Notions générales Introduction Le droit des régimes matrimoniaux permet de régler les relations pécuniaires des époux entre eux et avec les tiers. Il existe à la fois un régime primaire commun et des règles spécifiques à chaque régime matrimonial. Ce droit a largement évolué dans le sens de l égalité entre les époux. 1 Définitions Le régime matrimonial est le statut qui règle les intérêts pécuniaires des époux. Les règles des régimes matrimoniaux organisent les rapports pécuniaires des époux entre eux mais également avec les tiers. Ce statut ne s applique ni aux concubins, ni aux personnes liées par un pacte civil de solidarité. Le droit des régimes matrimoniaux règle le problème du statut des biens, c est-à-dire de leur propriété, celui de leur gestion et de leur engagement et enfin celui de la liquidation du régime matrimonial. Il existe un régime matrimonial primaire, dit également «régime de base» ou «régime impératif» ou encore «statut fondamental». Ce régime est applicable à tous les époux quel que soit le régime matrimonial qu ils ont choisi. Il s agit de règles qui constituent des effets du mariage. En plus de ces règles applicables à toutes les personnes mariées, il existe un certain nombre de dispositions qui découlent spécifiquement du régime matrimonial que les époux ont choisi et qui s ajoutent à ce régime primaire. Il s agit des règles organisant le régime légal de communauté d acquêts ou de séparation de biens ou encore de participation aux acquêts ou de tout autre régime matrimonial choisi par les époux.
16 L ESSENTIEL DU DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX 2 Historique Droit romain Le droit romain distingue : le mariage cum manu c est-à-dire avec puissance : la femme est considérée comme une fille et le mari est propriétaire de tous les biens du ménage ; le mariage sine manu qui prévoit un embryon de régime matrimonial : il existe des biens propres à la femme et aux enfants. La femme apporte une dot inaliénable affectée à la famille pendant le mariage, qu elle récupère à la dissolution. Ancien Droit Dans les pays de droit écrit, le mariage sine manu subsiste sous le nom de «régime dotal». Dans les pays de coutume, il existe un régime de communauté de biens géré par le mari, seigneur et maître. Code civil Le statut des régimes matrimoniaux obéit à deux séries de règles : l une est relative à l établissement du régime matrimonial : si les époux ont choisi un régime matrimonial, celui-ci est établi devant notaire. Le Code civil donne le choix entre des régimes communautaires et des régimes séparatistes, les époux n ont pas choisi de régime matrimonial préalablement au mariage, ils sont donc placés sous le régime de la communauté légale ; l autre est relative à l immutabilité du régime matrimonial : il est interdit de modifier ou de changer de régime matrimonial. Évolution postérieure au Code civil Un certain nombre de lois postérieures ont fait évoluer le droit des régimes matrimoniaux, notamment dans le sens d une égalité progressive entre les époux. Le Code civil de 1804 consacrait la prépondérance du mari dans la direction de la famille et l incapacité de la femme mariée. L autorité du mari s exerçait donc à la fois sur les enfants et sur la femme. Des lois successives sont peu à peu allées dans le sens d une émancipation de la femme et finalement d une égalité entre l homme et la femme aussi bien dans la direction de la famille que dans la gestion de leurs biens.
INTRODUCTION Notions générales 17 Loi du 10 juillet 1850 Loi du 20 juillet 1886 Loi du 13 juillet 1907 Loi du 19 avril 1924 Loi du 18 février 1938 Loi du 22 septembre 1942 Loi du 13 juillet 1965 Organise la mention du régime matrimonial sur l acte de mariage afin de ne pas permettre de fraude aux droits des tiers. Donne la pleine capacité à la femme séparée de corps. Loi sur le libre salaire de la femme mariée. Création de l institution des «biens réservés» (réservés à l administration de la femme). La femme peut exercer des reprises à la dissolution de la communauté à condition de démontrer sa propriété sur ces biens. Donne la pleine capacité à la femme mariée mais elle n a toujours pas le pouvoir d engager des biens. Organise de plus larges pouvoirs pour la femme dans le cadre des régimes matrimoniaux, rendant ainsi possible la mise en œuvre du principe de capacité de la femme mariée énoncée en 1938. Interdiction pour le mari de disposer à titre gratuit des biens communs sans autorisation de sa femme. Développement de la représentation entre époux dans le but de faciliter l action de la femme en cas d empêchement du mari. Crée une certaine égalité entre l homme et la femme : chaque époux peut administrer ses biens propres et en disposer. La femme peut intervenir plus largement dans la gestion des biens communs. Le régime légal de communauté réduite aux acquêts remplace celui de la communauté de meubles et acquêts. Suppression de la notion de mari chef de famille : Loi du 4 juin 1970 aménagement égalitaire de l autorité parentale ; direction conjointe de la famille par les deux époux. Loi du 23 décembre 1985 «Chacun des époux» administre également la communauté. Loi du 26 juin 2006 Loi du 5 mars 2004 Simplification et déjudiciarisation de la procédure de changement de régime matrimonial. Réforme de la protection juridique des majeurs. Loi du 12 mai 2009 Modifications de la compétence du juge des tutelles et du juge aux affaires familiales. Loi du 17 mai 2013 Ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Loi du 17 mars 2014 Modifie l article 220, alinéa 3 du Code civil. ------------------------------------------------------------------------------------------
18 L ESSENTIEL DU DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX ------------------------------------------------------------------------------------------ Autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance notamment sur la Loi du 16 février 2015 liquidation du régime matrimonial après divorce. La loi de 1907 a créé la catégorie des biens communs réservés, composée des biens acquis par la femme dans l exercice d une profession séparée. Elle possède alors théoriquement des pouvoirs importants sur ces biens. Cependant, les notaires et les banquiers s en méfient et, en pratique, il est difficile pour la femme d exercer un quelconque pouvoir dans la mesure où elle est tenue de prouver, d une part, qu elle exerce une profession séparée de celle de son mari, et, d autre part, que les fonds et biens sur lesquels elle souhaite exercer son pouvoir proviennent de cette activité. Lors de l adoption de la loi de 1965, le législateur envisagea de supprimer cette catégorie de biens en raison de l accroissement des pouvoirs de la femme dans la gestion des biens communs et de ses biens propres. Il y renonça mais alors que la femme voyait jusque-là ces biens réservés à son administration et à sa jouissance, elle subit les mêmes restrictions de pouvoirs sur ceux-ci que sur les biens communs ordinaires : interdiction de faire des donations sans le consentement du mari, de faire certaines aliénations ou de consentir certains baux. Les biens communs réservés sont supprimés par la loi du 23 décembre 1985 qui instaure une stricte égalité entre les époux quant à la gestion des biens communs et des biens propres. 3 Lesrèglesdeconflitdelois Les règles applicables aux époux peuvent varier selon des facteurs de lieu et de temps. Les conflits de lois dans le temps le mariage est dissous lors de l entrée en vigueur de la loi nouvelle : on applique la loi ancienne. Cette situation ne pose pas de problème particulier ; le mariage est célébré après l entrée en vigueur de la loi nouvelle : la loi nouvelle doit être appliquée. Il s agit également d une hypothèse qui ne pose pas de difficulté particulière ; le mariage est en cours lors de l entrée en vigueur de la loi nouvelle : les effets passés du mariage sont régis par la loi ancienne. Les effets à venir obéissent à un régime plus complexe qui dépend de la loi concernée. Pour la loi de 1965, le principe est celui de la survie de la loi ancienne en particulier pour le régime applicable aux époux, c est-à-dire pour les époux mariés avant le 1 er février 1966 (il s agissait du régime de communauté de meubles et acquêts). Il existe cependant des exceptions. Ainsi, la loi nouvelle est immédiatement applicable pour le statut impératif de base (art. 212 à 226, C. civ.) et les règles nouvelles de gestion de la communauté. Pour la loi de 1985, le principe est celui de l application immédiate à tous les époux. Il existe
INTRODUCTION Notions générales 19 également dans ce cas des exceptions qui sont limitativement énumérées. Il s agit notamment du régime légal applicable aux époux. Ainsi, lorsque les époux se sont mariés avant le 1 er février 1966, leur régime légal reste le régime de la communauté de meubles et acquêts. Les conflits de lois dans l espace Il s agit de déterminer quelle législation est applicable lorsqu il existe dans le mariage un élément d extranéité c est-à-dire lorsque les époux sont de nationalités différentes ou fixent leur domicile à l étranger au cours de leur mariage ou encore possèdent ou acquièrent des biens à l étranger. Il existe un principe et des exceptions. a) Le principe La loi applicable est la loi d autonomie : le régime matrimonial est soumis à la loi que les époux ont choisie (art. 1397-3 et 1397-4, C. civ.). Si les époux n ont pas explicité ce choix, la loi applicable est celle du premier domicile matrimonial. La Convention de La Haye du 14 mars 1978, entrée en application le 1 er septembre 1992 permet aux époux de modifier la loi applicable à leur régime matrimonial (art. 6 et 7). b) Les exceptions Le régime primaire impératif (art. 212 à 226, C. civ.) régit tous les époux qui se trouvent en France car en la matière, c est la loi qui gouverne les effets du mariage qui s applique traditionnellement. 4 Les règles d adaptation du droit commun des obligations Le droit commun des obligations régit à la fois les obligations des époux entre eux et les obligations des époux envers les tiers. Le droit commun des obligations et les obligations des époux Le droit commun des obligations peut constituer une source d obligations entre les époux ; il peut définir le régime des obligations entre époux.