Un logement pour tous : maintenir et renouveler le logement social pour les ménages à faible revenu



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Transcription:

Un logement pour tous : maintenir et renouveler le logement social pour les ménages à faible revenu Un appel au réinvestissement des fonds fédéraux alors que prennent fin les conventions d exploitation actuelles Le 21 août 2014 La fin des subventions fédérales aux logements sociaux, alors que prennent fin les conventions d exploitation actuelles, menace l existence et l abordabilité des habitations pour beaucoup d individus et de familles à faible revenu au Canada. Les gouvernements provinciaux et territoriaux seuls n ont pas la capacité fiscale pour assurer l abordabilité, la salubrité et la qualité continues des habitations sociales à l avenir. L Association canadienne d habitation et de rénovation urbaine (ACHRU) propose un nouveau partenariat avec le gouvernement fédéral Un logement pour tous pour faire en sorte que les actifs en habitations sociales, bâtis grâce aux fonds publics, continuent de fournir aux ménages à faible revenu des logements abordables, de qualité et bien entretenus. Un deuxième objectif consiste à profiter de l occasion créée par la fin des conventions d exploitation actuelles pour repenser la façon dont les habitations sociales peuvent être offertes de manière optimale, en tirant profit de l expertise des organismes de logements sociaux.

LISTE DES FIGURES Figure 1 : Profil des programmes de logement social fédéraux (nombre d unités au 31 décembre 1994)...3 Figure 2 : Logements assujettis aux conventions d exploitation et pertes de LBR de 2014 à 2040...9 Figure 3 : Logements sociaux dans les territoires...16 Figure 4 : Fonds de renouvellement des immobilisations selon le principe des «3R»...19 Figure 5 : Dépenses prévues au titre du Fonds de renouvellement des immobilisations selon le principe des «3R».....19 Figure 6 : Compte d abordabilité...21 Figure 7 : Dépenses prévues au titre du Compte d abordabilité...22 ABRÉVIATIONS ACHRU Association canadienne d habitation et de rénovation urbaine EDSC Emploi et Développement social Canada IDLA Investissement dans le logement abordable ILA Initiative en matière de logement abordable INSA Initiative nationale pour les sans-abri LBR Loyer basé sur le revenu P/T Provinces et territoires PAEC Plan d action économique du Canada PAREL Programme d aide à la remise en état des logements PHI Prêt hypothécaire indexé PLA Programme de logement abordable RHDCC Ressources humaines et Développement des compétences Canada, maintenant EDSC SCHL Société canadienne d hypothèques et de logement SPLI Stratégie des partenariats de lutte contre l itinérance Inspirés les travaux commandés par l ACHRU auprès de Groupe habitat conseil inc., avec des contributions significatives de Focus Consulting Inc. et de Myriam St-Denis. Nombre estimatif de logements et de dépenses Il est très difficile d obtenir des chiffres complets et cohérents sur les logements sociaux. La responsabilité administrative est partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Les rapports sont variés et les chiffres sont en constante évolution. Bien que les auteurs formulent certaines hypothèses et tentent d appliquer un cadre cohérent, on prévoit une marge d erreur qui n invalide nullement les conclusions ni les propositions. Remarque à propos des logements sociaux pour les Premières Nations L ACHRU est d avis que les logements sociaux dans les réserves pour les Premières Nations sont également méritoires d une considération distincte et d un investissement fédéral, mais se situent hors du champ d application du présent exposé de principes. L ACHRU encourage le gouvernement fédéral à consulter les Premières Nations directement pour élaborer des solutions aux défis d habitation dans les réserves, y compris ceux découlant de la fin des conventions d exploitation.

TABLE DES MATIÈRES SOMMAIRE 1 INTRODUCTION...1 2 LES LOGEMENTS SOCIAUX AU CANADA...2 2.1 BREF HISTORIQUE...2 2.2 ÉVOLUTION DES RÔLES ET DES RESPONSABILITÉS DES GOUVERNEMENTS FÉDÉRAL, PROVINCIAUX/TERRITORIAUX ET MUNICIPAUX...4 2.3 CONCLUSIONS...6 3 ÉVALUATION DES CONSÉQUENCES DE LA FIN DES CONVENTIONS D EXPLOITATION...7 3.1 CONSÉQUENCES SELON LE TYPE DE PROGRAMME...7 3.2 MÉNAGES À RISQUE...8 3.3 PRÉVISION DES MANQUES À GAGNER...10 3.3.1 Les logements sociaux sont vieillissants...11 3.3.2 Le fardeau changeant des dépenses d habitation...11 3.4 CONCLUSIONS...12 4 PROCHAINES ÉTAPES...13 4.1 TIRER DES LEÇONS DU PASSÉ, RÉINVENTER L AVENIR...14 4.2 RECONNAÎTRE LES BESOINS D HABITATION DISTINCTS...15 4.2.1 Les logements pour les Autochtones hors des réserves...15 4.2.2 Les logements supervisés...16 4.2.3 Les logements dans les territoires...16 4.3 RECOMMANDATIONS...17 Recommandation no 1 : Recommandation no 1 : Conserver des actifs en habitations sociales sécuritaires et de qualité Le Fonds de renouvellement des immobilisations les «3R»...18 Recommandation no 2 : Assurer l abordabilité pour les Canadiens à faible revenu «Le Compte d abordabilité»...20 Recommandation no 3 : Faciliter la transition «L Initiative de transformation du secteur»...22 4.4 CONCLUSIONS...23 5 DERNIÈRES RÉFLEXIONS...24 BIBLIOGRAPHIE...25

SOMMAIRE L ACHRU propose un nouveau partenariat avec le gouvernement fédéral pour faire en sorte que les actifs en habitations sociales, bâtis avec les fonds publics, continuent de fournir des logements abordables, bien entretenus et de qualité pour les ménages à faible revenu. Depuis les années 1950, le gouvernement fédéral a subventionné au-delà de 600 000 unités de logement social (excluant celles se trouvant dans les réserves des Premières Nations), dont quelque 544 000 sont toujours assujetties aux conventions d exploitation qui régissent le calcul des subventions. Au faîte des programmes, le gouvernement fédéral consacrait 2 milliards $ par année au logement social. Il dépense actuellement 1,6 milliard $ par année en vertu des conventions d exploitation des logements sociaux actuels, notamment 1,2 milliard $ consacrés aux projets à frais partagés avec les provinces et les territoires. Cet investissement subventionne les loyers des ménages à faible revenu, compense les frais hypothécaires ou agit sur les deux plans à la fois. Les provinces, les territoires et les municipalités dépensent une somme supplémentaire de 1,5 milliard $ par année pour ces mêmes projets à frais partagés. Peu de ces projets existeraient sans une participation et un financement fédéraux explicites. Alors que prennent fin les conventions d exploitation existantes, jusqu à deux tiers de tous les projets d habitations sociales ne généreront pas suffisamment de recettes pour assumer leurs frais d exploitation sans nouveau financement. Également, beaucoup des projets d habitations sociales font déjà face à des responsabilités considérables en matière de réparation et de remplacement des immobilisations, une crise en réparations qui s accentuera au fur et à mesure que les immeubles d habitations sociales vieilliront. Les provinces et les territoires, qui sont peut-être prêts à jouer un rôle, n ont pas, à eux seuls, la capacité fiscale pour combler les besoins financiers des habitations sociales. Comme le suggère le présent mémoire, un engagement fédéral renouvelé quant aux habitations sociales, permettra aux provinces et aux territoires, et aux municipalités s il y a lieu, de maintenir cette contribution essentielle aux villes et aux collectivités sans imposer une pression indue sur leurs budgets ou sur d autres services essentiels. Jusqu à 365 000 ménages à faible revenu, qui vivent dans des habitations sociales et qui paient des loyers subventionnés, peuvent être à risque de perdre leurs foyers en l absence d un financement renouvelé. Parmi eux, il y a des profils particuliers de ménages à risque accru. Ceux-ci comprennent des familles autochtones hors des réserves et logées dans des habitations sociales qui sont principalement de compétence fédérale. Elles se trouvent dans des maisons unifamiliales dispersées dont la possession et la gestion sont plus coûteuses et qui sont entièrement orientées aux familles à faible revenu. Dans les territoires, les frais d exploitation et les besoins financiers annuels connexes sont beaucoup supérieurs à ceux du «sud», tandis que leur capacité fiscale est moindre. Enfin, les organismes de logements supervisés, qui hébergent des particuliers atteints de limitations physiques ou cognitives ou d une maladie mentale, peuvent également faire face à des coûts supérieurs, compte tenu des adaptations coûteuses qu ils doivent réaliser pour répondre aux besoins des occupants. I

Les analyses antérieures menées par l ACHRU et d autres ont mis au jour un scénario de 200 000 ménages à risque alors que les fonds fédéraux aux logements sociaux prennent fin. Ce scénario repose sur l hypothèse selon laquelle les contributions des gouvernements provinciaux et territoriaux se poursuivraient, comblant une partie du manque à gagner et protégeant ainsi davantage de ménages «à risque». En effet, beaucoup de provinces et de territoires se sont engagés, dans la mesure de leur capacité, à maintenir leur appui aux logements sociaux après la fin des conventions d exploitation. Mais le chiffre plus important de 365 000 ménages est utilisé ici, étant donné qu il ne présuppose pas que les provinces et les territoires pourront ou devraient assumer la totalité du fardeau financier des logements sociaux. Les 179 000 autres ménages sur le total des 544 000 ménages vivant dans des habitations sociales assujetties aux conventions d exploitation existantes versent des loyers qui permettent de maintenir des projets de logements sociaux autosuffisants, même après la fin des conventions d exploitation. Au-delà de la viabilité opérationnelle, la plupart des actifs immobiliers en habitations sociales nécessitent un important renouvellement réparation, remise en état et remplacement afin d assurer leur sécurité, leur qualité et leur durée de vie. Pour préserver la valeur de ces actifs, bâtis grâce aux fonds publics, les organismes de logements doivent s attaquer aux déficits d entretien pressants en raison des immobilisations vieillissantes. Si l on veut éviter les expulsions économiques des ménages à faible revenu, on doit remplacer les modalités financières actuelles par un nouveau mécanisme au fur et à mesure que les conventions d exploitation échoient. La fin des conventions d exploitation offre une occasion de procéder autrement pour ériger un système de logements sociaux plus efficace, autosuffisant et innovateur au Canada. Le plan de l ACHRU présenté dans ce mémoire, Un logement pour tous : maintenir et renouveler les logements sociaux pour les ménages à faible revenu, propose un cadre visant à assurer un secteur du logement social durable dans lequel gouvernements et organismes responsables peuvent établir de nouveaux partenariats. Il demande au gouvernement fédéral de réinvestir dans les logements sociaux dans trois domaines clés inspirés des principes suivants : 1. Dans l ensemble et au fil du temps, éviter toute perte nette du nombre d unités de logement social; 2. maintenir l abordabilité des ménages à faible revenu dans les unités de logement social; 3. assurer la sécurité, la durabilité et le bon état physique des habitations sociales; 4. permettre la transformation du secteur du logement social pour qu il devienne de plus en plus dynamique, innovateur et autosuffisant. II

Recommandation n o 1 La réparation, le remplacement et la remise en état des immobilisations : Le Fonds de renouvellement des immobilisations les «3R» Les habitations sociales au Canada ont été principalement bâties entre 1946 et 1993 et ont désormais nettement besoin d un réinvestissement en immobilisations. Ce flux d investissement appuiera la réparation, le remplacement et la remise en état des immobilisations dont l enveloppe, les appareils tels que chaudières et ascenseurs et les mises à niveau éconergétiques afin de réduire les frais d exploitation. Le coût du Fonds de renouvellement des immobilisations les «3R» augmentera au fur et à mesure que les conventions d exploitation prendront fin. Il s élève à 12 millions $, 128 millions $ et 969 millions $ en 2014-2015, 2019-2020 et 2039-2040, respectivement. Il sera alloué selon le nombre d unités de logement social destiné aux personnes à faible revenu (sauf les suppléments au loyer) à hauteur de 3 000 $ par année par unité dans une juridiction donnée. Recommandation n o 2 Appuyer les ménages à faible revenu : «Le Compte d abordabilité» Du début du programme de logement social du Canada dans les années 1940 jusqu à leur fin en 1993, le financement accordé prévoyait des subventions aux familles et aux particuliers à faible revenu qui ne pouvaient s offrir des solutions d hébergement au prix du marché. Le Compte d abordabilité maintiendra les loyers des logements sociaux abordables pour ces ménages les plus nécessiteux. Bien qu il s apparente à la composante «supplément au loyer» des conventions existantes, le Compte d abordabilité diffère en raison de ce qui suit : il n est plus rattaché à une unité d habitation sociale particulière et il est souple; il n est pas nécessairement calculé selon le revenu des ménages et ne pénalise pas alors la croissance du revenu des locataires; il est accordé selon le nombre d unités de logement social à faible revenu dans une juridiction donnée; il est supérieur dans le cas des logements pour les Autochtones hors des réserves, des logements supervisés et des logements dans les territoires, en reconnaissance des frais qui y sont plus élevés. Le coût du Compte d abordabilité augmentera au fur et à mesure que les conventions d exploitation prendront fin. Il s élève à 18 millions $, 161 millions $ et 1,15 milliard $ en 2014-2015, 2019-2020 et 2039-2040, respectivement. Tout comme le Fonds de renouvellement des immobilisations les «3R», il sera alloué selon le nombre d unités de logement social à faible revenu dans une juridiction donnée à hauteur de 3 000 $ par année par unité lorsque le loyer est calculé selon le revenu du ménage. Une allocation par unité supérieure sera offerte aux logements pour les Autochtones hors des réserves (3 600 $ par année), aux logements dans les territoires (9 600 $ par année) et aux logements supervisés (somme non estimée). III

Bien que l investissement fédéral soit crucial, un accord sur le partage des coûts, négocié avec les provinces et les territoires va de soi en ce qui concerne le Fonds de renouvellement des immobilisations les «3R» et le Compte d abordabilité recommandés. On ne présume pas que les fonds seront appariés à 50 %-50 %, mais plutôt que la composante provinciale/territoriale sera négociée selon des principes d équité et de capacité. Le mécanisme d exécution des deux recommandations devrait être fondé sur le cadre de l Investissement dans le logement abordable (IDLA) existant, qui s est avéré efficace et souple. Comme dans le cas de l ILA, le gouvernement fédéral engagera des fonds, les provinces et les territoires contribueront puis ils concevront et administreront le Fonds de renouvellement des immobilisations les «3R» et le Compte d abordabilité à la lumière des besoins locaux et en tenant compte de l expertise qu ils ont acquise au fil du temps. Recommandation n o 3 L Initiative de transformation du secteur Cette initiative, évaluée à 10 millions $ sur huit ans ou à 1,25 million $ par année de 2014 à 2022, versera des fonds à un tiers indépendant qui les accordera aux organismes de logements sociaux. Cela aidera les organismes à abattre les obstacles existants, tels que la taille des organismes de logement, leur dépendance vis-à-vis les recettes gouvernementales et les contraintes entravant la souplesse de la gestion. Les buts visés sont les suivants : favoriser les partenariats, le partage des ressources ou la fusion entre les organismes de logements sociaux qui le veulent; permettre une mixité de revenus lorsque la solution s avère sensée; encourager les approches innovatrices chez les organismes de logements sociaux pour qu ils deviennent plus autosuffisants au moyen d'activités de génération de recettes, notamment par la location d espaces commerciaux ou la création d autres services ou entreprises. Les recommandations d Un logement pour tous visent à faire en sorte que les habitations sociales au Canada soient protégées pour les personnes qui en ont besoin et éventuellement élargies à un secteur du logement social stabilisé. En même temps, il y a beaucoup plus à faire que de simplement protéger les actifs, compte tenu des listes d attente croissantes et des inégalités de revenus qui s accentuent. Une stratégie pancanadienne coordonnée constitue la prochaine étape, une fois les habitations sociales existantes sont protégées par la mise en place des recommandations d Un logement pour tous. Les leçons tirées d un secteur du logement social revitalisé au cours des prochaines années constitueront un bon point de départ à la mise en place des étapes nécessaires pour poursuivre l élan amorcé et faire en sorte que, ensemble, nous soyons en voie d atteindre l objectif ultime, quoique très raisonnable, d un Canada où chaque citoyen dispose d un lieu sûr et abordable qu il peut qualifier de chez-soi. IV

1 INTRODUCTION Les conventions d exploitation des logements sociaux, et les fonds qui y sont associés, commencent maintenant à échoir, et continueront de le faire à un rythme accéléré. Le présent mémoire et ses recommandations énoncent la nature et l ampleur du problème et du réinvestissement requis pour faire en sorte que les habitations sociales continuent d être offertes aux personnes nécessiteuses. Les logements sociaux visés dans le présent mémoire renvoient à toutes les habitations que la Société canadienne d hypothèques et de logement (SCHL) a subventionnées entièrement ou à frais partagés avec les P/T par l intermédiaire du Programme de logement social du Canada et qui appartiennent aux organismes de logement sans but lucratif, publics et coopératifs. Quelque 67 % des unités de logement social offrent des loyers calculés en fonction du revenu des ménages qui y vivent. Ces ménages disposent d un faible revenu. Le financement gouvernemental comble l écart entre ces loyers réduits et les frais d exploitation et de financement de chaque projet. Les 33 % des unités restantes de logement social appartiennent aux organismes gestionnaires et les loyers sont établis directement en fonction des frais d exploitation du projet, y compris le financement, sans tenir compte des revenus des occupants. Dans les pages suivantes, nous tenons compte des deux formes de logements sociaux. Si les conventions prennent fin sans autre financement en place, les organismes de logements sociaux qui possèdent les 67 % des unités de logement social avec de faibles loyers ne disposeront vraisemblablement pas de revenus suffisants pour assumer les frais d exploitation. Dans ce cas, ils n auront aucun autre choix que d augmenter les loyers, de reporter les travaux d entretien ou de vendre des logements. Bien que les provinces et les territoires (P/T) contribuent déjà, ils ne pourront combler à eux seuls le manque à gagner. L investissement fédéral est impératif pour faire en sorte que ces logements, bâtis avec les fonds publics à titre de filet de sécurité sociale crucial, puissent continuer d appuyer les ménages à faible revenu qui en ont besoin, aujourd hui et demain. 1

2 LES LOGEMENTS SOCIAUX AU CANADA 2.1 BREF HISTORIQUE En 1946, après la Deuxième Guerre mondiale, la SCHL a été créée; et c est en 1949 que les logements sociaux ont vu le jour au Canada avec le premier programme d habitation fédéralprovincial (selon l article 79) et plusieurs projets de logements uniques. Ceux-ci ont été suivis dans les années 1960 par une production plus systématique d habitations publiques au sein des conventions mixtes fédérales-provinciales-territoriales. La politique de logement social de la SCHL a été élargie dans les années 1970 pour promouvoir la création d'organismes d habitations communautaires (et municipales) sans but lucratif et des coopératives. Jusqu en 1972, puis à nouveau de 1986 à 1993, la quasi-totalité de tous les programmes de logement social ont limité l accès aux habitations sociales aux ménages à faible revenu. Ils ont fait en sorte que les logements sociaux où vivaient ces ménages leur soient abordables, en liant leur loyer à leur revenu 1. Cette formule était connue sous nom de LBR ou loyer basé sur le revenu. Une stratégie différente et non ciblée a été utilisée entre 1973 et 1985 quand la plupart des programmes de logement social ne comportaient aucune évaluation des revenus des ménages. Les loyers étaient établis à un niveau qui permettait d assumer les frais d exploitation, avec un supplément au loyer «additionnel» dans un certain nombre de logements afin d inclure les ménages à faible revenu (en moyenne, environ un quart des locataires étaient des ménages à faible revenu). Essentiellement, cette stratégie en faisait des projets à revenus mixtes. En 1993, le gouvernement fédéral a cessé d attribuer de nouveaux fonds à toute nouvelle habitation sociale, sauf celles situées dans les réserves. Le cadre de financement de chaque projet d habitation sociale est prévu dans une «convention d exploitation» signée par l organisme de logement et par la SCHL, ou par l autorité provinciale ou territoriale déléguée. En plus d une convention d exploitation, chaque projet avait un prêt garanti ou accordé par la SCHL pour une période qui correspondait habituellement à la durée de la convention d exploitation afin de financer l hypothèque du projet. Ainsi, les expirations de conventions d exploitation des projets et des prêts hypothécaires connexes coïncidaient. La plupart des programmes de logement social ont été introduits et subventionnés ou cosubventionnés par la SCHL au nom du gouvernement fédéral. Presque toutes les habitations sociales ciblées celles avec des loyers LBR pour ménages à faible revenu (y compris les suppléments au loyer) ont fait l objet d un coût partagé avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, sauf quelques rares exceptions, dont le programme coopératif des prêts hypothécaires indexés, celui des Autochtones en milieu urbain hors des réserves et le supplément au loyer. Dans ces cas, le financement est assumé entièrement par le gouvernement fédéral, tout comme pour beaucoup des logements coopératifs et sans but lucratif antérieurs à 1986. Le tableau suivant résume les paramètres et les structures de subventionnement des différents programmes de logement social. 1 Selon 25 % ou 30 % de leur revenu. 2

Figure 1: Profil des programmes de logement social fédéraux (nombre d unités au 31 décembre 1994) 2 2 Tous les chiffres proviennent des Statistiques sur le logement au Canada de 1994. Ce même tableau montrait 15 867 logements dans les réserves, 37 000 unités d entrepreneurs et 15 877 subventions de remise en état des logements locatifs, exclus de la présente analyse. 3 Les LRA antérieurs à 1986 faisaient l objet d un partage des coûts à 75 % assumés par le fédéral et à 25 % par les P/T; après 1985, le partage des coûts a changé, dont certains à 100 % assumés par la SCHL. 4 Prêts hypothécaires indexés. 3

2.2 ÉVOLUTION DES RÔLES ET DES RESPONSABILITÉS DES GOUVERNEMENTS FÉDÉRAL, PROVINCIAUX/TERRITORIAUX ET MUNICIPAUX La SCHL a joué un rôle important dans la conception, l exécution, le financement et la subvention des programmes de logement à l échelle du Canada, à la fois unilatéralement et dans le cadre des conventions à coût partagé avec les provinces et les territoires. En 1986, la SCHL a invité l ensemble des provinces et des territoires à assumer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre et l administration des nouveaux programmes de logement social (sauf les coopératives d habitation). Cette formule regroupait divers programmes de remise en état des logements publics, sans but lucratif et privés. Les règles qui avaient permis des revenus mixtes même dans les logements publics ont été revues de sorte que tous les fonds ciblaient les ménages à faible revenu selon la formule LBR et les ménages à faible revenu étaient à nouveau concentrés dans les projets de logement public 5. Suivant la fin en 1993 de tout nouveau projet de logement social, sauf ceux dans les réserves, le gouvernement fédéral a donné instruction à la SCHL de négocier de nouveaux accords administratifs avec les provinces et les territoires par le truchement des ententes sur le logement social (ELS). En vertu de ces ententes, la SCHL a transféré aux signataires tous les projets de logements sans but lucratif et publics relevant de leur compétence, en garantissant un financement fédéral à hauteur des sommes accordées en 1995-1996 jusqu à la fin des conventions d exploitation respectives en échange de la responsabilité d assurer l administration, la surveillance et les paiements ultérieurs prévus dans les ententes. Entre 1997 et 2006, la plupart des provinces et des territoires ont exécuté ces ententes; seuls l Alberta, le Québec et l Î.-P.-É. ont choisi de ne pas signer les accords de transfert. En 1999, le gouvernement fédéral a effectué un retour timide dans le dossier de l habitation, hormis les logements sociaux, en lançant un nouveau mécanisme de financement pour s attaquer à la question de l itinérance croissante. L Initiative nationale pour les sans-abri (INSA) a maintenu le cap depuis 1999 sous diverses formes, actuellement en tant que Stratégie des partenariats de lutte contre l itinérance (SPLI), avec un accent mis sur les principes du «logement d abord 6»et avec un budget annuel de 119 millions $ jusqu en 2019. En 2001, on annonçait l Initiative en matière de logement abordable (ILA) fédérale, évaluée à 1 milliard $ sur huit ans, ou à 125 millions $ par année en moyenne, un montant partagé entre les 13 provinces et territoires selon une formule de calcul par habitant. Ce financement a fourni des subventions d immobilisation qui ont été appariées par les provinces et les territoires et utilisées pour financer de nouveaux projets en réduisant leur emprunt à un seuil qui leur permettait d offrir des loyers subventionnés situés à hauteur ou en deçà du loyer du marché local moyen. Aucun fonds continu pour les ménages à faible revenu n y a été inclus. Chaque province ou territoire a attribué les fonds à des programmes qu ils ont conçus eux-mêmes à la lumière des paramètres des ententes. Depuis 2000, il y a eu deux initiatives fédérales temporaires qui ont augmenté les fonds consacrés au logement abordable : les fiducies pour le logement abordable de 2006 et la composante «habitation» des fonds de relance de 2009-2011 (en vertu du Plan d action économique du Canada ou PAEC). 5 Pomeroy (1989). 6 Les principes du «logement d abord» mettent l accent sur la fourniture de logements libres d entraves avec soutiens connexes aux sans-abri chroniques ou épisodiques. 4

Plus récemment, l Investissement dans le logement abordable (IDLA) de 2014-2019 est subventionné par l intermédiaire des ententes fédérales-provinciales-territoriales, en remplacement de l Initiative en matière de logement abordable (ILA) et du Programme de remise en état des logements (PAREL) à titre de financement global. Tout comme dans le cas de l ILA, les provinces et les territoires conçoivent et exécutent des programmes grâce à ce financement. Bien qu il constitue une source importante de fonds fédéraux, l IDLA est limité à 253 millions $ par année une somme inchangée depuis 2008 7 à comparer à la somme beaucoup plus élevée, mais en baisse de 1,6 milliard $ actuellement dépensée chaque année dans les logements sociaux. Les dépenses fédérales au titre de la SPLI et de l IDLA les deux seules initiatives fédérales actuelles en matière de logement et de lutte contre l itinérance sont de 372 millions $ par année. Une idée erronée souvent véhiculée est que le retrait des fonds fédéraux au logement social avec la fin des conventions d exploitation ne signale pas une compression du financement, étant donné que les provinces et les territoires peuvent utiliser les fonds de l IDLA pour soutenir l habitation sociale. Cette affirmation est fallacieuse. Compte tenu de la portée différente des deux programmes 253 millions $ par année pour l IDLA contre 1,6 milliard $ par année pour le logement social l IDLA ne peut prétendre être une mesure qui compense ou remplace la baisse des fonds fédéraux au logement social. En effet, à partir de 2016, on prévoit que le gouvernement fédéral économisera plus par la baisse de ses contributions au logement social que ce qu il consacre à l initiative de l IDLA. La somme de 1,6 milliard $ 8 que le gouvernement fédéral dépense annuellement se compose des 1,2 milliard $ versés aux provinces et aux territoires à titre de sa contribution aux projets à coût partagé et 543 millions $ versés à son portefeuille unilatéral et aux organismes des trois provinces qui n ont pas signé les accords de transfert en vertu des ELS. Les provinces, les territoires et les municipalités contribuent une autre tranche de 1,5 milliard $ aux projets à coût partagé. Au fur et à mesure que les conventions d exploitation prendront fin, l investissement fédéral dans le logement social diminuera, passant de 2 milliards $ à son faîte, à 1,6 milliard $ cette année, à 1 milliard $ en 2020, à 530 millions $ en 2025 et à 81 millions $ en 2031. 9 Dès 2040, l investissement fédéral dans le logement social est censé s établir à 0 $. Au fil du temps, les provinces et territoires (P/T) ont occupé une partie de l espace politique et financier laissé vacant par le gouvernement fédéral, en acquérant leur propre expertise et en déployant leurs propres programmes. De plus, les municipalités sont devenues plus importantes et plus complexes et bon nombre d entre elles ont assumé un rôle de plus en plus important dans le logement et les services liés au bien-être social, aux sans-abri et au développement communautaire. En Ontario, le gouvernement provincial a transféré la responsabilité du logement social aux municipalités. 7 Pomeroy et Falvo (2013). 8 Sauf les logements dans les réserves. 9 The Fiscal Impact of Expiring Federal Social Housing Operating Subsidies, Steve Pomeroy, 2014 5

2.3 CONCLUSIONS Le gouvernement fédéral, par le truchement de la SCHL, a instauré, subventionné et déployé divers programmes de logement abordable et de lutte à l itinérance au cours des 50 dernières années, à titre de filets de sécurité sociale essentiels pour les segments vulnérables de la population canadienne. Le cadre actuel de financement des habitations sociales au moyen de conventions d exploitation à long terme constitue une utilisation délibérée de fonds publics. Au fil du temps s est opéré un virage dans le financement et la responsabilité administrative, au détriment de l intendance fédérale exclusive et au profit d un nombre accru de mesures à coût partagé et d élaboration de programmes provinciales / territoriales. Aucun nouveau financement fédéral consacré au logement social n a été consenti depuis 1993, sauf pour le logement dans les réserves. Bien que les conventions d exploitation des habitations sociales commencent à échoir, le gouvernement fédéral n a exprimé aucun engagement de son l intention de continuer de les appuyer, malgré les besoins permanents ressentis. De petits programmes fédéraux de logement, plus récemment l IDLA et la SPLI, offrent une somme combinée de 372 millions $ par année pour les prochaines années, mais ne comblent pas le fossé croissant laissé par la baisse des dépenses annuelles en matière de logements sociaux, une somme qui s élève actuellement à 1,6 milliard $ par année, mais qui doit chuter à 0 $ dès 2040. 6

3 ÉVALUATION DES CONSÉQUENCES DE LA FIN DES CONVENTIONS D EXPLOITATION Le nombre total de logements sociaux bénéficiant d un financement fédéral en décembre 1994, alors que les premières conventions d exploitation étaient sur le point d échoir, s élevait à près de 593 000 10. Étant donné que ces conventions d exploitation et les fonds fédéraux connexes prennent fin maintenant, le chiffre comparable en 2014 est de 544 000. Cette diminution comprend quelque 12 000 logements pour les ruraux et les Autochtones (LRA), une autre tranche de 12 000 logements coopératifs et sans but lucratif, le reste étant des logements publics, des suppléments au loyer, et des logements pour les Autochtones en milieu urbain. 11 3.1 CONSÉQUENCES SELON LE TYPE DE PROGRAMME Afin de mesurer la conséquence de la fin des subventions fédérales sur logement social, il est nécessaire d examiner les modalités de financement et la nature de chaque programme de logement social particulier. Certains programmes comprenaient seulement des prêts et ne comportaient aucun flux financier continu; d autres comprenaient des subventions continues. On peut résumer ces programmes en trois grands types : Ciblés : Ces programmes, orientés vers les familles à faible revenu, incluent les logements publics, les suppléments au loyer, les logements pour les Autochtones en milieu urbain, les logements pour les ruraux et les Autochtones et les logements coopératifs et sans but lucratif post-1985 en vertu de l article 95. Dans ces projets, tous les ménages versent des LBR (loyers basés sur le revenu) et l'on calcule le financement annuel à coût partagé de chaque projet de manière à compenser l écart entre les recettes locatives (LBR) et les frais d exploitation et de financement intégraux. Non ciblés : Ces programmes fournissaient soit des prêts, soit des subventions permanentes qui compensaient les coûts d emprunt de sorte que les loyers des projets (non-lbr) couvraient tous les frais d exploitation et de financement. Les premiers programmes (selon les articles 26, 27 et 61) ne comprenaient pas de subvention continue. Ciblés mixtes : Les projets pré-1986 selon l article 95 exigeaient un seuil minimal (15 %) de loyers ciblés (LBR) subventionnés au moyen de la de subvention des taux d intérêt. La plupart des organismes dépassaient ce seuil minimal. Dans d autres cas, un supplément au loyer distinct (ciblé) était «additionné» à un certain nombre de logements afin d inclure des ménages à faible revenu. Les conventions d exploitation à long terme, grâce auxquelles les organismes reçoivent un financement annuel, prendront fin typiquement au même moment où les hypothèques sousjacentes parviendront à maturité; cependant, les conséquences de la fin des conventions dans les trois types de programmes sont différentes. La grande majorité des projets entièrement ciblés afficheront un déficit d exploitation, même après la fin de leurs emprunts, étant donné que les loyers réduits, payés par les ménages ciblés ne permettent habituellement pas d assumer les dépenses d exploitation. Sans un financement continu, les organismes de logements sociaux de ces projets pourraient devoir hausser les loyers, reporter les travaux d entretien requis ou vendre des propriétés. Dans le cas des suppléments au loyer du secteur privé, les locataires perdront leur financement et seront vraisemblablement contraints de déménager. 10 Le total exclut les logements dans les réserves et le PAREL locatif. 11 Il est difficile de dépister la variation au fil du temps et par programme, vu que l administration est partagée entre de nombreuses compétences et que le suivi n est ni complet ni uniforme. 7

Les projets non ciblés et ciblés mixtes afficheront généralement un excédent d exploitation et devraient être financièrement viables. Les locataires qui versent un loyer basé sur le revenu pourraient demeurer dans les projets de l article 95, mais ceux qui bénéficient d un supplément au loyer distinct seront sans doute contraints de verser un loyer supérieur, ou de déménager, si l organisme ne peut créer une subvention croisée interne à même les unités à loyer supérieur. Bien que beaucoup d entre eux planifieront de procéder ainsi, on prévoit que les limitations budgétaires exerceront une pression sur les organismes pour qu ils réduisent, au fil du temps, ces subventions internes calculées selon le revenu. Pour tous les projets, les organismes posséderont des actifs vieillissants qui nécessiteront habituellement d importants investissements en immobilisations pour assurer leur qualité, prolonger leur durée de vie utile ou respecter les Codes du bâtiment modernes et les normes d efficacité énergétique afin de freiner l augmentation des frais d exploitation. Si ceux qui affichent des excédents d exploitation pouvaient se refinancer afin d obtenir les fonds requis pour le renouvellement des immobilisations, ceux qui ont un déficit d exploitation seront dans l incapacité de le faire. 3.2 MÉNAGES À RISQUE Une compilation de toutes les conventions d exploitation par Focus Consulting Inc. montre que parmi les 544 000 unités de logement social actuellement subventionnées (y compris les suppléments au loyer), on recense un nombre estimatif de 334 000 dans des projets entièrement ciblés. En présumant une moyenne de 25 % de logements ciblés 12 dans ceux 123 000 des projets ciblés mixtes (article 95), cela donne un nombre supplémentaire de 31 000 logements ciblés pour un total de 365 000, ou 67 % de toutes les habitations sociales au Canada où les ménages versent un loyer basé sur leur revenu. Une fois les conventions d exploitation échues, ce sont ces 365 000 logements entièrement ciblés où les ménages à faible revenu pourraient faire face à des augmentations de loyer ou à une expulsion économique lorsque les organismes n auront pas de solutions de rechange. Cela aura des effets négatifs sur les familles et les collectivités, mais pourrait également avoir une incidence sur les budgets de santé, de justice et d éducation. Les effets de l instabilité résidentielle sont bien documentés et lourds de conséquences. Les analyses antérieures menées par l ACHRU et d autres ont déterminé que 200 000 ménages sont à risque avec la fin des contributions fédérales au logement social. Ce calcul repose sur l hypothèse selon laquelle les contributions des gouvernements provinciaux et territoriaux seraient maintenues et combleraient ainsi certains des écarts de financement dans la mesure de leurs capacités, en protégeant plus de ménages «à risque». En effet, beaucoup de provinces et de territoires se sont engagés à maintenir leur appui aux logements sociaux après la fin des conventions d exploitation. Mais le chiffre plus important de 365 000 ménages est utilisé ici, vu qu il ne présuppose pas que les provinces et les territoires peuvent ou doivent porter seuls tout le poids des logements sociaux. Bien que les provinces et les territoires soient plus actifs, ils ne peuvent combler les écarts laissés par le gouvernement fédéral. Même s ils peuvent augmenter les niveaux de financement, procéder ainsi mettra à rude épreuve les budgets d habitation P/T, suscitant des compressions éventuelles dans d autres programmes ou services essentiels. 12 L Évaluation de la SCHL du Programme de logements en milieu urbain suggère un chiffre beaucoup plus élevé, ce qui sous-entend qu environ 64 % de tous les «projets sans but lucratif du programme datant de 1978» versent un taux inférieur au loyer du marché. 8

«Trop souvent, la discussion à propos de la fin des conventions de financement a porté sur la viabilité des organisations vouées au logement abordable. Ce n est pas une question qui vise nos organisations. La discussion doit plutôt porter sur les locataires et sur l incidence que la fin de ces conventions aura sur eux.» [Traduction] Maynard Sonntag, CEO, Silver Sage Housing Corporation Une prévision des effets de la fin des conventions d exploitation montre la perte progressive des logements ciblés et de l abordabilité. Figure 2: Logements assujettis aux conventions d exploitation et pertes de LBR de 2014 à 2040 13 Certains segments des 365 000 logements ciblés (LBR) sont à risque accru. Par exemple, les logements sociaux pour les Autochtones hors des réserves sont particulièrement à risque, vu que la plupart sont de compétence fédérale et se trouvent dans des maisons unifamiliales dispersées qui sont plus chères à posséder et à gérer et sont entièrement consacrées aux familles à faible revenu. Dans les territoires, les frais d exploitation et les besoins de financement annuels connexes sont beaucoup plus élevés que dans le «sud» tandis que leur capacité fiscale est beaucoup moindre. Les organismes de logements supervisés peuvent également être confrontés à des frais accrus qu ils pourraient ne pas pouvoir assumer, car ils doivent parfois apporter des adaptations coûteuses pour répondre aux besoins de leurs occupants qui vivent avec des limitations physiques ou cognitives, ou avec la maladie mentale. 13 Cette figure s inspire d une compilation privée de Focus Consulting Inc. sur la fin des conventions d exploitation par année et par programme. 9

3.3 PRÉVISION DES MANQUES À GAGNER Les P/T ont affirmé leur souhait de collaborer avec le gouvernement fédéral afin de combler les besoins du logement abordable 14. Plusieurs ont expressément déclaré leur intention de continuer d investir dans les habitations sociales, même après la fin des conventions d exploitation, dans la mesure de leurs capacités, en mentionnant toutefois que sans investissement fédéral concomitant ils ne pourront le faire pleinement ou sans sacrifier d autres programmes de logement présents et éventuels. En 2013, un rapport du Québec soulignait que si l'on retirait le financement fédéral aux habitations sociales, l organisme d habitation provincial comblerait l écart pour s assurer qu aucun ménage à faible revenu n'est déplacé, mais que cela aurait comme conséquence de miner la capacité du gouvernement du Québec d investir dans les autres programmes de logement 15. Le gouvernement du Nouveau- Brunswick fait équipe avec l Association de logement sans but lucratif du Nouveau-Brunswick pour appuyer les organismes de logements sociaux à la fin des conventions d exploitation, mais la vérificatrice générale provinciale a déclaré que, sans fonds fédéraux, le gouvernement provincial pourrait difficilement combler une partie ou la totalité des besoins laissés par le retrait du gouvernement fédéral 16. La province de la Colombie-Britannique s est engagée à conserver sa portion du financement en place, tout en demandant un réinvestissement du fédéral 17. Ailleurs, les provinces et les territoires appuient les organismes au cas par cas et dans le contexte d un faible nombre de conventions ayant pris fin à ce jour. Les provinces et les territoires consacrent 1,5 milliard $ aux mêmes conventions dont le coût est partagé avec le fédéral 18. En vertu de ce même ensemble de conventions à coût partagé, la SCHL consacre 1,2 milliard $ à 464 000 logements sous leur administration et une somme supplémentaire de 543 millions $ à son portefeuille unilatéral ainsi qu aux programmes à coût partagé dans les trois provinces qui n ont pas signé un accord de transfert. Par conséquent, le total combiné des dépenses fédérales, provinciales et territoriales, en matière de logement social en 2013 s élevait à 3,1 milliards $ 19. La part supérieure des P/T du financement aux 464 000 logements est surtout attribuable à l augmentation des dépenses de ces projets à coût partagé assumées par les provinces et les territoires après 1996, période au cours de laquelle la part du fédéral est demeurée inchangée. Même si ce transfert était initialement avantageux pour ceux qui ont signé les ELS, en raison du renouvellement des hypothèques à des taux d intérêt inférieurs, les dépenses (y compris les dépenses de renouvellement des immobilisations des actifs vieillissants) ont depuis augmenté plus que les économies réalisées. 14 La réunion du Conseil de la fédération de 2013 à Niagara. 15 Société d habitation du Québec, La fin des conventions d exploitation entre la Société d habitation du Québec et les organismes gestionnaires de logements sociaux État de situation Été 2013. 16 Rapport 2011 de la vérificatrice générale, chapitre intitulé «Ministère du Développement social - Entente sur le logement social de la SCHL». 17 Hansard, Housing Estimates le 30 mai 2012. 18 Par souci de comparabilité, est inclut ici la part municipale de la subvention auparavant provinciale pour l Ontario seulement. 19 Ce chiffre est en fait plus élevé étant donné que les dépenses municipales (autres que celles de l Ontario) ne sont habituellement pas comptabilisées. Au Québec par exemple, les municipalités consacrent 10 % des déficits d exploitation aux logements publics. 10

3.3.1 Les logements sociaux sont vieillissants Au-delà du réinvestissement afin que les loyers demeurent abordables pour les ménages à faible revenu, les besoins en immobilisations (enveloppe bâtie, améliorations éconergétiques, chaudières, appareils, etc.) des logements sociaux vieillissants sont importants et croissants. Par exemple, la Toronto Community Housing, avec 58 500 ménages à revenu faible et modéré, fait face à une facture de réparations de 2,6 milliards $ au cours de la prochaine décennie. Une crise des réparations frappe actuellement les logements sociaux et sans un investissement gouvernemental maintenant elle continuera de s accentuer. «Le tsunami des frais commence à déferler sur nous», a déclaré Greg Spearn, président et chef de la direction (par intérim) de la Toronto Community Housing. La TCHC a lutté pour bien financer ses réparations en immobilisations depuis le transfert de sa mainmise du provincial au municipal il y a plus d une décennie de cela. L organisme fait face à une situation particulièrement pressante vu que l âge moyen de ses 2 200 immeubles est de 55 ans, et que beaucoup nécessitent des réparations structurales coûteuses pour prolonger leurs durées de vie et s assurer qu ils restent habitables. Si la TCHC n y parvient pas, les résidents devront être retirés de leur logement et les immeubles démolis. «La situation qui nous attend, dès 2016, est que de plus en plus d unités ne seront pas habitables, et que nous devrons déplacer les gens sans [résidence de] substitution», a affirmé M. Spearn. - Extrait de l article «TCHC renews call for Ottawa to boost capital repair backlog», de David Hains, paru dans le Globe and Mail le 11 août 2014. Au sein des programmes à la fois ciblés et non ciblés, il y a différentes allocations concernant le financement des réserves d immobilisations pour les remises en état et les réparations éventuelles. Notablement, le programme ciblé de logements publics, qui compte 205 692 unités de logement social, ne permet pas aux organismes de logements de prévoir un fonds de réserve de remplacement. En lieu et place, les organismes sont autorisés sur une base annuelle à effectuer certaines dépenses, les laissant sans réserves où puiser des fonds après la fin des conventions d exploitation. Les organismes de logements sociaux relevant d autres programmes ont habituellement un petit fonds de réserve d immobilisations qui compensera en partie les coûts de renouvellement des immobilisations. Cependant, ces fonds sont dans bien des cas insuffisants 20 et devront être augmentés par d autres moyens. Collectivement, les provinces et les territoires ont élaboré des estimations de la valeur de remplacement actuelle de la portion du stock qu ils détiennent de logements sociaux à coût partagé (représentant environ 85 % de toutes les habitations sociales hors des réserves). Selon la norme de 2 % du coût de remplacement, l investissement annuel nécessaire pour maintenir le portefeuille P/T existant en bon état a été évalué, en 2013, à 1,36 milliard $... 21 En extrapolant cette estimation sur l ensemble du stock de logements sociaux hors des réserves, on arrive au chiffre de 1,54 milliard $. 3.3.2 Le fardeau changeant des dépenses d habitation Au cours de la dernière décennie, les dépenses d habitation P/T totales ont augmenté de manière importante de 1,7 milliard $ en 2000-2001 à 3,2 milliards $ en 2011-2012. Cela comprend les augmentations susmentionnées des subventions continues, mais exclut les nouveaux engagements à coût partagé en vertu du financement de l ILA / IDLA et du PAEC. 20 Voir Ward, Keith, Un combat de longue haleine : défis et possibilités dans le logement social à l expiration des conventions d exploitation, ACHRU/SSLS, juin 2011. 21 Selon une analyse inédite menée par le groupe de travail provincial/territorial, Focus Consulting Inc., 2013. 11

Les dépenses des P/T, à la fois absolues et relativement à leurs revenus et à leurs capacités fiscales, augmentent, tandis que les dépenses fédérales empruntent la voie contraire malgré deux initiatives temporaires : les Fiducies de logement abordable (1,4 milliard $ en 2006) et la relance économique des dépenses du PAEC (2 milliards $ en 2009-2011). En termes de pourcentage des revenus, les dépenses P/T totales au chapitre du logement ont augmenté de 0,8 % en 2000 à 1,3 % en 2009 (aucune donnée comparable n est disponible après 2009 parce que Statistique Canada revoit l année de base du système des comptes nationaux). Cette augmentation des dépenses provinciales et territoriales, par rapport aux revenus, est importante, surtout dans un contexte de restrictions financières et budgétaires. C est particulièrement le cas des territoires, où les dépenses à titre de pourcentage des revenus (excluant les recettes de transfert) dépassent 7 % dans les T. N.-O. et 13 % au Nunavut 22. Sans un engagement fédéral renouvelé à l égard des habitations sociales, les provinces, les territoires et les municipalités seront confrontés à des choix difficiles entre perdre des logements sociaux essentiels avec les incidences connexes sur la pauvreté et l itinérance ou les subventionner, sans doute au détriment des autres programmes essentiels 23. 3.4 CONCLUSIONS Quelque 544 000 unités de logement social (sauf les habitations dans les réserves) sont toujours régies par des conventions d exploitation. Si le financement aux ménages à faible revenu n est pas renouvelé, jusqu à 365 000 foyers à loyer bas pourraient être perdus, ce qui augmenterait le besoin d habitations dans les collectivités où elles se trouvent. Les coûts d un entretien adéquat des logements sociaux vieillissants n ont pas été bien comptabilisés, ce qui engendrera une crise des réparations à moins d un réinvestissement renouvelé. L ensemble des conventions d exploitation échoira d ici 2040, dont un grand nombre au cours des dix prochaines années. Les provinces, les territoires et les municipalités qui pourraient être prêts à assumer leur part du fardeau n ont pas la capacité financière de répondre aux besoins à eux seuls sans faire face à des pressions fiscales indues. De toute évidence, un nouveau partenariat est nécessaire. 22 Falvo et Pomeroy, Rethinking the Role of Housing in Northern Economic Development, publication inédite, 2012. 23 En Ontario, la législation protège les unités subventionnées en vertu de programmes à coût partagé, mais ne régit pas les programmes fédéraux unilatéraux. Les municipalités n ont pas d obligation contractuelle ni juridique de prolonger la subvention après la fin des conventions, et bon nombre n ont pas la capacité financière de le faire. 12

4 PROCHAINES ÉTAPES En tant que porte-parole national de l ensemble des questions et des solutions liées au logement abordable et à la lutte à l itinérance du Canada, l ACHRU soutient qu un rôle fédéral est essentiel à un système d habitation en santé. Le plan Un logement pour tous, au moyen des trois recommandations énoncées dans la présente section, résume la nature et le coût des mesures requises pour faire en sorte que le secteur du logement social puisse continuer d héberger de manière abordable et en toute sécurité les Canadiens à faible revenu. «Il est sensé que gouvernement fédéral continue de subventionner les projets dont les conventions d exploitation échoient pour plusieurs raisons : premièrement, le coût d exploitation de ces projets est moindre parce que les hypothèques sont entièrement réglées et que les mensualités associées ne font plus partie de l équation de financement; et, deuxièmement, les projets sont déjà établis, hébergeant les familles qui ont besoin de loyers basés sur le revenu. Il en coûtera davantage aux contribuables au cours des années à venir si de nouvelles unités de logement social doivent être construites ou achetées pour satisfaire à la demande en logements abordables et pour remplacer les unités perdues avec l expiration des conventions d exploitation.» James King-Séguin, directeur général, Société de développement autochtone de Sudbury Bien que les recommandations portent sur ce qui est requis en termes d engagement et d investissement du gouvernement fédéral, nous présumons également un rôle provincial / territorial important, qu on résumera au moment de décrire les recommandations spécifiques. Les chapitres précédents ont établi un ensemble de questions pertinentes qui précisent les diverses conséquences de la fin des conventions d exploitation. Au total, 334 000 ménages aux subventions élevées vivent dans des projets où les conventions d exploitation exigent que tous les loyers soient basés sur les revenus des locataires. Ceux-ci sont à risque de perdre leur logement étant donné que les organismes d habitations sociales seront incapables d assumer les frais d exploitation à même les loyers et seront ainsi contraints de les augmenter ou de vendre une partie ou la totalité de leurs unités de logement social. Quelque 31 000 ménages, bénéficiant de subventions, sont confrontés à un avenir incertain. Leurs organismes comptent une mixité de locataires certains qui sont subventionnés et certains qui versent une somme se rapprochant des loyers du marché. Que les logements subventionnés continuent de l être dépendra de la capacité de chaque organisme de compenser à l interne ces subventions très élevées. Vu qu ils ne sont pas très subventionnés ou, en d autres termes, pas tenus d offrir des loyers que leurs locataires sont en mesure de payer, les organismes qui gèrent les 179 000 autres logements seront vraisemblablement autosuffisants et continueront d offrir des logements modérément abordables à leurs collectivités. La majorité des actifs sont vieillissants et exigeront un important investissement dans la réparation, le remplacement et la remise en état des immobilisations (toitures, chaudières, enveloppes bâties, etc.) pour satisfaire aux nouvelles exigences des Codes du bâtiment et demeurer ainsi sécuritaires et rentables. Même si le défi est important, il présente également une occasion notable. Nous pouvons tirer des leçons du passé et faire mieux, pour rendre le logement social plus entrepreneurial, agile et autosuffisant. C est que, une fois les conventions d exploitation échues, les organismes de logements sociaux posséderont des actifs immobiliers libres de dettes et aux frais d exploitation amoindris. Le défi et l occasion consistent à instaurer un environnement réglementaire et financier qui incite les organismes à innover tout en les encourageant à maintenir leur engagement à héberger les Canadiens à faible revenu. 13

4.1 TIRER DES LEÇONS DU PASSÉ, RÉINVENTER L AVENIR On a des acquis importants au fil des ans, grâce aux logements sociaux des habitations stables et abordables pour les Canadiens vulnérables. Pourtant la manière que sont actuellement structurés et financés les logements sociaux, au moyen des conventions d exploitation, a eu des conséquences imprévues. Beaucoup de programmes de logement social ont encouragé l aménagement de petits projets communautaires. Cette formule se voulait en grande partie une réponse à certaines des conséquences négatives des grands projets de logements publics aux États-Unis réalisés à la même époque. Les projets à petite échelle étaient également perçus comme la seule solution chez les collectivités rurales. Cependant, les très petits projets dotés de leurs propres structures de gouvernance et de gestion permettent peu d économies d échelle et limitent les possibilités pour un organisme d habitations sociales de développer son expertise. Un organisme d habitations sociales avec un seul projet ne peut tirer profit des effets de levier qui accompagnent les projets multiples, surtout s ils comprennent un mélange de logements ciblés, non ciblés et mixtes. Par ailleurs, un grand organisme d habitations peut bénéficier d économies d échelle sans avoir la capacité de relever les défis financiers qui se présentent. Les conventions d exploitation trop prescriptives, surtout en termes du lien entre le financement et les logements particuliers, n offrent pas aux organismes de logements sociaux la souplesse leur permettrait de s adapter à des besoins évolutifs. Par exemple, en vertu des conventions d exploitation actuelles, si dans une collectivité donnée, le plus grand besoin en logements a trait aux familles, mais que l on dispose d'unités de type studio au LBR, les organismes de logements sociaux ne peuvent déplacer ces subventions vers les unités plus grandes orientées vers les familles selon une convention d exploitation existante, même si un roulement dans les unités de type studio survient. Établir les loyers selon le revenu d un ménage, comme l exigent de nombreuses conventions d exploitation, assure l abordabilité des logements, mais cela risque d être un facteur de dissuasion à l emploi. Chez les résidents des habitations sociales qui ne sont pas aptes au travail, des loyers liés au revenu, par exemple, sont garants de l abordabilité. Mais pour les autres, le caractère dissuasif d une structure de loyers indexés sur le revenu peut avoir une incidence sur les choix qu ils feraient par ailleurs touchant l emploi. Il existe des moyens moins grossiers qui peuvent être mis à profit pour assurer l abordabilité des logements chez ceux à faible revenu, tout en fournissant des incitatifs pour encourager l emploi, le cas échéant. Le souhait de faire en sorte qu on aide le plus grand nombre possible de familles à faible revenu en matière de logements sociaux signifie que, dans bien des cas, il y a eu peu de mixité des revenus c est-à-dire les 334 000 ménages à faible revenu vivant dans des logements ciblés. Au-delà des avantages communautaires d un environnement à revenus mixtes qui manquent dans les logements sociaux ciblés 24, cela signifie également que les nombreux organismes de logements sociaux qui ont des projets entièrement ciblés ne sont pas organisés pour être autosuffisants. Ils n ont pas la base financière plus stable qui accompagne une mixité de loyers au marché (ou avoisinants ceux du marché) et de loyers subventionnés, et donc, à moins que cette structure ne soit modifiée, ils auront toujours besoin d un financement gouvernemental. 24 Tel qu abordé dans «Effects from Living in Mixed-Income Communities for Low-Income Families» (2010) produit par l Urban Institute, consulté à http://www.urban.org/uploadedpdf/412292-effectsfrom-living.pdf. 14

Dressant le bilan de ces leçons, les recommandations spécifiques, prônant le réinvestissement dans les logements sociaux, résumées dans le présent mémoire adoptent une nouvelle stratégie, tant en termes de la souplesse qu elles offrent en matière de mélange des revenus et de subventions aux loyers pas nécessairement axés sur le revenu, qu en termes de la démarcation entre le financement et les actifs en habitations sociales. On offrira également du soutien aux organismes de logements sociaux, surtout les petits, qui souhaitent étudier et adopter des solutions aux défis auxquels ils sont confrontés à cause de leur taille, y compris par le truchement de partenariats et de fusions. 4.2 RECONNAÎTRE LES BESOINS D HABITATION DISTINCTS Certains programmes de logement social sont tenus de servir les groupes de population particulièrement vulnérables dont les besoins d habitation ne sont pas actuellement comblés. Ces groupes comprennent les particuliers et les familles autochtones hors des réserves. D autres programmes ciblent les personnes qui présentent des défis de santé mentale ou d autres déficiences et qui ont besoin de soutiens particuliers. Les logements sociaux dans les territoires méritent également une mention particulière puisqu ils représentent une forte proportion de tous les logements locatifs, qui sont déjà surpeuplés et coûteux. Ces trois groupes de population nécessitent une considération spéciale dans la reformulation de l investissement dans le logement social. 4.2.1 Les logements pour les Autochtones hors des réserves L ACHRU est d avis que le gouvernement fédéral doit effectuer une contribution importante et durable à l amélioration des habitations pour particuliers et familles autochtones, en partenariat avec les organismes autochtones, à la fois dans les réserves et hors des réserves. Les Autochtones qui vivent à la fois dans les réserves et hors de celles-ci demeurent parmi les personnes les moins bien logées au Canada. Selon le recensement de 2006, environ un ménage autochtone sur cinq (20,4 %) avait un besoin impérieux de logement 25, ce qui constitue un taux très supérieur à celui constaté chez la population en général (12,4 %) 26. Pour ces motifs, notamment, les personnes autochtones sont plus probables que les autres Canadiens à se retrouver sans abri 27. Tandis que le gouvernement fédéral a continué de subventionner de nouvelles habitations dans les réserves, il a délaissé le financement des logements pour la majorité des personnes autochtones 28 qui vivent hors des réserves, mis à part le Fonds de fiducie en matière de logements pour les populations autochtones en 2006 (300 millions $). Dans les projets de logements sociaux existants orientés vers les familles autochtones, le financement échoit déjà, ce qui laisse de nombreuses familles à faible revenu sans aucun soutien et les organismes dans une situation très fâcheuse. 25 Un ménage est réputé avoir des besoins impérieux de logement si son hébergement ne répond pas à au moins une des normes d acceptabilité (qualité, taille et abordabilité) et si 30 % de son revenu total avant impôt serait insuffisant pour payer le loyer médian des logements acceptables (répondant aux trois normes d'occupation) situés dans sa localité.. 26 On a utilisé les données de 2006 vu que la SCHL n a pas encore produit de nouvelles estimations fondées sur l Enquête nationale auprès des ménages de 2011 16 Rapport 2011 de la vérificatrice générale, chapitre intitulé «Ministère du Développement social - Entente sur le logement social de la SCHL». 27 Selon nos calculs, l itinérance [autochtone] est stupéfiante : au cours d une nuit donnée, 6,97 % de la population autochtone en milieu urbain au Canada est sans-abri, à comparer à une moyenne nationale de 0,78 %. Belanger, Awosoga, Head, Université de Calgary, vol. 2, no 2, 2013. 28 Parmi la population autochtone qui a répondu au Recensement, seulement 26 % vivent dans les réserves. 15

«Les subventions nous permettent d offrir des loyers abordables et du soutien aux locataires. Lorsqu ils arrivent en milieu urbain, bon nombre d Autochtones ont besoin d une aide particulière pour effectuer une transition réussie. Les nouveaux arrivants doivent apprendre comment s y retrouver dans la ville, comment conserver leurs baux, comment contacter les groupes autochtones et comment accéder aux services. Si les logements sociaux disparaissent, où aboutiront ces locataires, où vont-ils vivre? Cet enjeu social prendra des proportions astronomiques.» John Abramowich, gestionnaire du Logement, Société de développement autochtone de Thunder Bay (qui héberge 239 familles autochtones à faible revenu) Les logements dans les réserves ne font pas l objet du présent rapport. Cependant, bien que la SCHL continue de subventionner des unités supplémentaires, elles sont nettement insuffisantes. Il est tout aussi nébuleux ce que le gouvernement fédéral fera lorsque les conventions d exploitation dans les réserves prendront fin. Le surpeuplement et la piètre qualité des logements sont des problèmes persistants. Les Premières Nations énoncent de nouvelles stratégies qui rejettent les programmes hiérarchiques du passé et qui, en quelque sorte, ressemblent à ceux que l on propose ici. 29 4.2.2 Les logements supervisés Au sens large, les logements supervisés fournissent une combinaison d hébergements et de services qui aident les personnes particulièrement vulnérables à vivre des vies plus stables et plus saines. Les personnes hébergées dans les logements supervisés comprennent souvent ceux confrontés à des défis de santé mentale, à la toxicomanie et aux limitations physiques ou cognitives. Les frais associés aux logements supervisés peuvent être supérieurs à ceux de l hébergement de la population à faible revenu d ensemble parce que les projets sont de taille réduite et à plus forte intensité en main-d œuvre et parce qu ils demandent parfois des adaptations (coûteuses) pour répondre aux besoins de leurs occupants. 4.2.3 Les logements dans les territoires Au Canada, au nord du 60e parallèle, les défis sont significatifs; le logement coûte de trois à cinq fois plus cher à construire que dans le sud, les frais d exploitation sont jusqu à dix fois ceux enregistrés dans le sud, la construction prend plus de temps à réaliser et la croissance de la population est supérieure, ce qui mène à un grave problème de surpeuplement. Le gouvernement fédéral a un rôle distinct à jouer quant aux territoires, ainsi qu une capacité fiscale qui dépasse largement la leur. Les collectivités nordiques ne peuvent se permettre de perdre quelque logement social que ce soit, d autant plus qu ils représentent une si grande proportion des habitations locatives disponibles. Figure 3: Logements sociaux dans les territoires 29 La résolution n o 83/2011, Faire du logement une priorité nationale, s inscrit dans les résolutions précédentes qui demandaient de reconnaître la capacité des gouvernements des Premières Nations de gérer et contrôler les programmes de logement et d infrastructures d un conseil tribal, d une organisation visée par un traité ou d un organisme provincial ou territorial 30 L Observateur du logement au Canada 2013. 31 Statistiques du logement au Canada, Tableau 43, 2012. 16