Prise en charge des traumatismes du bassin sévères. Cédric PALOBART DESC réanimation Clermont-Ferrand 7 et 8 décembre 2006

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Transcription:

Prise en charge des traumatismes du bassin sévères Cédric PALOBART DESC réanimation Clermont-Ferrand 7 et 8 décembre 2006

Epidémiologie Mortalité des traumatismes pelviens = 10% Biffl WL et al. Am Surg. 1998 Si instabilité hémodynamique, mortalité = 40% Paugam-Burtz. Cf SFAR. 2000 Le choc hémorragique = principale complication vitale des traumatismes pelviens. O Neill et al.clin Orthop Rel Res. 1996 Reimer et al. J Trauma. 1993 Heini et al. Injury. 1996

3 questions Peut-on prédire le saignement? Qu est-ce qui saigne? Quelle est la meilleure façon de stopper le saignement?

Eléments prédictifs du saignement

Comment identifier les patients de la 3 catégorie?

Sur les critères res radiologiques? 2 classifications traditionnellement utilisées reflétant le degré d instabilité des fractures Classification de Tile et Pennal Classification de Young et Burgess Tile, Pennal et al. J Trauma. 1980 Burgess, Young et al. J Trauma. 1990

Tile et Pennal Type A = anneau pelvien stable 1 = fracture ne touchant pas l anneau pelvien 2 = déplacement minime de l anneau pelvien Type B = anneau pelvien horizontalement instable et verticalement stable 1 = «open book» 2 = compression latérale homolatérale 3 = compression latérale controlatérale Type C = Anneau pelvien instable horizontalement et verticalement. 1 = unilatérale 2 = bilatérale 3 = fracture acétabulaire associée

Young et Burgess Plus grande mortalité et saignement + fréquent Gansslen et al. Injury. 1997 Starr et al. J Orthop Trauma. 2002

- MAIS, ces études ont de nombreux biais : - Les fractures instables sont liées à des chocs de plus grande énergie polytraumatisme imputabilité dans l instabilité hémodynamique et la mortalité globale? - Toutes les fractures instables ne génèrent pas de saignement - Fractures stables chocs hémorragiques - Phénomène de «retour élastique» masquant des instabilités - La classification stable ou instable est difficile. Grande variabilité d interprétation des radios. Manque de spécificité +++

Age du patient - Le risque hémorragique augmente avec l âge alors que l énergie des traumatismes diminue : - > 60 ans : mortalité = 21 à 26 % - < 60 ans : mortalité = 6 à 9 % Henry et al. J Trauma. 2002 Adam et al. Operative Techniques in Orthopaedics. 2003 - Moins bonne tolérance cardiovasculaire pour des pertes sanguines moins importantes - Vaisseaux moins élastiques (calcifications/athérosclérose) se déchirant plus facilement pour des contraintes minimes.

Origines du saignement

Saignement artériel riel - Lésion des gros vaisseaux rare mais catastrophique - Vaisseaux issus de l artère iliaque interne branches de l artère hypogastrique Huittinen et al. Surgery. 1973 - Faible probabilité d hémostase spontanée par tamponnement naturel.

Saignement artériel riel - Type de saignement plus fréquent en cas de fracture postérieure instable - Lié à une plus grande mortalité que le saignement veineux. O Neill et al. Clin Orthop. 1996 Bassam et al. Am Surg. 1998

Saignement veineux - Plexus veineux longeant les parois latérales du pelvis = cause la plus fréquente d hématome rétropéritonéal lors de traumatismes du bassin. Connolly et al. J Trauma.1969 - Arrêt spontané fréquent par l augmentation de la pression intrapelvienne induite par la formation de l hématome dans le rétropéritoine pelvien, si l hémostase le permet. Durkin et al. Am J Surg. 2006

Saignement des foyers de fractures des os spongieux. - Hémorragie particulièrement importante depuis le sacrum même dans les fractures mineures à l autopsie. Huittinen et al. Surgery. 1973 - Cependant les fractures sacrées, fréquentes dans les compressions latérales, occasionnent peu d hémorragies significatives. George et al. Injury. 2006

Identification du type de saignement - Intérêt majeur du scanner pelvien injecté : «blush» de produit de contraste : excellente valeur diagnostique de lésion artérielle : sensibilité de 80 à 84 % et spécificité de 85 à 98 %. ne se conçoit qu en semiurgence. Stephen et al. J Trauma. 1999 Cerva et al. Am J Radiol. 1996

Les moyens de stopper l hémorragie L artériographie - embolisation La contension pelvienne L abord chirurgical direct du pelvis.

Artériographie riographie et embolisation - Traitement de choix si saignement artériel mais inutile si veineux George et al. Injury. 2006 - Procédure : ponction artère fémorale (ou humérale) KT sélectif artère iliaque interne identification de la lésion : - KT supersélectif pour embolisation si extravasation ponctuelle - Embolisation plus proximale par particules résorbables (saignement diffus, vasospasme, choc hémorragique) hémostase par perfusion avec préservation de la collatéralité - Lésion gros tronc artériel gonflage ballonnet d angioplastie

- Complications rares : au point de ponction (hématome, dissection, thrombose, infection) à distance (ischémie du territoire embolisé)

- Fréquences des lésions accessibles à l embolisation après artériographie variable : 30 à 96% O Neill et al. Clin Orthop. 1996 Panetta et al. J Trauma. 1985 Gruen et al. Am Surg. 1998 - Cette fréquence augmente dans les traumatismes avec instabilité hémodynamique Agolini et al. J Trauma. 1997 - Recommandée en première intention si instabilité hémodynamique quel que soit le type de fracture (sauf compression latérale type 1). - Stoppe le saignement artériel dans > 85 % des cas. Bassam et al. Am Surg. 1998 Miller et al. J Trauma. 2003

Techniques de contention Fixateurs externes Clamps pelviens Pantalon antichoc orthopédiques Contensions externes non invasives - Pas de nécessité d une réduction parfaite en urgence - le saignement veineux par tamponnement et réduction du volume de l espace rétropéritonéal pelvien et réduction du foyer de fracture. Grimm et al. J Trauma.1998

Fixateur externe - S applique en transcutané sur les crêtes iliaques ou les acetabulum - Nécessite asepsie chirurgicale et amplificateur de brillance car risque de malpositions et d infection si posé au déchocage - Technique relativement longue - Efficace pour réduire instabilité antérieure mais contre-indiqué si instabilité postérieure car risque d augmenter la disjonction sacro-iliaque - Gène peu une éventuelle artériographie ou laparotomie.

Clamps pelviens - Pose rapide = 20 min - Fixation transcutanée au travers des sacro-iliaques - Efficace dans les instabilités postérieures - Gène peu si besoin d une artériographie ou laparotomie - Contre-indiqués si fracture des ailes iliaques - Infections fréquentes

- Améliore le retour veineux Pantalon antichoc - Réduit au moins partiellement la fracture et le volume pelvien - Stabilise le bassin - MAIS : contre-indiqué si trauma thoracique gène l accès aux autres techniques et risque de «désamorçage au dégonflage» lésions cutanées syndrome des compartiments abdominaux décrits - À oublier dans cette indication

Contentions externes non-invasives - Efficacité comparable pour la contention et l hémostase selon de nombreux chirurgiens OTA-AAST Combinated Annual Meeting. 2000 Chip Routt Jr. J Orthop Trauma. 2002 - Draps serrés autour des trochanters ou contenseurs pelviens : très rapide et non invasif - Risque de lésions cutanées si > 48 heures. - Gènent l abord fémoral ou la chirurgie.

Similarly et Grimm (J Trauma 1998) mettent en doute le rationnel de la contention orthopédique : Mesure de la pression intra-pelvienne chez des cadavres lors de l injection d un fluide Bassin intact : un petit volume injecté augmente franchement la pression/bassin disjoint : élévation de pression moindre en dépit d un volume injecté considérable Contention orthopédique n augmente pas la pression intrapelvienne Dissection : diffusion du fluide dans tout le rétropéritoine abdominal Bénéfice réel du tamponnement induit par la réduction du volume rétropéritonéal?

Abord chirurgical direct du pelvis Hémostase chirurgicale classique par laparotomie : Le recours précoce au contrôle direct du saignement pelvien a été catastrophique recommandation = ne jamais ouvrir un pelvis qui saigne Technique du packing pelvien. Trunkey et al. J Trauma. 1974

Packing pelvien : une technique émergente? - Prôné par des chirurgiens suisses et allemands - Différent de la chirurgie directe classique avec ligature vasculaire - Rationnel : permet un tamponnement direct rapide avec incision minime dans saignement veineux incontrolable. - Littérature très pauvre Polhmann et al. Clin Ortho Rel Rsrch. 1994 - A réserver en cas de laparotomie si hématome péritonéal associé.

Choix d une d prise en charge - Une seule certitude : la prise en charge médicale initiale du choc hémorragique est indispensable et souvent suffisante Muller et al. Cf Actu SFAR. 1999 George et al. Injury. 2006 - La controverse débute ensuite, si le patient continue de saigner - Les différentes ressources thérapeutiques sont comparées sur la base d études rétrospectives - Aucune étude randomisée prospective à ce jour - Paradoxalement les algorithmes abondent

Prise de décision difficile dans des situations où l évolution rapidement fatale laisse une faible marge de manoeuvre

Au final Les mesures de réanimation initiales sont primordiales Elimination d une autre source de saignement Intérêt de la TDM injectée (si réalisable) Embolisation Contention orthopédique Packing pelvien La meilleure technique de 1 intention? la mieux maîtrisée, la plus rapide à mettre en œuvre avec la meilleure coordination interéquipes.