Module 7 - Edition 2006 - Item 83 page 1 ITEM N 83 : HEPATITES VIRALES ANOMALIES BIOLOGIQUES HEPATIQUES CHEZ UN SUJET ASYMPTOMATIQUE OBJECTIFS TERMINAUX I. Diagnostiquer une hépatite virale II. Argumenter l attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient III. Interpréter des anomalies biologiques hépatiques chez un sujet asymptomatique POUR MIEUX COMPRENDRE 1. ETIOLOGIE (Cf. T88.1-1,Chap 88.1, E.PILLY, 2006, p464) - Infections d origine virale, à fort tropisme hépatique, mais non exclusif - Pouvant conduire dans certains cas (HVB, HVC) à des évolutions chroniques (fibrose ± cirrhose), voire des hépatocarcinomes, ou suraiguës (hépatites fulminantes) (HVB, HVA) - Les virus responsables : VHA, VHB avec éventuelle surinfection àvhdelta, VHC, VHE, VHG mais aussi HSV, VZV, EBV, CMV, arbovirus - Hépatite chronique avec VHC, VHB et VHD, - Hépatite fulminante avec VHA, VHB, VHD, virus E - Pas de valeur pronostic de l importance de l élévation des transaminases 2. EPIDEMIOLOGIE ET RISQUE EVOLUTIF (Cf T88.1-2, E.Pilly 2006, p464) - Le mode de transmission est spécifique selon le virus : o transmission sanguine (VHB et VHD,VHC), o transmission sexuelle (VHB, VHD, peu VHC) o péril fécal (VHA, VHE), o pathologie des voyages (VHA), o transmission professionnelle ou nosocomiale (VHB, VHC), o tatouage et modifications corporelles (VHB, VHC), o transmission materno-fœtale (VHB et VHD, VHC, VHE), etc - La transmissibilité est donc variable : o La contagiosité est maximale pour VHB > VHA > VHC - Certaines zones endémiques sont à forte prévalence : Afrique noire, Asie (VHB > VHC) - Une vaccination est disponible pour le VHA et le VHB 3. PHYSIOPATHOLOGIE - Le cycle viral est bien connu pour le VHB, virus à ADN constitué d une capside et d une enveloppe, et muni d une transcriptase reverse - La structure tridimentionnelle du VHC n est pas encore connue et les mécanismes immunopathologiques n ont pas encore été totalement élucidés - La plupart des virus hépatotropes sont en fait peu cytogènes en eux-mêmes. Dans la plupart des cas, VHB > VHC > VHA, c est la réaction de l hôte contre l infection qui explique le polymorphisme bioclinique. - Il existe des marqueurs de réplication virale : HBV DNA ou PCR quantitative pour le VHB, PCR quantitative VHC, PCR VHE
Module 7 - Edition 2006 - Item 83 page 2 I. SAVOIR DIAGNOSTIQUER UNE HEPATITE 1. DIAGNOSTIC POSITIF En situation clinique, le diagnostic est évoqué sur l élévation des transaminases (cytolyse avec ALAT > ASAT), variable selon le type de virus : - - entre > 5N et > 20N pour le VHB, - 20 à 40 N pour VHA, 1.5 à 3.5 N pour VHC 1-1. CLINIQUEMENT 1-1-1. Incubation variable selon le type de virus : entre 15 et 120 jours 1-1-2. Invasion - Le plus souvent asymptomatique pour le VHB et VHC. - Le plus souvent symptomatique chez l adulte, et asymptomatique chez l enfant, avec VHA, (anorexie, nausées, douleurs de l hypochondre droit, syndrome pseudo-grippal). 1-1-3. Phase d état : 1-1-3-1. VHA (Chap. 88.2, E.Pilly 2006, p465) - La phase ictérique s accompagne de selles décolorées. 1-1-3-2. VHB (Chap. 88.3, E.Pilly 2006, p467) - La forme aiguë est le plus souvent asymptomatique ; des formes cholestatiques sont possibles. 1-1-3-3. VHC (Chap. 88.4, E.Pilly 2006, p475) -.Les formes asymptomatiques sont les plus fréquentes - L élévation des transaminases est modérée à ce stade (< 10 N), ensuite entre 1.5 N et 3.5 N. 1-1-4. Evolution L évolution est variable selon le type de virus 1-1-4-1.VHA - Elle est rapidement favorable. - On peut observer des formes prolongées, des formes cholestatiques, des formes à rechute, des formes pseudo-chirurgicales. - Les formes fulminantes sont exceptionnelles. - Il n y a pas de forme chronique. 1-1-4-2. VHB - Les formes aiguës communes asymptomatiques. - Les formes cholestatiques prolongées ou si rechutes. - Les formes fulminantes (TP < 30 %), soit 1 % des cas. - Les formes chroniques o Les formes chroniques (AgHBs + > 6 mois) dans environ 10 % des cas ; on distingue le portage chronique (ALAT normales et HBV DNA negatif) et l hépatite B chronique (ALAT à 2-5XN et HBV-DNA positif). o Le taux de séroconversion spontanée en cas de portage chronique de l AgHBs est de 3 à 5 % par an, o L hépatite chronique B évolue en 3 phases : 1 ère phase de forte multiplication virale, 2 ème phase avec réponse immune forte, 3 ème phase marquée par l absence de réplication virale, - Les formes cirrhotiques avec risque d évolution vers le carcinome hépato-cellulaire (CHC). 1-1-4-3. VHC - Après la phase aiguë, 15 à 20 % des cas évoluent vers la guérison spontanément. - Les cas d hépatites fulminantes à VHC sont exceptionnels. - Passage à la chronicité dans 80 à 85 %. 1-1-4-4. VHD - La co-infection VHB/VHD, majore le risque d hépatite fulminante de 10 à 20 fois. 1-1-4-5. VHE - Evolution en règle bénigne. - Pas d hépatite ni de CHC. - Formes graves chez les femmes enceintes : o 20 à 40 % de mortalité
Module 7 - Edition 2006 - Item 83 page 3 o surtout au 3 ème trimestre 1-1-4-6. VHG - Pouvoir pathogène non défini - Virus associé au VHC dans certaines hépatites chroniques - 1-2. EXAMENS COMPLEMENTAIRES 1-2-1.VHB (Tableau 3) 1-2-2. VHC - Le diagnostic repose sur un test ELISA de troisième génération, à confirmer par un 2 ème test ELISA - La PCR : elle est faite systématiquement pour confirmer (ou infirmer < 20 %) une infection chronique ou en cas d ELISA douteux ou en cas de co-infection VIH/VHC - Le génotypage : en cas de PCR+, si un traitement est envisagé, on doit préciser le génotype qui modifie les indications thérapeutiques 1-2-3. VHD - La recherche d ADN par PCR est du ressort des laboratoires spécialisés - Le diagnostic est porté par la présence d Ac anti-hd de type IgM 1-2-4.VHE - Sérologie en ELISA - PCR dans les laboratoires spécialisés 1-2-5. VHG - PCR dans les laboratoires spécialisés 2. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL - Peu de problèmes de diagnostic différentiel. Il se pose dans l attente des résultats des sérologies - La Ponction Biopsie Hépatique confirme l hépatite chronique, et précise l intensité de l inflammation et de la fibrose. Fibrotest (étude des protéines sériques) et Fibroscan (Scanner hépatique évaluant la fibrose) ne l ont pas remplacé - Eliminer une hépatite médicamenteuse (importance de l interrogatoire), une hépatite alcoolique (ALAT>ASAT) - Les hépatites auto-immunes sont associées à des marqueurs d auto-immunité et à la présence de certaines antigènes d histo-compatibilité - les autres hépatopathies chroniques sont rarement discutées en pratique : o cirrhose biliaire primitive o maladie de Wilson o hémochromatose
Module 7 - Edition 2006 - Item 83 page 4 II. ARGUMENTER L ATTITUDE THERAPEUTIQUE ET PLANIFIER LE SUIVI DU PATIENT La stratégie face à une hépatite virale est la suivante : - Affirmer l étiologie - Apprécier la gravité : o Examen clinique (signes hémorragiques et/ou encéphalopathiques) o TP (facteur V) - Rechercher ou éliminer une évolution vers la chronicité - En cas d évolution chronique (> 6 mois), PBH et avis hépatologique. 1. TRAITEMENT CURATIF EN CAS DE VHB 1-1. FORMES AIGUËS COMMUNES - Aucune thérapeutique n'est indiquée, sauf repos et pas d alcool. - Il faut éviter toute médication notamment la prise de médicament hépatotoxique. - L'immunoprophylaxie de l'entourage doit être débutée sans attendre les résultats des examens et poursuivie selon les résultats des sérologies. 1-2. FORMES FULMINANTES - Le traitement est essentiellement symptomatique et repose sur la réanimation - La transplantation hépatique doit être proposée en urgence en présence d'une confusion ou d'un coma et d'un facteur V inférieur à 30 %. 1-3. FORMES CHRONIQUES Un traitement est indiqué dans les formes actives biologiquement et histologiquement avec ADN du VHB + dans le sérum. 1-3-1-. L interféron pégylé alpha 2a ou alpha 2b - Forme retard autorisant une administration hebdomadaire. - Meilleure réponse thérapeutique qu avec l interféron standard. 1-3--2. La lamivudine (Zeffix ) - Virostatique. - À la dose de 100 mg/j, elle suspend la multiplication virale dans 80 % des cas. - L émergence de résistance est quasi constante (mutant YMDD majoritairement). 1-3-3. L adéfovir dipivoxil (Hespera ) - Prodrogue d adéfovir - Premier analogue nucléosidique développé dans le traitement de l hépatite B. - Les premiers essais de cette molécule administrée per-os à la dose de 10 mg/jour montrent une charge virale indétectable (< 400 copies/ml avec les tests PCR) chez 21 % des patients. 1-3-4. Le ténofovir disoproxil fumarate (Viread ) - Analogue nucléosidique inhibiteur de la réplication du VIH et du VHB - Proposé dans la co-infection VIH-VHB. 2. TRAITEMENT CURATIF EN CAS DE VHC : 2-1. LES THERAPEUTIQUES 2-1-1 Les PegInterferon alpha 2b/alpha 2a - Commercialisés sous forme de Viraferon Peg ou de Pegasys. - Indiqués chez les patients naïfs et rechuteurs o Posologie : de 1,5 µg/kg/sem (Peg α2b) ou 180 µg (Peg α2a) o En association à la ribavirine (800 à 1200mg selon le poids)
Module 7 - Edition 2006 - Item 83 page 5 - Bilan biologique avant la mise en route de ce traitement : o NFS, glycémie, créatininémie et TSH. Sous traitement, la NFS doit être surveillée tous les mois, et la TSH tous les 3 mois. - Les effets secondaires : o Fréquents et dose dépendants : asthénie, amaigrissement, syndrome pseudo-grippal (surtout en début de traitement), dysthyroïdie, dépression, irritabilité, troubles de concentration, diabète. o La tolérance diminue avec l âge. o L'intolérance conduit à l'arrêt du traitement dans 10 à 30 % des cas dans les 6 premiers mois. 2-1-2. La ribavirine (Rébétol, Copegus ) - Exerce une action synergique à celle de l interféron. - Cette association doit être systématique. 2-2. LES MODALITES THERAPEUTIQUES 2-2-1. Schéma possible : - IFN Peg α-2b (1,5 µg/kg/semaine) + ribavirine (800 mg/j au-dessous de 65 kg, 1000 mg/j entre 65 et 80 kg et 1200 mg/j au-delà). - IFN Peg α-2a (180 µg/semaine sans adaptation au poids) + ribavirine (800 mg/j au-dessous de 65 kg, 1000 mg/j entre 65 et 80 kg et 1200 mg/j au-delà). 2-2-2. La durée du traitement : fonction du génotype : - 48 semaines pour les génotypes mauvais répondeurs (génotype 1 et 4) si la mesure de la charge virale à S12 de traitement pour le génotype 1 a montré une réduction de plus de 2 log de l ARN du VHC, - 24 semaines pour les infections par des génotypes bons répondeurs (génotypes 2 et 3). 2-2-3. Mesures d accompagnement - Nécessaires, parfois avant l initiation d un traitement : - Limiter la consommation d alcool (< 10 g/j). - Lutte contre la surcharge pondérale, facteur de stéatose. - Vaccination contre le VHB si nécessaire. - Prise en charge des troubles psychiatriques, etc 2-3 INDICATIONS THERAPEUTIQUES (CF. FIGURE 2). Schématiquement le traitement de l hépatite C peut être proposé dans les circonstances suivantes : - Lorsqu il existe une fibrose septale (F2) ou portale (F1) associée à des signes d activité importante (A2 ou A3). - En cas d hépatite aiguë, en espérant éviter le passage à la chronicité - En cas de cirrhose compensée - En cas de co-infection VIH-VHC avec les mêmes indications thérapeutiques que les personnes mono-infectées. - En cas de manifestations extra-hépatiques sévères notamment une cryoglobulinémie - Lorsqu il existe un projet d éradication virale notamment dans le cadre d une procréation médicalement assistée ou d une grossesse - Chez le patient transplanté.
Module 7 - Edition 2006 - Item 83 page 6 III. INTERPRETER LES ANOMALIES BIOLOGIQUES HEPATIQUES CHEZ UN SUJET ASYMPTOMATIQUE 1. RATTACHER LA CYTOLYSE AIGUË A SON ETIOLOGIE VIRALE - éliminer une prise médicamenteuse hépatotoxique - éliminer une exposition évidente à un toxique - éliminer une cause clinique évidente : surcharge pondérale (stéatose), alcoolisation chronique, hépatopathie alcoolique - rechercher les arguments d exposition à un risque viral - demander un bilan sérologique ± marqueurs d activation 2. NE PAS MECONNAITRE UNE HEPATOPATHIE SEVERE - Examen clinique - TP - Facteur V 3. CONSEILS GENERAUX EN CAS D HEPATITE AIGUË ASYMPTOMATIQUE - Pas de traitement spécifique - Eviter les molécules hépatotoxiques - Repos au lit - Régime alimentaire inutile - Eviter alcool, oestroprogestatifs, corticoïdes 4. CONFIRMER LA GUERISON OU DIAGNOSTIQUER L EVOLUTION VERS LA CHRONICITE 5. PREVENIR D EVENTUELS SUJETS CONTACTS
Module 7 - Edition 2006 - Item 83 page 7 Item 83 DOSSIER CLINIQUE 1 Vous recevez aux urgences Johny PILLY, 24 ans, pour «malaise». Antécédents : Johny avoue une toxicomanie par voie intraveineuse débutée à l âge de 17ans. Il ne consomme pas de médicament. Examen clinique : Signes généraux : La température : 38 C TA : 130-80 mmhg Fréquence cardiaque : 88/mn Interrogatoire : malaise général, asthénie, nausées, arthralgies, et douleur spontanée modérée localisée à l hypocondre droit. Inspection : sclérotiques ictériques. Palpation abdominale : une légère hépatomégalie, un peu sensible. Le reste de l examen est normal, en dehors de traces de piqûres aux avant-bras, et de piercing aux oreilles et aux ailes du nez. Bilan biologique disponible :.. NFS plaquettes : Globules rouges : 4.76 T/l (4.2-6.1) Hémoglobine : 13 G/dl (12-18 Hématocrite : 39 % (37-52) Globules blancs : 3.06 g/l (4.8-10.8) Polynucléaires neutrophiles : 1 G/l (1.9-8) Polynucléaires éosinophiles : 0.2 G/l (0-0.8) Polynucléaires basophiles : 0.1 G/l (0-0.2) Lymphocytes : 1.5 G/l (0.9-5.2) Monocytes : 0.2 G/l (0.16-1) Plaquettes : 231 G/l (150-400) Temps de Quick : 90 % Facteur V : 100 % Biliburine totale : 110 mg/l (2-11) Transaminases GP (ALAT) : 500 UI/l (5-40) Transaminases GO (ASAT) : 450 UI/l (5-35) Phosphatases alcalines : 370 UI/l (70-260) 1. Quels éléments faites-vous préciser par l interrogatoire concernant les antécédents du patient? 2. Quel bilan sérologique allez-vous demander pour préciser l étiologie infectieuse de cette hépatite? 3. La sérologie Hépatite B est la suivante : AG HBs ; AG HBe ; IgM anti HBc ; Ac Anti HBsΘ. Quelle est votre conclusion? 5. Y a t-il indication à débuter un traitement antiviral dans cette situation? 6. Quelles sont les indications actuelles du traitement antiviral dans une hépatite B? 7. Quelles sont les indications actuelles du traitement antiviral dans une hépatite C?
Module 7 - Edition 2006 - Item 83 page 8 Item 83 DOSSIER CLINIQUE 2 Un garçon de 14 ans vous est amené par ses parents pour fièvre à 38 C5, asthénie, myalgies diffuses. L examen trouve un ictère cutanéomuqueux, une hépatomégalie à 2TD. Pas de signes hémorragiques. Aucun signes de gravité. Conscience parfaite. Ils rentrent d un voyage au Sénégal, quinze jours auparavant. Il est à jour des vaccins usuels en France. 1. ALAT= 20XN. Quel diagnostic évoquez vous et sur quels arguments? 2. Comment affirmez vous le diagnostic biologique? 3 ) Quel sont les autres diagnostics à éliminer? 4 ) Quelles sont les mesures à prendre pour le garçon? Pour son entourage? 5 ) Quel est le pronostic que vous expliquez aux parents et au garçon? POUR EN SAVOIR PLUS E. PILLY 2006 Chapitres 88.1 à 88.5 p. 464-481.