1 ACIDOCETOSE DIABETIQUE I. DEFINITION : association de : - hyperglycémie > 2,5 g/l (> 14 mmole/l) - glycosurie - cétonurie - acidose métabolique : ph < 7,20 et bicarbonates sanguins < 15 meq/l II. PHYSIOPATHOLOGIE
2 CONSEQUENCES HYDROELECTROLYTIQUES - EAU ET NA : association : * déshydratation extracellulaire secondaire à : * polyurie osmotique * troubles digestifs * hyperventilation * déshydratation intracellulaire secondaire à : * hyperosmolarité extracellulaire par hyperglycémie * déficit sodé : * par diurèse osmotique, le Na accompagnant l élimination des corps cétoniques * aggravé par les vomissements éventuels - l hyperglycémie et l hypertriglycéridémie, en occupant un espace osmolaire, font que natrémie n est plus le reflet précis de l osmolarité extracellulaire : quand la glycémie augmente de 1 g/l, la natrémie diminue de 1,5 meq/l. Il faut demander la mesure de l osmolarité sanguine et calcul de la natrémie corrigée : Glyc (mmole/l) 5,5 Nac = Na (meq/l) sg + Glyc mmole/l = Glycémie (g/l) x 5,5 3 - POTASSIUM : déplétion potassique sévère liée à : * polyurie osmotique * vomissements * excrétion des acides cétoniques en sels de K * hyperaldostéronisme secondaire à la déshydratation extracellulaire * la déplétion potassique est masquée par l acidose métabolique. L hypokaliémie apparaît au cours du traitement (réhydratation, insulinothérapie). Les ECG (D2, avr, V5, V6) répétés permettent d évaluer la kalicytie : hyperkalicytie : onde T ample, positive, symétrique ; hypokalicytie : diminution amplitude onde T, sous-décalage du segment ST, onde U, augmentation espace PR. nécessité d apports précoces de potassium (dès H3), même si kaliémie normale, sauf si anurie. - AUTRES ELECTROLYTES : déplétion phosphorée qui peut-être responsable d une paralysie musculaire touchant éventuellement les muscles respiratoires, d une dépression myocardique, de troubles de la conscience, d une hypoxie tissulaire. Cependant la phosphorémie peut être normale à l entrée, l hypophosphorémie apparaissant en cours de traitement, par la correction de l acidose, le phosphore réintégrant la cellule. - le magnésium est un autre ion intracellulaire sévèrement déficitaire (en raison d une fuite urinaire) ; l hypomagnésémie peut être responsable d asystolie. Bilan hydroélectrolytique global au cours de l acidocétose : - déficit hydrique : 50 à 100 ml/kg - déficit en sodium : 4 à 10 meq/kg - déficit en potassium : 3 à 10 meq/kg - il existe également une fuite urinaire de Ca, P, Mg
3 III. COMPLICATIONS : OEDEME CEREBRAL ET PULMONAIRE -mortalité de l acidocétose diabétique = 2 à 5% - choc - œdème pulmonaire - et surtout œdème cérébral responsable de 90% des décès. 1- L OEDEME CEREBRAL : 0,7 à 1% survenue imprévisible ; pour certains auteurs apparaît uniquement après la mise en route du traitement. CLINIQUE : - délai d apparition : 3 à 22 h (moyenne = 11 h), - de la simple céphalée au coma conduisant au décès dans les formes graves, - parfois amélioration transitoire clinique et biologique, puis aggravation secondaire sous forme d apnées, coma, raideur de nuque, signes d irritation pyramidale, hypertension intracrânienne, et œdème papillaire à l examen du fond d oeil. PHYSIOPATHOGENIE : mal connue et discutée : - accumulation de substances hydrophiles dans le cerveau, - produits de dégradation de l insuline, - produits métaboliques de la voie des pentoses, - rôle de l hypoxie cérébrale, - gradient osmotique glucose cérébral - glucose plasmatique entraînant la formation d osmoles intracérébrales idiogéniques afin de préserver l osmolarité intracellulaire. Si, lors de la réhydratation, des solutés hypotoniques sont administrés précocement, le compartiment intracellulaire est hyperosmolaire par rapport au plasma et une quantité importante d eau entre dans la cellule cérébrale entraînant l œdème cérébral. FACTEURS PREDICTIFS D OEDEME CEREBRAL : PRUDENCE +++ - hyponatrémie initiale - âge < 5 ans - réhydratation supérieure à 4l/m 2 /j - diminution trop rapide de l osmolarité sanguine 2- L OEDEME PULMONAIRE La physiopathologie est mal expliquée, probablement multifactorielle. Il a été décrit surtout chez l adulte : diminution de la pression oncotique, incompétence myocardique (acidose métabolique, hypophosphorémie), troubles de la perméabilité capillaire en rapport avec l acidose notamment, coagulation intravasculaire disséminée, remplissage excessif.
4 ACIDOCETOSE DIABETIQUE PROTOCOLE DE TRAITEMENT CIRCONSTANCES DE SURVENUE : - découverte de diabète (25% des AC) - diminution inadaptée des doses d insuline - arrêt intempestif de l insuline - infection entraînant une insulinorésistance tableau I CLINIQUE : 1- PRODROMES : - anorexie, vomissements, douleurs abdominales - amaigrissement - polyurie (éventuellement qualifiée d énurésie secondaire) - polydipsie 2- PHASE D ETAT : - troubles de conscience : coma calme, vigile - polypnée d acidose - troubles digestifs : douleurs abdominales, vomissements - déshydratation extracellulaire - déshydratation intracellulaire tableau II DIAGNOSTIC : - hyperglycémie > 2,5 g/l - glycosurie +++ - cétonurie +++ - acidose : ph < 7,2, bicarbonates < 15 meq/l tableau III DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL : 1- hyperglycémie avec ou sans cétose : *déshydratation hypernatrémique * intoxication salicylés, éthylène glycol, théophylline, alcool méthylique 2- acidocétose : * acidémies organiques * intoxication salicylés, alcool éthylique tableau IV
5 Tableau V ACIDOCETOSE DIABETIQUE - dextro > 2,5 g/l - glycosurie +++ - cétonurie +++ - hémodynamique : FC, FR, PA, diurèse, TRC - hydratation : poids, pli cutané, cernes oculaires, muqueuses - état de conscience, signes d hypertension intracrânienne - acidose métabolique? : FR, ph capillaire ou veineux - température - signes digestifs - dater le début du syndrome polyuropolydipsique SURVEILLANCE - mettre sous scope + dynamap - recueil de diurèse - sonde gastrique si coma - mettre 2 voies d abord veineux CHOC HYPOVOLEMIQUE? oui non REMPLISSAGE - SSI - fractions de 20 ml/kg IVD - jusque normalisation hémodynamique puis ADMISSION EN REANIMATION SI : - choc persistant après remplissage > 40 ml/kg - coma (Glasgow < 10) - aggravation des troubles de conscience en cours de réhydratation - insuffisance rénale - ph < 6,90 7,0 BILAN BIOLOGIQUE D ENTREE : les examens entre parenthèses sont facultatifs aux urgences pédiatriques : - ph capillaire ou veineux - ionogramme, urée, créatinine - glycémie, calcémie, protidémie - phosphorémie - osmolarité mesurée +++ - NF - CRP - Insulinémie - Anticorps anti-insuline (- cholestérol, triglycérides) (- hémoglobine glycosylée) (- fructosamine) (- C peptide) (- Anticorps anti-îlots de Langherans) (- Anticorps anti GAD) - ECG +++ (reflète kalicytie) (- radiographie de thorax) puis REHYDRATATION et INSULINOTHERAPIE
6 Tableau VI PRINCIPES DE LA REHYDRATATION ET DE L INSULINOTHERAPIE 3 COMPLICATIONS PRINCIPALES : OEDEME CEREBRAL, HYPOGLYCEMIE, HYPOKALIEMIE - éviter une réhydratation trop rapide : * correction de la déshydratation en 24 h si Nac < 150 meq/l et osmolarité < 320 mosm/l * correction en 48 h si Nac > 150 meq/l ou osmolarité > 320 à 350 mosm/l * ne pas dépasser 4 l/m2/j * ne pas dépasser 15 ml/kg la première heure * ne pas dépasser 500 ml/h - éviter des solutions de réhydratation trop hypotoniques : toujours SSI - éviter alcalinisation : l insulinothérapie et la correction de la déshydratation et de l hypovolémie permettent la disparition de l acidose * alcalinisation uniquement si ph < 7 (voire 6,9) * utiliser uniquement bicarbonates à 1,4% - diminuer progressivement la glycémie de 0,75 à 1 g/l/h maximum - pour ceci, utiliser des doses faibles d insuline (malgré l insulinorésistance) : * correction plus régulière de l hyperglycémie sans hypoglycémie * diminution du risque de survenue et de la sévérité de l hypokaliémie - ATTENTION : le but du traitement est la correction de l hyperglycémie mais surtout de l acidose : * l administration de l insuline est indispensable même en cas d hyperglycémie modérée. * l insulinothérapie peut être retardée au maximum de 1 à 2 heures après la phase de réhydratation. * il vaut mieux apporter du sucre que de diminuer les doses d insuline quand la glycémie atteint 2,5 g/l. * il faut maintenir la glycémie au dessus de 2,5 g/l pendant les 24 premières heures.
7 Tableau VII REHYDRATATION NE PAS DONNER A BOIRE Arrêt alimentaire 6 à 24 heures en fonction de l état neurologique et des signes digestifs 1- H0 à H1 : 7 à 10 ml/kg/h de SSI (max : 500 ml/h) + KCl : si signes ECG d hypokalicytie : KCl 10% : 40 ml/l si ECG normal : KCl 10% : 20 ml/l si signes ECG d hyperkaliémie ou anurie : pas de KCl - INSULINOTHERAPIE A H1 (cf tableau VIII) 2- APRES H1 : - G5% : 3 l/m 2 /j surface corporelle : SC = - G10% dès que la glycémie 2,5 g/l 4 P + 7 P + 90 - électrolytes H1 à H12 : * NaCl 20% : 15 à 40 ml/l (soit 3 à 8 g/l) apports potassiques et phosphorés dès H3 sauf anurie * KCL 10% : 30 ml/l (soit 3 g/l) * PHOCYTAN : 30 ml/l (correspond à 1,2 g/l de NaCl + 10 meq de phosphore) (1 ml = 0,7 meq NaCl + 0,32 meq de P) * si hypokaliémie < 2,5 meq/l : KCl 10% : 0,4 ml/kg en 1 heure à la SAP dilué dans au moins 50 ml SSI * GluCa 10% : 10 ml/l (soit 1 g/l) - alcalinisation : uniquement si hyperkaliémie symptomatique et acidose hyperchlorémique (ph < 6,9) : bicarbonates 1,4% : 7 ml/kg IV en 60 minutes (en tenir compte dans les apports+++) attention au Na apporté : 100 ml de bicar à 1,4 % apportent 16 meq de Na augmente le risque d œdème cérébral!!!! - électrolytes H12 à H36 : * NaCl 20% : 15 ml/l (soit 3 g/l) * KCl 10% : 30 ml/l (soit 3 g/l) * Phocytan : 30 ml/l (soit 1,2g NaCl + 10 mg phosphore) * GluCa : 1 g/l
8 Tableau VIII INSULINOTHERAPIE - JAMAIS DE BOLUS D INSULINE AU DEPART - BUT : diminution de la glycémie de 0,75 à 1 g/l/h - DEBUTER INSULINE A H1 DE LA REHYDRATATION - ARRETER LA POMPE A INSULINE SOUS-CUTANEE SI LE PATIENT EN A UNE - préparation de la SAP : ACTRAPID * dilution avec SSI (cf document diabete.xls pour la dilution) * choisir la concentration en fonction du poids de l enfant (cf diabete.xls) - VITESSE DE DEPART : * glycémie > 4 g/l 0,08 U/kg/h * 2,5 < glycémie 4 g/l 0,07 U/kg/h * 1,5 < glycémie 2,5 g/l 0,06 U/kg/h * 0,8 < glycémie 1,5 g/l 0,05 U/kg/h * glycémie 0,8 g/l 0,04 U/kg/h - ADAPTATION ULTERIEURE : cf diabete.xls - si hypoglycémie : cf tableau XI - PENDANT LES 3 PREMIERES HEURES : NE PAS AUGMENTER LE DEBIT D INSULINE : faire les diminutions ou maintenir le débit, mais ne pas augmenter. - SI LA GLYCEMIE BAISSE DE 1g OU PLUS PAR HEURE : diminuer le débit de 0,005U/kg/h. La glycémie doit rester > 2,5 g/l pendant les 24 premières heures. Tableau IX SURVEILLANCE - CLINIQUE : * conscience, comportement, céphalées * soif, pli cutané, cernes périoculaires, poids x 1/jour * hémodynamique : FC, TRC, PA, diurèse * température - BIOLOGIE : * glycémie capillaire : toutes les 30 min pendant 3 heures * puis 1x/heure * toutes les 2 heures quand glycémie stable entre 0,8 et 2 g/l * cétonurie, glycosurie à chaque miction * glycémie vraie, iono, gaz du sang, osmolarité : H0, H2 ou H4, H8 ou H12 en fonction de la sévérité de l acidocétose BUTS : Correction de la déshydratation en 24-48 heures SI Nac DIMINUE AU COURS DE LA REHYDRATATION : RESTREINDRE LES APPORTS HYDRIQUES
9 CONDUITE A TENIR EN CAS DE CONVULSIONS OU DE COMA dextro puis cf tableau XI si hypoglycémie si pas d hypoglycémie : Mannitol 10% : 0,25 g/kg en 15 minutes transfert en réanimation pédiatrique Jeanne de Flandre, après accord senior de garde: poste : 46879 Tableau X CONDUITE A TENIR EN CAS D HYPOGLYCEMIE DEXTRO < 0,5 g/l 1- Adapter le débit de la SAP (cf grille, diabete.xls) 2- Si conscience altérée et/ou difficultés à avaler : G30% : 0,5 g/kg soit 1,7 ml/kg en IV lente Toujours vérifier glycémie 1/2 heure plus tard si échec, troubles de conscience persistants ou absence de voie veineuse : discuter Glucagon SC : * < 20 kg : ½ ampoule soit 0,5 mg * > 20 kg : 1 amp soit 1 mg peut être répété 15 minutes plus tard effets secondaires : vomissements Tableau XI MODIFICATIONS DE L INSULINOTHERAPIE APRES REPRISE DE L ALIMENTATION Tableau XII - ne pas changer le débit de la SAP d insuline au départ - diminuer le débit de la perfusion d hydratation - BOLUS D INSULINE : 5 min avant les repas : Actrapid (1 ml = 100U) - matin : 0,25 U/kg - midi : 0,20 U/kg - soir : 0,25 U/kg - si hypoglycémie < 0,8 g/l : ne faire que la moitié du bolus - si glycémie > 2,5 g/l : faire 0,1 U/kg d insuline puis collation - BAISSE PHYSIOLOGIQUE LA NUIT : - diminuer le débit de la SAP de 0,01 U/kg/h à 2 heures - réaugmenter de 0,01 U/kg/h à 6 heures - continuer les adaptations de débit en fonction de la grille (diabete.xls)