Organisation Mondiale pour l Alimentation et l Agriculture (FAO) Burkina Faso --------------- Unité-Progrès-Justice --------------- ONG Africare ----------------- Unité de Coordination des Opérations d Urgences et de Réhabilitation (ERCU) ------------ SITUATION PASTORALE DES REFUGIES MALIENS AU BURKINA FASO DU 29 AU 30 MARS 2012 Dr KONDOMBO S. Richard Avril 2012 YAMEOGO Dramane 1
Introduction Les réfugiés maliens se sont installés dans plusieurs régions du Burkina Faso notamment dans les régions du Centre, des Hauts Bassins, de la Boucle du Mouhoun, du Nord et du Sahel. La majeure partie de ces réfugiés est localisée dans la Région Sahel plus précisément dans les communes de Déou (province de l Oudalan), de Djibo et de Nasoumbou (Province du Soum). La particularité des réfugiés dans ces communes du Sahel est que la majorité sont des pasteurs qui ont amené avec eux leur cheptel (bovins, ovins, caprins, camelins, asins). Ces animaux d élevage viennent partager les ressources alimentaires du cheptel local déjà en proie à une situation alimentaire difficile due à la mauvaise pluviométrie de la campagne agricole 2011/2012. Une première évaluation de cette situation pastorale a été réalisée du 29 février au 4 mars 2012 par une mission de la FAO. Cette évaluation avait permis d établir les effectifs du cheptel des réfugiés à 11.500 bovins, 20.320 petits ruminants, 834 asins et 638 camelins. Un mois après cette première évaluation, avec une situation évoluant chaque jour et surtout pour des interventions spécifiques dans le domaine pastoral, il s est avéré impérieux de réactualiser une seconde évaluation. Ainsi, une mission conjointe FAO/Africare en partenariat des partenaires de terrain de la FAO dans le Sahel (REACH Italia et le Conseil Régional des Unions du Sahel (CRUS)) a été effectuée du 27 au 31 mars 2012 pour la réalisation de cette seconde évaluation sur la situation pastorale des refugiés malien au Burkina Faso. I. Méthodologie de l évaluation de la situation pastorale des réfugiés L évaluation de la situation pastorale des réfugiés a consisté en des entretiens avec les services d élevages de la Direction Régionale des Ressources Animales (DRRA) du Sahel et des Directions Provinciales des Ressources Animales (DPRA) des provinces de l Oudalan et du Soum. Les autorités administratives et politiques de la Région et des provinces concernées, l équipe du HCR présente dans la région et les cellules de veille sur les réfugiés de la région et des provinces ont été également rencontrées. Enfin, des visites et des entretiens directs avec les leaders des refugiés sur tous les sites des réfugiés dans les deux provinces ont été réalisés. Les entretiens ont porté notamment sur les différents chiffres disponibles sur le nombre des réfugiés, le nombre de ménages, le nombre de ménages possédant actuellement des animaux sur les sites, les effectifs du cheptel et les difficultés rencontrées dans le domaine pastoral. Différents documents disponibles sur les sujets évoqués ont été également consultés. Le présent rapport fait la synthèse de toutes les informations recueillies et se voudrait être une référence de la situation pastorale des réfugiés du 27 au 31 mars 2012 telle qu établie par les entretiens et les observations de terrain. Le dernier recensement global des réfugiés maliens au Burkina faisait état de 33.631 individus (données UNHCR du 09 avril 2012). Photo 1. Entretien avec la cellule de veille sur les réfugiés de la région du Sahel et avec des réfugiés dans le site de Mentao Sud/Djibo 2
II. Description de la situation pastorale des réfugiés 2.1. Organisation des réfugiés dans les sites Les réfugiés maliens sont installés dans les communes de Déou (province de l Oudalan), de Djibo et Nasoumbou (province du Soum). Dans la commune de Déou, ils sont réparties dans les localités suivantes : Gandafabou, Goutouré niè-niè, Dibissi et Férerio. Dans la commune de Djibo, les sites sont les localités de Mentao Sud, Mentao Nord et Mentao Centre. Dans celle de Nassoumbou, le village de Damba est le site d accueil des refugiés. Dans les sites, les refugiés sont regroupés par fraction correspondant à des clans venant généralement les mêmes zones, sinon villages du Mali. Dans chaque site, les autorités locales tentent de mettre en place des comités de réfugiés non sans difficultés. Les leaders de ces comités des réfugiés sont les premiers interlocuteurs dans les camps. Toutefois, des problèmes de leadership sont observés dans certains camps comme Férerio, Damba et Mentao-Sud. Photo 2. Vue de quelques activités dans les sites des réfugiés maliens aux Burkina Faso 2.2. Situation des élevages des réfugiés Les animaux des réfugiés sont localisés essentiellement dans les zones où les possibilités de pâture et d abreuvement sont toujours possibles. Dans la majorité des cas, les animaux pâturent le long du fleuve Beli où les possibilités de pâture sont toujours acceptables et s abreuvent dans les cours d eau toujours existants, les forages et les puisards (Photo 3). Un nombre important d animaux des réfugiés seraient toujours dans les zones de pâture proches de la frontière du Mali et pourraient être ramenés dans les sites selon l évolution de la situation sécuritaire et alimentaire de ces animaux. Selon la DPRA de l Oudalan, dans les sites de cette province, un effectif maximum de 40.000 bovins, 75.000 petits ruminants (ovins, caprins) et 2.450 camelins serait attendu dans ce cas. Dans la province du Soum, ces effectifs sont estimés à 10.000 Bovins, 30.000 petits ruminants, 500 asins et 500 camelins. Les difficultés alimentaires des animaux sur les sites commencent à être visibles (Photo 4) et l on peut aisément imaginer l aggravation de cette situation si dans les prochains jours ou mois le cheptel annoncé arrivait dans les sites. Photo 3. Des puisards pour l abreuvement des animaux Photo 4. Cheptel bovins des animaux des réfugiés avec des signes visibles de difficultés alimentaires 3
Les effectifs du cheptel des réfugiés sont présentés dans le Tableau 2. Les entretiens ont permis d établir un nombre total de 8.603 bovins, 21.185 petits ruminants (ovins, caprins), 2.361 asins et 2.607 camelins. Ces animaux appartiennent à un nombre estimé à 1.237 ménages sur un total de 3.831 ménages. Environ 32% des réfugiés sont donc propriétaires d animaux dans les sites. Les effectifs d animaux les plus importants se retrouvent sur les sites de Gandafabou et Dibissi dans la commune de Déou, de Damba dans la commune de Nassoumbou et de Mentao Nord dans la commune de Djibo. Ces effectifs connaissent et connaitront une fluctuation selon la situation des pâturages et des conditions d abreuvement. Ils pourraient connaitre un bon exponentiel si les effectifs annoncés au niveau des frontières étaient ramenés dans les sites au Burkina Faso. Photo 5. Anes et chameaux des refugiés semblent toujours s en sortir en matière d alimentation Tableau 2. Effectifs des animaux selon les espèces et les sites Province Commune Sites des Effectifs du cheptel des réfugiés Nombre de Nombre de réfugiés ménages ménages total à la éleveurs à la Bovins Petits asins camelins date du 29 date du 29 au ruminants au 31 mars 31 mars Oudalan Déou Gandafabou 1.514 5.320 645 484 400 300 Goutouré niénié 1 800 390 360 221 175 650 Dibissi 700 1.000 40 300 300 200 Férerio 0 900 0 100 610 50* TOTAL 3.864 9.020 1.075 1.244 1.531 725 Soum Djibo Mentao Sud 70 161 5 2 300 6 Mentao Nord 725 2.564 191 95 400 66 Mentao Centre 80 420 15 22 69 40 TOTAL 875 3.145 211 119 769 112 Nassoumbou Damba 1.500 2.200 240 80 535 400 TOTAL 1.500 2.200 240 80 535 400 TOTAL 4.739 12.165 1.286 1.363 2.300 512 TOTAL GENERAL 8.603 21.185 2.361 2.607 3.831 1.237 Source : Elaboration de données recueillies * = Estimation de la mission sur la base des effectifs du cheptel sur le site 2.3.Difficultés rencontrées par les réfugiés dans le domaine pastoral A l instar des pasteurs de la région du Sahel, les élevages des réfugiés rencontrent particulièrement des contraintes d abreuvement, de santé et d alimentation. Des mortalités importantes des petits ruminants ont été enregistrées dès les premiers moments dans les sites mais la situation semble s être stabilisée avec quelquefois des mortalités isolées. Il n y a pas de suivis spécifiques de l état sanitaire des animaux des réfugiés. La production de lait du cheptel est quasi-inexistante alors que 4
l alimentation habituelle des réfugiés est faite à base de lait. Ce qui complique l état nutritionnel des réfugiés surtout les enfants. 2.4. Stratégie d intervention de la FAO en matière de soutien au cheptel des refugiés Sur la base de la présente évaluation, la FAO va commencer ses interventions en matière de soutien au cheptel des réfugiés et de leurs hôtes. Il s agira d apporter de l aliment bétail et des produits vétérinaires pour la prophylaxie et les soins des animaux des réfugiés mais aussi des pasteurs autochtones. Pour cela, la présente évaluation conjointe FAO/Africare a permis d évaluer des besoins urgents en aliment bétail (Tableau 3) et en produits vétérinaires pour l alimentation, la prophylaxie et les soins vétérinaires des animaux des réfugiés et de leurs hôtes. Cela devra leur permettre d avoir des produits d élevage (lait, viande) et des revenus toujours intéressants en cas de vente. Les intrants vétérinaires seront mis à la disposition des services d élevages des zones concernées pour les prophylaxies et les soins vétérinaires des animaux des réfugiés mais également, des autochtones vulnérables des sites. C est ainsi que dans un premier temps, les 1.237 ménages réfugiés qui possèdent présentement des animaux sur les sites vont recevoir chacun, 400 kg d aliment bétail pour une alimentation stratégique de leurs animaux pendant au moins 90 jours. Cet appui n est qu une infime partie des besoins réels (2.958 t d aliment bétail, 456.060 ml de produits vétérinaires comme les vaccins, les antibiotiques et les déparasitants) de soutien au cheptel des réfugiés et de leurs hôtes au Burkina Faso. Aussi, de telles opérations devraient être multipliées dans les plus brefs délais par la FAO, mais aussi les autres agences, ONG et associations pouvant intervenir dans le domaine pastoral. Tableau 3. Apport prévu en aliments bétail dans l opération initiale de la FAO dans les sites des réfugiés Provinces Communes Sites Nombre de Nombre ménages Quantité à ménages bénéficiaires éleveurs distribuer (en kg) Oudalan Déou Gandafabou 447 300 120.000 Goutouré nié-nié 208 175 70.000 Dibissi 258 200 80.000 Férerio 37 50 20.000 TOTAL 949 725 290.000 Soum Djibo Mentao Sud 13 6 2.400 Mentao Nord 186 66 26.400 Mentao Centre 26 40 16.000 Total 225 112 44.800 Nassoumbou Damba 267 400 160.000 Total 267 400 160.000 TOTAL 492 512 204.800 TOTAL 1.441 1.237 494.800 GENERAL Conclusions et recommandations La présente évaluation permet de jeter les bases des interventions en matière d appui au cheptel des réfugiés. Plusieurs options d appui au profit des réfugiés et de leurs hôtes dans le domaine pastoral, peuvent être envisagées. Il s agit de: (1) une mise à disposition urgente d aliment et de produits vétérinaires, (2) un déstockages des animaux avec des achats à prix incitateurs afin de limiter les éventuels mortalités d animaux liés aux difficultés d alimentation et de santé ; (3) une mise à disposition de vaches ou à défaut de chèvres laitières pour permettre une bonne production de lait 5
dans les sites pour les ménages surtout pour les enfants et les femmes allaitantes ou gestantes. Les deux dernières options (déstockage/recapitalisation) semblent être contradictoires mais ne le sont pas car, elles s adressent à deux publiques cibles dont les situations de vulnérabilités sont différentes. En effet, le déstockage va s adresser aux ménages (refugiés ou hôtes) qui possèdent des effectifs importants d animaux mais dont si rien n est fait, vont tomber rapidement dans la vulnérabilité par la perte totale de leur cheptel due à des mortalités importantes, à des bradages des animaux. La recapitalisation va s adresser à des ménages (refugiés ou hôtes) qui ont déjà perdus leurs animaux par les ventes pour l alimentation de leurs ménages ou à cause des mortalités et qui ne disposent plus d un noyau à effectif minimal pour assurer leur capacité de résilience (production de lait, génération de revenus en cas de besoins ). Pour cette dernière catégorie de ménages, il faut absolument une action de recapitalisation pour qu ils puissent reconstituer très urgemment leurs capital bétail autrement, ils seront dans une situation d extrême vulnérabilité les prochains mois à venir. Ces actions doivent être mises en place dans les plus brefs délais si l on ne veut pas assister à des mortalités importantes d animaux et à l apparition de malnutrition sévère dans les sites des réfugiés. Aussi, les différents bailleurs de fonds sont interpellés sur la situation pastorale des refugiés maliens au Burkina Faso. 6