Orthopédie-traumatologie de la personne âgée fragile

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Orthopédie-traumatologie de la personne âgée fragile

Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo

Sous la direction de : Sylvain Terver Frédéric Martins-Condé Bernard Leblanc Orthopédie-traumatologie de la personne âgée fragile Springer

Sylvain Terver Frédéric Martins-Condé Bernard Leblanc ISBN 978-2-8178-0376-0 Springer Paris Berlin Heidelberg New York Springer-Verlag France, Paris, 2013 Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionné par la loi pénale sur le copyright. L utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu ils puissent être utilisés par chacun. La maison d édition décline toute responsabilité quant à l exactitude des indications de dosage et des modes d emplois. Dans chaque cas il incombe à l usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante. Maquette de couverture : Nadia Ouddane Photo de couverture : Valentin Uta Mise en page : Nord Compo

Collection Approche pratique en orthopédie traumatologie dirigée par Christian Fontaine et Alain Vannineuse Dans la même collection : Fractures de l'extrémité proximale du fémur A.Vannineuse, Ch. Fontaine, Springer-Verlag France, 2000 La gonarthrose M. Bonnin, P. Chambat, Springer-Verlag France, 2003, 2005 Pathologie ligamentaire du genou Ph. Landreau, P. Christel, Ph. Djian, Springer-Verlag France, 2003 Fractures du genou Ch. Fontaine, A.Vannineuse, Springer-Verlag France, 2005 Biomécanique de l épaule De la théorie à la clinique P. Blaimont, A. Taheri, Springer-Verlag France, 2006 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts D. Le Nen, W. Hu, J. Laulan, Springer-Verlag France, 2007 Réparations tissulaires à la jambe.de l os à la peau D. Le Nen, A. Fabre, F. Dubrana, Springer-Verlag France, 2011 À paraître Traumatismes ostéo-articulaires du poignet et de la main L. Obert, Ch. Fontaine, Springer-Verlag France

SOMMAIRE Introduction S. Terver 1. Vieillissement et fragilité... 1 F. Martins-Condé 2. Les patients âgés, leurs proches, le chirurgien, le gériatre et les autres... 13 F. Puisieux, R. Ciupa 3. Prise en charge de l ostéoporose de la personne âgée fragile dans le service de chirurgie orthopédique... 27 C. Sornay-Soares 4. Prise en charge nutritionnelle de la personne âgée fragile en chirurgie orthopédique d urgence et programmée... 39 S. Durand-Roger, C. Sornay-Soares 5. Les chutes... 55 B. Leblanc 6. «Parcours de soins» de la personne âgée hospitalisée. Quelles précautions spécifiques? Principaux pièges à éviter... 67 F. Martins-Condé 7. Anesthésie et suites postopératoires immédiates en orthopédie-traumatologie de la personne âgée fragile... 73 J-É Bazin 8. Le geste chirurgical... 95 Sylvain Terver, J.-P. Tourtoulou 9. Soins de suite et réadaptation après une chirurgie ostéo-articulaire chez la personne âgée fragile... 105 B. Leblanc

VIII Orthopédie-traumatologie de la personne âgée fragile 10. La préhension... 115 C. Fontaine, G. Wavreille, A. Aumar, M. Baroncini, A. Thévenon, M. Rousseaux 11. La main du sujet âgé et le vieillissement de la main... 137 C. Dumontier, M. Soubeyrand, S. Carmès 12. La marche chez la personne âgée... 145 F. Dujardin 13. Bases neuroanatomiques de la locomotion... 157 N. Chastan 14. Influence de l âge élevé sur les pathologies traumatiques des membres inférieurs... 177 F. Dujardin 15. Fractures proximales de l humérus de la personne âgée... 187 P. Chélius 16. La problématique des prothèses d'épaule dans les fractures de l extrémité proximale de l'humérus chez les personnes fragiles... 199 O. Gagey 17. Traumatologie du membre supérieur du sujet âgé fragile... 205 P. Simon, F. Weppe 18. Fracture du coude de la personne âgée... 219 T. Judet 19. Main traumatique de la personne âgée fragile... 229 C. Dumontier, M. Soubeyrand, S. Carmès 20. Main non traumatique... 237 C. Dumontier, M. Soubeyrand, S. Carmès 21. Fractures de l anneau pelvien et de l acétabulum chez le patient âgé fragile... 249 R. Bernard de Dompsure, F. de Peretti 22. Fractures de l extrémité proximale du fémur... 265 P. Chelius

Sommaire IX 23. Traumatismes du membre inférieur... 275 N. Lauper, D. Suvà 24. Lésions de la cheville et du pied chez la personne âgée fragile... 297 D. Chauveaux 25. Hanche primaire non traumatique du sujet âgé fragile... 309 J. Tabutin 26. Chirurgie de reprise de la hanche chez les sujets fragiles... 319 J. Puget, B. Chaminade 27. Arthroplastie du genou chez la personne âgée fragile... 341 P. Simon 28. Fractures périprothétiques... 347 J.-M. Féron 29. Pathologie rachidienne de la personne âgée fragile... 359 J.-C. Le Huec, S. Aunoble, F. Sibilla, R. Saddiki, F. Bertrand, N. Pellet 30. Prise en charge des métastases osseuses du sujet âgé fragile... 373 P. Simon 31. Comment prendre en charge l escarre du sujet âgé fragile... 387 A. Lortat-Jacob 32. Lésions articulaires multiples chez le sujet âgé (polyarthrite rhumatoïde)... 397 C. Fontaine, G. Wavreille 33. Les déformations articulaires fixées de la personne âgée... 413 S. Terver 34. La chirurgie orthopédique de la personne âgée. Spécificités médico-légales... 425 M. Chanzy 35. La prise de décision... 431 S. Terver, F. Martins-Condé, B. Leblanc Annexes... 443 Tableaux et échelles utilisés dans cet ouvrage

Introduction S. Terver Un livre portant sur l orthopédie et la traumatologie de la personne âge fragile est devenu indispensable pour la simple raison que les questions que cela pose sont de plus en plus fréquentes. L augmentation, prévue et déjà constatée, du nombre de personnes concernées n est pas seule en cause, bien qu étant un facteur majeur de ce besoin. Le poids financier que fait peser le handicap sur le prix déjà élevé de la prise en charge de nos anciens en est un autre. Mais plus encore, la question de la justification de nos attitudes, quand nous sommes confrontés aux lésions traumatiques ou aux demandes fonctionnelles, se pose de manière de plus en plus aiguë avec tout son contingent de conséquences organisationnelles, économiques, judiciaires et éthiques. L expérience acquise «sur le tas» nous a paru insuffisante pour permettre la réalisation d un guide pratique où trouver de tels éléments de réflexion thérapeutique. C est pourquoi nous avons demandé à tous ceux qui avaient quelque expérience dans le domaine de nous faire part de leurs réflexions. Tous ces contributeurs, que nous ne remercierons jamais assez, n avaient la plupart du temps pas eu l occasion de confronter leurs expériences, mais avaient en commun le souci d être des soignants «efficaces et justes». Cet ouvrage est bâti sur la prise en compte, dans la réflexion thérapeutique en traumatologie et en orthopédie de la personne âgée fragile, d une évaluation de la balance «bénéfice-risque», bien classique maintenant dans sa conception, mais dont nous avons essayé d adapter les graduations à la réalité de ce problème spécifique. Le plateau des «risques» est généralement supposé bien connu : le décès, la grabatisation, la perte de fonction résiduelle, l aggravation médicale, etc. Cependant, la pratique «obligée» de la traumatologie sur nos anciens a montré que les capacités médicales d une part, mais aussi les capacités réelles de nos S. Terver Service d'orthopédie traumatologie, chirurgie plastique et reconstructive Université d Auvergne 28, place Henri Dunant 63000 Clermont-Ferrand Coordonné par S. Terver, F. Martins-Condé, B. Leblanc, Approche pratique en orthopédie-traumatologie de la personne âgée fragile ISBN : 978-2-8178-0376-0, Springer-Verlag Paris 2013

XII Orthopédie-traumatologie de la personne âgée fragile patients d autre part, n étaient pas toujours bien évaluées. En tout cas, les progrès de l anesthésie, de la réanimation, de la rééducation et de la prise en charge ont largement repoussé les limites classiquement admises, à condition d une évaluation adaptée et précise, ainsi que d une préparation à cette prise en charge qui ne s invente pas sans risque majeur. À cette partie correspond toute la partie «évaluation pré-thérapeutique» des quatorze premiers chapitres, mais aussi à la partie mise en place des circuits des chapitres suivants. Le plateau des «bénéfices» est en revanche très largement insuffisamment exploré. Il y a longtemps que le bénéfice «radiologique» ou «anatomique» d un geste chirurgical a été resitué à son niveau essentiel, qui est un bénéfice à long terme : l exactitude millimétrique d une réduction fracturaire ou de l angulation d un plateau prothétique n a d intérêt qu en fonction d un devenir à long terme. Il est clair que, pour une personne âgée, cet intérêt est moins évident, d autant plus qu elle est plus «fragile». La notion de réponse à la demande est également, depuis quelques temps, un critère de réussite donné comme plus fiable dans la pratique ; en témoigne l intérêt croissant pour les (et aussi le nombre croissant des) échelles d évaluation du bien-être, de la qualité de vie ou du contentement du patient. Pour la personne âgée, il est évident que l essentiel de la demande est fonctionnelle, le but ultime de tout soin à cet âge étant de conserver le maximum d indépendance le plus longtemps possible ; de plus, en ces temps où la durée de vie moyenne d une population est modulée par la durée de vie «en bonne santé», cette indépendance se doit d être vécue «dans la meilleure santé possible». Les critères habituels d évaluation de la fonction apparaissent comme inadaptés pour cette population : durée d arrêt de travail, retour à l activité sportive antérieure, charge maximale portée à bout de bras pendant 1 minute, etc. ; c est la raison pour laquelle il nous a paru capital de tenter de définir les «fonctions» essentielles pour la personne âgée. Trois nous sont apparues majeures, car fondamentales dans la conservation d une indépendance : - la déambulation, qu elle soit aidée ou non ; - la préhension tenant compte moins de sa force que de la hauteur et de l amplitude de l espace atteignable, la précision du geste, sa tenue et son adaptation aux besoins ; - et l activité de vie quotidienne, principalement dans les fonctions de toilette, d habillement et d entretien de l espace de vie. Il est évident que cette fonction est largement dépendante des deux premières, mais il s y ajoute une notion de souplesse articulaire, de coordination, d équilibre ou de possibilité et stabilité de la station debout ou/et assise. Nous avons ajouté comme une fonction (mais plutôt comme une partie de «la meilleure santé possible») la notion de confort, intégrant la diminution des

Introduction XIII douleurs, la prévention ou le traitement des escarres, et l intégration de l amélioration de la fin de vie. Il nous semble que des demandes de ce niveau doivent être acceptées, réfléchies et conduire à une décision thérapeutique adaptée. Nous avons parfaitement conscience du caractère non exhaustif de notre choix, mais nous l avons conservé parce qu il a représenté dans notre pratique l essentiel des demandes auxquelles nous avons eu à nous confronter. Une fois ces bénéfices recherchés bien définis, il reste à les obtenir, et les propositions thérapeutiques ne seront pas forcément chirurgicales. Pour chaque lésion est proposé ce qui, dans l expérience des auteurs, paraît la réponse la plus adaptée au but fixé. Et pour chaque geste est précisé ce qui est spécifique ou spécialement important dans le cas d une personne âgée fragile, dont l état osseux est toujours plus ou moins atteint par la raréfaction calcique. Il s agit là du chapitre classique de toute question d internat : celui des méthodes. Soulignons simplement que ne seront pas exposées toutes les méthodes théoriquement possibles, mais simplement celles réellement utilisées par les auteurs. La dernière étape de la décision thérapeutique reste donc le choix : chapitre non moins classique des «indications». La décision ne peut être détaillée lésion par lésion, ni même fonction par fonction : les situations sont trop disparates : chaque patient ne peut qu être «situé» dans ces échelles fonctionnelles tenant compte des lésions observées, mais aussi de ses besoins, de ses demandes (qui souvent divergent des premières!), de ses attentes et de celles de la société, représentée par la famille, mais aussi les organismes de soins qui de plus en plus les prennent en charge, d autant plus que les fonctions diminuent. Et si la chirurgie, de même que les soins non chirurgicaux proposés par le chirurgien, offrent une palette de plus en plus ouverte de possibilités, quelques règles doivent être rappelées : tout ce qui est possible n est pas forcément bon ni même souhaitable ; aucune décision n est valide si elle ne prend pas en compte : la personne et sa situation à l intérieur de son évolution médicale et gériatrique ; l avis de l anesthésiste évidemment, mais encore la capacité du patient à adhérer à la rééducation, l ergothérapie, les soins des services sociaux, des aides à domicile, etc. ; ainsi, il ne suffit pas de bien connaître les caractères propres de la chirurgie appliquée à la personne âgée fragile, ce qui reste un attendu indispensable ; il faut aussi en connaître l applicabilité dans les différentes situations des patients concernés. Au total la décision finale ne pourra être prise qu en associant la réflexion des divers acteurs prévisibles, de sorte que la mise en œuvre soit la plus adaptée possible à la demande réelle et au réellement possible. Elle respectera ainsi, au plus près, la réflexion sur le plus grand bénéfice au moindre risque, en exposant clairement les termes au patient et à ceux qui l entourent, et pourra être mise en œuvre dans un environnement qui en autorisera le succès.