Épilepsie évolutive du nourrisson : comment la classer?

Documents pareils
7- Les Antiépileptiques

CONVULSIONS DE L ENFANT Item 190 JP. CARRIERE

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

JEU VIDEO : UN NOUVEAU COMPAGNON par Colette KELLER-DIDIER

Migraine et Abus de Médicaments

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)

Peut-on reconnaître une tumeur de bas-grade en imagerie conventionnelle? S. Foscolo, L. Taillandier, E. Schmitt, A.S. Rivierre, S. Bracard, CHU NANCY

Info. Ligue contre l Epilepsie. Epilepsie. Qu est-ce que c est une crise épileptique ou une épilepsie?

Ce qu il faut savoir sur l épilepsie.

MÉDICAMENTS CONTENANT DU VALPROATE ET DÉRIVÉS


Céphalées vues aux Urgences. Dominique VALADE Centre d Urgence des Céphalées Hôpital Lariboisière PARIS

Classifier le handicap épileptique avec ou sans autres déficiences associées. Réponses médico-sociales.

Spondylarthropathies : diagnostic, place des anti-tnf et surveillance par le généraliste. Pr P. Claudepierre CHU Henri Mondor - Créteil

TRAUMATISME CRANIEN DE L ENFANT : conduite à tenir?

INTERET DE LA SEQUENCE 3D ASL (ARTERIAL SPIN LABELING) CHEZ L ENFANT PRESENTANT UN DEFICIT NEUROLOGIQUE AIGU

L agénésie isolée du corps calleux

La prise en charge de votre épilepsie

Céphalées de tension. Hélène Massiou Hôpital Lariboisière, Paris

Déficit neurologique récent. Dr N. Landragin CCA Neuro

Les mécanismes de la récupération neurologique. PPradat-Diehl DU de Rehabilitation neuropsychologique 2007

neurogénétique Structures sensibles du crâne 11/02/10 Classification internationale des céphalées:2004

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Le logiciel EduAnatomist.

IMMED Monitoring vidéo porté

Autisme Questions/Réponses

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

Un nouveau point en neurologie, épilepsies et sclérose en plaques. SCOR inform - Avril 2014

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Exemple de prise en charge psychomotrice d un trouble de la posture et de l équilibre chez une enfant atteinte de déficience mentale et d épilepsie

Champ 9 états de mal épileptiques non convulsifs Nonconvulsive status epilepticus

compaction ventriculaire gauche sur la fonction ventriculaire chez l adulte

La migraine : une maladie qui se traite

Service d Urologie - Hôpital de la Conception - APHM. 2. Service de Gynécologie Obstétrique - Hôpital de la Conception - APHM. 3

LES CEPHALEES I- INTRODUCTION

Les différentes maladies du coeur

THÈSE POUR LE DIPLÔME D ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE

Recommandation Pour La Pratique Clinique

Sommeil, fatigue au volant et jeunes conducteurs

PLAC E DE L AN ALYS E TOXIC OLOG IQUE EN URGE NCE HOSP ITALI ERE

Que représentent les Spondyloarthrites Axiales Non Radiographiques? Pascal Claudepierre CHU Mondor - Créteil

Fonctionnement neural et troubles cognitifs chez le patient bipolaire: preuve ou surinterprétation

INSUFFISANCE CARDIAQUE «AU FIL DES ANNEES»

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Délivrance de l information à la personne sur son état de santé

Communiqué de presse. Merck Serono. 18 septembre 2008

Le cavernome cérébral

Le traitement du paludisme d importation de l enfant est une urgence

Exercices de génétique classique partie II

L ANGINE. A Epidémiologie :

INFORMATION À DESTINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ LE DON DU VIVANT

mal de tête d installation subite 12/10 Éliminer une céphalée secondaire

Laurence LEGOUT, Michel VALETTE, Henri MIGAUD, Luc DUBREUIL, Yazdan YAZDANPANAH et Eric SENNEVILLE

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 1 er octobre 2008

QU EST-CE QUE LA PROPHYLAXIE?

Marquage CE et dispositifs médicaux

Céphalées. 1- Mise au point sur la migraine 2- Quand s inquiéter face à une céphalée. APP du DENAISIS

Fibrillation atriale chez le sujet âgé

Le Modèle Conceptuel de Virginia Henderson. P. Bordieu (2007)

Place et conditions de réalisation de la polysomnographie et de la polygraphie respiratoire dans les troubles du sommeil

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

LE DÉVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR DU NOURRISSON ET JEUNE ENFANT 0-6 ANS

Décrire le handicap créé par une épilepsie

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

La transplantation rénale avec donneur vivant Aspects particuliers dans le cadre des maladies rénales transmises génétiquement

Place de la PSP et des AMS. «Parkinson plus!» Ce qui doit alerter. Paralysie supra-nucléaire progressive (PSP) Ce qui doit alerter

Le bilan neuropsychologique du trouble de l attention. Ania MIRET Montluçon le

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

Epilepsies : Parents, enseignants, comment accompagner l enfant pour éviter l échec scolaire?

TITRE : «Information et consentement du patient en réadaptation cardiovasculaire»

Échographie normale et pathologique du grand pectoral

Marseille 21 > 23. Novembre

La maladie de Stargardt

Quoi de neuf dans la prise en charge du psoriasis?

MIGRAINES. Diagnostic. A rechercher aussi. Critères IHS de la migraine. Type d aura. Particularités chez l enfant. Paraclinique.

FONDATION FRANCAISE POUR LA RECHERCHE SUR L EPILEPSIE DOSSIER DE PRESSE

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

«Tout le monde devrait faire une psychothérapie.»

Les tests génétiques à des fins médicales

Plan. Introduction. Les Nouveaux Anticoagulants Oraux et le sujet âgé. Audit de prescription au Centre Hospitalier Geriatrique du Mont d Or

Apport de la TDM dans les cellulites cervico-faciales

Thérapeutique anti-vhc et travail maritime. O. Farret HIA Bégin

Foscolo (1), J Felblinger (2), S Bracard (1) CHU Hôpital central, service de neuroradiologie, Nancy (1) CHU BRABOIS, Centre d investigation clinique

L épilepsie en classe Questions, réponses et information

Carte de soins et d urgence

OSSIFICATION DU LIGAMENT VERTEBRAL COMMUN POSTERIEUR ET DU LIGT JAUNE: MYELOPATHIE CERVICALE SUBAIGUE

Lombalgie inflammatoire. François Couture Rhumatologue Hôpital Maisonneuve Rosemont Avril 2010

Qu avez-vous appris pendant cet exposé?

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

Cancers de l hypopharynx

admission aux urgences

Trouble bipolaire en milieu professionnel: Du diagnostic précoce àla prise en charge spécialisée

L infarctus veineux hémorragique (IVH) du nouveau-né, une pathologie mal connue. À propos de 19 patients.

MINISTERE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES DIRECTION GENERALE DE LA SANTE- DDASS DE SEINE MARITIME

Marche normale et marche pathologique

LA LOMBALGIE CHRONIQUE : Facteurs de risque, diagnostic, prise en charge thérapeutique

Service évaluation des actes professionnels

Diagnostiquer et traiter une céphalée récurrente de l'enfant

Le diagnostic de Spondylarthrite Ankylosante? Pr Erick Legrand, Service de Rhumatologie, CHU Angers

Transcription:

Cas clinique Cas clinique Épilepsies 2008 ; 20 (1) : 51-6 Épilepsie évolutive du nourrisson : comment la classer? Epilepsy changing from infancy to adolescence : how to classify it? Hela Mrabet, Nadia Ben Ali, Amel Mrabet Service Neurologie, EPS Charles Nicolle, Boulevard 9 avril, Tunis 1006, Tunisie <helamrabet@yahoo.com> <charlotte.dravet@free.fr> doi: 10.1684/epi.2007.0140 Tirés à part : H. Mrabet Mots clés : épilepsie focale, épilepsie cryptogénique, enfant, pharmacorésistance, déficit cognitif Key words: focal epilepsy, cryptogenic epilepsy, child, pharmacoresistency, cognitive deficit Une fille, âgée de 11 ans, est adressée en consultation d épileptologie pour équilibration d une épilepsie pharmacorésistante. Cette patiente, née d une grossesse menée à terme sans incidents, a présenté une convulsion fébrile simple à l âge de 8 mois. Dans ses antécédents familiaux, sa soeur, âgée de 8 ans, est suivie pour une épilepsie partielle pharmacosensible symptomatique d une sclérose hippocampique gauche. L histoire de la maladie est complexe, les premières crises ont débuté à l âge de 20 mois : la patiente a présenté selon les parents, dans un contexte apyrétique, des crises pluriquotidiennes faites de rupture de contact et d une fixité du regard durant 5 minutes. Un EEG n a pas été pratiqué. Elle a été mise par son pédiatre traitant sous phénobarbital avec une bonne réponse thérapeutique. La famille a arrêté le traitement à l âge de 2 ans et demi devant l absence de récidive des crises. A l âge de 3 ans, l enfant a présenté des crises faites de contractions toniques hémicorporelles à bascule, tantôt droites tantôt gauches, avec parfois une généralisation secondaire. Ces crises, exclusivement morphéiques, survenaient à la fréquence d une tous les deux jours. Depuis cette date, les parents décrivent une régression intellectuelle. Le valproate de sodium (VPA) a été alors introduit à la dose de 20 mg/kg/j en monothérapie, puis associé à l âge de 7 ans devant la persistance des crises à la carbamazépine (CBZ) à la dose de 20 mg/kg/j. Une disparition temporaire des crises a été observée. Trois mois plus tard, les crises toniques hémicorporelles surtout du côté gauche, récidivent, associées à des crises atoniques quotidiennes. L examen neurologique et somatique était normal, mais il existait un retard mental important. L EEG de veille montrait un ralentissement hémisphérique antérieur gauche et des anomalies paroxystiques à type de pointes gauches, diffusant lors de l hyperpnée (figures 1, 2). Le bilan métabolique était normal de même que l IRM cérébrale. A l arrêt de la CBZ, les crises atoniques ont disparu mais la patiente a continué à présenter des crises mensuelles toniques surtout gauches malgré l augmentation du VPA à 30 mg/kg/j. A l âge de 9 ans, se surajoutent des crises partielles simples sensitives (une crise tous les 10 jours) faites d épisodes paroxystiques brefs (< 2 minutes) de chaleur ascendante de la main gauche, associée à une cyanose du visage et une asthénie post critique. A l âge de 10 ans, des crises d un autre type se surajoutent à ce tableau : crises quotidiennes à type d adversion conjuguée de la tête et des yeux à gauche. La lamotrigine (LTG) est alors introduite en association au VPA. A l âge de 11 ans, devant la survenue de crises motrices quotidiennes de l hémiface gauche, une trithérapie est alors instaurée (VPA + LTG + clobazam). L EEG montrait des polypointes, des pointes ondes et des pointes à 51 Épilepsies, vol. 20, n 1, janvier, février, mars 2008

H. Mrabet, et al. Figure 1. Montage IIA (8 gauches, 8 droites). Ralentissement hémisphérique antérieur et moyen gauche et pointes gauches. Figure 2. Montage IIA, HPN (8 gauches, 8 droites). Ralentissement hémisphérique antérieur et moyen gauche et diffusion bilatérale des pointes toujours prédominantes à gauche. Épilepsies, vol. 20, n 1, janvier, février, mars 2008 52

Épilepsie évolutive du nourrisson : comment la classer? Figure 3. Montage IIA (8 gauches, 8 droites), HPN. Anomalies à type de pointes ondes hémisphériques droites. prédominance droite (figure 3). Le PET scan était sans anomalies. L histoire clinique est résumée sur le tableau 1. Quels diagnostics évoquez-vous? Questions : Charlotte Dravet (Marseille) 1) Pouvez-vous donner quelques détails sur l épilepsie de la jeune sœur : convulsion fébrile d abord, âge de début des crises, type des crises, développement psychomoteur, niveau cognitif, médicament efficace? 2) La convulsion fébrile de l enfant est qualifiée de simple. Savez-vous si elle a été latéralisée et de quel côté? 3) Comment était le développement psychomoteur entre 8 mois et 3 ans, âge de la récidive des crises? 4) N y a-t-il pas eu un facteur déclenchant pour la récidive des crises? 5) Quelle a été l évolution entre 3 ans et 7 ans : fréquence des crises, développement psychomoteur et cognitif, tracés EEG? 6) Description des crises dites «atoniques»? Vous savez combien il est difficile d établir un diagnostic de ce type de crise et quelle est leur rareté. Les chutes peuvent être dues aussi bien à un phénomène atonique qu à un phénomène myoclonique, ou tonique, ou à la combinaison de ces phénomènes. 7) Pourriez-vous donner des précisions sur la technique de l IRM, pratiquée à l âge de 7 ans et en fournir des images? 8) N y a-t-il jamais eu de tracé EEG pendant le sommeil, ni d enregistrement des crises? 9) Quelle est précisément la situation actuelle : un seul type de crises (hémiface gauche)? ou plusieurs? Nocturnes ou diurnes? Niveau cognitif? Troubles du comportement et de la personnalité? Scolarité? Réponses : Hela Mrabet 1) La jeune soeur présente une épilepsie partielle complexe symptomatique d une sclérose hippocampique gauche évoluant depuis l âge de 2 ans bien équilibrée sous carbamazépine. 53 Épilepsies, vol. 20, n 1, janvier, février, mars 2008

H. Mrabet, et al. Tableau 1. Histoire clinique Absence atypique Crises toniques hémicorporelles Régression intellectuelle Crises toniques surtout gauches Crises atoniques Crises partielles sensitives Adversion tête et yeux gauche Crises motrices hémiface gauche RAS 20 mois 3 ans 7 ans 9 ans 10 ans 11 ans I II 1/ IV 1 Par ailleurs, le développement psychomoteur est normal et il n existe pas de troubles cognitifs 2) La patiente a présenté une convulsion fébrile simple à l âge de 8 mois non latéralisée. 3) Le développement psychomoteur était normal entre 8 mois et 3 ans (station assise à 7 mois, premiers mots à 8 mois, marche à 1 an...). Les crises ont récidivé à l âge de 20 mois. 4) Aucun facteur déclenchant n a été trouvé. 5) A l âge de 3 ans, réapparition des crises de type morphéique (crises toniques hémicorporelles avec parfois généralisation secondaire) à la fréquence de 1 crise/2 jours. Depuis cette date, la famille décrit une régression intellectuelle. A l âge de 7 ans, persistance des mêmes crises associées à des crises atoniques pluriquotidiennes. L EEG de veille montrait un ralentissement hémisphérique antérieur gauche et des anomalies paroxystiques à type de pointes gauches, diffusant à l hyperpnée. 2 1 Arbre généalogique Famille D 2 3 6) Il s agit de crises atoniques avec chute de la nuque et des membres, sans phénomène myoclonique ou tonique associé. Elles sont pluriquotidiennes durant moins d une minute. 7) L encéphale a été exploré par des coupes axiales et sagittales en séquences pondérées T1, T2, IR T1 et T2 (inversion récupération), flash 2d ; des coupes coronales passant perpendiculairement aux hippocampes en TSE T2, IR T2 et IRT1. L IRM est normale. 8) Un EEG de sommeil a été effectué en octobre 2006 et a montré un tracé trés altéré comportant des anomalies paroxystiques à type de pointe-ondes hémisphériques droites qui sont majorées par le sommeil où elles deviennent généralisées. Nous avons enregistré en vidéo-eeg les crises motrices de l hémiface gauche. 9) Actuellement, elle fait des crises partielles motrices de l hémiface gauche presque quotidiennes, des crises avec déviation 4 Épilepsies, vol. 20, n 1, janvier, février, mars 2008 54

Épilepsie évolutive du nourrisson : comment la classer? conjuguée de la tête et des yeux ainsi que des crises à type d absences. Sur le plan cognitif, elle présente une intelligence faible (QI = 80) avec altération de l attention, des stratégies de récupération et des fonctions exécutives. Discussion : Charlotte Dravet (Marseille) La réponse à la question du diagnostic chez cette enfant n est pas facile en raison de l absence de certains éléments d appréciation, en particulier d une caractérisation précise des crises. Nous ne reprenons pas l histoire mais nous la complétons au fur et à mesure. 1) Jusqu à l âge de 3 ans, cette histoire de l enfant, que nous appellerons F., puisque c est une fille, semble banale. Elle pourrait présenter une épilepsie temporale post-crise fébrile (CF) bien que l on n ait ni EEG ni autre examen. En effet, les «absences» sont de longue durée (5 min), si l on peut se fier à la seule description de la famille, et pourraient correspondre à des crises focales «dialeptiques» c est-à-dire constituées seulement par un trouble de la conscience (Bautista et Lüders, 2000). Celles-ci peuvent avoir une origine frontale, mais elles sont alors de brève durée alors que leur durée est plus longue dans les crises temporales. 2) A partir de 3 ans, la situation se complique. Les crises sont alors décrites comme «contractions toniques hémicorporelles à bascule, tantôt droites tantôt gauches, avec parfois généralisation secondaire». Cette description peut évoquer des crises toniques axiales unilatérales dans le cadre d une épilepsie généralisée, en raison de la variabilité du côté, ou des crises focales d origine frontale (aire motrice suplémentaire, Kellinghaus et Lüders, 2004 ). Elles vont s accompagner d une «régression intellectuelle», qui n est pas documentée. Etant donné le niveau cognitif mesuré ultérieurement dans les limites de la normale (QI égal à 80), il pourrait s agir soit d une régression transitoire, suivie d une récupération ultérieure, soit d un simple ralentissement. L on ne sait rien ni de l évolution, ni du contexte, ni de la personnalité. Les types de crises décrits par la suite ne sont pas non plus documentés. Sont mentionnées : à 7 ans, des crises atoniques, avec «chute de la nuque et des membres, sans phénomène myoclonique ou tonique associé, de durée < 1 min,pluriquotidiennes», non enregistrées. On connaît la difficulté à affirmer le diagnostic de crises purement atoniques et elles pourraient aussi avoir une origine focale. Elles ne peuvent pas être iatrogènes, dues à la carbamazépine (CBZ), puisqu elles sont apparues avant son introduction dans le traitement. Mais, ne pourraient-elles pas être psychogènes? À 9 ans, des crises «partielles simples sensitives avec chaleur ascendante dans la main gauche, cyanose du visage, de durée < à 2 min, suivies d asthénie, à la fréquence de 1/10 j environ», non enregistrées, transitoirement contrôlées par la CBZ ; à10ans, des«crises quotidiennes à type d adversion conjuguée de la tête et des yeux à gauche se surajoutent», non enregistrées ; à11ans, enfin,«survenue de crises motrices quotidiennes de l hémiface gauche». Seules ces dernières ont pu être enregistrées en vidéo-eeg mais nous n avons pas pu examiner la vidéo. Elles sont décrites comme «étant une contraction avec mouvements cloniques de l hémiface gauche», sans que le niveau de conscience soit précisé. Les EEG ont montré d abord (à 7 ans?) des anomalies gauches, à type de pointes moyennes et postérieures et d ondes lentes postérieures (figure 1), associées à des ondes lentes plus diffuses pendant l hyperpnée (figure 2), avant de montrer des anomalies droites (figure 3). Ceci est surprenant. Sur les tracés les plus récents (11 ans, figure 4), il persiste des activités lentes sur l hémisphère gauche, à prédominance postérieure. Les anomalies droites sont représentées par des bouffées de pointes fronto-centrales droites. La crise enregistrée est ellemême constituée par une bouffée de pointe-ondes à 3,5-3 c/s, durant 7 secondes, hémisphériques droites, dont l expression est prédominante sur les régions centrales et vertex. Elle évoque une «hémi-absence», qui pourrait être frontale. S agirait-il donc d une épilepsie multifocale? Peut-être. Cependant, même si la plupart des auteurs indiquent une bonne correspondance entre la topographie des anomalies EEG et celle de la zone épileptogène, nous n avons pas la même expérience dans les épilepsies cryptogéniques de l enfant. En étudiant leur évolution dans le temps, nous avons observé que les tracés EEG ne sont pas toujours indicatifs, au début, de la topographie de la zone épileptogène (Dravet et al., 1989, Battaglia et al., 1998). Chez F., le tracé de sommeil d octobre 2006 ne fait pas apparaître d anomalies controlatérales. De plus, on ne sait pas combien de tracés ont été pratiqués et quelle a été l évolution des anomalies au cours de l évolution. Mais la sémiologie actuelle plaide pour une origine sur l hémisphère droit, probablement dans le lobe frontal. Après une période libre de crises sous phénobarbital, cette épilepsie s est montrée pharmacorésistante (valproate, CBZ, lamotrigine). 3) L enfant n a pas d antécédent pathologique personnel, l examen clinique est normal et le bilan étiologique est toujours resté négatif : IRM, bilan métabolique, PET scan. Notons que l IRM a été pratiquée dans de bonnes conditions techniques : «coupes axiales et sagittales en séquences pondérées T1, T2, IR T1 et T2 (inversion récupération), flash 2d ; coupes coronales passant perpendiculairement aux hippocampes en TSE T2, IR T2 et IR T1.». Cependant, nous n avons pas pu examiner les clichés. Il s agit donc d une épilepsie cryptogénique. A ce stade, il faut évidemment prendre en compte les antécédents familiaux. Les parents de F. sont cousins germains (cf. arbre généalogique). La sœur de F. «âgée de 8 ans est suivie pour épilepsie partielle pharmacosensible, symptomatique d une sclérose hippocampique gauche». Elle n a pas eu de CF. Les crises sont apparues à l âge de 2 ans et sont bien contrôlées par la CBZ. Son développement psychomoteur a été normal et elle n a pas de trouble cognitif. On ne sait pas comment sont ses tracés EEG. Il ne semble pas y avoir d autre membre de la famille atteint d épilepsie ou de CF. Ainsi, une épilepsie familiale avec foyers variables (frontal chez F, temporal chez sa sœur) pourrait être évoquée (Berkovic et al., 2004). Cependant, l existence de CF, la variabilité des crises chez le même sujet, l existence d une sclérose hippocampique n ont pas été décrites dans ce syndrome dont, en outre, la 55 Épilepsies, vol. 20, n 1, janvier, février, mars 2008

H. Mrabet, et al. Figure 4. Montage HA (8 droites, 8 gauches). A droite, crise enregistrée à l âge de 9 ans : bouffée de pointes ondes rythmiques, à 3 c/s, intéressant l hémisphère droit et le vertex. Persistance des activités lentes intercritiques sur l hémisphère gauche. transmission est autosomique dominante. La consanguinité pourrait-elle avoir modifié l expression d une telle épilepsie? Je n ai pas trouvé d éléments permettant de le penser dans la littérature. Si les deux sœurs avaient une épilepsie temporale, une épilepsie temporale familiale pourrait être envisagée (Picard et Scheffer, 2005), mais cette hypothèse est peu probable du fait que l épilepsie de F. est plus probablement frontale et celle de sa sœur plus probablement temporale, la sclérose hippocampique n étant présente que chez cette dernière. De plus, la transmission est également autosomique dominante. En conclusion, le diagnostic reste incertain, mais celui d une épilepsie focale, frontale droite, pour le moment cryptogénique, reste possible. Sachant que les épilepsies cryptogéniques sont celles dont la cause est inconnue mais doit toujours être recherchée, et sachant que la mise en évidence de certaines lésions dysplasiques reste très difficile, il est nécessaire ici de pratiquer une nouvelle IRM avec les techniques les plus récentes (notamment en 3D) permettant de mettre en évidence une éventuelle lésion dysplasique. M Références Battaglia D, Dravet C, Gélisse P, Pinto P, Bureau M, Genton P. Pronostic des épilepsies partielles non idiopathiques chez l enfant de moins de six ans. In : Bureau M, Kahane P, Munari C, eds. Épilepsies partielles graves pharmaco-résistantes de l enfant : stratégies diagnostiques et traitements chirurgicaux. Montrouge : John Libbey Eurotext, 1998 : 55-66. Bautista JF, Lüders HO. Semiological seizure classification : relevance to pediatric epilepsy. Epileptic Disord 2000 ; 2 : 65-73. Berkovic SF, Serratosa JM, Phillips HA, et al. Familial partial epilepsy with variable foci : clinical features and linkage to chromosome 22q12. Epilepsia 2004 ; 45 : 1054-60. Dravet C, Catani C, Bureau M, Roger J. Partial epilepsies in infancy : a study of 40 cases. Epilepsia 1989 ; 30 : 807-12. Kellinghaus C, Lüders HO. Frontal lobe epilepsy. Epileptic Disord 2004 ; 6 : 223-39. Picard F, Scheffer IE. Syndromes épileptiques génétiques récemment définis. In : Roger J, Bureau M, Dravet C, Genton P, Tassinari CA, Wolf P, eds. Les syndromes épileptiques de l enfant et de l adolescent (4 e éd). Montrouge : John Libbey Eurotext Ltd, 2005 : 519-36. Épilepsies, vol. 20, n 1, janvier, février, mars 2008 56