Les critères du domicile fiscal dans les conventions bilatérales et leur application par le juge français La localisation du domicile fiscal d'une personne physique est essentielle afin de déterminer l'étendue de son obligation fiscale. Le contribuable dont le domicile fiscal est situé en France y est assujetti à l'impôt sur l'ensemble de ses revenus de source française et étrangère. Il a une obligation fiscale dite "illimitée". A l'inverse, et sauf s'il dispose d'une habitation en France (confere publication FINIMMO WEALTH MANAGEMENT relative à l'article 164 C du Code Général des Impôts (CGI), le contribuable dont le domicile n'est pas situé en France n'est passible de l'impôt français que s'il dispose de revenus de source française et à raison de ces seuls revenus. L'obligation fiscale est dite "restreinte". Chaque Etat élaborant essentiellement sa législation fiscale avec souveraineté, la superposition de souverainetés peut conduire à imposer deux fois la même personne, le même revenu ou le même bien. L'objet des conventions fiscales internationales est de prévoir des mesures pour éviter les doubles impositions. La présente publication a donc pour objet de présenter les critères du domicile fiscal utilisés dans plusieurs cadres conventionnels auxquels la France est partie. Lire l'intégralité de l'article I. Les critères du domicile fiscal dans un cadre conventionnel Les conventions fiscales bilatérales déterminent les critères permettant de caractériser le domicile fiscal d'un contribuable. Chaque convention fiscale bilatérale contient ses propres critères et règles de détermination du domicile fiscal, notamment l'ordre dans lequel ces critères priment ou sont subsidiaires. Le caractère prépondérant, subsidiaire ou exclusif de tel ou tel critère ne dépend donc que des termes de la convention considérée. 1 / 6
Lorsqu'une personne est considérée comme résidente d'un Etat contractant par l'effet d'une convention bilatérale, elle ne peut pas être regardée comme fiscalement domiciliée dans l'autre Etat, même si elle répond à l'un des critères de détermination du domicile fiscal de cet autre Etat au regard de sa législation interne. Afin d'apprécier l'étendue de l'obligation fiscale d'un contribuable, il convient ainsi d'être vigilant à l'écriture de chaque convention fiscale applicable. Le tableau ci- dessous présente par ordre numérique les critères retenus au regard de la convention fiscale applicable. Critères utilisés par la convention applicable à laquelle la France est partie Foyer d'habitation permanent Centre des intérêts vitaux (liens personnels et économiques les plus étroits) Lieu de séjour habituel Nationalité Allemagne 1 2 3 4 Belgique 1 2 3 4 Espagne 1 2 3 4 Italie 1 2 3 4 Luxembourg 1 N/A 2 N/A Pays- Bas 1 2 3 4 Royaume- Uni 1 2 3 4 Suisse (*) 1 1 (**) 2 4 2 / 6
(*) La convention franco- suisse précise, en son article 4 6, les stipulations suivantes, en marge des critères énoncés ci- dessus: N'est pas considérée comme résident d'un Etat contractant au sens du présent article: a) Une personne qui, [...], n'est que le bénéficiaire apparent des revenus, lesdits revenus bénéficiant en réalité, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire d'autres personnes physiques ou morales, à une personne qui ne peut être regardée elle- même comme un résident dudit Etat au sens de présent article; b) Une personne physique qui n'est imposable dans cet Etat que sur une base forfaitaire déterminée d'après la valeur locative de la ou des résidences qu'elle possède sur le territoire de cet Etat. (**) La convention franco- suisse ne distingue pas entre les notions de foyer d'habitation permanent et de centre des intérêts vitaux. Cependant, à la différence des autres conventions ici mentionnées, il n'est pas fait mention des liens économiques, le centre des intérêts s'entendant uniquement du lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites. Les critères ci- dessus exposés et l'ordre dans lequel ils s'appliquent doivent être appréciés à la lumière des interprétations dont elle peut faire l'objet. II. Les critères légaux du domicile fiscal et leur interprétation par le juge français Aux termes de l'article 4 B du CGI, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France: a. Les personnes qui ont en France leur foyer Le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux. Traditionnellement, la localisation du foyer est indépendante des séjours qui peuvent être effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, tel la maladie d'un membre de la famille (CE 03.11.1995 n 126513). Le Conseil d'etat privilégie les liens de fait sur la situation juridique du contribuable. Ainsi, un contribuable marié et père de famille dont l'épouse et les enfants résidaient en France mais qui travaillait et vivait maritalement hors de France n'a pas été considéré comme domicilié fiscalement en France, compte tenu de la dissolution du foyer légitime (séjours épisodiques dans la maison familiale en France et départ des enfants majeurs du foyer) (CE 12.03.2010 n 311121). Dans le cas d'un contribuable célibataire sans enfant, le lieu de son foyer s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle (lieu où il entretient des relations personnelles et organise ses loisirs). La notion de famille dans le cas d'un 3 / 6
célibataire sans enfant n'est pas étendue à la famille proche (parents, frères et sœurs) (CE 17.03.2010 n 299770). Le Conseil d'etat a considéré pour la première fois (CE 27.01.2010, n 319897) que la concubine, bien qu'elle soit traitée différemment de l'épouse en matière d'impôt sur le revenu, est assimilée à un conjoint pour la qualification du foyer et ainsi attirer en France l'obligation fiscale illimitée du contribuable. Dans cette affaire, un contribuable exerçait une activité professionnelle à l'étranger, séjournait régulièrement en France. La question du lieu de son foyer primait sur celle consistant à apprécier si ses séjours suffisaient à eux- seuls à caractériser son lieu de séjour principal et donc sa résidence fiscale. Sa concubine et leur fils sur lequel il exerçait l'autorité parentale habitaient en France. Le Conseil d'etat a considéré que le contribuable avec sa concubine et leur enfant avaient leur foyer en France. b. Les personnes qui ont leur lieu de séjour principal en France Par opposition au critère du foyer, le lieu de séjour principal s'entend du lieu de séjour de la personne elle- même uniquement, indépendamment du lieu de séjour de sa famille. A cet égard, il est fait abstraction des conditions et du mode de ce séjour. Les séjours dans un hôtel sont notamment retenus. Traditionnellement, il suffit qu'une personne ait séjourné en France plus de 183 jours au cours d'une même année pour qu'elle soit réputée avoir eu son séjour principal dans notre pays au titre de l'année en cause. Toutefois, le critère tenant au lieu de séjour principal ne peut déterminer le domicile fiscal que dans l'hypothèse où le contribuable ne dispose pas de foyer (CE 03.11.1995 n 126513). c. Les personnes qui exercent en France une activité professionnelle Les personnes qui exercent en France une activité professionnelle sont réputées y avoir leur domicile fiscal, que cette activité soit salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire. d. Les personnes qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques 4 / 6
Le centre des intérêts économiques est le lieu où le contribuable a effectué ses principaux investissements, où il possède le siège de ses affaires, où il a le centre de ses activités professionnelles, où il administre ses biens, ou encore où il tire la majeure partie de ses revenus. Dans une affaire du 27 janvier 2010 (n 294784), le Conseil d'etat a rappelé que pour caractériser le centre des intérêts économiques d'un contribuable, il n'était pas suffisant de constater que celui- ci disposait d'un important patrimoine en France, mais qu'il fallait au préalable comparer les lieux où sont perçus les revenus du contribuable. Le Conseil d'etat réaffirme que la comparaison des patrimoines n'intervient qu'à titre subsidiaire, et que l'existence d'un patrimoine en France ne suffit pas à y attirer le centre des intérêts économiques d'un contribuable qui retire ses revenus d'une activité professionnelle réalisée à l'étranger. e. Cas des contribuables mariés et des enfants Dans le cas de contribuables mariés, si l'un des époux seulement répond aux critères de domiciliation en France, l'obligation fiscale du ménage ne porte que sur l'ensemble des revenus de l'époux domicilié en France et sur les revenus de source française de l'autre époux. De même, si l'un des enfants à charge ne répond pas aux mêmes critères, seuls ses revenus de source française sont compris dans l'imposition commune. III. Notre conclusion Si les critères de détermination du domicile fiscal en France sont traditionnels, il n'en demeure pas moins que leur acception au regard d'une situation de fait est en constante évolution. Il en est ainsi du concubinage permettant désormais de caractériser un foyer et donc le domicile fiscal d'un contribuable en France (CE 27.01.2010 n 319897). Ceci est une révolution. Le juge a de plus en plus une interprétation sociologique des critères traditionnels, et s'attache davantage à la réalité des situations qu'à leur apparence juridique. Aussi, pour les contribuables voulant se prévaloir de l'absence de domicile fiscal en France, la notion de centre des intérêts économiques telle que réaffirmée par le Conseil d'etat (CE 27.01.2010 n 294784) peut constituer un piège. En effet, même si un patrimoine conséquent, notamment immobilier, ne saurait suffire à caractériser le lieu du domicile fiscal du contribuable, le caractère souvent fluctuant des revenus liés à de tels investissements est de nature à ôter toute sécurité fiscale à son détenteur. 5 / 6
Il convient dès lors d'être particulièrement attentif tant aux termes de la convention fiscale applicable que de sa situation factuelle réelle. * * * FINIMMO Wealth Management: Votre partenaire 6 / 6