MEDECINE DU TRAVAIL ET LOI N 2016 1088 DU 8 AOUT 2016 LES POINTS DE VIGILANCE Octobre 2016
Médecine du travail et Loi N 2016 1088 du 8 août 2016 : les points de vigilance Le développement qui suit est réalisé dans le cadre du partenariat entre Bureau Veritas France et le cabinet Pradel Avocats, spécialiste reconnu des questions de santé au travail et de droit de la protection sociale. Les auteurs ont apporté toute leur attention au sérieux scientifique du présent contenu. Le cabinet Pradel Avocats tient à rappeler que la complexité de la matière impose de s adresser à un juriste qualifié pour traiter toute question particulière. Les auteurs ou éditeurs ne peuvent assumer une quelconque responsabilité du fait des informations qui sont ou ne sont pas contenues dans l article qui va suivre. Camille-Frédéric PRADEL Avocat au barreau de Paris Docteur en droit Virgile PRADEL Avocat au barreau de Paris Docteur en droit La loi n 2016 1088 du 8 aout 2016 comporte des dispositions relatives au fonctionnement de la médecine du travail. Elles entrent en vigueur le 1 er janvier 2017. Les décrets d application de la loi du 8 août 2016 sont encore attendus. Néanmoins, on distingue déjà avec la seule partie législative les grands traits de la réforme : - Le maintien d une visite médicale obligatoire lors de l embauche avec quelques adaptations destinées aux publics davantage exposés au risque professionnel (1) ; - La modulation de la périodicité des visites de contrôle suivant la catégorie de travailleurs (2) ; - L affirmation de pouvoirs du médecin du travail tendant à l aménagement du poste de travail (3) ; - L harmonisation de la procédure de constat de l inaptitude (4) ; - La rationalisation de l obligation de reclassement qui pèse sur l employeur (5). Le présent développement expose les points de vigilance que doit identifier le gestionnaire des ressources humaines. Page 2 sur 8
TEXTE : 1. LE MAINTIEN LORS DE L EMBAUCHE D UNE VISITE OBLIGATOIRE AUPRES DU SERVICE DE SANTE AU TRAVAIL a. Cas général : la visite d information et de prévention Art. L 4624-1 al. 2 du Code du travail 1. Une visite d information et de prévention a lieu après l embauche dans un délai qui sera précisé par les décrets d application. Cette visite est effectuée par le médecin du travail ou, sous l autorité de ce dernier, par le collaborateur médecin, l interne en médecine du travail ou l infirmier. A la fin de cette visite, une attestation est délivrée au travailleur. Après toute embauche, organiser la tenue d une visite d information et de prévention dans les délais fixés par décret. S assurer de la délivrance d une attestation. b. Cas particulier n 1 : modalités de la visite d information et de prévention pour les travailleurs handicapés TEXTE : Art. L.4624-1 al. 5 du Code du travail. Des modalités particulières sont mises en œuvre quand le travailleur déclare, lors de la visite d information et de prévention : - qu il est un travailleur handicapé au sens de l article L. 5213-1 du Code du travail et reconnu comme tel par la commission des droits et de l autonomie des personnes handicapées ; - ou qu il est titulaire d une pension d invalidité attribuée au titre du régime général de sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire. Dans ces deux cas, c est le médecin du travail seul qui pourra effectuer la visite lors de l embauche. Pour toute embauche, organiser la tenue d une visite d information et de prévention dans les délais. S assurer de la délivrance d une attestation. S assurer de la prise en charge de la visite et du suivi par un médecin du travail. c. Cas particulier n 2 : l examen médical d aptitude avant l embauche pour les travailleurs affectés à des postes à risques particuliers TEXTE : Art. L 4624-2 du Code du travail. 1 Les références législatives citées tiennent compte des modifications de la loi n 2016-1088 du 8 août 2016 Page 3 sur 8
Est concerné le travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l environnement immédiat de travail. Le champ des travailleurs concernés sera certainement voisin de celui défini par l actuel article R. 4624-18 du Code du travail, pour les «bénéficiaires d une surveillance renforcée». Pour ces travailleurs affectés à des postes à risques particuliers, le contrôle médical a lieu avant l embauche. Le contrôle médical se différencie en deux points du cas général : - un examen d aptitude est délivré au travailleur par le médecin du travail ; - sauf texte contraire, seul le médecin du travail peut effectuer cet examen d aptitude avant l embauche. S assurer de la tenue, avant l embauche, d un examen d aptitude. S assurer de la délivrance d un avis d aptitude au dossier. S assurer de la prise en charge de la visite et du suivi par un médecin du travail. d. Cas particulier n 3 : la détermination par le médecin du travail du suivi du travailleur de nuit TEXTE : Art. L 4624-1 al. 7 du Code du travail Les travailleurs de nuit bénéficient d un suivi individuel de leur état de santé, fixé par le médecin du travail suivant les caractéristiques du poste et du travailleur et selon des modalités déterminées par un prochain décret. POINT DE VIGILANCE : Un seul point de vigilance est pour l instant retenu : confier la visite d embauche au seul médecin du travail pour qu il détermine le suivi du travailleur de nuit. e. Cas particulier n 4 : la détermination par le médecin du travail du suivi du travailleur temporaire ou en contrat à durée déterminée Un décret en Conseil d'etat prévoit les règles applicables aux salariés temporaires et aux salariés en contrat à durée déterminée. La publication de ce décret est attendue à l automne 2016. Page 4 sur 8
TEXTE : 2. LA PERIODICITE MODULABLE DE LA VISITE DE CONTROLE a. Cas général Art. L 4624-1 al. 2 et 4 du Code du travail. A l embauche, lors de la visite d information et de prévention, le médecin du travail ou l équipe pluridisciplinaire fixe la périodicité des visites de contrôle suivant les conditions de travail, l'état de santé et l'âge du travailleur, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé. La périodicité des visites de contrôle varie au cas par cas suivant les recommandations du professionnel de santé. Le principe des visites biennales fixé dans la partie réglementaire du Code du travail (art. R 4624-16) - n a pas été supprimé par la loi du 8 août 2016. Il le sera en revanche très probablement lors de la parution des décrets d application de la loi du 8 août 2016. Nous conseillons à l employeur, pendant les deux années suivant l entrée en vigueur de la loi, en l absence d indications contraires du médecin du travail, d assurer la tenue des visites biennales restantes. TEXTE : Noter la périodicité des visites de suivi décidée à l occasion de la visite lors de l embauche. Organiser les visites biennales restantes. b. Cas particulier : les travailleurs affectés à un poste à risque Art. L 4624-2 du Code du travail. Les «travailleurs affectés à un poste à risque» bénéficient d un suivi individuel renforcé de leur état de santé, qui se traduit par un examen d aptitude renouvelé suivant une périodicité déterminée par le médecin du travail. Le contrôle d aptitude périodique est effectué par le seul médecin du travail. Sans doute constatera-t-on, à l occasion des décrets d application, une proximité des champs des travailleurs «affectés à un poste à risque» et des «bénéficiaires d une surveillance renforcée» au sens de l ancien dispositif (art. actuel R. 4624-18 du Code du travail). Les «bénéficiaires d une surveillance renforcée» étaient soumis à une obligation de visite de contrôle au maximum biennale (art. actuel R. 4624-19 du Code du travail). A notre sens, l employeur devra, pendant les deux ans suivant l entrée en vigueur de la loi, écouler les contingents de visites à périodicité au moins biennale pour les «travailleurs affectés à un poste à risque» anciennement «bénéficiaires d une surveillance renforcée» ; Au 1 er janvier 2017 : o auditer la liste des salariés relevant de la nouvelle législation sur «les postes à risques» ; o soumettre leur situation au médecin du travail. Par la suite : o Organiser les visites infra-biennales restantes en vertu de l ancien dispositif ; o Noter la périodicité des visites de suivi décidée lors de la visite avant l embauche ; o S assurer de la tenue d une visite de contrôle périodique sous forme d examen d aptitude ; o S assurer de la prise en charge de la visite de contrôle par un médecin du travail. Page 5 sur 8
3. LES POUVOIRS DU MEDECIN DU TRAVAIL EN MATIERE D AMENAGEMENT DE POSTE TEXTES : Art. L 4624 3, L 4624-5, L 4624-6 et L 4624-7 du Code du travail Le médecin du travail peut proposer «des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail» (art. L 4624 3 du Code du travail). L employeur est tenu de mettre en œuvre les mesures du médecin du travail. Si le médecin du travail l a proposé au préalable, l équipe pluridisciplinaire (médecin, internes en médecine du travail, infirmier) peut appuyer l employeur pour la mise en œuvre des mesures du médecin du travail (art. L 4624-5 du Code du travail). En cas de refus d appliquer les préconisations du médecin du travail, l employeur écrit au travailleur et au médecin du travail pour indiquer les motifs qui s opposent à ce qu il soit donné suite aux indications du médecin du travail (art. L 4624-6 du Code du travail). Les éléments de nature médicale justifiant les mesures du médecin du travail peuvent être contestés devant la formation de référé du Conseil des Prud hommes (art. L 4624-7 du Code du travail) Identifier les éventuels avis et indications du médecin du travail. Mettre en œuvre les avis et indications du médecin du travail. Si l appui de l équipe pluridisciplinaire est proposé par le médecin du travail, recueillir la confirmation écrite de ce dernier en ce sens. En cas de contestation judiciaire des mesures préconisées par le médecin du travail, écrire au préalable en RAR à ce dernier et au travailleur pour leur exposer les motifs du refus. 4. L HARMONISATION DES PROCEDURES DE RECONNAISSANCE DE L INAPTITUDE TEXTES : Art. L 1226-2, L 1226-10, L 4624-2 et L 4624-4 du Code du travail Lors de toute visite auprès du médecin du travail, celui-ci peut déclarer l inaptitude du salarié à son poste. L inaptitude est le constat qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste (art. L.4624-4 du Code du travail). Désormais, la procédure de constat d inaptitude est identique quelle que soit l origine de l inaptitude (professionnelle ou non). Elle se décompose ainsi : - une étude de poste (effectuée par le médecin du travail ou l équipe pluridisciplinaire) ; - un échange avec le salarié et l employeur (organisé seulement par le médecin du travail) ; - l émission, sous la forme d un avis rédigé par le médecin du travail, d une déclaration d inaptitude. Cet avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur (art. L 4624-4 du Code du travail). Page 6 sur 8
Un avis d inaptitude rendu dans la méconnaissance de la procédure ci-dessus décrite doit faire l objet d un recours dans un délai qui sera sans doute précisé par les décrets d application. On veillera notamment à la présence : d une étude de poste préalable ; d échanges avec le médecin du travail ; de conclusions écrites du médecin du travail assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur. 5. LA RATIONALISATION DE L OBLIGATION DE RECLASSEMENT TEXTES : a. La possibilité d une dispense d obligation de reclassement L 1226-2-1 et L 1226-12 du Code du travail L obligation de reclassement est levée en présence d une «mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi» (articles L 1226-2-1 et L 1226-12 du Code du travail). Auparavant, une telle dispense de l obligation de reclassement n était envisagée qu en cas d inaptitude d origine professionnelle. POINT DE VIGILANCE : Ne pas se contenter d une autre formule que celle de la loi pour s estimer dispensé de l obligation de reclassement. TEXTES : b. L harmonisation des procédures de reclassement quelle que soit l origine de l inaptitude Art. L 1226-2, L 1226-2-1, L 1226-4-3, L 1226-10, L 1226-12, L 4624-7 du Code du travail La procédure est identique quelle que soit l origine de l inaptitude (professionnelle ou non) Avant toute proposition de reclassement, les délégués du personnel doivent être consultés. Toute proposition de reclassement prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude ou «les capacités» du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise (art. L1226-2 et -10). Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté (art. L1226-2 et -10). L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par des mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou un aménagement du temps de travail (art. L1226-2 et -10). L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi dans les conditions décrites ci-dessus, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail (art. L 1226-2-1) Page 7 sur 8
Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. Trois motifs sont possibles : - Impossibilité de proposer un emploi ; - Refus du salarié de l emploi proposé ; - Constat, par le médecin du travail, de ce que le maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L ancienne procédure de contestation de l'avis médical faisait intervenir l'inspecteur du travail. Désormais, cette contestation se déroule devant le Conseil des Prud hommes en sa formation des référés (L 4624-7 du Code du travail) Solliciter systématiquement l avis des délégués du personnel. Systématiquement demander au médecin du travail des indications : o liées à l avis délivré ; o sur la possibilité pour le salarié de bénéficier d une formation professionnelle. S assurer de la présence d au moins une proposition de reclassement dans le dossier. En cas d échec du reclassement, faire connaître par écrit au salarié les motifs de l échec du reclassement. Page 8 sur 8