Le Bulletin du 21/10/2009 www.a2l.dz Juillet 2006 n 8 Utilisation des techniques d imagerie médicale dans le diagnostic étiologique des céphalées Professeur Lounes MEDJEK Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 1
A/. INTRODUCTION La céphalée est la cause la plus fréquente des consultations en médecine générale et dans les services d urgence. Elle représente 15% des admissions pour une symptomatologie neurologique. Sur le plan physiopathologique les structures anatomiques impliquées dans la céphalée sont ; les vaisseaux et les méninges. La multiplicité des étiologies des céphalées fait que le diagnostic est extrêmement difficile. Selon la classification de l International Headache Society (IHS) la céphalée peut être : - primaire, représentée par les migraines ou par les céphalées apparentées (tension musculaire et douleur d origine vasculaire). - Secondaire d origine :. Extra neurologique. Neurologique (hémorragie méningée, parenchymateuse, processus inflammatoire ou infectieux, ischémiques ou thrombotiques).ce type de céphalées doit être pris en charge en urgence car souvent, elle engage le pronostic vital. B/. QUEL TYPE DE CEPHALEE FAUT-IL PRENDRE EN CHARGE EN IMAGERIE MEDICALE? Plus de 90% des céphalées primaires sont représentées par les migraines. Si les caractéristiques d une céphalée correspondent à la migraine selon les critères de l IHS et que l examen neurologique est normal, il n est absolument pas nécessaire de pratiquer des examens d Imagerie Médicale. Le diagnostic demeure exclusivement clinique. Critères IHS de la migraine A. 5 crises répondant aux critères B à D B. Crises durant 4 à 72 heures (sans traitement). C. Céphalées ayant au moins deux des caractères suivants : - unilatéralité - pulsatile - modérée ou sévère - aggravation par les activités physiques de routine D. Durant les céphalées au moins l un des caractères suivants - nausées et/ou vomissements - photophobie et phonophobie C. L examen clinique doit être normal entre les crises Les céphalées secondaires d origine neurologique doivent être prises en charge en Imagerie Médicale dans le cadre de l urgence. L origine vasculaire représente plus de 5% des cas. L interrogatoire du patient à la recherche d antécédents pathologiques, associé à l examen clinique, vont permettre d orienter vers des signes d alerte qui feront suspecter des céphalées secondaires liées à des lésions focales. Signes d alerte Age supérieur à 50 ans Pathologie évolutive : néoplasie, VIH Contexte de survenue : accouchement, ponction lombaire, traumatisme. Céphalée d effort, au changement de position de la tête, nocturne et matinale. Céphalée récente d installation brutale Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 2
Céphalée récente d installation rapidement progressive Céphalée inhabituelle (modifiée ou aggravée) chez un céphalalgique connu Céphalée accompagnée d une altération de l état général, fièvre ou signes neurologiques focaux. Dans ce tableau on remarque quatre grands critères : - L âge est un critère important. En effet après 60 ans 15% des céphalées sont secondaires. - Le mode de survenue brutal - Le profil évolutif (rapidement progressif ou inhabituel). - Le contexte de survenue. Dans les céphalées quatre grands modes d installation sont à individualiser : Céphalées d installation brutale Céphalées d installation rapidement progressive Céphalées anciennes à expression paroxystique récidivante. Céphalées anciennes à expression continue Elles constituent des urgences vitales qu il faut explorer en imagerie médicale. Elles sont les plus fréquemment rencontrées. Elle ne nécessite pas d exploration en imagerie. On peut conclure en disant qu une céphalée primaire d allure migraineuse dont les critères ne correspondent pas à ceux de l IHS ou si des anomalies neurologiques sont autres que ceux d une aura migraineuse, doit être considérée comme symptomatique et nécessite une exploration d urgence en imagerie. Le schéma se résume en quatre tableaux : - Céphalées récentes brusques - Céphalées récentes sur quelques jours ou quelques semaines - Céphalées chroniques modifiées ou aggravées. - Céphalées accompagnées (fièvre, signes neurologiques focaux et altération de l état général). C/. COMMENT PRENDRE EN CHARGE EN IMAGERIE MEDICALE LES CEPHALEES SYMPTOMATIQUES. C-I/. Céphalées d apparition brutale Elles sont l apanage des hémorragies sous arachnoïdiennes mais d autres étiologies peuvent aussi se manifester par ce type de céphalées (dissection artérielles des artères cervicales, encéphalopathies hypertensives, thrombose veineuse cérébrale, méningite etc.). C-I-1/. Hémorragies sous arachnoïdiennes. Dans ce cas la céphalée inaugurale est décrite comme «un coup de tonnerre». Elle s intègre dans les cas typiques, à un syndrome méningé. La réalisation d un scanner ou mieux une IRM doit être une Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 3
urgence. Ces deux examens permettent de poser le diagnostic en visualisant la suffusion hémorragique dans les espaces sous arachnoïdiens et les citernes de la base. L angiographie cérébrale reste actuellement l examen de référence et recherche principalement un anévrisme artériel du polygone de Willis. Cet examen est utile à la décision thérapeutique qu elle soit neurochirurgicale ou endo vasculaire. En A scanner montrant du sang dans les espaces sous arachnoïdiens. En B IRM écho de gradient T2, suffusion hémorragique dans la citerne pré pontique. En C IRM pondérée T2, montrant l anévrisme. En D angiographie montrant un anévrisme de la bifurcation carotidienne interne. Traitement endovasculaire de l anévrisme par des microspires (Gugliemi) C-I-2/. Les dissections des artères cervicales (carotide interne) Classiquement la céphalée est inaugurale et isolée. Elle a un point de départ cervical avec une irradiation à la face et à la région encéphalique. Elle est très souvent associée à un syndrome de Claude Bernard-Horner. Dans ce cas il faut pratiquer systématiquement une exploration Doppler des vaisseaux cervicaux. L IRM cérébrale et cervicale avec une angio-mr (angiographie par résonance magnétique) des troncs supra-aortiques constitue l examen de choix en urgence, elle affirme le diagnostic, évalue le retentissement ischémique sur le parenchyme cérébral et élimine l hémorragie sous arachnoïdienne. Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 4
A B En A IRM séquence en pondération T2, montrant (flèches) un hypersignal au niveau de la paroi carotidienne, en faveur d un hématome secondaire à la dissection. En B angiographie carotidienne, montrant un arrêt en queue de radis, en faveur d une dissection de l artère carotide interne. C-I-3/. Céphalées accompagnant un infarctus cérébral Leur fréquence se situe autour de 25%. Elles sont souvent annonciatrices de l accident vasculaire cérébral (AVC) et le précède de quelques jours à quelques semaines. Dans ce cas, il est nécessaire de pratiquer une IRM qui va éliminer l hémorragie sous arachnoïdienne et effectuer le diagnostic positif et étiologique de l AVC. A B En A IRM en pondération T2 montrant une ischémie dans le territoire de l artère cérébrale postérieure. En B ARM montrant la thrombose de l artère cérébrale postérieure gauche C-I-4/. Céphalées accompagnant un hématome intra cérébral Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 5
On les retrouve dans 50 à 60% des cas. Elles sont associées à des troubles psychiques et/ou des signes focaux qui dominent le tableau clinique. La céphalée est en général unilatérale du coté de la lésion et d intensité variable. Dans ce cas le scanner permet d affirmer le diagnostic. L IRM est la technique de choix car non seulement, elle affirme le diagnostic mais permet surtout de trouver l étiologie (malformations artério-veineuses, thrombose veineuse ou processus expansif intracrânien).l angiographie peut être réalisée en fonction des données de l IRM. C-I-5/. Céphalées de l encéphalopathie hypertensive C est l apanage des hypertensions artérielles sévères. Le diagnostic repose sur les chiffres tensionnels et le fond d œil. IRM coupes en pondération T2 ; les flèches montrent la dilatation des espaces de Virchow-Robin et les doubles flèches visualisent les lésions vasculaires de la substance blanche en faveur d encéphalopathie hypertensive. Dans ce cas l exploration IRM élimine une complication hémorragique et permet de visualiser des lésions évocatrices d encéphalopathie hypertensive. Dans le cas ou l IRM n est pas disponible, il est utile de pratiquer un scanner qui permet d éliminer une hémorragie sous arachnoïdienne mais ne montre pas les lésions d encéphalopathie hypertensive. C-I-6/. Céphalées accompagnant les hématomes extra et sous duraux Ils s accompagnent souvent de céphalées avec des troubles psychomoteurs. Dans ce cas le scanner sans injection intraveineuse de produit de contraste avec fenêtre osseuse est suffisant pour poser le diagnostic et établir une prise en charge en urgence. C-I-7/. Les céphalées de la méningite aigue La céphalée est accompagnée de fièvre et d un syndrome méningé constituant le tableau clinique typique. Dans ce cas la ponction lombaire est l examen clé ; aussi il ne doit en aucun cas être retardé par les examens d imagerie. S il existe des signes neurologiques focalisés accompagnant le tableau clinique de méningite, il faut réaliser des examens d imagerie à la recherche d un abcès.l IRM est l examen de choix pour en faire le diagnostic. C-I-8/. Céphalées accompagnant une apoplexie hypophysaire Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 6
A B En A ; IRM coupe sagittale T1 montrant le macro adénome de signal hyper intense témoignant d un saignement intra tumoral En B coupe sagittale en pondération T2, montrant un niveau liquide-liquide qui affirme l hémorragie intra tumorale secondaire à l apoplexie. Elles sont exceptionnelles et correspondent à une hémorragie au sein d un macro-adénome hypophysaire. L orientation diagnostique est établie s ils s y associent : une baisse de l acuité visuelle bilatérale et brutale, une atteinte des nerfs oculomoteurs (par compression du sinus caverneux). Dans ce cas l IRM est la technique idéale pour affirmer le diagnostic de tumeur hypophysaire et montrer l hémorragie intra tumorale. Il faut retenir l axiome suivant : toute céphalée d apparition brutale doit être explorée au scanner et en IRM à la recherche d une hémorragie sous arachnoïdienne. CII/. Céphalées récentes d installation rapidement progressive Elles traduisent des céphalées secondaires symptomatiques d origine essentiellement neurologique. L hypertension intracrânienne en est la première des causes. C est une urgence neurologique. Elle traduit la présence d un processus expansifs intracrânien (tumeur, kyste, hématome sous dural etc.) et les thromboses veineuses cérébrales dont les causes sont : la méningite, les angiopathies ou l hyper tension intracrânienne bénigne ou idiopathique. CII-1/. Processus expansif intracrânien C est la première cause à rechercher. L IRM est l examen de référence car elle pose le diagnostic et apprécie le bilan lésionnel locorégional pour instaurer un geste thérapeutique d urgence. CII-2/. La thrombose veineuse cérébrale Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 7
C est la deuxième étiologie qu il faut évoquer devant une hypertension intracrânienne. C est aussi une urgence neurologique. La céphalée peut être isolée ou accompagnée de signes neurologiques focaux et/ou de crises convulsives qui sont très souvent tardives. Le diagnostic est aisément posé par l IRM qui doit obligatoirement comporter une angiographie par résonance magnétique (ARM) veineuse, qui montrera le thrombus et les infarctus parenchymateux associés. CII-3/. L hypertension intracrânienne idiopathique ou bénigne En absence à l IRM de signes de processus expansif intracrânien ou de thrombose veineuse, il faut pratiquer une ponction lombaire afin d étudier la composition cytochimique et la pression du liquide céphalo-rachidien. CII-4/. L angiopathie réversible intracrânienne Sa symptomatologie est variable et trompeuse mais les symptômes les plus fréquemment rencontrés sont les céphalées rebelles aux antalgiques. Elles peuvent être accompagnées de vomissements, de crises convulsives ou de signes neurologiques focaux. Ces signes seraient en rapport avec une vasoconstriction transitoire des artères intracrâniennes secondaires à : - au post-partum Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 8
- une intoxication médicamenteuse - une toxicomanie (crack, cocaïne) En imagerie, le scanner est souvent normal. L IRM montre des hyper signaux sur les coupes en FLAIR ou pondérées T2, siégeant dans les régions occipitales, associées à des prises de contraste correspondant à des ruptures de la barrière hémato-encéphalique. L ARM montre des images de sténose segmentaire. Le diagnostic positif est affirmé par l angiographie numérisée en montrant les sténoses artérielles intracrâniennes segmentaires et multiples. C-III/. Céphalées chroniques modifiées ou aggravées Les examens d imagerie médicale peuvent être demandés devant des céphalées paroxystiques récidivantes. Dans ce cas trois étiologies sont à rechercher. CIII-1/. L hypotension cérébrale C est une diminution de pression du liquide céphalo-rachidien. L interrogatoire du patient et le caractère positionnel de la céphalée oriente le diagnostic. Les céphalées de l hypotension cérébrale apparaissent en position debout et disparaissent en position couchée. IRM en pondération T1, pratiquée après injection IV de gadolinium ; notez l important Épaississement méningé. Elles sont secondaires à une brèche dure mérienne qui est responsable d une fuite du liquide céphalo-rachidien (ponction lombaire, anesthésie épidurale, brèche ostéo-duremerienne posttraumatique ou spontanée). Le scanner est habituellement normal. C est l IRM qui pose le diagnostic en objectivant un épaississement méningé, diffus et régulier visible sur les séquences en FLAIR (suppression de liquide) ou en pondération T1 après injection intraveineuse de gadolinium. Ce signe s accompagne d une diminution de la taille des cavités ventriculaires. S il s agit d une brèche ostéo-duremerienne, il est possible de la visualiser par un scanner après injection intrathécale de produit de contraste iodé. CIII-2/. Les tumeurs intra ventriculaires La céphalée est positionnelle car la tumeur forme un clapet qui en se fermant entraîne une hyper pression intracrânienne.l IRM est l examen de choix car il visualise le processus qui bloque la circulation du liquide céphalo-rachidien. Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 9
Kyste colloïde du troisième ventricule : hyper intense en T1 et hypo intense en T2 Il faut retenir que toute modification d une céphalée chronique nécessite la réalisation d une IRM CIV/. Les céphalées accompagnées Une céphalée accompagnée de ; fièvre, signes neurologiques focaux, crises convulsives ou une altération de l état général est secondaire à une pathologie intracrânienne aussi elle nécessite une exploration en imagerie médicale. Il faut retenir que toute céphalée accompagnée de signes généraux ou neurologiques nécessite la réalisation d une IRM. D/. CONCLUSION Comme vous pouvez le constater l orientation clinique est primordiale pour faire la part des choses entre des céphalées primaires qui ne nécessitent pas d explorations radiologiques et les céphalées secondaires ou l imagerie médicale est essentielle. Pour ce qui concerne l imagerie médicale l IRM est la technique de choix pour réaliser un bilan étiologique et lésionnel complet. Le scanner est réservé uniquement à la détection des lésions hémorragiques. Bulletin n 8 juillet 2006 2 Créé par Centre d'imagerie Medicale Youghourta 10