114 e session Jugement n o 3154

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Transcription:

Organisation internationale du Travail Tribunal administratif International Labour Organization Administrative Tribunal Traduction du Greffe, seul le texte anglais fait foi. 114 e session Jugement n o 3154 LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF, Vu le recours en interprétation du jugement 2958, formé par l Union internationale des télécommunications (UIT) le 6 juillet 2011 et régularisé le 14 juillet, la réponse de M. H. V. du 22 septembre, la réplique de l Union du 20 décembre 2011 et la duplique de M. V. du 5 avril 2012; Vu l article II, paragraphe 5, du Statut du Tribunal; Après avoir examiné les pièces du dossier; CONSIDÈRE : 1. Aux termes du point 2 du dispositif du jugement 2958 prononcé le 2 février 2011, «[l] UIT paiera au requérant l équivalent de trois années de traitement brut, déduction faite des sommes perçues à titre d indemnité de licenciement». 2. Par une note du 15 mars 2011, annexée à une lettre du 18 mars 2011 adressée au requérant qui est le défendeur au présent recours concernant l exécution du jugement 2958, le Département de la gestion des ressources humaines de l UIT a indiqué que le salaire brut mensuel de l intéressé s élevait à 16 257,75 francs suisses et qu il comprenait

le salaire de base avant déduction de la contribution du fonctionnaire (8 666,20 francs) et l indemnité de poste (7 591,55 francs). Dans un courriel daté du 24 mars 2011, le requérant, ayant relevé que dans le calcul de son traitement brut l UIT n avait pas tenu compte des indemnités pour personne à charge dues pour ses deux enfants, demanda à l Union de bien vouloir effectuer «les ajustements nécessaires». Dans un courriel du 15 avril 2011, l UIT répondit, citant le jugement 2988 (considérant 4), qu une organisation est tenue de calculer les traitements et indemnités dus au personnel conformément à son statut et à son règlement. Dans le jugement cité, le Tribunal avait estimé ce qui suit : «4. Bien que la mauvaise foi ne soit pas démontrée, une organisation est tenue de calculer les traitements et indemnités dus au personnel conformément à son statut et à son règlement. Ce principe s applique également au calcul du montant des traitements et indemnités dus en application d un jugement du Tribunal. En l espèce, pour calculer le montant dû au requérant, [l Organisation] n a pas appliqué ses propres Statut et Règlement. Ce manquement, combiné au retard dans le paiement de l indemnité et des deux mois de traitement supplémentaires dus en lieu et place du préavis, donne droit à l intéressé à des dommages-intérêts pour tort moral d un montant de 1 000 dollars des États-Unis et à des dépens d un montant de 300 dollars.» Dans le courriel du 15 avril, l Union expliquait en outre que, selon elle, le traitement brut tel que défini dans les Statut et Règlement du personnel de l UIT ne comprenait pas l indemnité pour personne à charge. Au cours d une réunion qui eut lieu le 12 mai 2011, l UIT indiqua qu elle doutait de surcroît que l indemnité de poste fût à considérer comme faisant partie du traitement brut du requérant. 3. L UIT demande l interprétation du point 2 du dispositif du jugement 2958. Elle soutient que, à la lumière de la définition du traitement brut qui ressort des Statut et Règlement du personnel, cette notion ne comprend ni l indemnité pour personne à charge ni l indemnité de poste. L UIT demande par conséquent au Tribunal de l autoriser à recouvrer tout montant excédentaire versé. 4. Dans sa réponse, l intéressé demande au Tribunal de déclarer que le recours en interprétation du jugement 2958 est irrecevable dans 2

la mesure où il concerne l inclusion de son indemnité de poste dans son traitement brut, de déclarer que les termes «trois ans de traitement brut» utilisés dans le jugement 2958 signifient l intégralité des sommes qu il aurait perçues s il était resté au service de l UIT au cours de la période en question, y compris les indemnités pour personne à charge, les augmentations de traitement et toute autre prestation, et d ordonner à l UIT de lui verser des dommages-intérêts pour tort moral, ainsi que les dépens. 5. Étant donné que le recours en interprétation ne saurait être accueilli quant au fond, le Tribunal se dispensera d en examiner la recevabilité. 6. Le Tribunal est d avis que la décision doit en tout premier lieu être interprétée sur le fondement des considérants du jugement. Dans le jugement 2958, au considérant 8, il a déclaré ce qui suit : «Compte tenu de ce qui précède, la décision du Secrétaire général du 28 novembre 2008, par laquelle celui-ci maintenait la décision du 25 mars 2008 de ne pas renouveler le contrat du requérant, doit être annulée et il en va de même de la décision de l UIT de ne pas convertir le contrat de ce dernier en un contrat permanent. Toutefois, étant donné le temps écoulé et la difficulté que l administration pourrait rencontrer pour réintégrer l intéressé dans un poste qui n existe plus, le Tribunal, eu égard au temps pendant lequel le requérant aurait dû rester au service de l Union, ordonne que l UIT lui verse une réparation équivalant à trois ans de traitement brut, déduction faite des sommes reçues à titre d indemnité de licenciement. Le requérant a également droit à 40 000 francs suisses de dommages-intérêts pour tort moral et à 7 000 francs au titre des dépens.» Par «traitement brut», on entend couramment le montant total de la rémunération habituelle d un fonctionnaire, y compris les indemnités, le paiement des heures supplémentaires, les commissions et les primes, ainsi que tout autre montant normalement versé, avant toute retenue. En l espèce, la notion de «traitement brut» a été choisie pour désigner le traitement de base avant déduction de la contribution du fonctionnaire, majoré de l ensemble des indemnités et prestations. Cette interprétation est compatible avec le fait que la compensation octroyée devait équivaloir à une réintégration et que l objectif exprès était d indemniser le requérant pour le temps pendant lequel «il aurait dû rester au service de l Union». 3

Ensuite, eu égard au sens donné à la notion de «traitement brut» (soit le traitement de base avant déduction de la contribution du fonctionnaire, majoré de l ensemble des indemnités et prestations), l UIT est tenue de calculer les traitements et indemnités dus à son personnel conformément à ses Statut et Règlement, comme indiqué dans le jugement 2988, au considérant 4. 7. Par conséquent, l UIT devra verser au requérant le montant intégral qui lui est dû (déduction faite de ce qui lui a déjà été payé), majoré d intérêts sur le solde au taux de 5 pour cent l an, calculés à compter de la date du paiement initial jusqu à la date du versement du solde. La mauvaise foi n ayant pas été démontrée dans le cas d espèce, le requérant n a pas droit à des dommages-intérêts pour tort moral. Dans le jugement 2800, au considérant 21, le Tribunal a estimé que : «les organisations et leurs agents doivent agir de bonne foi les uns envers les autres; il incombe aux organisations d avoir pour leurs agents les égards nécessaires et de leur éviter un dommage inutile. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la mauvaise foi ne se présume pas mais qu elle doit être prouvée. En outre, pour établir la mauvaise foi, il faut prouver l intention de nuire, la malveillance, l existence de motifs condamnables, la fraude ou tout autre dessein malhonnête [ ].» Le requérant, qui est le défendeur dans le cadre du présent recours, a droit à 4 000 francs suisses à titre de dépens. Par ces motifs, DÉCIDE : 1. L UIT versera au requérant le montant intégral qui lui est dû (déduction faite de ce qui lui a déjà été payé), majoré d intérêts sur le solde au taux de 5 pour cent l an, calculés à compter de la date du paiement initial jusqu à la date du versement du solde. 2. Elle lui versera également 4 000 francs suisses à titre de dépens. 3. Toutes les autres conclusions sont rejetées. 4

Ainsi jugé, le 2 novembre 2012, par M. Seydou Ba, Président du Tribunal, M. Giuseppe Barbagallo, Juge, et M me Dolores M. Hansen, Juge, lesquels ont apposé leur signature au bas des présentes, ainsi que nous, Catherine Comtet, Greffière. Prononcé à Genève, en audience publique, le 6 février 2013. SEYDOU BA GIUSEPPE BARBAGALLO DOLORES M. HANSEN CATHERINE COMTET 5