Agriculture biologique et changement climatique

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Transcription:

Agriculture biologique et changement climatique Les enseignements d un colloque (Clermont-Ferrand, 17-18 avril 2008) Claude Aubert DinABio, 19-20 mai 2008 Petit rappel En France, l agriculture, c est 24% des émissions de gaz à effet de serre, Le contenu de notre assiette c est environ 1/3 des émissions de gaz à effet de serre, trois fois plus que les voitures individuelles, A l échelle mondiale, l élevage c est à lui seul 18% de l effet de serre, davantage que tous les transports 1

Petit rappel (suite) Pour limiter le réchauffement de la planète à 2 C, l objectif est, d ici 2050, de diviser par 4 nos émissions de GES Pourrons-nous diviser par 4 les émissions du contenu de notre assiette? L agriculture biologique contribue-t-elle moins à l effet de serre que l agriculture conventionnelle? (émissions de CO2 + N2O +CH4) La contribution par ha est nettement plus faible (-20% à - 50%) en bio qu en conventionnel : moins de CO2 (pas d engrais azotés de synthèse), moins de N2O (moins d azote apporté, davantage de fixation biologique), davantage de C séquestré, La contribution par kg produit est inférieure, égale ou supérieure au conventionnel selon les productions : souvent inférieure en productions animales et supérieure pour les productions végétales (par exemple céréales) pour lesquelles les différences de rendement sont importantes, Lorsque l on tient compte du carbone séquestré, le bilan devient nettement plus favorable au bio, mais on manque souvent de données, 2

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Consommation d énergie et émissions de CO2 Le diagnostic est sensiblement le même que pour l ensemble des émissions : moins d émissions en bio par surface, très variable par quantité produite, En conventionnel intensif, la moitié, voire davantage, de la consommation d énergie est celle qui servi à fabriquer les intrants, principalement les engrais azotés, La production de biogaz constitue une piste intéressante pour réduire à la fois la consommation d énergie fossile et les émissions de CO2 4

Emissions de CH4 : peu de différences entre bio et conventionnel, mais des réductions possibles Pas de différences significatives d émissions de CH4 par litre de lait au-delà d environ 5000 litres par vache et par an, Une forte réduction des émissions par le compostage, pas compensée par l augmentation des émissions de N2O, donc un bilan favorable à cette technique, Des possibilités de réduction par une modification de l alimentation et par une plus grande longévité des vaches, Mais l essentiel du potentiel de réduction est dans la réduction de la consommation des produits de l élevage et en particulier de la viande de ruminants! Emissions de gaz à effet de serre par litre de lait selon le mode de production et le nombre de lactations 5

Emissions de N2O Elles dépendent de très nombreux facteurs et restent difficiles à évaluer, On sait toutefois qu elles augmentent avec les apports d azote et avec les excès d azote par rapport aux besoins des plantes, En production de foin, une étude a conclu à des émissions 7 fois plus élevées avec de la fléole (avec apport de 140 unités d azote) qu avec du trèfle (non fertilisé) pour une production de matière sèche équivalente, D autres études ont confirmé que l azote fixé biologiquement contribue beaucoup moins aux émissions de N2O que celui apporté, qu il soit minéral ou organique. Séquestration de carbone dans le sol Dans la très grande majorité des cas, l AB séquestre davantage de carbone que l ag. conventionnelle : + 100 à + 1000kg/an, la moyenne semblant s établir autour de + 400. Mais dans certains systèmes d exploitation sans bétail, cet avantage peut disparaître et on peut même avoir, en AB, déséquestration, Les comparaisons restent difficiles car il n est pas toujours mentionné jusqu à quelle profondeur ont été pris les échantillons, Le plus gros potentiel de séquestration est, et de loin, le changement d utilisation du sol (vers la forêt ou la prairie). 6

Les légumineuses, une des clés de la réduction des émissions de GES par l agriculture (biologique et conventionnelle) Il est maintenant admis que l azote fixé biologiquement émet beaucoup moins de GES que celui apporté, La diminution des apports d azote minéral permise par les légumineuses réduit les émissions de CO2 et de N2O liées à la synthèse des engrais azotés, Les légumineuses pluriannuelles séquestrent du carbone dans le sol et augmentent les rendements, notamment en bio. Le rendement, une question qui reste posée L obtention de rendements élevés permet en théorie - de libérer des surfaces qui pourraient être reboisées, avec séquestration de quantités importantes de carbone, De tels rendements peuvent-ils être obtenus avec des techniques écologiques? Cela semble possible, par exemple avec des rotations à base de luzerne, Libérer de la surface pour reboiser? Ou bien pratiquer l agroforesterie, planter des haies, enherber les vergers, nourrir les animaux à l herbe pour augmenter les surfaces en prairie? 7

L adaptation de l agriculture biologique au changement climatique Le petit nombre d interventions sur ce thème a confirmé que peu de données sont disponibles à ce jour, Si l agriculture biologique a des atouts face à la sécheresse (teneur en matière organique du sol plus élevée), elle doit aussi trouver des solutions propres pour s adapter à l apparition de nouveaux ravageurs et aux conséquences de la sècheresse sur la production fourragère, En maraîchage, la fidélisation des consommateurs (AMAP) peut constituer une réponse aux aléas de production résultants d accidents climatiques plus fréquents L impact de nos habitudes alimentaires La production d une tonne de lait émet environ 1 tonne de GES, alors que celle d une tonne de «lait végétal», à base de soja, en émet 10 fois moins, La production d un kg de frites surgelées émet 5,7kg d eq CO2, Nos déplacements en voiture pour faire nos courses alimentaires représentent, selon l Ifen, 11% des émissions de GES de la chaîne agro-alimentaire 8

Emissions de gaz à effet de serre dans la chaîne de production alimentaire Source : IFEN 9

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En conclusion de ce colloque, on peut donc retenir, en matière d agriculture : Que l AB fait certes mieux que l ag. conventionnelle mais qu elle peut et doit faire encore beaucoup mieux pour relever le défi de diviser au moins par deux la contribution de l agriculture au réchauffement climatique, Que les besoins de recherche sont considérables Besoins de recherche : quelques pistes Optimisation du traitement des effluents pour minimiser les émissions de CH4 et de N2O, Impact des systèmes d exploitation sur la séquestration du carbone, Modifications de l alimentation des ruminants pour diminuer les fermentations entériques, Potentiel des légumineuses pour réduire les émissions de GES, Installations de biogaz à l échelle d exploitations agricoles de taille moyenne. 11

Merci de votre attention 12