FORMATION UVCW PRECOMPTE IMMOBILIER ET REVENU CADASTRAL INTERVENTION D OLIVIER DUBOIS, Conseiller budgétaire du Ministre des Pouvoir Locaux et de la Ville Mesdames, Messieurs, C est pour moi un réel plaisir de prendre aujourd hui la parole, devant vous, afin d évoquer un sujet qui me tient particulièrement à cœur, à savoir l avenir du précompte immobilier et, plus largement, de l impôt foncier. Si je trouve le sujet passionnant, c est parce que cet impôt est véritablement et certainement beaucoup plus que l IPP ou l ISOC par exemple - à la croisée de nombreuses politiques et de nombreux défis de notre société. Il s agit d un bel exemple peut-être le plus beau d un outil intégré de politique économique. Il est aussi symptomatique des difficultés que l on a à faire bouger les lignes de forces en matière fiscale. Toutefois, compte tenu du fait que la situation actuelle conduit à éloigner chaque année un peu plus le calcul de l impôt d une réalité tangible, il me semble que les pouvoirs publics ne pourront éternellement retarder l adoption d une réforme, ou, à
tout le moins, la réalisation d une nouvelle péréquation cadastrale. Aussi, permettez-moi de m éloigner quelque peu du sujet précis du jour, celui du rôle de l indicateur-expert, pour vous faire part d une réflexion plus large sur le devenir de l outil «précompte immobilier». Les futurs partenaires qui prévoiront, probablement dans le cadre d une DPR, la réforme du précompte devront très certainement fixer préalablement les OBJECTIFS POLITIQUES de cette réforme. Quelles sont les questions préalables et défis essentiels auxquels il conviendra de répondre? A mon sens, ils sont au nombre de 4. Le premier défi est certainement celui du FINANCEMENT DES POUVOIRS PUBLICS EN GENERAL ET DES POUVOIRS LOCAUX EN PARTICULIER. Le précompte immobilier est, on l a dit, un vecteur essentiel de financement des communes et provinces.
Par conséquent, toute évolution du système qui conduirait à perturber les équilibres devra analyser, entité par entité, l impact sur les finances locales et prévoir, le cas échéant les mesures à même de garantir les équilibres budgétaires de chacun, et ce à court, moyen et long terme. On notera toutefois à ce propos que le taux local d imposition les additionnels est à la fois un outil de prévention des déséquilibres, mais également un élément qui perturbe les objectifs politiques. Ceci est une inévitable conséquence du principe de l autonomie locale. Parler du financement conduit également à évoquer deux difficultés importantes que rencontrent aujourd hui les Pouvoirs locaux et les services de tutelle : celui de la transparence des montants versés et celui du suivi et de l évolution de la base taxable. Sans remettre en cause le travail du SPF Finances, qui m apparaît remarquable compte tenu des conditions et des moyens mis à la disposition des agents, force est de constater que le document 173x, transmis mensuellement, reste difficile d accès et surtout, ne renseigne, ni sur les risques potentiels du contentieux en cours, ni sur l ampleur des récupérations d indus.
Ces dernières, tout particulièrement, conduisent parfois à des situations très délicates auxquelles les pouvoirs locaux n ont pas été préparés et nécessitent, le cas échéant, l intervention complémentaire des services régionaux. Voilà, me semble-t-il, un sujet sur lequel nous pouvons tous ensemble travailler dès demain. Au niveau de l évolution de la base taxable, deux éléments retiennent tout particulièrement mon attention. Le premier est la problématique du suivi des caractéristiques des biens soumis à l impôt. C est, on l a dit tout au long de la matinée, une des difficultés majeure pour laquelle l action de l indicateur-expert est une réponse possible. Toutefois, cela peut apparaître comme une réponse seulement partielle, qui n offre pas de réponses au frein que constitue la nécessité d un examen minutieux des plans et, surtout, de visites sur site, souvent considérées comme intrusives de la part du contribuable. S ajoute à cela, les besoins en personnel que ce processus entraîne, qui sont de moins en moins rencontrés compte tenu de l évolution des moyens de la fonction publique dans notre pays.
Aussi, le législateur sera peut-être amené à penser à une solution durable à cette problématique en imaginant un système nécessitant moins de contrôles. Enfin, le dernier élément en lien avec le Financement que je souhaiterais aborder ici est celui du juste retour. On constate depuis quelques années que certaines décisions en matière d exonération fiscales ont conduit à éloigner l intérêt direct d une commune dans le développement de son territoire. Cet élément mérite certainement d être questionné : est-ce la meilleure voie pour le développement régional? Si la réponse est non, alors il conviendra de prendre des mesures en conséquences. A ceci peut également être rattachée la question délicate de l imposition des plus-values d urbanisme, qui fut un temps une revendication de l Union. Pour rappel, le raisonnement des défenseurs de cette forme d imposition est le suivant : Les biens immeubles prennent de la valeur, non seulement sous l impulsion des travaux qu y mènent leurs propriétaires, mais aussi sous l impulsion des acteurs publics qu ils soient locaux, régionaux ou fédéral et même européen!
Aussi, capter au profit des pouvoirs publics une part des plusvalues engendrées par eux est légitime et mérite une réflexion. Le second défi qui a retenu mon attention est celui de l EQUITE. Le précompte immobilier comme tout impôt foncier - n est certainement pas un outil qui organise la progressivité de l impôt. Au contraire, si on y réfléchit quelques instants, notre précompte immobilier, assis sur le loyer d un bien, présente dans sa définition même, une tendance à la régressivité dès lors que l on sait qu il existe une tendance générale à consacrer aux charges de logement une part proportionnellement plus grande de ses revenus pour les salaires les plus bas. Aussi, si l impôt foncier est un instrument fiscal qui présente d indéniables utilités sociales, il conviendra certainement de continuer à l utiliser avec parcimonie. La base de la réflexion doit ici être plutôt : à situation identique, impôt identique. Or, il n est pas difficile de démontrer que la situation actuelle ne respecte pas ce principe de base.
Ainsi, il est tout à fait possible de trouver deux biens identiques situés dans des zones de pression foncière similaires présentant des niveaux de revenus cadastraux très différents. Au niveau plus local, compte tenu des difficultés de tenue à jour de la matrice cadastrale, à l inverse, une maison rénovée et sa voisine plus ancienne pourront présenter un revenu identique. Toute réforme de l impôt devra certainement questionner ce défi de l équité, non seulement à court terme, par exemple en organisant une péréquation cadastrale, mais aussi à moyen et long terme en réfléchissant, peut-être, à des solutions structurelles qui évitent à l avenir la répétition des difficultés de mise à jour actuellement constatées. Troisième défi important, celui de l impôt comme OUTIL QUI INFLUE SUR LES COMPORTEMENTS. Notre système d imposition actuel, basé sur le revenu des biens immeubles, est un héritage de Napoléon. A cette époque, dans une société essentiellement rurale, l objectif principal, si pas essentiel, était de répartir équitablement l impôt en estimant, au travers de la valeur locative des biens, les revenus des citoyens.
Dans les premières décennies de notre pays, il faut ainsi se rappeler que l impôt foncier constituait l essentiel des recettes fiscales de l Etat et que ce n est que très progressivement que le précompte immobilier est devenu un impôt local. Plus de deux siècles plus tard, notre société a fortement évolué et s est considérablement complexifiée. Sont ainsi apparues progressivement, et de manière non exhaustive, une politique économique, une politique du logement, une politique de l environnement et de l aménagement du territoire, une politique de mobilité. Toutes ces politiques entretiennent des liens avec la question foncière et immobilière. Le système d imposition choisi et j englobe sous ce vocable tous les instruments de taxation du foncier peut appuyer les objectifs en ces matières ou, au contraire les contrarier. Ainsi, prenons en exemple la lutte contre la spéculation foncière. Au cours des années 60 et 70, cette lutte est progressivement devenue un objet d attention car les comportements de rétention contrariaient les objectifs annoncés en termes de politiques du logement et de croissance économique. Ceci a conduit à insérer une «taxe sur les terrains à bâtir non bâtis» dans l arsenal des taxes locales.
Cette introduction s est toutefois avérée peu efficace, notamment du fait que, dans sa définition même, le précompte immobilier est un outil qui incite à la rétention. En effet, en taxant le revenu d un bien immeuble, le précompte, impose les terrains à bâtir non bâtis sur leur valeur locative, essentiellement la valeur d usage agricole. Aussi, tout détenteur d un terrain à bâtir possède, grosso modo, 50% de la valeur d une maison mais paiera, toujours en moyenne, 60 fois moins d impôt que le propriétaire d une résidence. Voici un exemple parmi d autres des actuelles contradictions entre un instrument fiscal aux multiples atouts et son application concrète encore fortement conditionnée par le poids du passé. Enfin, quatrième et dernier défi, celui de L ORGANISATION ADMNISTRATIVE. On le sait, notre pays, comme tant d autres, traverse une période difficile, caractérisée par une rigueur accrue en termes de dépenses publiques.
La question de l allocation des ressources publiques, en liaison avec celle du vieillissement et de la gestion de la dette, sont devenus des enjeux importants des gouvernements fédéral, fédérés et même locauxl. Sous l hypothèse d une réforme du précompte immobilier, la question du coût de l établissement et du suivi des valeurs cadastrales sera certainement un élément incontournable de débats. Ceci est d autant plus vrai que le niveau de pouvoir en charge de ce suivi n est pas celui qui bénéficie du produit du précompte. C est pourquoi, il me paraît particulièrement important d évoquer la question de la collaboration des pouvoirs locaux à l établissement de l impôt foncier. Les gestionnaires locaux doivent être conscients qu au même titre qu ils établissent eux-mêmes l assiette de la taxe sur la force motrice, de la taxe sur la seconde résidence ou de toute autre taxe purement locale, ils ont un intérêt à cette collaboration. C est en cela que l indicateur-expert est une personne clé qui mérite certainement une attention accrue de la part des communes.
Il est toutefois bien évident que toutes les communes ne sont pas en capacité d investir dans cette tâche la totalité des moyens nécessaires. C est pour cela que le Gouvernement wallon a approuvé, fin 2011, un projet présenté par le Ministre des Pouvoirs locaux, Paul FURLAN, en vue de la constitution, au sein des provinces wallonnes, d un pool d aide indicateurs-experts. Le principe de ce projet pilote est très simple : il s agit de financer temporairement, au sein des provinces, une série d agents destinés à venir en appui des indicateurs-experts communaux. Les détails de la collaboration sont décidés en partenariat et en toute autonomie entre les provinces et communes qui décident de participer à l opération. Une attention particulière sera apportée aux petites communes. Nous sommes actuellement en phase de mise en place du projet au travers d un groupe de travail réunissant l AGDP, la DGO5, la Cellule Fiscale de la Région wallonne, l APW et l UVCW. Les premiers travaux sont attendus pour le début 2013. S agissant d un projet pilote, il s agira, à terme d en tirer les conclusions et, le cas échéant, de proposer une forme pérenne de collaboration provinces-communes.
Cette collaboration a, à mon sens, tout lieu de se mettre en place. Les provinces et communes ont en effet un intérêt commun à œuvrer à une amélioration de la tenue des matrices cadastrales. La province pourra, par exemple, assurer la diffusion de bonnes pratiques ou la réalisation centralisée d une série de recherches et d analyse. On trouve ici un bel exemple d une collaboration nouvelle entre les niveaux de pouvoir communal et provincial, allant dans le sens voulu par le Gouvernement wallon. Je vous remercie pour votre attention. Olivier DUBOIS