Les anticoagulants oraux directs en 2015 chez le patient âgé : focus chez le sujet fragile



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Cah. Année Gérontol. DOI 10.1007/s12612-015-0460-8 MISE AU POINT / UPDATE NACO Les anticoagulants oraux directs en 2015 chez le patient âgé : focus chez le sujet fragile Direct Oral Anticoagulants in 2015 for the Elderly: a Focus on Frail Patients T. Vogel E. Andrès B. Geny G. Kaltenbach P.-O. Lang Reçu le 6 juillet 2015 ; accepté le 13 juillet 2015 Lavoisier SAS 2015 Résumé Depuis les études princeps de phase III de non-inf ériorité comparant les anticoagulants oraux directs (AOD) à la warfarine, de nombreuses études ont essayé de répondre à la question de l efficacité et de la sécurité d utilisation des AOD chez les patients âgés. Ces études sont des études de sous-groupes complémentaires issues des études princeps ou des études de pharmacovigilance en postmarketing utilisant des données médicoéconomiques à grande échelle. De nombreux biais, par définition, peuvent entraîner une distorsion des résultats dans de telles études, rendant leur interprétation prudente. Aucun essai randomisé contrôlé n a à ce jour comparé les AOD à la warfarine chez des patients de 80 ans ou plus et a fortiori chez des sujets âgés fragiles. En pratique, chez le patient âgé fragile, il n y a pas de consensus quant au choix des anticoagulants à prescrire en cas de fibrillation atriale (FA) et de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV). Quant au choix de l AOD à privilégier chez T. Vogel (*) G. Kaltenbach Pôle de gériatrie, hôpitaux universitaires de Strasbourg, F-67091 Strasbourg, France e-mail : Thomas.vogel@chru-strasbourg.fr T. Vogel B. Geny EA 3072, service de physiologie, Fédération de médecine translationnelle de Strasbourg (FMTS), université de Strasbourg (UDS), UFR de Strasbourg, F-67000 Strasbourg, France E. Andrès Service de médecine interne, diabète et maladies métaboliques, clinique médicale B, hôpitaux universitaires de Strasbourg, F-67000 Strasbourg, France B. Geny Services d explorations fonctionnelles, hôpitaux universitaires de Strasbourg, F-67000 Strasbourg, France P.-O. Lang Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique, centre hospitalier universitaire vaudois, Mont-Paisible 16, CH-1011 Lausanne, Suisse le sujet âgé, faute d études de comparaison directe disponibles à ce jour, il apparaît difficile de se prononcer. Toutefois, les données disponibles, tant sur le plan pharmacologique que celles issues des études complémentaires, semblent montrer que le dabigatran offre un profil bénéfice/risque moins favorable que les autres AOD. Néanmoins, les résultats prometteurs de l idarucizumab, antidote du dabigatran, pourraient contribuer à améliorer ce rapport à l avenir. Mots clés Anticoagulants oraux directs Gériatrie Fragilité Traitements médicamenteux Abstract Since the original phase III non-inferiority studies comparing direct oral anticoagulants (DOA) to warfarin, numerous other trials have tried to answer the questions regarding the efficacy and safety of use of DOAs in elderly patients. These studies are additional sub-group trials based on the original studies, or post-marketing pharmacovigilance studies using large-scale medical and economic data. By definition, numerous biases may lead to a distortion in the results in such studies, and they should be interpreted with caution. To date, there have been no controlled randomised studies that have compared DOAs to warfarin in patients aged 80 years or above, and in particular in patients who are frail. In practice, for frail patients, there is no consensus when it comes to selecting which anticoagulant to prescribe in cases of atrial fibrillation (AF) or venous thromboembolism (VTE). Regarding the preferred choice of DOAs for elderly patients, the lack of direct comparative studies available to date makes selecting one difficult. Nevertheless, available data, both on a pharmacological level and from additional studies appears to show that dabigatran offers a less favourable risk/benefit profile than other DOAs. However, the promising results for idarucizumab, an antidote for dabigatran, could potentially improve this ratio in the future. Keywords Direct oral anticoagulants Geriatrics Frailty Medicinal treatments

2 Cah. Année Gérontol. Introduction Les sujets âgés sont une population particulièrement concernée par les anticoagulants. Selon l Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (l ANSM), l exposition aux anticoagulants augmente avec l âge : 13,7 % des sujets âgés de 65 ans ou plus ont été exposés au moins une fois à un traitement anticoagulant en 2013 (13,4 % en 2011)» [1]. L incidence de la MTEV augmente en effet avec l âge avec plus de dix cas pour 1 000 personnes par an après 85 ans (100 fois plus qu avant 45 ans). Plus de 60 % de l ensemble des événements thromboemboliques surviennent chezdessujetsdeplusde70ans[2 4] chez qui le diagnostic est d ailleurs rendu particulièrement complexe en raison de l atypie de présentation (tant clinique, électrique [ECG] que biologique [D-dimères, gazométrie artérielle]). La sévérité de l embolie pulmonaire augmente aussi avec l avancée en âge, et tout particulièrement les embolies pulmonaires fatales [5]. De manière similaire, la prévalence et l incidence de la fibrillation atriale (FA) augmentent également avec l âge. Après 75 ans, plus de 26 cas pour 1 000 sujets sont observés pour 4,1 dans la population générale [6]. Le risque d embolie systémique et d accident vasculaire cérébral (AVC) augmente également avec l âge. Le risque attribuable à la FA pour les AVC passe de 1,5 (50 à 59 ans) à plus de 23 % (80 à 89 ans). La sévérité augmente également avec l âge, plus des deux tiers des plus de 80 ans après un AVC décèdent ou présentent une dépendance dans leur vie quotidienne [7]. Pour ces raisons et même si le risque hémorragique augmente avec l âge [8], le bénéfice «net» des anticoagulants dans la FA est en faveur de leur utilisation [9], comme le soulignent les dernières recommandations de l ESC de 2012 [10]. Ces dernières recommandations ne retiennent plus les antiagrégants plaquettaires dans la prévention des événements thromboemboliques artériels de la FA en raison d un rapport bénéfice/risque peu favorable (efficacité antithrombotique artérielle modeste et risque hémorragique non négligeable). Rappel historique : de la warfarine aux AOD Dès 1921, des cas d accidents hémorragiques chez des bestiaux aux États-Unis d Amérique ont été rapportés. Étonnamment, seules les bêtes qui avaient consommé du trèfle doux (mélilot) moisi étaient affectées. Ce n est qu en 1940 que K. Link et H. Campbell dans le Wisconsin aux États- Unis découvrent que les trèfles contiennent du 3,3 -méthylenebis (4-hydroxycoumarine), dont la fermentation conduit à des effets anticoagulants. En 1948, les travaux de Link aboutissent à la synthèse de la warfarine qui sera utilisée comme anticoagulant chez l homme dès 1954. Le terme de warfarine provient de l acronyme «WARF» pour Wisconsin Alumni Research Foundation et de «arin» pour coumarine. Les AVK ne sont cependant pas d un maniement facile. Ce sont des molécules qui nécessitent un délai d action long, leur marge thérapeutique est étroite, et ils présentent une importante variabilité intra- et interindividuelle, notamment en raison d interactions médicamenteuses et alimentaires mais également en raison du polymorphisme génétique (VKORC1, notamment) [11]. Par ailleurs, les AVK imposent un contrôle régulier de l INR. L INR cible sous AVK doit être situé entre 2 et 3 (même chez le sujet âgé), avec un pourcentage de temps passé en zone cible qui doit être, si possible, au moins égal à 70 %. Cette valeur certes idéale demeure cependant dans la «vraie vie» difficile à atteindre, comme en témoigne le travail réalisé, il y a déjà quelques années, au pôle de gériatrie du CHRU de Strasbourg où sur plus de 1 000 INR évalués, à peine un tiers étaient en zone cible [12].Ce résultat est similaire à ceux d autres séries [13 15]. Les AVK sont par ailleurs l une des premières classes thérapeutiques pourvoyeuses d effets secondaires médicamenteux. En effet, selon l ANSM, les AVK sont la première classe pharmacologique, responsables d accidents iatrogènes graves et représentent la première cause d hospitalisations pour effets indésirables médicamenteux (12,3 %), soit environ 17 000 hospitalisations par an [16,17]. On estime entre 5 000 et 6 000 le nombre d accidents mortels liés aux hémorragies sous AVK par an, en France. C est dans ce contexte que les laboratoires pharmaceutiques ont développé, il y a maintenant plusieurs années, les anticoagulants oraux directs (AOD). Les concepts généraux qui ont conduit au développement de ces molécules sont : de s affranchir des contraintes de surveillance biologique (INR) même s il existe des variations du TCA et de l INR sous AOD, celles-ci ne sont pas interprétables en pratique clinique ; de proposer une action pharmacologique prévisible, rapide et plus stable grâce à un profil pharmacocinétique prédictible ; de limiter les interactions médicamenteuses et alimentaires, associées aux AVK. L analyse de l évolution des prescriptions en France entre 2007 et 2013 montre une diminution d utilisation des AVK à partir de 2012 avec en parallèle une augmentation rapide de la prescription des AOD à partir de 2011 [1]. Les niveaux d utilisation du dabigatran et du rivaroxaban sont similaires jusqu en 2012, puis l utilisation du rivaroxaban dépasse celle du dabigatran en 2013. Cependant, les consommateurs d AVK semblent être plus âgés que ceux des AOD (âge moyen de 73,7 vs 71,3 ans ; p < 0,001). La proportion des 80 ans ou plus s élève à 41,0 % pour les AVK et 30,3 % pour les AOD. Tous les avantages théoriques des AOD sont largement mis en avant par les laboratoires pharmaceutiques. En pratique («la vraie vie»), les choses ne sont pas aussi simples, surtout chez le sujet âgé (voire très âgés [plus de

Cah. Année Gérontol. 3 80 ans]) ou qui présentent des syndromes gériatriques comme la fragilité Certaines études suggèrent une augmentation du risque hémorragique sous AOD chez la personne âgée, notamment avec le dabigatran [18 20]. Par ailleurs, certains facteurs ont pu être associés à une augmentation du risque hémorragique sous AOD chez les patients très âgés et/ou présentant des signes de fragilité (faible poids, diminution de la masse maigre = sarcopénie), ou altération de la fonction rénale [21,22]. Il convient cependant de rappeler qu à ce jour, aucun essai randomisé contrôlé n a évalué le rapport bénéfice/ risque des AOD comparativement aux AVK, spécifiquement chez les plus de 80 ans, que ce soit dans la maladie veineuse thromboembolique ou dans la FA. L objectif général de cette mise au point est de proposer des repères de prescriptions des anticoagulants oraux chez les sujets très âgés et/ou fragiles à la lumière des données récentes de la littérature médicale. Rappels pharmacologiques des AOD Les AOD comprennent à ce jour un inhibiteur direct de la thrombine (dabigatran = Pradaxa ) et des inhibiteurs oraux du facteur Xa (rivaroxaban = Xarelto, apixaban = Eliquis et prochainement edoxaban = Lixiana et le betrixaban) (Tableau 1). Nous ne reviendrons pas sur les études princeps qui ont évalué sur le plan curatif les AOD, dans la prévention des événements thromboemboliques artériels dans la FA et dans la prise en charge de la MTEV. Nous nous intéresserons aux études de sous-groupes qui ont évalué le rapport bénéfice/ risque des AOD spécifiquement chez les sujets âgés. Nous ne rappellerons pas non plus les principales recommandations issues des essais thérapeutiques de phase III, mais invitons le lecteur à consulter les références [10,25,26]. Nous présenterons notre désaccord avec une des affirmations des recommandations de prescription des AOD de la HAS : «chez les patients sous AVK, mais pour lesquels le maintien de l INR dans la zone cible (entre 2 et 3) n est pas habituellement assuré malgré une observance correcte». Ce point nous paraît discutable, car il n existe aucune certitude (et aucun contrôle possible), dans ce cas de figure, que les AOD permettent d obtenir une anticoagulation alors plus sûre (cette alternative est selon nous faussement rassurante) [27]. Évaluation du rapport bénéfice/risque des AOD : analyse des sous-groupes des sujets âgés Par définition, il convient de rappeler qu une analyse de sous-groupes d un essai randomisé contrôlé comporte certaines limites et biais et notamment des biais de sélection des populations étudiées. De tels biais sont minimisés si les sous-groupes sont définis, a priori, dans l étude princeps. Traitement curatif de la MTVE Des analyses de sous-groupes ont été effectuées à partir des études princeps, RECOVER I [28] et II [29] (essais randomisés en double insu comparant le dabigatran à la warfarine dans la thrombose veineuse des membres inférieurs et dans l embolie pulmonaire), EINSTEIN [30] et EINSTEIN-EP [31] (essais randomisés ouverts comparant le rivaroxaban à la warfarine respectivement dans la thrombose veineuse des membres inférieurs et dans l embolie pulmonaire), AMPLIFY (essai randomisé en double insu de non-infériorité comparant l apixaban à la warfarine dans la thrombose veineuse des membres inférieurs et dans l embolie pulmonaire) [32] et HOKUSAI (essai randomisé en double insu de non-infériorité comparant l edoxaban à la warfarine dans la thrombose veineuse des membres inférieurs et dans l embolie pulmonaire) [33]. Dabigatran Dans RECOVER I (âge moyen de la population : 55 ans) et RECOVER II (âge moyen de la population : 55 ans), seulement 10,4 % des patients ont plus de 75 ans (n = 529), et seulement 5,2 % présentent un débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur ou égal à 50 ml/min par 1,73m 2 (n = 267). Concernant le critère d efficacité, il n apparaît pas de différence chez les sujets de plus de 75 ans par rapport aux patients plus jeunes entre les groupes héparine, AVK et héparine, et dabigatran. Mais le nombre d événements est faible (n = 8), limitant la puissance statistique. Concernant les sujets ayant un DFG inférieur ou égal à 50 ml/min par 1,73m 2,iln y a pas de différence significative entre les deux groupes d âge. Concernant le risque hémorragique, il apparaît que l altération de la fonction rénale s accompagne d une augmentation du risque hémorragique à la fois dans le groupe dabigatran et dans le groupe warfarine. La diminution significative du risque d hémorragie majeure, observée dans l étude princeps dans le groupe dabigatran vs le groupe AVK, n est plus observée dans le sous-groupe des patients âgés [34]. Dans une analyse «poolée» des données, il apparaît que comparativement à la warfarine, les sujets de plus de 85 ans sous dabigatran ont un risque hémorragique qui tend à augmenter par rapport aux sujets plus jeunes [29]. Rivaroxaban Les deux études EINSTEIN (âge moyen entre 55 et 58 ans selon les bras de l étude) et EINTEIN EP (âge moyen 57 ans) se sont intéressées à des sous-groupes prédéfinis dont des sujets âgés. Ces sous-groupes comportent des sujets

4 Cah. Année Gérontol. Tableau 1 Principales propriétés pharmacologiques des nouveaux anticoagulants, comparativement à la warfarine. DCI Warfarine Dabigatran Rivaroxaban Apixaban Edoxaban Betrixaban Nom commercial Coumadine Pradaxa Xarelto Eliquis Lixiana (non commercialisé) Mécanisme d action Inhibiteur de la VKORC1 Inhibiteur direct de la thrombine Inhibiteur du facteur Xa Inhibiteur du facteur Xa Inhibiteur du facteur Xa Inhibiteur du facteur Xa Délai d action Lent Rapide Rapide Rapide Rapide Rapide Biodisponibilité (%) > 95 3 7 Sans aliments : 66 50 62 34 Avec aliments : près de 100 Prodrogue Non Oui Non Non Non (l étéxilate de dabigatran) Absorption Pas Pas d effet + 39 % Pas d effet + 6 22 % AUC avec alimentation de modification de l absorption mais interaction pharmacocinétique Absorption avec IPP 12 30 % Pas d effet Pas d effet Pas d effet Fixation protéique 99 35 92 5 87 40 59 60 (%) T max (h) 4 0,5 2 2 4 3 4 1 2 Cytochrome 3A4 Oui Non Oui Oui Oui Non (CYP2C9, CYP3A4, CYP2C19, CYP1A2) Glycoprotéine P Non Oui Oui Oui Oui oui 1/2 vie d élimination 40 h 12 17 h Sujet jeune : 5 9 h 12 h 9 11 h 20 h Sujet âgé : 11 13 h Éliminationurinaire Non 80% Environ35% Environ27% Environ50% Environ17% Tests de la coagulation (INR/TCA) Oui : INR (TP) Non interprétables Non interprétables Non interprétables Non interprétables Non interprétables Antidote Oui Non disponible à ce jour a Coût b 5,97 euros (30 comprimés à5mg) 75,78 euros (60 1géluleà110mg) Non disponible à ce jour 69,62 euros (28 comprimés à15mg) Non disponible àcejour 70,79 euros (60 comprimés à5mg) Non disponible àcejour Non disponible àcejour a L étude RE-VERSE AD publiée récemment a évalué l efficacité et la sécurité d utilisation de l idarucizumab, anticorps humanisé dirigé contre le dabigatran qui a une affinité très forte pour la thrombine [23]. Les 90 patients évalués présentaient soit une hémorragie majeure engageant le pronostic vital, soit nécessitaient une chirurgie en urgence et donc une hémostase normale. La perfusion de cette molécule a entraîné en quelques minutes une normalisation des tests de la coagulation chez la plupart des patients et une diminution des concentrations de dabigatran libre. Sur le plan clinique, 18 décès et 5 événements thrombotiques sont rapportés durant le suivi d un mois. Les résultats de cette étude, sans groupe témoin et soutenue par l industrie, sont encourageants. Une demande d AMM pour l idarucizumab a été déposée par le laboratoire Boehringer Ingelheim simultanément auprès de l Agence européenne du médicament (EMA) et des autorités américaines (FDA) et canadiennes. Pour une récente mise au point sur les antidotes des AOD, merci de consulter la référence [24]. b. Coût en juin 2015.

Cah. Année Gérontol. 5 de plus de 75 ans (440/3 449 [12,8 %] dans EINSTEIN et 843/4 832 [17,4 %] dans EINSTEIN EP), des sujets avec une altération de la fonction rénale (DFG entre 30 et 79 ml/min par 1,73m 2 ; 1 042/3 449 [30,2%] dans EINS- TEIN ; 1 634/4 832 [33,8 %] dans EINSTEIN EP) et des sujets dont le poids est inférieur à 70 kg (1 018/3 449 [29,5 %] dans EINSTEIN ; 1 274/4 832 [26,4 %] dans EINS- TEIN EP). L analyse séparée des données des différents sous-groupes dans les deux études n objective pas de différences significatives par rapport aux résultats de l étude princeps de phase III en termes d efficacité (non-infériorité du rivaroxaban par rapport à la warfarine) et de sécurité (diminution significative des hémorragies majeures dans le groupe rivaroxaban comparativement au groupe warfarine). Dans une analyse «poolée» des données des deux études, il est défini un profil de sujets âgés «fragiles» (profil très éloigné de la notion de fragilité au sens gériatrique du terme) [35]. Ce phénotype de fragilité comporte un âge supérieur à 75 ans (1 283/8 281) [15,5 %], une altération modérée de la fonction rénale (DFG entre 30 et 49 ml/min par 1,73m 2 ) ; 654/8 281 [7,9 %] et un poids inférieur à 50 kg (108/8 281 [1,3%]) n ont inclus que 18 % de sujets de plus de 75 ans (n = 1283) et seulement 8 % de sujets présentant une atteinte de la fonction rénale (n = 664). Une augmentation du risque de récurrence de MTEV est observée chez les sujets dits «fragiles» mais sans différence significative entre les groupes rivaroxaban et warfarine. Concernant le risque d hémorragie majeure, il apparaît, chez les sujets âgés «fragiles», significativement inférieur dans le groupe rivaroxaban (1,3 %) par rapport au groupe warfarine (4,5 %). L étude EINSTEIN-EXT a évalué jusqu à 12 mois le bénéfice du rivaroxaban vs warfarine dans des sous-groupes de sujets de plus de 75 ans (188/1 196 [15,7 %]), des sujets avec une altération de la fonction rénale (DFG entre 30 et 79 ml/min par m 2 ; 342/1 196 [28,6 %]) et des sujets dont le poids est inférieur à 70 kg (292/1 196 [24,4 %]). Aucune différence significative n est observée par rapport aux résultats de l étude de phase III EINSTEIN [36]. Apixaban L analyse en sous-groupe des données de l étude AMPLIFY (âge moyen des patients : 57 ans environ) a été effectuée en incluant des sujets de plus de 75 ans (749/5 244 [14,3 %], des sujets avec une altération de la fonction rénale (DFG < 80 ml/min par 1,73 m 2 ; 1 388/5 244 [26,5 %] et des sujets dont le poids est inférieur à 60 kg (4 57/5 244 [8,7 %]). Aucune différence significative n est observée dans les trois sous-groupes, que ce soit pour les critères d efficacité (noninfériorité de l apixaban par rapport à la warfarine) ou de sécurité (diminution significative des hémorragies majeures dans le groupe apixaban comparativement à la warfarine). L analyse à long terme (12 mois) contre placebo a été effectuée dans l étude AMPLIFY-EXT [37] qui a comporté des sous-groupes de sujets de plus de 75 ans (329/2 482 [13,3 %]), des sujets avec une altération du DFG (< 80 ml/ min par 1,73 m 2 ; 674/2 482 [27,1 %] et des sujets avec un poids inférieur ou égal à 60 kg (165/2 482 [6,6 %]). Les critères d efficacité et de sécurité apparaissent similaires dans les différents sous-groupes par rapport aux résultats de l étude princeps de phase III AMPLIFY, mais des données complémentaires apparaissent nécessaires pour établir des conclusions définitives. Edoxaban Rappelons les résultats principaux de l étude HOKUSAI : l edoxaban était non inférieur à la warfarine et provoquait moins d hémorragies majeures chez les patients présentant une MTEV dont certaines étaient des embolies sévères (âge moyen des patients : 55 ans). Des analyses de sous-groupes de l étude HOKUSAI ont été effectuées sur des sujets dits «fragiles» comportant des sujets de 75 ans ou plus (1 104/8 240 [13,4 %], avec un poids égal ou inférieur à 50 kg (nombre de sujets non disponible) et une altération de la fonction rénale (DFG entre 30 et 50 ml/min par 1,73 m 2 ; 541/8 240 [6,6 %]). L edoxaban est significativement plus efficace que la warfarine dans le sous-groupe des sujets dits «fragiles» sans différence significative sur les critères de sécurité (risque hémorragique). Prévention des embolies artérielles dans la fibrillation atriale Dabigatran Deux analyses de sous-groupe ont été réalisées à partir de l étude RELY (essai randomisé en ouvert de non-infériorité ; âge moyen : 71 ans), respectivement chez des sujets âgés (égal ou supérieur à 75 ans vs inférieur à 75 ans) et des sujets très âgés (égal ou supérieur à 80 ans vs inférieur à 80 ans) [38]. Dans l étude RELY, 7 258 sujets avaient 75 ans ou plus (40 % de la population de l étude). Chez les sujets âgés et très âgés comparativement aux sujets plus jeunes, à la fois le taux d événements emboliques et le taux d événements hémorragiques apparaissent plus importants. La supériorité du dabigatran 2 150 mg/j vs warfarine et sa non-infériorité à la posologie de 2 110 mg/j sont conservées dans les deux sous-groupes. Concernant la sécurité d utilisation du dabigatran (risque hémorragique), il existe une interaction avec l âge. Le risque d hémorragie majeure apparaît significativement plus élevé comparativement à la warfarine dans les deux sous-groupes de sujets âgés, et cela pour les deux posologies de dabigatran.

6 Cah. Année Gérontol. La même tendance est observée pour les hémorragies digestives. La diminution significative des hémorragies intracrâniennes dans l étude RELY observée dans les groupes dabigatran est également observée dans les deux sous-groupes de sujets âgés. Dans une série de 44 cas d événements hémorragiques rapportés sous dabigatran chez des sujets en FA, deux tiers des sujets avaient plus de 80 ans. Dans 25 % des cas, les événements hémorragiques sous dabigatran étaient potentiellement en rapport avec des erreurs de prescription, et notamment une prescription en présence d une insuffisance rénale sévère [39]. Il convient de rappeler que l Agence européenne du médicament recommande la dose de 2 150 mg/j dans la majorité des situations et de 2 110 mg/j chez les sujets de plus de 80 ans, en cas d interaction médicamenteuse (vérapamil) et chez les sujets à risque hémorragique augmenté (HAS- BLED 3). Rivaroxaban Une analyse de sous-groupe de sujets âgés de 75 ans et plus (6 229 sujets [44%]) a été effectuée à partir des données de l étude ROCKET-AF (essai randomisé en double insu de non-infériorité. Âge médian de la population : 73 ans) [40]. Il apparaît que chez les sujets âgés, dans les deux groupes (rivaroxaban et warfarine) à la fois, le risque d AVC et de complications hémorragiques apparaît plus élevé que chez les sujets plus jeunes. L analyse de sous-groupes montre qu il n y a pas d interaction avec l âge, à savoir que le rivaroxaban est non inférieur à la warfarine dans la diminution du risque d AVC pour un taux d hémorragies majeures similaire. Dans le sous-groupe des sujets âgés, la diminution du risque d hémorragies intracrâniennes, initialement observée dans le groupe rivaroxaban comparativement au groupe warfarine dans l étude ROCKET-AF, n est plus retrouvée dans le groupe de sujets âgés. Dans une analyse complémentaire de sécurité d utilisation du rivaroxaban à partir des données de ROCKET-AF, Goodman et al. ont évalué les facteurs associés à une augmentation du risque d hémorragie majeure dans les groupes rivaroxaban et warfarine. Ils confirment que l âge est associé à une augmentation du risque hémorragique mais sans différences significatives entre les deux groupes. En effet, les facteurs associés à une augmentation du risque hémorragique sont les suivants : l avancée en âge, une pression artérielle diastolique à l inclusion supérieure à 90 mmhg, un antécédent de bronchopathie chronique obstructive (BPCO), un antécédent d hémorragie digestive, la prise d aspirine et l existence d une anémie à l inclusion. À l inverse, une pression artérielle diastolique inférieure à 90 mmhg et le sexe féminin sont associés à une diminution du risque hémorragique majeure. L existence d un antécédent d hémorragie digestive augmente le risque d hémorragie majeure uniquement dans le groupe rivaroxaban. Pour les autres variables associées à une augmentation du risque d hémorragie majeure, il n y a pas de différences significatives entre le groupe rivaroxaban et le groupe warfarine [41]. Hankey et al. ont évalué à partir de l étude ROCKET-AF les facteurs associés à une augmentation du risque spécifique d hémorragie intracrânienne. Il en ressort que l âge est associé à une augmentation significative et que la randomisation dans le groupe rivaroxaban comparativement à celle du groupe warfarine diminue ce risque, et ce, quel que soit l âge. Dans le détail, les facteurs associés au risque d hémorragie intracrânienne sont par ordre décroissant : la race noire (HR : 3,25), l origine asiatique (HR : 2,02), un antécédent d AVC ou d AIT (HR : 1,42), une augmentation de la pression artérielle diastolique (HR : 1,17), une hypoalbuminémie (HR : 1,39), l âge élevé (HR : 1,35), un taux de plaquettes inférieur à 210 000/mm 3 (HR : 1,08) [42]. À l inverse, une randomisation dans le groupe rivaroxaban et l existence d un antécédent d insuffisance cardiaque apparaissent comme des facteurs protecteurs. Les auteurs proposent différentes hypothèses. La diminution du risque d hémorragie intracrânienne sous rivaroxaban (également observée avec les autres AOD), pourrait être en rapport d une part avec une faible pénétration intracrânienne du rivaroxaban et d autre part, par l action spécifique des AVK, qui en inhibant la gammacarboxylation du facteur VII, compromet la formation du complexe facteur tissulaire le facteur VII est impliqué en cas d atteinte des parois des vaisseaux intracrâniens [43]. L association observée entre la présence d une hypoalbuminémie et la présence d une hémorragie intracrânienne est mise en rapport avec la forte fixation protéique à la fois de la warfarine et du rivaroxaban. L association inverse observée entre l existence d un antécédent d insuffisance cardiaque et le risque d hémorragie intracrânienne est mise en rapport avec un possible état d hypercoagulabilité qui a pu être rapporté dans l insuffisance cardiaque [44]. Apixaban Il a été comparé en double insu à la warfarine dans l essai de non-infériorité ARISTOTLE [45]. Rappelons les principaux résultats d ARISTOTLE (âge médian de la population d étude : 70 ans) : supériorité par rapport à la warfarine sur le critère d efficacité (AVC), supériorité par rapport à la warfarine sur le critère de sécurité (hémorragie majeure) et diminution de la mortalité totale. À noter une diminution de la dose d apixaban à 2 2,5 mg/j après 75 ans en cas de poids inférieur à 60 kg, ou de créatinine plasmatique supérieure à 133 μmol/l).

Cah. Année Gérontol. 7 Une analyse de sous-groupes prédéfinis a été d emblée effectuée dans ARISTOTLE avec notamment un groupe de sujets de plus de 75 ans (5 678/18 201 [31,2 %]). Les résultats sont similaires à ceux observés dans la population générale avec une absence d augmentation significative avec l âge du risque thrombotique artériel et du risque de saignement dans les deux groupes. Une analyse détaillée du risque hémorragique sous apixaban en fonction de l âge n objective pas de majoration du risque hémorragique chez les sujets âgés [46]. Edoxaban Il a été évalué dans l étude ENGAGE-TIMI 48 (essai randomisé en double insu de non-infériorité ; âge médian de la population d étude : 72 ans) [47]. À noter l existence de deux groupes de posologie : 30 et 60 mg/j. La dose de 30 mg/j était attribuée si l un des critères suivants était présent à l inclusion ou au cours de l étude : DFG entre 30 et 50 ml/min par 1,73 m 2, poids inférieur ou égal à 60 kg, prescription concomitante de vérapamil ou de quinidine (et après un amendement en cours d étude, la prescription de dronédarone). Dans cette étude, l edoxaban aux doses de 30 et 60 mg/j s est avéré non inférieur à la warfarine sur le risque d AVC et a été associé à moins d hémorragies majeures (critères principaux d efficacité et de sécurité, respectivement). Une analyse en sous-groupe suggère que chez les sujets présentant une clairance supérieure à 80 ml/min par 1,73 m 2 et traités à la dose de 30 mg/j, l incidence du critère de jugement principal (premier AVC ischémique, hémorragique ou embolisme systémique) est significativement supérieure à celle constatée sous AVK. La notion est retrouvée, sous forme de tendance, à la dose de 60 mg. Betrixaban Il a été évalué dans un essai de phase II partiellement contrôlé en double insu (étude EXPLORE-Xa ; âge moyen de la population d étude : 73 ans) où il est rapporté un risque hémorragique inférieur ou similaire à celui de la warfarine [48]. Comparaison de l efficacité et de la sécurité d utilisation des AOD entre eux Aucun essai randomisé n a comparé à ce jour les AOD entre eux. Plusieurs études ont effectué des comparaisons indirectes et dont l interprétation doit rester prudente [49 51]. À titre indicatif, le risque d AVC estimé par le score CHADS 2 est plus élevé dans l étude ROCKET-AF (rivaroxaban ; CHADS 2 : 3,5) que dans l étude ENGAGE-TIMI 48 (edoxaban ; CHADS 2 : 2,8) et surtout que dans les études RELY (dabigatran ; CHADS 2 : 2,1) et ARISTOTLE (apixaban ; CHADS 2 : 2,1). Certaines de ces études suggèrent que le bénéfice «net» des AOD serait supérieur à celui de la warfarine [52]. L étude de Verdecchia et al. a la particularité d inclure l edoxaban dans la comparaison multiple en utilisant une méthode particulière, l imputed placebo analysis, qui est une estimation théorique du bénéfice de chacun des AOD s il était évalué contre placebo [53]. Dans ce travail, l objectif prioritaire semble cependant de comparer l edoxaban avec les autres AOD dans la prévention des AVC associés à la FA. Comparativement à un hypothétique placebo, tous les AOD diminuent le risque d AVC et diminuent la mortalité totale. L estimation de la proportion du bénéfice de la warfarine sur la diminution des AVC est par ordre croissant 87 % pour l edoxaban 30 mg/j, 108 % pour le dabigatran 10 mg/ j, 112 % pour l edoxaban 60 mg/j, 119 % pour le rivaroxaban, 124 % pour l apixaban et 143 % pour le dabigatran 150 mg/j. De manière identique, l estimation de la proportion du bénéfice de la warfarine sur la mortalité totale est par ordre croissant pour le rivaroxaban : 118 %, le dabigatran : 110 mg/j : 121 %, l edoxaban 60 mg/j : 121 %, l apixaban : 126 %, le dabigatran 150 mg/j : 128 % et l edoxaban 30 mg/j : 133 %. Concernant la sécurité d utilisation des AOD et l estimation du risque hémorragique, l approche méthodologique développée ci-après n apparaît pas dans l article. Il semblerait que le risque d hémorragie majeure soit inférieur sous edoxaban 30 mg/j comparativement aux autres AOD. Utilisation des nouveaux anticoagulants chez le sujet âgé : résultat des méta-analyses Rappelons en préambule les résultats de deux méta-analyses évaluant le rapport bénéfice/risque des AOD comparativement à la warfarine dans la population générale. La première méta-analyse est celle de Ruff et al. publiée à partir des données des quatre études de phase III (dabigatran, rivaroxaban, apixaban, edoxaban) concernant la prévention des événements thrombotiques artériels dans la FA. Elle objective que comparativement à la warfarine, les AOD évalués sont associés à une diminution significative des AVC et des hémorragies intracrâniennes, et à un risque d hémorragies majeures similaire, à une augmentation du risque d hémorragies digestives [54]. La seconde évalue l efficacité et la sécurité des AOD comparativement à la warfarine dans la MTVE [55]. Les AOD évalués (dabigatran, rivaroxaban, apixaban, edoxaban) apparaissent aussi efficaces que la warfarine, en induisant moins de complications hémorragiques, avec un bénéfice net en faveur des AOD. À ce jour, une seule méta-analyse a évalué le bénéfice antithrombotique et le risque hémorragique des AOD chez

8 Cah. Année Gérontol. le sujet âgé dans leurs deux indications : la FA et la MTEV [56]. Elle inclut dix essais randomisés comprenant 25 031 sujets âgés. Les principaux résultats de cette étude sont les suivants : le risque d AVC ou d embolies systémiques est significativement inférieur sous AOD que sous traitements dits «conventionnels» (AVK, HBPM, aspirine) ou placebo en présence d une FA ; le risque d événements thromboemboliques veineux ou de décès associé à la MTEV est significativement inférieur sous AOD que sous traitements dits «conventionnels» en présence d une FA ; les AOD ne sont pas associés à une augmentation du risque d hémorragie majeure chez les sujets de plus de 75 ans comparativement aux traitements conventionnels. Il existe cependant une importante hétérogénéité entre les études sur la FA. Concernant l évaluation des AOD individuellement : le rivaroxaban (cinq études) est soit non inférieur, soit supérieur dans la prévention des AVC (ou embolies artérielles) ou des événements thromboemboliques veineux (ou des décès associés aux événements thromboemboliques veineux). Il n y a pas plus d hémorragies majeures sous rivaroxaban que sous traitement conventionnel, mais il existe une importante hétérogénéité entre les études ; pour l apixaban (trois études), les résultats sont similaires, mais il existe aussi une hétérogénéité entre les études ; pour le dabigatran (deux études), les tendances sont similaires à celles observées avec le rivaroxaban, avec deux réserves méthodologiques. Les données disponibles concernant la sécurité d utilisation du dabigatran apparaissent peu nombreuses d une part, et les tests statistiques d hétérogénéité ne sont pas disponibles, d autre part. Utilisation des nouveaux anticoagulants chez le sujet âgé : résultat des études de pharmacovigilance et des études médicoéconomiques Les études «postmarketing» (évaluant le rapport bénéfice/ risque dans la population générale non spécifiquement gériatrique), par définition non randomisées, doivent être interprétées avec prudence. Elles sont exposées à de nombreux biais. En aucun cas, le niveau de preuve rapporté par de tels travaux atteint celui des études princeps (essais randomisés contrôlés). Deux études, l une américaine, l autre danoise, ne mettent pas en évidence de facteurs associés aux complications hémorragiques sous dabigatran (l étude danoise n ayant pas ajusté les résultats aux comorbidités) [57,58]. Une autre étude danoise évaluant l utilisation du dabigatran dans la FA n objective pas d augmentation du risque d événements hémorragiques sous dabigatran, comparativement à la warfarine [59]. Cette étude montre cependant une augmentation du risque thrombotique artériel et hémorragique sous dabigatran chez les patients traités préalablement par warfarine. À noter que l utilisation du dabigatran à la posologie de 2 150 mg ne suit pas les recommandations européennes dans près de 45 % des cas. À plus grande échelle, l étude américaine réalisée à partir des données «MEDICARE» a évalué entre octobre 2010 et décembre 2012, 67 207 patients avec FA sous dabigatran et 67 207 sous warfarine [60]. La conclusion générale est que comparativement à la warfarine le dabigatran est associé à une diminution des AVC ischémiques, à une diminution des hémorragies intracrâniennes, à une diminution de la mortalité et à une augmentation des hémorragies digestives majeures pour la dose de 2 150 mg/j. À 2 75 mg/j (la posologie de 2 110 mg/j n étant pas retenue par les recommandations américaines), seule la diminution du risque d hémorragie intracrânienne est significative. Il est intéressant, voire préoccupant, de constater que 15 % des patients sous dabigatran ou warfarine ont une coprescription d anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Une analyse détaillée, par tranches d âge, montre que chez les sujets de 85 ans ou plus, le dabigatran comparativement à la warfarine n est plus associé à une diminution de la mortalité et que l augmentation du risque d hémorragie digestive majeure apparaît plus élevée que chez les sujets plus jeunes. Concernant le rivaroxaban, un registre allemand a évalué 1 775 sujets (non spécifiquement âgés) entre octobre 2011 et décembre 2013. Le taux d hémorragie majeure sous rivaroxaban est de 3,1/100 patients-années ; le taux de mortalité secondaire à une hémorragie est de 1,2 % à 90 jours. Il est intéressant de noter que, comparativement aux sujets qui n ont pas saigné sous rivaroxaban, ceux qui ont présenté une hémorragie majeure ont un âge significativement plus élevé (respectivement 79 et 73 ans) et une altération de la fonction rénale (respectivement 22 et 10,4 %) [61]. Les auteurs mettent prudemment en parallèle (sans comparer les données) ces valeurs d incidence d hémorragie majeure sous rivaroxaban aux données disponibles des cohortes sous AVK. Selon eux, l évolution des sujets hospitalisés suite à des complications hémorragiques sous rivaroxaban ne serait pas moins favorable. Elle pourrait être meilleure que l évolution des sujets hospitalisés suite à des complications hémorragiques sous AVK. L étude NACORA-BR de la Caisse nationale de l assurance maladie (CNAMTS) et de l ANSM, mise en ligne en juin 2014, apporte un éclairage intéressant de la prescription des AOD en France [62]. Un élément suffisamment rare actuellement mérite d être souligné, les auteurs de ce travail n ont aucun lien d intérêts avec l industrie pharmaceutique. L objectif principal de cette étude réalisée à partir des

Cah. Année Gérontol. 9 données PMSI MCO a été de comparer le risque d hémorragie majeure entre les nouveaux utilisateurs de dabigatran (n = 12403) et de rivaroxaban (n = 12436) [au cours du second semestre 2012] aux nouveaux utilisateurs d AVK (au cours du second semestre 2011 ; n = 48 750). Deux messages importants sont à retenir de ce travail : l adaptation des doses des AOD tient compte des caractéristiques des patients (dont l âge), ce qui est plutôt rassurant (!) ; l absence d augmentation des événements hémorragiques et thrombotiques artériels sous AOD, comparativement aux AVK. Malgré les importants effectifs de patients évalués, ce travail comporte des limites méthodologiques et des biais qui amènent à beaucoup de prudence dans l interprétation des résultats (tout particulièrement la comparabilité des différentes variables évaluées, entre les trois groupes, ce qui est discutable). Malgré ces limites, certains résultats concernant les patients âgés sont particulièrement intéressants (ou inquiétants!) à relever : la part des plus de 80 ans représente 28 % des patients sous AVK, 34 % de patients sous dabigatran et 26 % des patients sous rivaroxaban. Pour mémoire, l âge médian des études princeps des AOD est de l ordre de 73 ans ; 4,9 % des patients ayant reçu du dabigatran à 2 150 mg/j ont plus de 80 ans (ce qui est en contradiction avec les recommandations de prescription de la molécule) ; 28 et 22 % des patients ont une coprescription d antiagrégants plaquettaires, respectivement sous dabigatran et rivaroxaban (ce qui est en contradiction avec les recommandations de prescription de la molécule) ; 6 et 9 % des patients ont une coprescription d AINS, respectivement sous dabigatran et rivaroxaban (ce qui est également en contradiction avec les recommandations de prescription de la molécule). À titre indicatif, 7 % des patients sous AVK ont une coprescription d AINS. L augmentation du risque hémorragique lors d une coprescription d AINS et d anticoagulants est pourtant documentée depuis de nombreuses années, mais cette coprescription pourrait aussi être à l origine d une augmentation du risque embolique artériel [63]. Une autre étude française réalisée conjointement par la CNAMTS et l ANSM, l étude NACORA-SWITCH, est un travail rétrospectif longitudinal apparié (du type «exposé»/ «non exposé») réalisé à partir des données PMSI visant à apprécier le risque de complications thrombotiques et ischémiques dans deux groupes de population. Il s agissait de sujets qui changent de traitement anticoagulant (AVK vers AOD) [groupe switch ; n = 9 520] et ceux qui restent sous AVK [groupe non-switch ; n = 15 300] dans les conditions réelles d utilisation de ces médicaments [64]. Les auteurs de ce travail n ont aucun lien d intérêts avec l industrie pharmaceutique. La conclusion générale est qu il n y a pas de différences significatives entre les deux groupes, en termes d efficacité (événements thrombotiques) et de sécurité (événements hémorragiques). Fait intéressant, lorsqu une analyse des événements hémorragiques est effectuée sur la population globale de l étude (n = 24820), il apparaît que l âge moyen des sujets qui ont présenté des complications hémorragiques est significativement plus élevé que celui des sujets indemnes de complications (respectivement 77 et 73 ans). Limites méthodologiques des essais thérapeutiques évaluant les AOD En préambule, tous les essais qui ont évalué les AOD dans leurs doubles indications (prévention de la récidive de la MTEV et prévention des embolies artérielles dans l AVC) ont systématiquement été soutenus par l industrie pharmaceutique. Par ailleurs, beaucoup d auteurs ont des liens d intérêts avec l industrie pharmaceutique (ce qui n affecte en rien la qualité méthodologique des études, mais exige une lecture plus attentive de certains chapitres, comme la discussion). Rappelons également que l âge moyen (ou médian) des sujets inclus dans les études de phase III,à l origine des autorisations sur le marché, était inférieur à 75 ans. Alors est-il raisonnable d extrapoler les résultats de ces études aux sujets de 85 ans, voire aux sujets de 100 ans? De plus, d un point de vue méthodologique, ces essais thérapeutiques sont tous initialement des essais de non-infériorité et non des essais de supériorité. Les conclusions de telles études sont souvent «surinterprétées», car rien ne permet de conclure que les AOD ont une efficacité identique ou qu ils sont plus efficaces que la warfarine. La seule conclusion possible est que les AOD ont une perte d efficacité qui est non inférieure à une certaine limite fixée a priori par les investigateurs. Dans les essais de non-infériorité concernant les AOD, compte tenu de leur plus grande facilité d utilisation (absence de contrôle de l INR, effet pharmacologique stable, interactions médicamenteuses et alimentaires limitées), il est estimé que ces avantages sont suffisamment intéressants cliniquement pour que l on accepte une certaine perte d efficacité par rapport à la warfarine. Ainsi, ces essais de non-infériorité ne permettent pas d affirmer que les AOD amènent un progrès thérapeutique par rapport à la warfarine. Deux problématiques se posent. Sur quels critères estime-t-on que les avantages procurés par les AOD sont suffisants pour justifier une perte d efficacité par rapport à la warfarine? Sur quels critères définit-on la perte d efficacité consentie des AOD par rapport à la warfarine? Les réponses à ces deux questions sont complexes et souvent arbitraires.

10 Cah. Année Gérontol. Ces essais posent également des problèmes d ordre statistique. Dans les essais de non-infériorité, on effectue une comparaison entre la borne supérieure de l intervalle de confiance (IC) et le seuil de non-infériorité. Si la borne supérieure de l IC est inférieure au seuil de non-infériorité, on conclut à la non-infériorité de la nouvelle molécule par rapport au traitement de référence. À l inverse, si la borne supérieure de l IC est supérieure au seuil de non-infériorité, la non-infériorité de la nouvelle molécule n est pas atteinte par rapport au traitement de référence, et il n est pas possible d exclure que la nouvelle molécule ne soit pas moins efficace que le traitement de référence. Ainsi, dans l étude RE- LY évaluant le dabigatran par rapport à la warfarine, le seuil de non-infériorité est 1,46. Le résultat concernant le critère de jugement principal d efficacité du dabigatran 2 110 mg/ j vs warfarine est, exprimé en IC 95 %, 0,91 [0,74 1,11]. La valeur «1,11» (borne supérieure de l IC 95 %) étant inférieure à la valeur «1,46», la non-infériorité du dabigatran à 2 110 mg/j vs warfarine est atteinte. La valeur du seuil de non-infériorité correspond donc à la plus grande valeur de perte d efficacité que l on est prêt à accepter compte tenu des avantages d utilisation en pratique clinique de l AOD par rapport à la warfarine. Ainsi, ces essais de non-infériorité ne permettent pas d affirmer l équivalence des AOD par rapport à la warfarine, même si cela a pu être rapporté par certains. La valeur du seuil de non-inf ériorité conditionne donc le résultat de l essai de non-infériorité. La détermination de cette valeur est l une des difficultés majeures des essais de non-infériorité. Elle est parfois arbitraire et souvent mal justifiée. Si cette valeur est jugée trop tolérante, il est possible de rejeter la non-infériorité même si celle-ci est statistiquement significative. Quel AOD choisir chez le sujet âgé? En l absence d essais randomisés comparant directement les AOD entre eux sur des critères d efficacité (récidive de la MTEV, embolie artérielle dans la FA), il est impossible de répondre à ce jour à cette question de manière formelle. Il est cependant possible de proposer des éléments de réponses en tenant compte des données de pharmacologie, de pharmacocinétique et des études complémentaires et en sous-groupes. D un point de vue pharmacocinétique, le dabigatran a une biodisponibilité faible (moins de 7 %) et surtout une élimination sous forme inchangée par voie rénale (> 80 %). Il est le seul AOD contre-indiqué en cas de DFG (selon Cockcroft) inférieur à 30 ml/min par 1,73 m 2. À titre illustratif, pour des DFG entre 15 et 30 ml/min par 1,73 m 2,l aire sous la courbe (AUC) augmente de 500 %, alors que pour le rivaroxaban et l apixaban, l AUC augmente respectivement de 60 et 44 %. Comparativement à un DFG à plus de 80 ml/min par 1,73 m 2 pour lequel la demi-vie d élimination du dabigatran est de 13,4 heures, en présence d un DFG inférieur à 15 ml/min par 1,73 m 2, la demi-vie augmente à 27,2 heures (ANSM). L utilisation du dabigatran doit donc être prudente en cas d insuffisance rénale chronique (stades 1 et 2 et surtout insuffisance rénale chronique de stade 3A [DFG entre 45 et 59 ml/ min par 1,73 m 2 ] et 3B [DFG entre 30 et 44 ml/min par 1,73 m 2 ]). Mais elle doit l être aussi chez les sujets âgés à risque d insuffisance rénale obstructive (rétention d urine, dilatation des voies urinaires sur obstacle endoluminal [lithiase urinaire], tumeur pariétale [cancer urothélial], compression extrinsèque [envahissement néoplasique locorégional]) et chez ceux à risque d insuffisance rénale fonctionnelle (par hypovolémie vraie [AVC ou syndrome parkinsonien avec risque de troubles de la déglutition, troubles de la vigilance avec diminution des prises de boissons, prise de diurétiques au long cours, environnement institutionnel avec risque d épidémie de gastroentérite] ; par hypovolémie relative [syndromes cardiorénaux des insuffisants cardiaques sévères et plus rarement syndrome néphrotique et cirrhose hépatique]). Au total, tous ces éléments rendent le dabigatran moins attractif en termes de rapport bénéfice/risque que le rivaroxaban, l apixaban, voire l edoxaban. Concernant les études de sous-groupes (sujets âgés, insuffisants rénaux, phénotypes dits «fragiles») et des analyses à long terme, il est difficile de proposer une sélection définitive, en raison des limites méthodologiques de ces études. Il apparaît cependant pour le dabigatran dans le programme REVO- VER une perte de la diminution significative du risque d hémorragie majeure, dans le sous-groupe des sujets âgés. De manière similaire, dans le sous-groupe des sujets âgés de l étude ROCKET-AF, la diminution du risque d hémorragies intracrâniennes initialement observée dans le groupe rivaroxaban n est plus observée. De telles tendances observées chez des sujets de plus de 75 ans n ont pas été rapportées avec l apixaban et l edoxaban, sous réserve d une analyse complète et définitive des données disponibles (données à ce jour insuffisantes pour le betrixaban). La position de la HAS concernant les trois premiers AOD commercialisés est la suivante : «le service médical rendu reste important pour l Eliquis et le Xarelto, il est modéré pour le Pradaxa ;l amélioration du service médical rendu d Eliquis est mineure par rapport aux AVK, mais il n y a pas d amélioration du service médical rendu par rapport aux AVK pour Pradaxa et le Xarelto» [65]. Quel anticoagulant chez le sujet âgé fragile? Tentative de définition de la fragilité Il n y a pas de consensus quant à la définition de la fragilité, y compris dans sa dimension opérationnelle [66]. La fragilité

Cah. Année Gérontol. 11 est considérée comme une diminution des réserves physiologiques, entraînant un état de vulnérabilité et donc une diminution des mécanismes d adaptation au stress (pathologie aiguë par exemple). Cet état de vulnérabilité est un marqueur (plutôt qu un facteur de risque) de mortalité, d incapacités, de chutes, d hospitalisations et d entrée en EHPAD. La fragilité concernerait 10 à 17 % des sujets de plus de 65 ans non institutionnalisés, et l incidence augmente avec l âge. Cet état potentiellement réversible peut être dépisté en soins primaires par un outil recommandé par la HAS, mis au point par le Gérontopôle de Toulouse [67]. En milieu gériatrique, la fragilité peut être repérée par une évaluation gériatrique standardisée (EGS), par certains outils ou échelles spécifiques ou par un «certain bon sens clinique». La fragilité doit être distinguée du simple vieillissement physiologique et des comorbidités. Certains éléments (souvent inclus dans l EGS) doivent être pris en compte en ce qui concerne le choix de prescription d un traitement anticoagulant oral. Facteurs interférant avec les anticoagulants oraux chez les sujets âgés fragiles Comorbidités Les comorbidités perturbent le contrôle optimal des anticoagulants. Certaines pathologies (diarrhée, insuffisance cardiaque aiguë), certaines situations aiguës (fièvre) ou modifications thérapeutiques (introduction d un antibiotique par voie orale) peuvent augmenter les INR et nécessiter des diminutions de posologie d AVK. Les atteintes hépatiques sévères (Child-Pugh classes B et C) sont des contre-indications d utilisation à la fois des AVK et des AOD. Selon les dernières recommandations conjointes de la Société française de cardiologie (SFC) et de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) sur la FA, l utilisation des AOD est déconseillée en dessous d un DFG de 30 ml/min par 1,73 m 2 (selon la formule de Cockcroft) pour le rivaroxaban, et l apixaban et contre-indiquée pour le dabigatran. Ces recommandations sont plus «prudentes» que les données internationales où le rivaroxaban et l apixaban apparaissent contreindiqués pour des DFG inférieurs à 15 ml/min par 1,73 m 2. Par contre, en dessous d un DFG de 15 ml/min par 1,73m 2, dans tous les cas, les AVK restent recommandés même si des résultats contradictoires ont pu être rapportés avec une augmentation du risque hémorragique et une augmentation des événements thromboemboliques. Il convient aussi de rappeler la «fragilité» hydrosodée des sujets âgés (hypodipsie, difficultés à concentrer les urines, notamment) qui les expose fréquemment à des déshydratations, notamment extracellulaires à l origine d insuffisance rénale aiguë (souvent sur insuffisance rénale chronique). De telles situations peuvent être à l origine d une accumulation de l AOD et donc d une majoration de leur activité anticoagulante. Les sujets à risque (sujets déments notamment), les contextes à risque (canicule, épidémie virale et particulièrement de gastroentérite, notamment en EHPAD) et la polymédication «à risque» (IEC, ARA-II, diurétiques, AINS) doivent être gardés en mémoire. Polymédication En raison de leurs polypathologies, les personnes âgées prennent souvent de nombreux médicaments (entre sept et dix molécules par jour). Les AVK sont d un maniement difficile. Ils ont une marge thérapeutique étroite et présentent une importante variabilité d efficacité intra- et interindividuelle qui augmente avec l avancée en âge. Les interactions médicamenteuses représentent les causes les plus fréquentes de surdosage en AVK. Elles sont nombreuses et existent à plusieurs niveaux : absorption digestive, fixation protéique, catabolisme (inducteur enzymatique, interaction avec les cytochromes (CY) P450 CYP2C9, 2C19, 2C8, 2C18, 1A2 et 3A4), synthèse des facteurs de la coagulation, dégradation de la vitamine K intestinale. Parmi les molécules qui augmentent le risque hémorragique, on retiendra : tous les antibiotiques, l aspirine (contre-indiqué si supérieur à 3 g/j), les AINS (pyrazolés : contre-indiqués), le miconazole en voie orale ou buccale (contre-indiqué), millepertuis (contre-indiqué), l amidarone, les androgènes, l allopurinol, les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (citalopram, escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline), la cimétidine, le métronidazole, l orlistat, la colchicine, les fibrates, l éconazole, le fluconazole, les glucorticoïdes (hormis l hydrocortisone), l itraconazole, le voriconazole, les héparines, les hormones thyroïdiennes, le paracétamol, les statines, le tamoxifène, le tramadol et la vitamine E. Parmi les molécules qui diminuent l efficacité des AVK, il convient de se souvenir des molécules suivantes : le sucralfate, la rifampicine, la cholestyramine, le bosentan, l azathioprine, la griséofulvine, les anticonvulsivants inhibiteurs enzymatiques (carbamazépine, fosphénytoïne, phénobarbital, phénytoïne, primidone). Il a été montré que de fréquentes modifications d ordonnance sont associées, chez le sujet âgé, comparativement au sujet d âge moyen, à de plus grandes variations de l INR [68]. Concernant les AOD, leur effet pharmacologique prévisible leur permet une administration à dose fixe sans contrôle de la coagulation. Ils présentent, en théorie, moins d interactions médicamenteuses. Celles-ci concernent la glycoprotéine P (transporteurs de flux : P-gp) et/ou le CYP450 (3A4 notamment). Il convient de rappeler que pour tous les AOD, les prescriptions concomitantes d héparines (HNF et HBPM) sont contre-indiquées à ce jour. Concernant les antiagrégants

12 Cah. Année Gérontol. plaquettaires, l aspirine et les AINS, ils sont selon l ANSM à prescrire avec prudence. Le clopidogrel est à utiliser avec précaution avec le dabigatran et le rivaroxaban et apparaît déconseillé avec l apixaban. Le prasugrel et le ticagrelor sont déconseillés en association avec les AOD, par principe de précaution, faute de données disponibles en 2015. Pour tous les AOD, la carbamazépine, la phénytoïne, la rifampicine et le millepertuis (inducteurs du CYP3A4 et de la P-gp) vont entraîner une diminution de l AUC (nonrecommandation d utilisation avec le dabigatran et prudence d utilisation avec le rivaroxaban et l apixaban). Le dabigatran est un substrat de la P-gp (et pas du CYP3A4). Les inducteurs de la P-gp vont avoir tendance à augmenter les concentrations du dabigatran. Les traitements par kétoconazole administré par voie systémique, ciclosporine, itraconazole et dronédarone sont contre-indiqués. Les traitements concomitants par quinidine, vérapamil, clarithromycine et amiodarone sont à manier avec précaution et nécessitent une diminution de la posologie du dabigatran. Le rivaroxaban et l apixaban sont métabolisés au niveau du CYP3A4 et du 2J2, mais sont également un substrat de la P-gp. Ainsi, l itraconole, le kétopronazole, le posaconazole et les antiprotéases (inhibiteurs du CYP3A4 et de la P-gp) augmentent l AUC et ne sont pas recommandés en association. Concernant la dronédarone, les données disponibles sont limitées ou mal connues. De manière générale, la polymédication est également associée à une mauvaise observance thérapeutique [69]. Troubles cognitifs Les troubles cognitifs augmentent avec l âge, et entre 80 et 90 ans la prévalence des syndromes démentiels est de l ordre de 30 %. Une des problématiques associées aux syndromes démentiels est la mauvaise observance thérapeutique. Les résultats de la littérature sur l équilibration de l INR chez des sujets âgés avec des troubles cognitifs sont divergents. La tendance générale va cependant vers une difficulté de l équilibration. Ainsi, van Deelen et al. ont rapporté que chez des sujets âgés en FA, un MMSE inférieur à 23 est un facteur indépendant associé à un risque de déséquilibre de l INR [70]. Dans ces conditions, il apparaît essentiel que les anticoagulants soient administrés par des tierces personnes (aidant naturel, infirmière à domicile). En l absence d un tiers ou de refus de la personne âgée, les AVK sont alors à privilégier aux AOD en raison de leur demi-vie d élimination plus longue (maintien plus prolongé d un effet anticoagulant en cas d oubli d une prise) et de la possibilité de vérifier le degré d anticoagulation par le contrôle des INR. En cas de troubles cognitifs sévères et/ou en l absence possible d une supervision de l observance de la prise, la poursuite de l anticoagulation (AVK et AOD) doit être rediscutée en fonction de l appréciation individuelle du rapport bénéfice/risque. De manière générale, les études sur les AOD, que ce soit dans la MTEV ou la FA, ont peu évalué le rapport bénéfice/ risque de ces molécules chez des sujets très âgés (plus de 80 ans) avec des troubles cognitifs. On peut d ailleurs s interroger si, chez les sujets présentant des microsaignements à l IRM cérébrale (microbleeds en séquence T2*), il y a une majoration du risque hémorragique sous AOD, et si globalement les AOD ont montré une diminution du risque d hémorragie intracrânienne comparativement à la warfarine. Troubles de la mobilité et risque de chute Deux situations doivent être distinguées : le patient âgé présentant des chutes à répétition et le sujet âgé grabataire. Concernant le patient chuteur, il convient de rappeler l association épidémiologique forte entre «chute», «troubles cognitifs», «sarcopénie» et «dénutrition». Des syndromes gériatriques autres que la chute sont donc à prendre en considération dans la décision d instaurer ou de poursuivre un traitement anticoagulant oral chez un chuteur. Il convient également de rappeler l impact psychologique négatif «fort» chez le prescripteur lors de la survenue d une complication hémorragique, d autant plus qu elle est fatale. C est l une des raisons, mais pas la seule, qui expliquent qu environ 20 à 30 % des FA ne sont pas anticoagulées sans raisons apparentes. Concernant la warfarine, il a été montré selon une modélisation mathématique (qui peut être discutée) qu un sujet âgé devrait chuter une fois par jour pour compenser le bénéfice de la warfarine en présence d une FA [71]. Le rapport bénéfice/risque des AOD concernant les patients très âgés qui présentent des chutes à répétition est incertain (ou plutôt inconnu) faute de données disponibles. Chez les patients grabataires (hors situation de fin de vie, cf. chapitre suivant), du point de vue de l organisation pratique des soins, les AOD présentent un avantage certain en s affranchissant des prises de sang pour les contrôles d INR. Ces bénéfices d ordre praticopratique doivent cependant être tempérés. Tout d abord, ces personnes âgées sont grabataires non pas parce qu elles sont «vieilles», mais parce qu elles sont malades. Les situations souvent chroniques en cause (insuffisance rénale chronique, cancer, dénutrition et/ou cachexie avec faible poids, tout particulièrement) tout comme la polymédication fréquemment associée peuvent altérer le rapport bénéfice/risque des AOD. Dénutrition et troubles de la déglutition Concernant l interaction avec la prise alimentaire, les AOD présentent, en théorie, un risque d interaction bien moindre que les AVK. Cette notion doit être à nouveau pondérée par le fait que les AOD n ont pas été spécifiquement évalués

Cah. Année Gérontol. 13 chez des sujets très âgés présentant une dénutrition sévère. À ce jour, la prudence doit être de mise quant à l utilisation des AOD en présence d une dénutrition sévère ou chez des sujets de bas poids corporel qui, rappelons-le, a une prévalence très élevée (jusqu à 50 % en court séjour gériatrique et jusqu à 25 % en EHPAD). En cas de troubles de la déglutition (syndromes parkinsoniens, pathologies cérébrovasculaires), il convient, comme pour tout médicament, de rester prudent dans l administration des molécules (présence d un tiers). Rappelons que la prise de dabigatran a pu être associée à des lésions œsophagiennes et gastriques (notamment des ulcérations œsophagiennes sévères). Limitation de l espérance de vie Les indications d une anticoagulation orale au long cours chez des patients en fin de vie demeurent une question extrêmement complexe et sans réponse définitive. La «médecine basée sur les preuves» n amène que peu d informations. Dans tous les cas, la seule prise en compte de l âge chronologique sans tenir compte du contexte physiologique, pathologique et psychologique, est insuffisante. Il s agit d un point essentiel à ne jamais perdre de vue. Concernant spécifiquement les anticoagulants, il apparaît peu probable qu ils améliorent l espérance de vie chez les patients dont l espérance de vie est courte (< 6 mois). À l inverse, il existe des arguments indirects suggérant que le risque hémorragique est majoré devant la présence des comorbidités (insuffisance rénale, insuffisance hépatocellulaire, insuffisance cardiaque, cancer), la dénutrition et la polymédication fréquente, tout au moins en ce qui concerne les AVK (les données concernant les AOD chez les sujets en fin de vie n étant pas disponibles à ce jour) [72]. Bien entendu, la volonté du patient (et ses éventuelles directives anticipées) et l avis de la personne de confiance doivent être pris en compte. Mais rappelons qu en France, à ce jour, la décision est in fine toujours médicale. Le texte de proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie de Claeys et Leonetti propose dans certaines situations d arrêter les traitements actifs, ce qui va nécessairement concerner les anticoagulants (2.3.1.2 «traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération continue de la vigilance jusqu au décès associé à l arrêt de l ensemble des traitements de maintien en vie [article 3 de la PPL]» [73]. Bien entendu, une évaluation gériatrique standardisée (évaluation cognitive, nutritionnelle, fonctionnelle, psychologique tout particulièrement) ainsi que des comorbidités et de la fréquente polymédication qui les accompagne sont indispensables avant de prendre une décision d arrêt, de poursuivre ou d initier un traitement anticoagulant quel qu il soit. Pour certains, si l espérance de vie est inférieure à six mois, il convient de discuter l instauration ou la poursuite des anticoagulants oraux au long cours. Mais comment évaluer au lit du malade l espérance de vie? Cela apparaît bien complexe et incertain. Certains proposent des scores comme le Multidimensionnal Prognostic Index (MPI). Mais est-ce bien approprié? Rappelons «qu aucun thermomètre au monde, aussi sophistiqué soit-il, n a pu faire baisser la température qu il indique et surtout n a jamais indiqué la cause de la température». En conclusion, l existence d une insuffisance rénale chronique, ou d une mauvaise observance thérapeutique, serait plutôt en faveur d une utilisation des AVK plutôt que des AOD. À l inverse, des troubles de la mobilité, une dénutrition et une polymédication seraient plutôt en faveur d une utilisation des AOD que des AVK [72]. Les troubles cognitifs, les comorbidités, les chutes, ou la limitation de l espérance de vie, sont des situations complexes où l indication de poursuivre, d introduire ou d arrêter un anticoagulant nécessite une réflexion médicale au cas par cas, sans préférence particulière pour les AVK ou les AOD. Faut-il doser les concentrations plasmatiques des AOD chez les sujets âgés? La nécessité éventuelle de doser les concentrations plasmatiques des AOD fait suite à la publication de Reilly et al. [74]. Les auteurs ont montré qu après un mois de traitement de dabigatran à la dose de 2 150 mg/j les pics plasmatiques variaient entre 2,3 et 1 000 mg/ml. Il apparaît que de faibles concentrations de dabigatran sont associées à une augmentation du risque d AVC ischémique, d autant plus que le sujet est âgé et, à l inverse, de fortes concentrations plasmatiques sont associées aux complications hémorragiques. Ces fortes variations de concentration du dabigatran sont à mettre en rapport avec ses propriétés pharmacocinétiques (faible biodisponibilité, nécessité de convertir une prodrogue en molécule active, élimination rénale quasi exclusive). Plus récemment, Ruff et al. [75], à partir des données de l étude ENGAGE-TIMI 48, ont évalué les conséquences cliniques et biologiques (activité anti-xa) d une diminution de la posologie de l edoxaban dans deux groupes d évaluation (60 mg/j et 30 mg/j). La diminution de la dose de l edoxaban a été effectuée sur les critères suivants : un DFG entre 30 et 40 ml/min par 1,73 m 2, un poids inférieur à 60 kg et la présence de molécules interférant potentiellement avec la P-gp. La conclusion générale des auteurs est : que les modifications de doses s accompagnent de modifications des concentrations plasmatiques de l edoxaban et de l activité anti-xa ;

14 Cah. Année Gérontol. l efficacité de l edoxaban est conservée par rapport à la warfarine ; le risque hémorragique serait diminué. L analyse plus détaillée permet d objectiver des résultats divergents : la diminution de la posologie dans le groupe edoxaban 60 mg/j s accompagne d une augmentation du risque d AVC et du risque d hémorragie majeure. Aucune recommandation n existe à ce jour quant au dosage plasmatique des AOD. Les valeurs normales restent aussi à définir, en tenant compte notamment de certaines pathologies comme l insuffisance rénale chronique (estimation du DFG). Il n est cependant pas exclu que pour certaines molécules comme le dabigatran des dosages plasmatiques soient recommandés chez certains patients (sujets âgés) et en présence de certaines pathologies chroniques (insuffisance rénale chronique). Conclusion Depuis les études princeps de phase III de non-infériorité comparant les AOD à la warfarine, de nombreuses études ont essayé de répondre à la question de l efficacité et de la sécurité d utilisation de ces molécules chez les patients âgés. Ce sont principalement des études de sous-groupes complémentaires ou des études de pharmacovigilance «postmarketing». L interprétation des résultats doit bien entendu prendre en considération les biais de ces études. Aucun essai randomisé n a évalué les AOD comparativement à la warfarine chez des sujets âgés, voire très âgés et de surcroît fragiles. Dans la pratique, chez le sujet âgé fragile, il n y a pas de consensus quant à l utilisation des anticoagulants dans la FA et la prise en charge curative de la MTVE. Pour la pratique, trois chiffres doivent être retenus : 80 = 80 ans, âge au-delà duquel il n y a pas de données des études princeps ; 60 = 60 kg, poids en dessous duquel les AOD doivent être utilisés avec prudence ; 40 = 40 ml/min par m 2 de DFG (formule de Cockcroft), DFG en dessous duquel les AOD doivent être utilisés avec prudence. Quant au choix de l AOD chez le sujet âgé, faute d études de comparaison directe disponibles à ce jour, il apparaît difficile de se prononcer. Toutefois, les données disponibles tant sur le plan pharmacologique que celles issues des essais contrôlés et des études complémentaires semblent montrer que le dabigatran offre un profil bénéfice/risque moins favorable que les autres AOD disponibles (rivaroxaban, apixaban, edoxaban, les données concernant le betrixaban étant à ce jour encore trop parcellaires). Néanmoins, les résultats prometteurs de l idarucizumab, antidote du dabigatran, pourraient offrir une seconde jeunesse au dabigatran. Références 1. 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