L hémostase et les tests qui l explorent

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Transcription:

Progrès en Urologie (1997), 7, 320-325 L hémostase et les tests qui l explorent Elisabeth VERDY Service d Hématologie Biologique, Hôpital Tenon, Paris, France RESUME A l état physiologique, chez le sujet normal, un parfait équilibre existe entre les systèmes d activation et d inhibition de la coagulation. Lors d une intervention chirurgicale, un dysfonctionnement du système d activation de la coagulation, à l origine d hémorragies, peut être engendré par l importance des lésions anatomiques ou la pré-existence d une anomalie quantitative ou qualitative des plaquettes et/ou d une ou plusieurs protéines plasmatiques de coagulation. Par contre, dans la période post-opératoire, le risque de thrombose prédomine et est majoré chez les sujets présentant un déficit en une protéine inhibitrice de la coagulation. Avant tout acte chirurgical, le risque hémorragique et thrombotique doit donc être évalué. Les renseignements obtenus par l interrogatoire portant sur les antécédent personnels et familiaux du patient associé à quelques tests simples d étude de la coagulation permettront souvent de prévenir les accidents hémorragiques ou thrombotiques. Mots clés : Hémostase, physiologie, exploration. Progrès en Urologie (1997), 7, 320-325 L hémostase regroupe l ensemble des mécanismes qui concourent à l arrêt du saignement. Plusieurs phases sont habituellement décrites qui sont étroitement intriquées in vivo : Hémostase primaire, Coagulation plasmatique et Fibrinolyse. Les 2 premières étapes permettent l arrêt du saignement par formation d un réseau fibrineux au niveau de la brèche vasculaire. La fibrinolyse physiologique secondaire assure, après réparation des lésions vasculaires, la restitution ad integrum du vaisseau par la destruction du caillot fibrineux. Une parfaite harmonie entre les systèmes d activation et d inhibition de la coagulation concourent au maintien de l équilibre hémostatique. Un dysfonctionnement de l un de ces systèmes pourra induire soit une tendance hémorragique (anomalie du système d activation), soit une tendance thrombotique (anomalie du système d inhibition). HEMOSTASE PRIMAIRE Elle fait intervenir plusieurs éléments : le vaisseau, les plaquettes et des facteurs plasmatiques de coagulation (le fibrinogène et le facteur Willebrand) [1]. Dès la lésion vasculaire, une vasoconstriction réflexe du vaisseau permet un ralentissement du flux sanguin et donc une stagnation locale des éléments sanguins participant à l hémostase. Au niveau des structures sous-endothéliales mises à nu, les plaquettes adhèrent soit directement, soit par l intermédiaire du facteur Willebrand qui établit un pont entre la glycoprotéine Ib plaquettaire et un récepteur sous-endothélial. Les plaquettes ainsi acti vées vont s agréger et recruter d autres plaquettes par le biais de médiateurs qu elles auront parfois elles-mêmes sécrétées. La résultante de cette activation est la formation du «clou plaquettaire». Ce clou hémostatique est composé de plaquettes reliées entre elles par des molécules de fibrinogène qui forment un lien entre les récepteurs membranaires glycoprotéiques GP IIb-IIIa des plaquettes. Les principaux médiateurs de l agrégation plaquettaire sont utiles à connaître en raison de leur implication en thérapeutique : L Adénosine de phosphate - ADP - est sécrétée au cours de l activation plaquettaire. Le thromboxane A2 - TXA2 - puissant agent agrégant et vaso-constricteur, est un métabolite de la voie des prostaglandines au niveau plaquettaire. Il est formé lors de l activation plaquettaire. La thrombine est formée au cours de la coagulation plasmatique comme nous le reverrons. Au niveau de la brèche vasculaire, les plaquettes s activent et ensuite rétro-activent d autres plaquettes. Le principal élément régulateur de ce mécanisme est représenté par la Prostacycline, vasodilatatrice et antiagrégante plaquettaire, synthétisée par la cellule endothéliale saine. La Prostacycline va donc limiter le processus d activation plaquettaire à la zone lésée. Manuscrit reçu le 10 mai 1995, accepté : juillet 1995. Adresse pour correspondance : Dr. E. Verdy, Service d Hématologie Biologique, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris. 320

* * ** * *** ** * Tableau 1. Schéma simplifié de la coagulation plasmatique. * Inhibition par l AT III FT : facteur tissulaire ** Inhibition par la protéine C Ph : phospholipide. *** Inhibition par le TFPI Facteur VIII : anti hémophilique A. Facteur IX : anti hémophilique B. Facteur X : Stuart. Facteur V : proaccélérine. Facteur II : prothrombine. Facteur I : fibrinogène. Facteur XIII : facteur statilisant de la fibrine. COAGULATION PLASMATIQUE Elle fait intervenir des protéines plasmatiques de coagulation et le facteur tissulaire libéré par les tissus lésés. Les plaquettes et les cellules endothéliales vont jouer un rôle primordial de support de certaines réactions enzymatiques [2]. Parmi les facteurs de coagulation, certains sont synthétisés par le foie en présence de vitamine K : Facteur II ou Prot hrombine, Facteur VII ou Proconverti ne, Facteur IX ou Facteur anti-hémophilique B, le facteur X ou facteur Stuart mais également la protéine C et la protéine S qui sont des protéines inhibitrices de coagulation. Ces facteurs seront diminués chez les patients soumis à un traitement par les anti vitamines K. Pour d autres facteurs de coagulation, le siège de leur synthèse est hépatique mais la présence de vitamine K n est pas nécessaire : Facteur VIII ou Facteur anti- 321

hémophilique A, Facteur V ou Proaccélérine, Facteur I ou Fibrinogène, Facteur XIII ou Facteur stabilisant de la fibrine et un inhibiteur de la coagulation : l Antithrombine III, cofacteur de l héparine. Le facteur Willebrand (protéine porteuse du facteur VIII coagulant anti-hémophilique A) est synthétisé par la cellule endothéliale. Quant aux facteurs de la phase contact : facteur XII, facteur XI, prékallicréine (PK) et kininogène de haut poids moléculaire (KHPM), leur lieu de synthèse n est pas déterminé avec précision. La coagulation plasmatique se déroule selon 2 voies : la voie endogène qui fait intervenir des éléments contenus dans le vaisseau et la voie exogène qui fait intervenir des éléments intra et extra vasculaires (Tableau 1). Voie endogène ou intrinsèque L initiation de la coagulation intrinsèque a lieu par l intermédiaire de l activation des facteurs de la phase contact (XII - XI - PK - KHPM) principalement au niveau du sous endothélium lésé. La coagulation endogène va consister en une cascade de réactions faisant intervenir différents facteurs de coagulation dont certains vont acquérir des propriétés enzymat iques (sérines protéases): XIIa - XIa - IXa - Xa - IIa et d autres, jouer un rôle de cofacteurs: V et VIII. Un support phospholipidique (plaquettes activées, endothélium vasculaire) et du calcium (Ca++) sont indispensables pour l optimisation des réactions. Les facteurs de la phase contact, une fois activés, permettent l activation du facteur IX. Le complexe formé par le facteur IX a, le facteur VIII, les phospholipides et le Calcium permet la formation de la prothrombinase. Voie exogène ou extrinsèque La coagulation exogène fait intervenir le facteur tissulaire présent dans le sous-endothélium mis à nu lors de la lésion vasculaire. Le facteur VII est activé par protéolyse et induit l activation du facteur X rejoignant ainsi le tronc commun avec la coagulation endogène au niveau de la prothrombinase. La prothrombinase est le nom donné au complexe composé du facteur Xa, du facteur V, de phospholipides et de calcium. Cette prothrombinase induit l activation de la prothrombine en thrombine. Le réseau fibrineux, terme ultime de la coagulation endogène et exogène se constitue grâce à l action de la thrombine (IIa). La thrombine scinde la molécule de fibrinogène en libérant les fibrinopeptides A et B. Le fibrinogène est alors transformé en monomères de fibrine qui se polymérisent. Le réseau de fibrine est rendu stable, insoluble grâce à l intervention du facteur XIIIa. De nombreuses inter-relations entre les 2 voies et des rétroactivations amplifient le processus de coagulation. Elles ne semblent pas influencer les tests de coagulation réalisés in vitro: le facteur Xa rétroactive le facteur VII. le complexe VIIa - Ca++ - facteur tissulaire peut activer le facteur IX. le facteur IXa peut activer le facteur VII. la thrombine rétroactive les facteurs V et VIII amplifiant ainsi sa propre formation. Pour limiter cette formation importante de fibrine au niveau de la zone lésée, plusieurs protéines inhibitrices de coagulation contrôlent les différentes réactions enzymatiques. Les plus importantes protéines «régulatrices» sont l Antit hrombine III (ATIII), la proteine C et la protéine S. L existence de mani festations t hromboemboliques chez les sujets déficitaires en ces protéines rend compte de leur importance en p h y s i o l o g i e. Antithrombine III Synthétisée par l hépatocyte, elle inactive la thrombine mais également les facteurs Xa, IXa, XIa, XIIa en formant avec eux un complexe inactif. A l état physiologique, les analogues de l héparine (héparane sulfate) présents à la surface des cellules endothéliales potentialisent son action sur les facteurs activés. Lors d un traitement héparinique, son action neutralisante est amplifiée 2 à 3000 fois. Système Protéines C et S Synthétisées par le foie en présence de vitamine K, les protéines C et S sont impliquées dans les mécanismes régulateurs par leur action inhibitrice sur les facteurs Va et VIIIa. La thrombine, formée lors des processus de coagulation, se fixe sur la thrombomoduline de la cellule endothéliale. Une fois fixée, la thrombine est capable d activer la protéine C qui, en présence de protéine S, inactive les facteurs Va et VIIIa. Il est important de noter le rôle majeur de la thrombine dans l équilibre de l hémostase puisqu elle potentialise sa propre formation en rétroactivant les facteurs V en Va et VIII en VIIIa mais qu en même temps, elle active la protéine C qui dégrade ces facteurs Va et VIIIa. Inhibiteur de la voie exogène: Tissue Factor Pathway Inhibitor TFPI est moins bien connu. FIBRINOLYSE La fibrinolyse a pour but la lyse secondaire des caillots de fibrine [3]. 322

Tableau 2. Tests globaux de l hémostase et facteurs explorés. PK HPM XII XI IX VIIIc VIIIw VII X V II I XIII Plaq TS - - - - - - + - - - - + - + TQ - - - - - - - + + + + + - - TCA + + + + + + + - + + + + - - La plasmine est l élément central de cette phase de l hémostase. Elle dérive du plasminogène (précurseur inactif synthétisé par le foie) sous l action de différents activateurs : Activateur tissulaire du plasminogène: t-pa synthétisé et libéré par les cellules endothéliales. Urokinase: sécrétée par les cellules rénales, elle assure également la perméabilité des uretères. Facteur XII. La plasmine va dégrader le caillot de fibrine en produits de dégradation de la fibrine PDFb. Dans des circonstances pathologiques, la plasmine formée en excès peut également protéolyser le fibrinogène et les facteurs V et VIII. Les systèmes inhibiteurs de la fibrinolyse sont de plusieurs types : les inhibiteurs de l activateur du plasminogène: PAI1 d origine endothéliale et PAI2 d origine placentaire. les antiplasmines principalement 1 α2 antiplasmine d origine hépatique. TESTS SIMPLES D EXPLORATION DE L HEMOSTASE (Tableaux 1 et 2) Hémostase primaire Le temps de saignement (TS) est le seul test global d étude de l hémostase primaire. Malheureusement, ce test manque de sensibilité et de spécificité. Sa valeur prédictive du risque hémorragique est discutée. La technique d IV Y, à l avant-bras, garde toutefois un intérêt dans le cadre de l exploration d un syndrome hémorragique et peut-être chez les patients prenant des antiagrégants plaquettaires bien que, dans ce dernier cas, il n existe pas toujours de corrélation entre le TS et les résultats de l agrégation plaquettaire réalisée in vitro. La numération plaquettaire est un test primordial d étude de l hémostase primaire. En cas de constatation d une thrombopénie (plaquettes inféri eures à 150.000/mm3), l examen doit être contrôlé sur un 2ème prélèvement et confirmé par l étude du frottis sanguin. Cette vérification indispensable permet d ex- clure l existence d agrégats plaquettaires formés in vitro, parfois à l origine d un diagnostic erroné. Coagulation plasmatique Le temps de céphaline activat eur: TCA (dénommé TCK: Temps de céphaline kaolin l orsque le kaolin est l activateur utilisé) explore la voie endogène de la coagulation. Le TCA est le temps de coagulation d un plasma déplaquet té en présence de Calcium, d un substit ut plaquet taire (la céphal ine) et d un act ivateur de la phase cont act. Les résult at s sont exprimés en secondes par rapport à un témoin ou en ratio (Temps du malade/temps du témoin). Les limites de normalité sont définies par chaque laboratoire, elles dépendent en effet des réactifs et des aut omate s ut ili sés pour sa réalisati on. Habituellement, la limite de la normalité est située à 8-10 secondes au-delà du TCA du plasma témoin ou un ratio inférieur à 1.3. Le TCA explore les facteurs du système contact: PK- KHPM-XII-XI, les facteurs anti hémophiliques A et B: VIII et IX, la prothrombinase: facteurs X et V, la prothombine et le fibrinogène. Il n explore pas la composante plaquettaire et n est donc pas modifié chez les patients soumis à un traitement anti agrégant plaquettaire. Le temps de Quick: TQ (improprement appelé «taux de prothrombine») est le temps de coagulation d un plasma déplaquetté en présence de calcium et de facteur tissulaire. Les résultats sont habituellement exprimés en pourcentage (chez les patients anticoagulés par les anti vitamines K, un autre mode d expression est actuellement utilisé comme nous le reverrons). Un TQ inférieur à 75-80% doit faire rechercher une anomalie de la voie exogène. Le TQ explore les facteurs de la voie exogène : VII-X- V-II et le fibrinogène. Fibrinolyse Le temps de lyse des euglobulines (test de Von Kaulla) est le test global d étude de la fibrinolyse. Il n est pas réalisé en dépistage. Toutes les protéines de coagulation peuvent être étudiées isolément. Elles sont habituellement uniquement explorées lorsqu un test global est anormal. 323

QUEL BILAN PRESCRIRE? Le bilan biologique à réaliser varie en fonction des circonstances: bilan pré opératoire ou bilan d un patient aux antécédents hémorragiques bilan d un syndrome hémorragique per ou post opératoire bilan avant la mise en route d un traitement anti coagulant bilan d un syndrome thrombotique Le bilan pré opératoire est actuellement discuté par certains auteurs, en parti culier en cas d intervention mineure. Il doit être réalisé lorsque les renseignements obtenus par l i nterrogat oire retrouvent un passé hémorragique personnel et/ou familial, lorsque l interrogatoire est ininterprétable ou peu informatif (chez l enfant en particulier), lorsque l intervention comporte un risque hémorragique reconnu (prostatectomie par exemple), l orsque le patient reçoit un traitement qui interfère ou peut interférer avec l hémostase. Ce bilan comporte habituellement TQ-TCA- Numérat ion plaquettaire associés ou non à un dosage du fi brinogène et un temps de saignement. Malheureusement, ce bilan a ses limites. Il ne détecte pas les formes modérées de maladie de Willebrand et d hémophilie ni les rares déficits en facteur XIII ou α2 anti plasmine. Le biologiste devra donc adapter les recherches en fonction du contexte clinique et des premiers résultats biologiques obtenus. Il convient toutefois de noter que les déficits en facteur XII, PK et KHP M ne s accompagnent pas de syndrome hémorragique. De plus, les anticoagulants circulants de type anti phospholipidique sont rapportés associés à des phénomènes thrombotiques lorsqu il n existe pas d autres anomalies de l hémostase. Le bilan d un syndrome hémorragique apparu en période per ou post opératoire en l absence de cause locale. Si un trouble de l hémostase est suspecté, le bilan doit comporter en première intention TQ-TCA- Temps de Thrombine: T Th (il étudie la fibrinoformation et est allongé en cas d héparinothérapie par l héparine non fractionnée intra-veineuse ou sous-cutanée) - Dosage du Fibrinogène et Numération Plaquettaire. En fonction des résultats de ce premier bilan, des examens plus spécifiques seront réalisés: dosages des cofacteurs II-V-VII+X, dosage des D Dimères (témoin de la présence de fibrine), temps de lyse des euglobulines... Le bilan biologique avant la mise en route d un trai - tement anticoagulant doit comporter TQ-TCA et Numération plaquettaire. Le TQ et/ou le TCA peuvent être anormaux même en l absence de passé hémorragique comme, par exemple en cas d anticoagulant de type anti phopholipidique ou de déficit en facteur XII; la surveillance d un traitement anticoagulant peut alors nécessiter le choix d autres tests. La numération plaquettaire permettra de surveiller la survenue d une thrombopénie induite par l héparine qui impose l arrêt d un traitement héparinique. Le bilan d un syndrome thrombotique fait appel en hémostase, à des dosages spécialisés car les anomalies congénitales: déficit en antithrombine III, protéines C et S, ne peuvent être suspectées sur les tests standard de coagulation. De plus, certaines anomalies acquises (anti phospholipides par exemple) nécessitent parfois des tests sensibles pour leur mise en évidence. A l heure actuelle, un tel bilan n est prescrit qu en cas d antécédent thrombo embolique veineux personnel ou familial. Son interprétation est plus difficile lorsqu il est réalisé lors de l accident thrombotique surtout au décours d une intervention chirurg i- cale. Il est préférable dans ces cas de le réaliser à distance de l intervention et des traitements anticoagulants. En l absence d antécédents thrombotiques, le risque thrombogène de l i ntervention sera bien sûr pris en considération pour juger de l opportuni té d un tel bil an. L influence des traitements anti coagulants sur le dosage des inhibiteurs physiologiques de coagulation est à prendre en considération pour la date de leur réalisati on: ATIII parfois influencée par l héparinothérapie, Protéines C et S abaissées sous anti vitamines K. Quant à la résistance à la protéine C activée, elle est liée à une mutation du facteur V au niveau de son site de clivage par la protéine C activée. Récemment décrite, el le serait responsable de plus de 20 à 30% des maladies thrombo emboliques veineuses famil iales. A l heure actuelle, un accord est certainement souhaitable avec le bi ologiste avant de prescri re une telle recherche. Au total, la complexité de certaines complications hémorragiques et thrombotiques nous i ncite à conseiller une étroite collaboration entre les cliniciens et les biologistes pour une bonne gestion du statut hémostatique de nos patients. REFERENCES 1. DROUET L. L hémostase primaire et les tests qui l explorent. «Hématologie», tome I, Najman A., Verdy E., Potron G., Isnard F. Eds. Elipses Edit., Paris, 1994, 181-198. 2. GUILLIN L. La coagulation et les tests qui l explorent. «Hématologie», tome I, Najman A., Verdy E., Potron G., Isnard F. Eds. Elipses Edit., Paris, 1994, 199-213. 3. JUHAN VAGUE I., ALESSI M.C., AILLAUD M.F. La fibrinolyse et les tests qui l explorent. «Hématologie», tome I, Najman A., Verdy E., Potron G., Isnard F. Eds. Elipses Edit., Paris, 1994, 214-225. 324

SUMMARY Haemostasis and the tests used to investigate it. Under physiological conditions, in healthy subjects, there is a perfect equilibrium between coagulation activation and inhibi - tion systems. During a surgical operation, dysfunction of the coagulation activation system, responsible for haemorrhage, can be induced by the extent of the anatomical lesions or the pre-existence of a quantitative or qualitative platelet abnorma - lity and/or one or several plasma clotting factors. In contrast, the postoperative period is dominated by the risk of thrombosis and this risk is increased in subjects with a deficit of a coagula - tion inhibitory protein. The patient s haemorrhagic and thrombotic risk must therefore be evaluated prior to any surgical procedure. The information obtained by clinical interview concerning the patient s personal and family history, combined with a few simple clotting tests generally allows prevention of haemorrhagic or thrombotic accidents. Key words : Hemostatis, physiology, exploration. 325