuil à la personne doit permettre de favoriser l autonomie dans les déplacements quotidiens et un rendement optimal de la propulsion en fauteuil, mais il doit aussi prendre en compte la prévention des complications fonctionnelles. Choisir son fauteuil roulant est donc, pour la personne blessée médullaire, une étape primordiale. Plusieurs caractéristiques sont essentielles à la bonne adaptation du fauteuil à l individu. Tout d abord, le fauteuil doit être léger, pour favoriser son rangement dans la voiture par exemple. Ensuite, il doit être maniable : bonne qualité, bonnes finitions, etc. Les dimensions d assise et la hauteur de dossier doivent être parfaitement adaptées à la morphologie de la personne. De plus, il peut être possible d y ajouter les options utiles, en fonction des habitudes de vie de la personne : type de roues, accoudoirs, garde-boue, mains courantes, repose-pieds fixes ou amovibles, etc. Au niveau des réglages, la position des roues arrière est importante pour rendre le fauteuil roulant plus ou moins actif. En effet, plus on avance les roues arrière, plus on réduit le poids sur les roues avant. Le roulement est alors amélioré. Cependant, le fauteuil est moins stable, le risque de bascule arrière étant augmenté. Un équilibre entre stabilité et qualité du roulement est donc à rechercher. La configuration classique propose une répartition de 60 % du poids sur les roues arrière et de 40 % sur les roues avant. Ensuite, les roues arrière sont aussi réglables en hauteur : cela engendre une modification de l inclinaison de l assise par rapport à l horizontale, mais aussi une modification de la position des membres supérieurs sur les mains courantes. Pour la propulsion du fauteuil roulant, une flexion de coude de 100/120 est recommandée. Pour les patients les plus à risque, on peut aussi évaluer les avantages et les inconvénients d un passage au fauteuil roulant électrique. En effet, l utilisation d un fauteuil roulant électrique peut aider à protéger les épaules : les tensions répétitives lors de la propulsion sont réduites, l énergie est conservée, la fatigue est diminuée et la vitesse est accrue. Cependant, il peut aussi amener à une prise de poids ou à un déconditionnement des membres supérieurs et son coût plus important peut freiner le choix de ce fauteuil. 11

1.2.2.3. Le choix du véhicule Le transfert fauteuil-voiture et le rangement du fauteuil roulant dans la voiture sont souvent sources de douleurs. Hors, se déplacer en voiture est, pour la personne blessée médullaire, essentiel au maintien de son indépendance. Il est donc nécessaire de bien choisir son véhicule, d apprendre à s y transférer et y ranger son fauteuil par des gestes les plus ergonomiques possibles ou d y ajouter des aides-techniques. En ce qui concerne les transferts, il faut rechercher des appuis stables et éviter les prises en hauteur, comme la poignée. Si celles-ci sont indispensables, il faut chercher à effectuer ce geste de la façon la moins contraignante possible en évitant l association traction et rotation interne de l épaule. Si le transfert reste difficile, contraignant et douloureux, l utilisation d une planche de transfert peut être envisageable. Une fois le transfert effectué, le rangement du fauteuil peut s effectuer en le passant devant le conducteur, en évitant là aussi les gestes trop contraignants et en le passant le plus près possible du corps. Sinon, l acquisition d un bras articulé permettant le rangement du fauteuil à la place des sièges arrière ou dans le coffre peut être une aide technique très intéressante pour la personne blessée médullaire. 1.2.2.4. L économie gestuelle L économie gestuelle est tout d abord recherchée dans l aménagement de l environnement, dans l adaptation du fauteuil roulant à la personne, ou dans le choix du véhicule. Mais c est aussi durant l apprentissage des transferts et dans l apprentissage de la propulsion du fauteuil roulant que l on peut favoriser cette économie. Ainsi, lors de l apprentissage des transferts, il est recherché un abaissement maximal des épaules et la sollicitation du muscle grand dorsal et grand pectoral, ceci, grâce à un travail proprioceptif important avec le masseur-kinésithérapeute. Le travail du masseurkinésithérapeute est aussi de rechercher le contrôle des déséquilibres du tronc. Il est aussi conseillé de se transférer vers des surfaces plus basses ou de même niveau et d alterner entre le côté gauche et le côté droit. De plus, l utilisation d aides techniques est à privilégier. Certains principes sont à retenir lors des transferts 19 : placer les pieds au sol dans la direction opposée au transfert, se pencher vers l avant pour effectuer le transfert de façon à porter une partie du poids sur les jambes, avancer le bassin près du bout de la chaise, placer les mains sur des surfaces stables et utiliser l élan de la tête, du cou et des épaules. 19 Selon le Centre de Réadaptation en Déficience Physique Chaudière-Appalaches. 12

En outre, l apprentissage de la propulsion du fauteuil roulant manuel consiste à trouver un équilibre entre la qualité de la propulsion et les contraintes minimales sur les épaules. Ainsi, il est conseillé à la personne blessée médullaire d éviter l extension trop importante des épaules et de relâcher les épaules entre chaque propulsion. De plus, lors de la poussée initiale, l abduction de l épaule doit être inférieure à 40. Enfin, pour économiser les articulations de l épaule, il sera aussi conseillé d éviter le «push-up», technique permettant le soulagement des appuis fessiers en prenant appui sur les membres supérieurs, mais plutôt d incliner son tronc vers l avant ou sur les côtés. 1.2.2.5. Le renforcement musculaire Renforcer sa musculature est indispensable pour permettre au blessé médullaire d acquérir une indépendance, notamment lors des transferts. Ce sont donc les muscles permettant ce transfert qui sont visés : muscles abaisseurs de l épaule, triceps et fixateurs de la scapula. Selon Thierry Albert (2008 cité dans Bourgeois C, 2008) 20, «un des secrets de la prévention, c est d améliorer la souplesse du muscle qui, pour une efficacité optimale, doit être fort, endurant et souple.». Avec l éducateur sportif, en plus des différentes activités sportives proposées, c est le développé-couché qui est essentiellement travaillé. Pour finir, la rééducation peut s effectuer en balnéothérapie, milieu de bien-être et de liberté pour le patient blessé médullaire. En effet, l eau favorise la détente des muscles du patient. Lors des séances de balnéothérapie, différents exercices pourront être proposés pour renforcer les abaisseurs d épaule mais aussi pour travailler le recentrage dynamique de la tête humérale. Ces exercices pourront aussi favoriser un maintien du poids, voire une perte de poids, un reconditionnement physique, une endurance et un bien-être général. Il faudra cependant veiller à éviter les exercices s'ils sont douloureux ou si les mouvements sont significativement limités. Evaluer la pertinence du renforcement musculaire avec le masseurkinésithérapeute est alors nécessaire. 1.2.2.6. Les conseils diététiques L aspect diététique a aussi un effet sur la prévention des douleurs d épaules. En effet, l importance des contraintes imposées aux épaules lors des transferts ou des soulèvements est directement liée au poids de la personne. Faire appel à un diététicien est donc conseillé pour éviter l apparition d un surpoids. Celui-ci pourra aider à avoir une alimentation équilibrée. 20 BOURGEOIS C. Epaule : en faire moins pour rouler plus. Faire Face Paratetra, 2008, n 6. 13

1.2.2.7. Les informations sur les pathologies d épaule Enfin, pour que le patient soit acteur de sa prise en charge, il doit connaître l intérêt de tous ces moyens de prévention. En effet, comprendre l impact sur les épaules des conseils donnés aidera le patient à intégrer ces gestes : ne pas porter de choses trop lourdes au-dessus de la ligne des épaules, éviter les mouvements brusques, se renforcer musculairement, etc. Ainsi, on peut lui expliquer l anatomie de l épaule grâce à des schémas simplifiés, lui montrer concrètement le conflit sous-acromial avec des maquettes ainsi que son impact sur l articulation par l utilisation de photos ou dessins. 1.2.3. La prévention : une prise en charge précoce? Nous nous posons maintenant la question du moment où l on doit entamer la prévention. Selon le «Consortium for Spinal Cord Medicine» (2005) 21, la prévention des douleurs d épaules du blessé médullaire devrait être installée pendant la rééducation initiale, mais aussi lors des évaluations régulières. Mais la «rééducation initiale» est-elle synonyme de rééducation précoce? Précisons donc les différentes périodes susceptibles de correspondre au début de cette prévention. Notre sous-hypothèse suggère qu une prise en charge précoce améliore l efficacité de la prévention. Nous entendons par «précoce» une prise en charge débutée le plus tôt possible, c est-à-dire au plus proche de l accident. Il existe plusieurs synonymes du mot «précoce» : anticipé, avancé, hâtif ou prématuré. Cet adjectif est défini par «qui survient plus tôt que d ordinaire» 22. Une prise en charge précoce serait une prise en charge débutée plus tôt que prévue. Dans le cadre de ce mémoire, la prévention serait donc mise en place au tout début de la prise en charge rééducative, c est-à-dire à très court terme. Elle serait l un des premiers objectifs de l équipe rééducative. De façon plus tardive, la prévention débuterait à moyen terme, dans le même temps que la rééducation. Les moyens de prévention seraient donc mis en place en parallèle du renforcement musculaire, de l apprentissage des transferts, de la recherche d autonomie etc. La troisième possibilité est de débuter la prévention lors de la réadaptation, c est-à-dire lorsque la rééducation est terminée. Dans ce cas, c est lorsque la personne retourne dans son lieu de vie que l on commence à mettre en place les différents moyens de prévention. Nous chercherons donc, par la suite, à définir la période la plus favorable à la prévention des douleurs d épaules du blessé médullaire. Précisons que le moment choisi pour débuter cette prévention dépend aussi du patient. Chaque sujet étant différent, la prise en charge sera personnelle et la prévention sera mise en place en fonction de l état du patient et de sa capacité à prendre en compte cette prise en charge spécifique. 21 Consortium for Spinal Cord Medicine, op cit., p.10. 22 Selon le Petit Larousse 2008. 14

1.3. Une prise en charge centrée sur le patient L une des sous-hypothèses de ce mémoire suppose que pour une prévention efficace des douleurs d épaules, le patient doit participer activement à sa rééducation. Nous allons donc nous intéresser à la place du patient dans la prise en charge mais aussi aux différents acteurs composant l équipe interprofessionnelle. Nous traiterons ensuite de l éducation du patient dans le cadre de cette prévention. 1.3.1. Un patient acteur de sa prise en charge L approche centrée sur le patient est une technique permettant de replacer le patient au cœur de la relation soignant-soigné. Le patient est alors expert de son handicap et allié des soignants dans la prise en charge de ses problèmes de santé. Dans la lettre n 24 de Novembre-Décembre 2010 23, l HAS met en avant le fait que les patients sont de plus en plus acteurs de leur prise en charge. La loi du 4 mars 2002 24, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a marqué une avancée majeure en matière de droits individuels et collectifs des patients. En effet, «Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu il fournit, les décisions concernant sa santé» 25. Cette loi permet de donner une valeur au droit à l information du patient, au droit de choisir son établissement de santé, mais donne aussi au patient les moyens d avoir un rôle plus actif dans sa prise en charge. Ainsi, un patient informé et actif est un patient mieux soigné. En parallèle de l évolution de la législation, ce sont les associations de patients qui soutiennent cette participation active. «L engagement a évolué d une tradition clinique «paternaliste» à une modernité thérapeutique de type participatif» 26. Dans les années 50, la décision médicale était objective et réduisait le patient à un cas clinique. Mais aujourd hui, la médecine de type participative remet en cause cette objectivité des décisions et reconnaît davantage l autonomie du patient. Plusieurs littératures mettent en lien la participation du patient et une prise en charge de meilleure qualité. En 2004, dans «Mutual participation in the Health worker-patient Relationship» 27, les auteurs expliquent que la maladie ou le handicap engendre une diminution d autonomie du patient et qu ainsi, le rôle essentiel du soignant est de soutenir et d encourager le patient jusqu à ce qu il retrouve son autonomie. 23 Haute Autorité de Santé, Vers des patients acteurs de leur santé [en ligne], novembre 2010. Disponible sur Internet : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_990671/vers-des-patients-acteurs-de-leur-sante 24 Loi n 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé 25 Article L1111-4 alinéa 1er 26 Propos écrits lors de la rencontre HAS du 18-19 décembre 2008 : TABLE RONDE 12 : Sécurité des soins et participation active des patients : promesses ou obstacles? 27 MARINCOWITZ GJO. Mutual participation in the health worker-patient relationship. South African Family Practice, 2004, n 46, p.30-33. 15

Ses choix doivent être respectés étant donné qu ils sont la manifestation de l autonomie du patient. De plus, la participation du patient est aussi vue comme un moyen de partenariat avec le soignant. La relation soignant-soigné est basée sur un respect mutuel des capacités de l autre. Un extrait de l article («Mutual participation in the Health worker-patient Relationship») explique que pour qu un partenariat soignant-soigné soit réussi, il est nécessaire de reconnaître que le patient connaît aussi sa maladie : son expérience, les circonstances sociales, ses habitudes, son comportement, ses valeurs, ses préférences, etc. L auteur met aussi en évidence le rôle du soignant. Ce dernier, pour favoriser la participation active du patient, doit avoir certaines qualités personnelles : l'humilité, la capacité d'abandonner le rôle d'expert, une prise de conscience de son pouvoir, une conscience de soi et une capacité d'autocritique. La bienveillance, l empathie et la compassion sont aussi essentielles pour permettre au patient d être acteur de sa prise en charge. Faisons donc maintenant un point sur le soignant, et plus précisément sur l équipe rééducative interprofessionnelle. 1.3.2. Une équipe interprofessionnelle Selon Jean-Philippe GUIHARD (1999) 28, l interprofessionnalité «[ ] est le moyen pour que la prise en compte du sujet en souffrance puisse exister et induit des coordinations et des articulations entre les partenaires.». De son côté, Bénédicte GOULET DE RUGY(1997) 29 explique que dans une équipe interprofessionnelle, «Chaque membre est jugé comme compétent et pertinent pour la planification et la prestation des services. Il existe une coordination de l équipe acceptée par tous. Cette méthode s appuie sur des dossiers communs et des documents d évaluation des besoins. La personne soignée est participante et consultée.». Les professionnels sont donc associés mais gardent aussi leur spécificité, en apportant leurs savoirs et méthodes. Cela ne signifie pas que chaque membre de l équipe doit participer à toutes les activités. Il faut identifier les contributions de chaque profession, les compétences individuelles, et par conséquent programmer et répartir les tâches. Trouver un équilibre optimal entre travail individuel et travail collectif est l un des défis les plus difficiles à relever pour une équipe interprofessionnelle. Dans le cas de la prévention des douleurs d épaules, l équipe de rééducation (médecin, masseur-kinésithérapeute, ergothérapeute, éducateur handisport ou diététicien) est donc aussi interprofessionnelle et cette équipe veillera à rendre le patient acteur de sa prise en charge. C est notamment l éducation du patient qui favorisera sa participation. 28 GUIHARD J-P. Interprofessionnalité ou interprovidence. Journal d ergothérapie, 1999, n 3, p. 91. 29 GOULET DE RUGY B. : la démarche interdisciplinaire. Mémoire de cadre de santé. Montpellier. 1997. 16

1.3.3. L éducation du patient blessé médullaire pour la préservation des épaules Selon le «Consortium for Spinal Cord Medicine» 30, l éducation des individus blessés médullaires est essentielle pour la préservation de la fonctionnalité des épaules. En effet, le patient doit pouvoir reconnaître et agir précocement sur les signes de douleurs. L éducation concerne à la fois la fréquence des douleurs d épaule, les conséquences possibles de ces douleurs et les moyens de prévention possibles. Cela est particulièrement important quand des changements d habitudes de vie doivent être envisagés et que ceux-ci sont perçus comme le moyen de prévention principal. La prise en charge centrée sur le patient blessé médullaire est donc très importante pour favoriser une rééducation de qualité. C est l ensemble de l équipe qui va favoriser cette participation, et notamment l ergothérapeute par sa prise en compte globale du patient. 1.4. La spécificité de l ergothérapie dans la prise en charge Selon L Association Nationale Française des Ergothérapeutes 31, «L'ergothérapie peut permettre de prévenir un problème ou d'en réduire les effets. Il participe aussi aux actions de promotion de la santé, de prévention ou d'enseignement concernant les populations à risque de perte d'autonomie» 32. L ergothérapeute a donc son rôle à jouer dans la prévention des douleurs d épaules du blessé médullaire. Attardons-nous plus précisément sur sa spécificité et ce qu il peut apporter à cette prise en charge. 1.4.1. Définition L ANFE décrit l ergothérapeute comme : «Un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l'activité humaine et la santé. L'objectif de l'ergothérapie est de maintenir, de restaurer et de permettre les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Elle prévient, réduit ou supprime les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur environnement. L'ergothérapeute est l'intermédiaire entre les besoins d'adaptation de la personne et les exigences de la vie quotidienne en société.» 33. Cette définition met en avant le fait que l ergothérapeute, dans sa prise en charge, prend en compte la personne dans sa globalité, c est-à-dire ses facteurs personnels mais aussi ses habitudes de vie et son environnement. 30 Consortium for Spinal Cord Medicine op cit., p.5. 31 ANFE : principal organisme représentatif de la profession d'ergothérapeute en France qui a pour but de défendre et promouvoir la profession d'ergothérapeute. 32 Association Nationale Française des Ergothérapeutes, le site officiel de l ergothérapie et des ergothérapeutes, Disponible sur Internet : http://www.anfe.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=47&itemid=64 33 Association Nationale Des Ergothérapeutes, op cit. 17

1.4.2. La prise en charge globale Au cours de sa prise en charge, l ergothérapeute commencera tout d abord à évaluer la situation du patient. Cette évaluation repose sur des interrogatoires, des mises en situation, des mesures, des exercices, etc. Elle consiste à faire un point sur les facteurs personnels du patient (son intégrité ou déficience, ses capacités ou incapacités), son environnement (humain et matériel) et ses habitudes de vie (participation sociale et situation de handicap). Cette structuration de l évaluation globale est basée sur le Processus de Production du Handicap (PPH) dont voici le schéma : Schéma 1 34 : Processus de Production du handicap Le PPH est une classification québécoise qui permet d expliquer les causes et les conséquences du handicap et qui montre que les situations de handicap sont en lien avec les facteurs personnels mais aussi l environnement. Par conséquent, c est en renforçant les aptitudes, mais aussi en agissant sur les obstacles, que les habitudes de vie seront améliorées. C est ce que résume l ANFE quand elle définit le rôle de l ergothérapeute : «[l ergothérapeute] prévient, réduit ou supprime les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur environnement» 35. Nous allons maintenant définir les différents concepts du PPH, en se basant sur le Réseau International sur le Processus de Production du Handicap (RIPPH 36 ). 34 RIPPH, Mieux comprendre la différence pour changer le monde, PPH : schéma conceptuel [en ligne], 2006. Disponible sur Internet : http://www.ripph.qc.ca/?rub2=2&rub=6&lang=fr (consulté le 14 janvier 2012). 35 Association Nationale des Ergothérapeutes, op cit. 36 Organisme international visant l exercice du droit à l égalité des personnes ayant des incapacités par le biais du développement et de la diffusion des connaissances, contribuant à une société inclusive. 18