Dépression de consanguinité et diversité des systèmes de reproduction chez les plantes

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Dépression de consanguinité et diversité des systèmes de reproduction chez les plantes Emmanuelle Porcher Laboratoire Conservation des Espèces, Restauration et Suivi des Populations Muséum national d Histoire naturelle

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Distribution des taux d allofécondation Nombre d espèces Igic & Kohn 2006 Taux d allofécondation Mécanismes d évolution des systèmes de reproduction? Évolution de l auto-incompatibilité Rôle des interactions plantes-pollinisateurs Évolution des taux d autofécondation

Forces évolutives contrôlant l évolution du taux d autofécondation L avantage automatique de l autofécondation Autofécondation r = 1 Allofécondation r = 0 Autof Allof pollen Graines allofécondées Allof pollen Trois copies du génome Deux copies du génome Avantage de 50 % pour les autogames stricts (r = 1)

Forces évolutives contrôlant l évolution du taux d autofécondation La dépression de consanguinité Diminution de valeur sélective des individus issus d autofécondation par rapport aux individus issus de croisement δ = (w o -w r )/w o = 1 w r /w o

Les modèles classiques de dépression de consanguinité La dépression de consanguinité est due à des mutations délétères partiellement récessives, apparaissant au taux u A a Génotype AA Aa aa Valeur sélective 1 1-hs 1-s A A A a a a ¼ ½ ¼

Modèle à un locus A l équilibre, dans une population de taille infinie avec un taux d autofécondation r f ( a) u(2 r) s r h r [ + 2 (1 )] Fréquence de l allèle a 0.025 0.02 0.015 0.01 0.005 0 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Taux d autofécondation Purge des allèles délétères par l autofécondation

Modèle multilocus (Kondrashov 1985) Population de taille infinie Mutation à un nombre infini de locus Chaque allèle délétère est infiniment rare Allèles délétères homozygotes seulement par autofécondation Interférences entre locus Systèmes de reproduction évolutivement stables Nombre de mutations Taux d autofécondation Un locus Multilocus Dichotomie Si δ > 0.5, l allofécondation complète est favorisée Si δ < 0.5, l autofécondation complète est favorisée Pas de systèmes de reproduction «mixtes» Effet sur la purge des allèles délétères Lande et al. 1994

Pour aller plus loin Nombre d espèces Igic & Kohn 2006 Taux d allofécondation Variabilité environnementale Effet des croisements entre apparentés

Variabilité environnementale de la dépression de consanguinité

Dépression de consanguinité en environnement variable Les effets des mutations dépendent de l environnement (interactions GxE) La dépression de consanguinité dépend de l environnement Variabilité temporelle de l environnement variabilité temporelle de la dépression de consanguinité Armbruster and Reed 2005

Évolution du taux d autofécondation r en environnement variable Dynamique adaptative Valeur sélective d un mutant sur une génération * * * 1 r 1 t + + w ( r, r) r (1 δ ) t Valeur sélective sur le long terme ( t ) Gradient de sélection r 2 2 * * w( r, r) = E Ln w ( r, r) Système mixte Autofécondation Allofécondation w 0.5 µ (1 r / 2) r ² σ r * 1 µ r (1 µ r) * 3 r = r Cheptou and Schoen (2002)

Environnement variable et bases génétiques de la dépression 0.25 Variance de δ 0.2 0.15 0.1 0.05 Système mixte Autofécondation Allofécondation 0 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Dépression de consanguinité moyenne δ Avec de la purge de la dépression de consanguinité Modèle de Kondrashov avec une infinité de locus Toutes les mutations ont le même effet sur la fitness, s L effet des mutations est variable d une génération à l autre 2 N ( µ s, σ s )

Dépression de consanguinité Dépression de consanguinité observée Variabilité temporelle 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 0 0 500 1000 1500 2000 90 Time 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0.12 0.17 0.22 0.27 0.32 0.37 0.42 0.47 0.52 Dépression de consanguinité

Purge de la dépression de consanguinité en environnement variable Nombre de mutations 10 8 6 4 2 0 0 0.5 1 Purge efficace même en environnement variable Fort feedback positif Les seuls systèmes de reproduction évolutivement stables sont : L autofécondation L allofécondation U = 0.2, h = 0.1 σ = 0.1 σ = 0.3 Taux d autofécondation s = 0.2 s = 0.5 s = 0.9 10 8 6 4 2 0 s = 0.3 s = 0.5 s = 0.9 0 0.5 1 Taux d autofécondation

Perspective : que se passe-t-il dans les petites populations?

Dans les populations de taille finie Les mutations délétères récessives peuvent être exposées à la sélection (homozygotes) même en l absence d autofécondation Panmixie F(aa) = f(a)² Fréquence moyenne de l allèle délétère Dérive génétique (Glémin 2003, un locus) Purge des allèles délétères Efficacité de la purge Interaction avec le système de reproduction Croisements entre apparentés

Croisements entre apparentés Dans les populations naturelles 3.5% des croisements en moyenne 60 50 Nombre d'études 40 30 20 10 0 0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0.14 0.16 0.18 0.2 0.22 0.24 0.26 Taux de croisement entre apparentés Duminil et al. 2009 Eckert et al. unpub.

Modélisation des croisements entre apparentés Modèle de Kondrashov sur deux générations Population de taille infinie, mutation à un nombre infini de locus Taux de croisement entre plein frères (ou demi-frères) Croisement entre demi-frères Allofécondation Autofécondation t AA Aa AA Aa Aa t + 1 t + 2 3 h P( AA) = 4 1 h 3 h P( Aa) = 2 4 4 2 P( AA) = 1/ 2 P( Aa) = 1/ 2 P( AA) = 1/ 4 P( Aa) = 1/ 2 P( aa) = 1/ 4 P( aa) 1 h = 4 2