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Transcription:

Un accident vasculaire cérébral en deux temps Laurent Simonnet, Philippe Hudlett, Christophe Griffon, Vincent Knauer, Dominique Stephan Service d Hypertension et Maladies Vasculaires, Hôpital civil, 67091 Strasbourg, BP 126 <Dominique.Stephan@chru-strasbourg.fr> Mots clés : accident vasculaire cérébral, dissection, artère cervicale Cet homme âgé de 54 ans, est admis au service d urgences le 20 septembre 2004 pour suspicion d accident ischémique transitoire. Le patient a présenté le matin même, alors qu il se trouvait assis devant son ordinateur, une faiblesse du membre supérieur gauche associée à des troubles de la sensibilité. Voulant se lever, le patient constate un dérobement du membre inférieur gauche rendant la station debout difficile. Il a pour facteurs de risque, une hypertension artérielle traitée par indapamide (1,5 mg) et un tabagisme estimé à 40 paquetsannées non sevré. L examen clinique réalisé aux urgences note une hypoesthésie du membre supérieur gauche, le déficit moteur ayant entièrement régressé. La pression artérielle est élevée à 178/97 mmhg. Le reste de l examen est sans particularité. L électrocardiogramme inscrit un rythme sinusal régulier. Le bilan biologique est normal en dehors d une hypokaliémie à 2,8 mmol/l. Un scanner cérébral sans injection de produit de contraste ne trouve pas de signe d ischémie ou d hémorragie récentes, pas d effet de masse. mtc Tirés à part : D. Stephan Figure 1. Échographie carotidienne montrant un flux de butée avec aplatissement du signal Doppler pulsé et inversion du signal couleur. 89

Figure 2. A) Angiographie numérisée montrant une dissection de l artère carotide interne droite (flèche) dans son segment souspétreux. B) image précédente agrandie. Le patient est transféré dans le service de Médecine vasculaire pour bilan d un probable accident ischémique transitoire. Sur le plan neurologique, le patient a en effet totalement récupéré de son déficit et il arrive sur ses deux pieds dans le service. Une heure après son admission, le patient présente un déficit sensitivomoteur de l hémicorps gauche avec aphasie et hémianopsie latérale homonyme gauche. L examen échographique-doppler des troncs supra-aortiques pratiqué en urgence décrit des signes évocateurs de dissection Figure 3. Angio-IRM montrant les quatre axes à destinée cérébrale avec dissection de la carotide interne droite (flèche) et occlusion de l artère sylvienne droite. de l artère carotide interne droite avec abolition de l expansion systolique du flux et aspect en coup de buttoir reflétant un obstacle en aval, ainsi qu une inversion du flux couleur en projection de l artère carotide interne (figure 1). L angiographie numérisée (figure 2A et B) montre une sténose effilée de l artère carotide interne droite dans son segment infrapétreux confirmant le diagnostic de dissection. Vingt-quatre heures après son admission, l angio-irm montre une image en «queue de radis» de l artère carotide interne droite avec une rupture de la continuité juste avant son entrée dans le canal carotidien (figure 3 ). L examen ne montre pas de signes d athérosclérose au niveau des principaux vaisseaux du cou. Dans le segment intracrânien, l angio-irm montre une thrombose de l artère sylvienne droite, la perméabilité de l artère cérébrale antérieure étant conservée (figure 4 ). L IRM cérébrale montre un vaste accident vasculaire cérébral (AVC), récent, localisé au territoire sylvien droit et de nature ischémique (figure 5). L examen montre par ailleurs une atteinte des noyaux gris et de la capsule interne avec extension jusqu à la région jonctionnelle postérieure droite. Enfin, l IRM ne montre pas de signe en faveur du caractère hémorragique de l AVC ou d effet de masse. 90

L évolution a été péjorative sur le plan neurologique avec une absence complète de récupération sensitive et motrice. Figure 4. Angio-IRM montrant le polygone de Willis avec occlusion de l artère sylvienne droite (flèche), la communicante antérieure droite est perméable. Sur le plan thérapeutique, un traitement par anticoagulant par héparine de bas poids moléculaire à dose curative est mis en route dès l évocation du diagnostic de dissection. Au bout de 24 heures et compte tenu de l importance de la zone infarcie, le traitement anticoagulant à dose curative est arrêté au profit d une dose prophylactique associée à un traitement antiagrégant plaquettaire. Le patient est maintenu en décubitus dorsal strict afin de maintenir une pression de perfusion cérébrale suffisante. Figure 5. IRM cérébrale montrant un accident vasculaire ischémique dans le territoire sylvien droit en rapport avec une dissection carotidienne. Épidémiologie et pathogénie La fréquence des dissections spontanées des artères cervicales est en augmentation du fait des progrès et de l accessibilité de l imagerie vasculaire. Cette pathologie représente la première cause d AVC ischémique chez l adulte jeune dans les pays occidentaux (2 % du total des AVC ; 10 à 25 % des AVC des moins de 45 ans). L incidence annuelle des cas avérés est estimée à 2,5 à 3 pour 100 000 habitants pour les dissections carotidiennes, 1 à 1,5 pour les dissections vertébrales, sans distinction significative entre homme et femme [2]. Cette incidence ne prend en compte que les dissections prouvées et diagnostiquées dans le cadre d un accident vasculaire cérébral, les formes les plus bénignes ne s accompagnant que d une présentation clinique pauvre, ou les formes les plus graves conduisant à un décès précoce ne sont habituellement pas diagnostiquées. L incidence réelle des dissections des artères cervicales est sans doute supérieure. La dissection résulte d un clivage de la paroi artérielle par un hématome spontané ou secondaire à une brèche intimale. Elle survient préférentiellement en des points histologiquement vulnérables en particulier les segments exocrâniens de la carotide interne (carotide interne postbulbaire) et de la vertébrale (à l entrée et à la sortie du canal rachidien). La localisation intracrânienne (essentiellement sylvienne) est plus rare et de diagnostic plus difficile (moins de 10 % des cas de dissection). La pathogénie des dissections des troncs supraaortiques est mal connue. Le rôle de traumatismes mineurs, d efforts violents en apnée, de crises migraineuses, des contraceptifs oraux est retenu mais non prouvé. L hypothèse la plus probable reste une altération préalable de la paroi artérielle. Une dysplasie fibromusculaire est ainsi notée dans 20 % des cas. On doit toutefois noter le très faible taux de récidive malgré une affection artérielle sous-jacente. L extension en hauteur et en circonférence des dissections est très variable. On distingue les dissections sousadventicielles ou externes évoluant vers la résorption de l hématome ou une lésion anévrismale, et les dissections sous-intimales sténosantes volontiers responsables d accident ischémique par bas débit, thrombose ou embolie. Dans l un et l autre cas peut être réalisé un double chenal artériel. Parfois, les localisations sont multiples avec dissection vertébrale bilatérale dans 40 à 60 % des cas ou association dans 30 % à une dissection carotidienne. La carotide primitive est rarement en cause à l exception des dissections iatrogènes ou traumatiques ou de l extension d une dissection de la crosse aortique. 91

Diagnostic La forme typique de dissection de l artère carotide interne (30 % des cas) comprend une triade associant douleur unilatérale (tête, face ou cou), signe de Claude- Bernard-Horner (paralysie du sympathique oculaire), et quelques heures ou jours plus tard ischémie hémisphérique ou rétinienne homolatérale. La douleur cervicale en regard de la dissection, décrite comme inhabituelle par le patient, est présente dans 50 à 70 % des formes symptomatiques. Elle reste isolée dans 10 % des cas. Le signe de Claude-Bernard-Horner (ptosis partiel, myosis, rétrécissement de la fente palpébrale) est présent dans 50 % des formes symptomatiques. On peut noter aussi une atteinte des nerfs crâniens (10 % des cas) ou des acouphènes pulsatiles (25 % des cas). Les signes d ischémie surviennent dans 50 à 90 % des formes symptomatiques, qu il s agisse d accident ischémique transitoire, de cécité mono-oculaire ou d AVC constitué plus ou moins grave. Dans 20 % des cas, le déficit neurologique est inaugural sans signe prémonitoire ou d accompagnement. À noter dans notre observation l absence de douleurs cervicales et de syndrome de Claude-Bernard-Horner. Le caractère clinique typique de la dissection vertébrale comprend une douleur unilatérale (nuque ou tête) suivie d un déficit ischémique du territoire vertébrobasilaire homolatéral. Le tableau initial est moins marqué que pour la dissection carotidienne, il peut se présenter comme une cervicalgie banale. Elle peut précéder de deux semaines ou plus l accident déficitaire (50 % des cas). Le déficit neurologique est en règle un syndrome de Wallenberg par ischémie de la région latérale du bulbe (début brusque ; grand vertige, céphalée postérieure, vomissements ; anesthésie faciale, syndrome vestibulaire et hémisyndrome cérébelleux statique du côté de la lésion ; hémianesthésie des membres controlatérale à la lésion). Il est rarement complet. Schématiquement, l association d une cécité monooculaire transitoire et d un Claude-Bernard-Horner ou un Claude-Bernard-Horner douloureux fait évoquer une dissection carotidienne homolatérale ; un syndrome de Wallenberg chez un adulte jeune fait évoquer une dissection vertébrale. Le diagnostic positif repose sur à l échographie- Doppler-couleur cervicale, qui est l examen de première intention [1]. L exploration ultrasonore, orientée par les signes cliniques doit être minutieuse, complète, et comporter une étude des segments exo et intracrâniens. Il est fondamental de réaliser le premier examen échographique-doppler à la phase initiale de la dissection, le plus rapidement possible après l événement clinique révélateur. Le diagnostic est celui d une occlusion sans athérome. La localisation au niveau des parties mobiles des artères, ainsi que le contexte clinique sont des arguments diagnostics décisifs. En cas de dissection carotidienne, les lésions morphologiques identifiables sont à type d hématome de la paroi ou de thrombus. L hématome, signe direct, est visible si la carotide interne peut être suivie sur plusieurs centimètres au-delà de son origine. En effet, la dissection atteint la carotide interne cervicale, dans son segment rétrostylien ou sous-pétreux, en respectant le bulbe carotidien par ailleurs lui-même indemne d athérome. Selon les cas, il y a ou non une extension au siphon. L exploration de la carotide interne post-bulbaire est difficile du fait de sa situation anatomique. Le thrombus, autre signe direct, correspond à la partie basse de la lésion. Il signe l occlusion d aval et résulte de la stase consécutive à la dissection sus-jacente. Il est le plus souvent peu adhérent, partiellement libre dans la lumière. Les signes directs recherchés seront tout d abord d ordre hémodynamique avec souvent sténose serrée, voire préthrombotique de la carotide interne sus-bulbaire. Les caractéristiques de quantification des lésions restent les même que pour les sténoses athéromateuses. On peut également visualiser un flux biphasique à l origine de l axe carotidien interne ou un flux exclusivement systolique sur l axe carotidien interne. En ce qui concerne les signes indirects, un profil de vitesse de type haute résistance est retrouvé sur la carotide primitive en cas de sténose sévère ou d occlusion sur la carotide interne. Le flux ophtalmique sera dans ce cas diminué voire inversé. Sur le plan morphologique, on peut retrouver un épaississement pariétal à l origine de l axe carotidien interne correspondant à l hématome. À la phase aiguë de la dissection, l hématome est le plus souvent de type hypoéchogène ou anéchogène. On peut également visualiser un thrombus pariétal. Un flap intimal ou un double chenal ou l association d un chenal circulant et d un cul de sac, sont plus rares, sauf dans le cas de l extension d une dissection aortique, mais dans ce cas l atteinte ne concerne en général que la carotide commune. L absence de lésion athéromateuse sur l axe considéré ainsi que sur les autres axes est un argument en faveur du diagnostic de dissection. Il peut être complété par un Doppler transcrânien afin d apprécier le retentissement d un processus exocrânien ; éventuellement une accélération localisée de la carotide interne dans sa portion intracrânienne est à rechercher. L écho-doppler permettra un suivi évolutif des lésions, avec souvent une recanalisation plus ou moins totale de l axe obstrué. L artériographie conventionnelle a laissé la place à l angiographie par résonance magnétique nucléaire. Elle est complétée par une IRM tissulaire, surtout en cas de suspicion de dissection sous-adventicielle, pour la mise en évidence de l hématome intrapariétal. Évolution clinique Elle est fonction de la présentation clinique initiale. Les formes avec déficit neurologique grave d emblée ont un 92

pronostic sombre avec une mortalité de l ordre de 25 % et des séquelles lourdes une fois sur deux. Les formes avec déficit neurologique mineur ou régressif sont en règle de bon pronostic, elles concernent environ 70 % des patients Les formes sans signe neurologique sont de pronostic bénin [3]. Douleurs cervicales et céphalées résiduelles sont en règle banales. La régression de l hématome s accompagne d une recanalisation complète de l artère dans 60 % des cas dans les formes occlusives et jusqu à 90 % des cas dans les formes sténosantes. Les anévrysmes persistent le plus souvent au long cours avec un risque embolique qui demeure toutefois très faible. Le risque de récidive de dissection est faible, de l ordre de 2 à 10%, maximal dans le premier mois, négligeable à distance (< 1 % par an), le plus souvent bénigne voire asymptomatique. Il s agit alors rarement de la même artère. Les récidives surviennent principalement dans le cadre d une maladie sous-jacente du tissu conjonctif. La probabilité d un nouvel accident neurologique déficitaire est également peu importante ; il serait alors lié à une sténose ou un anévrysme résiduels, un bas débit cérébral ou une récidive de dissection. Le traitement porte sur le risque ischémique et non pas sur le risque de récidive. Il n y a pas de règles bien établies spécifiques pour les dissections cervico-encéphaliques. Les formes avec AVC sont traitées comme telles. Les formes avec AIT ou à symptomatologie mineure sont traitées par héparine à dose thérapeutique débutée à la phase aiguë avec relais par AVK ou antiagrégants pendant 3 à 6 mois afin de prévenir les complications thromboemboliques. On estime que près de 90 % des infarctus cérébraux sont d origine thromboembolique contre environ 10 % qui sont d origine hémodynamique. Les principales contre-indications au traitement anticoagulant, en dehors des contre-indications propres aux anticoagulants, sont l extension intracrânienne de la dissection (risque d hémorragie sous-arachnoïdienne), le caractère massif de l infarctus cérébral avec risque de transformation hémorragique, les troubles de la conscience faisant suspecter un accident vasculaire important. Le suivi évolutif sera apprécié par l échographie carotidienne et le Doppler transcrânien réalisés au 3 e mois ; ces examens permettent d apprécier la morphologie de l artère ; en cas de persistance d une sténose ou d un anévrysme carotidiens, l anticoagulation pourra être maintenue au-delà de la durée initialement préconisée de 3 à 6 mois. Le relais par antiagrégants plaquettaires peut être débuté au 3 e jour si l artère a retrouvé une morphologie normale ou si elle demeure occluse. Ce traitement antiagrégant pourra être maintenu au long cours en relais des anticoagulants en cas de persistance d une sténose ou d un anévrysme. Sauf cas exceptionnel, il n y a pas place pour la chirurgie ou les techniques endovasculaires en raison de la cicatrisation spontanée habituellement constatée ainsi que du bon pronostic de l affection. Références 1. Schievink WI. Spontaneous dissection of the carotid and vertebral arteries. NEnglJMed2001 ; 344 : 898-906. 2. Gautier C, Deklunder G, Dupart K. Caractéristiques ultrasonores des dissections des artères cervico-céphaliques. Journal d Échographie et de médecine du sport 1999 ; 20 : 139-40. 3. Guillon B. Dissection artérielle cervicale, diagnostic et prise en charge. Sang thrombose vaisseaux 2002 ; 14 : 76-83. 93